Reconnu pour la qualité et la modernité de ses réalisations sous Kontakt, Output passe la seconde avec Arcade, un instrument adossé au cloud pour faire les boucles les plus improbables. Pari réussi ?
Saluée par la critique comme par les utilisateurs depuis les débuts de la société, la qualité des productions d’Output ne repose ni sur un sampling pharaonique comme on le voit chez Spitfire ou EastWest, ni sur des scripts sophistiqués comme on le voit chez Orange Tree Samples ou Embertone, mais sur un parfait dosage entre simplicité et possibilités d’édition avec un grand soin apporté au Sound design comme au design tout court. La formule fait mouche au point que nombre de compositeurs de son à l’image et nombre de musicien pop, hip hop ou électronique figurent parmi les clients de la marque. Or, si l’on sent que les gens d’Output pourraient décliner leur système sur quantité d’instruments qu’ils n’ont pas encore été abordés (percus et batterie, guitares, pianos, etc.), Arcade surprend par ses ambitions : il s’agit non seulement d’un instrument plus global, mais il s’agit surtout du premier instrument de l’éditeur à s’affranchir de la plateforme Kontakt pour s’adosser au cloud. Il n’est donc plus question d’acheter une licence définitive mais plutôt de s’abonner à un service comme vous vous abonneriez à Netflix.
Cette dernière référence n’est pas innocente car elle est au cœur du plan de com d’Arcade qui serait, nous dit-on, le Netflix du sample. Autant dire que la chose attise la curiosité et qu’on a hâte de voir de quoi il retourne réellement.
On se précipitera donc sur ce nouvel épisode d’ORLP :
Ou on lira plus tranquillement le test suivant :
Output Touch
Arcade prend la forme d’un plug-in VST/AU/AAX de 700 Mo qui s’installe sans le moindre problème. Dans la mesure où toutes les ressources du logiciel se trouvent dans le Cloud et seront téléchargée à mesure de leur utilisation, il n’y pas de protection par numéro de série ou d’ongle mais vous devez vous connectez à votre compte Output pour utiliser le plug-in.
L’accueil est un peu déroutant dans la mesure où l’on se croirait débarqué sur une sorte de catalogue. De fait, nous sommes nez à nez avec le navigateur de ressources d’Arcade qui peuvent être de trois sortes : les boucles, les kits (qui sont des packs de boucles) et les ´Lines’, qui sont en quelque sorte des univers thématiques organisant les kits. La navigation se fait au moyen de tags et par mot-clé, sachant que chaque boucle ou kit est assorti de trois icônes : un haut-parleur pour la pré-écoute de la boucle ou d’une démo du kit, un cœur pour les marquer comme favoris et enfin une icône pour rapatrier le kit ou la boucle depuis le Cloud sur votre disque dur ou, si c’est déjà le cas, la charger dans Arcade même.
Il est inutile de vous dire qu’on retrouve à tous les niveaux ce qui fait la griffe d’Output : un Sound design moderne et inspiré qui donne envie de faire de la musique. On ne tarde ainsi pas trop à charger un kit pour voir comment ce matériau sonore peut être utilisé.
Jeu d’Arcade
Concrètement, l’instrument repose sur un concept simple : aux 15 touches blanches d’une double octave sont associées des boucles tandis que chacune des 10 touches noires de ces mêmes octaves est assignée à un modificateur.
Trois sortes de modificateurs sont proposés : Resequence (un séquenceur à pas permettant de définir pour chaque slice de la boucle son sens et sa vitesse de lecture, son volume, sa longueur, son attaque et son déclin), Playhead (pour jouer sur le sens et la vitesse de lecture uniquement, avec possibilité de définir un Cue Point à partir duquel partira la tête de lecture) et enfin Repeater (un répéteur de slices dont le comportement est soumis à trois séquenceur à pas : Pattern Reverse, Invert Steps et Randomize). De quoi mettre bien le bazar dans vos boucles, donc, de la façon la plus rythmique qui soit. Précisons-le toutefois : si vous pouvez jouer plusieurs touches blanches en même temps, le son de ces dernières ne pourra être modifié que par un modificateur à la fois, lequel travaillera sur la globalité du son produit par les touches.
Tout ce petit monde est ensuite soumis à des effets. Dans le détail, chaque boucle est ainsi envoyée dans deux bus auxiliaires pouvant comportant au maximum deux effets chacun à choisir parmi 11 : Chorus, Compressor, Multi Tap Delay, Stereo Delay, Distorsion Box, Equalizer, Filter, Limiter, Lofi, Phaser, Reverb. Enfin, une section d’effets Master complète le tout, avec la possibilité de chaîner quatre effets à choisir parmi la même liste.
Côté modulation, vous pourrez comptez sur deux modulateurs qui pourront être soit un LFO soit un séquenceur à pas et que vous pourrez assigner à la plupart des paramètres du plug-ins.
Enfin, comme d’habitude avec Output, vous disposez de quatre macros qui seront accessible via quatre glissières depuis le panneau principal de l’instrument, chaque macro étant assignable à un nombre illimité de paramètres de l’instrument.
Comme vous le voyez, ceux qui connaissent les produits Output ne seront pas dépaysés : ce sont les mêmes concepts et les mêmes outils que l’on retrouve mis au service d’un corpus de son, la principale nouveauté étant qu’il ne s’agit en l’occurence que de boucles et que ces dernières se situent dans le cloud. Cela étant dit, la formule fait toujours mouche et l’on retrouve après quelques minutes de jeu les grandes qualités d’Output : un excellent rapport simplicité/possibilités et des résultats toujours très probants sur le plan musical et sonore.
Voici quelques essais absolument pas mixés qui vous donneront une idée de ce qu’il est possible d’obtenir en pressant quelques touches et en jouant avec les macros :
- ARCADErhodes 00:23
- MandoOriginal 00:05
- Mando2nd 00:05
- Mando3rd 00:05
- ArcadeRock 00:05
- ArcadeRockPhase 00:05
- ArcadeOdd 00:05
Doué pour obtenir quantité de variations à partir de combinaisons et de traitements de boucles, Arcade n’en demeure pas moins limités sur certains aspects qu’il convient à présent d’aborder.
Music Maker ou Loop Maker ?
On regrettera en premier lieu le fait que les modificateurs comme les effets travaillent de façon globale et non au niveau de chaque boucle. En effet, on aurait aimé pouvoir appliquer des modificateurs différents pour chacune (jouer avec la tête lecture du charley sans toucher au kick par exemple) comme disposer d’effets en Insert pour, par exemple, distordre une guitare sans distordre tout le kit ou sans mobiliser un effet auxiliaire juste pour cela, q’autant qu’avec deux slots, on n’est pas très riche de ce côté. On pourra bien sûr contourner cette limitation en chargeant plusieurs instances d’Arcade mais tout devient alors plus laborieux et j’avoue que l’idée d’utiliser un bus auxiliaire pour simplement passer une boucle dans un EQ me semble bien tirée par les cheveux. Pour en finir avec les effets et traitements, je dois avouer qu’il ne se dégage pas d’Arcade l’impression de puissance qu’on a dans les productions Spectrasonics ou Sugar Bytes : cela permet sans doute au logiciel de ne jamais tomber dans le n’importe quoi mais on sent que toute cette partie effets et modificateurs demeure bien sage.
Ceci dit, les choses deviennent plus pénibles encore lorsqu’on en envisage d’utiliser Arcade pour bâtir des progressions harmoniques car aucun système n’a été pensé pour jouer avec la hauteur tonale des boucles depuis le clavier. Il aurait été simple de consacrer une octave de ce dernier à cette fonction mais l’éditeur a préféré privilégier une ergonomie en 25 touches et c’est bien dommage. Quand des variations tonales d’une même boucle ne sont pas proposées dans la banque de sons même (et elles ne sont quasiment jamais proposées), on se retrouve du coup avec deux possibilités pour le faire : soit transposer la boucle, effectuer un rendu audio et la réimporter comme nouveau sample, soit bidouiller des automations bien approximatives, sachant qu’il faudra le faire pour chaque boucle dont on veut moduler la hauteur… Si j’ai ainsi pu réaliser la séquence suivante avec les boucles proposées par le logiciel :
Il en a été tout autrement pour obtenir cette bête modulation de la tonalité de la basse :
Qui a réclamé l’automation suivante :
Sachant qu’il faudra en outre s’accomoder des limites technologiques de l’outil. Ne pensez pas en effet transposer une boucle majeure en mode mineur ou vice et versa, Output ayant certes des bonnes idées mais certainement pas de technologies avancées comme on en trouve chez Celemony, Zynaptiq ou PreSonus. Voilà qui restreint significativement le potentiel créatif d’Arcade.
Quant au fait de présenter ce dernier comme un Netflix des ‘Music Makers’, disons que la comparaison avec la célèbre plateforme de VOD s’arrête à l’usage du cloud pour stocker les sons et au modèle économique basé sur l’abonnement qui en découle. Pour le reste, ça n’a aucun rapport, car là où Netflix est une plateforme de consultation de contenu, Arcade est un environnement de création de contenu. Et si tant est qu’on puisse comparer les deux, puisque l’éditeur nous invite à la faire, disons qu’Arcade serait un Netflix sur lequel on ne trouverait que des films de karaté. Ce que je veux dire, c’est qu’on sent bien que l’outil, dans le matériau qu’il propose comme dans la façon dont il est conçu, cible les genres musicaux où une seule boucle dans une seule tonalité suffit à faire tout un morceau et où le mélange majeur/mineur ne choque pas : pour certains genres de hip hop ou de musique électronique, ça peut le faire, voire pour une courte ambiance sonore dans un film. Pour le reste, ce sera plus tendu. En gros : Loop Maker oui, Music Maker non.
Conclusion
À la lueur de ces partis pris et de ces limitations, il reviendra donc à chacun de voir si les 10 $ réclamés mensuellement valent la dépense et je vous encourage vivement à essayer Arcade gratuitement pendant 100 jours pour vous faire une idée. Le tarif n’a rien de délirant si l’on considère la qualité de ce qui nous est proposée comme la finition de l’ensemble, tandis que l’idée qu’on aura toujours plus de ressources de cette qualité est également séduisante.
Reste que si la banque de son Arcade est déjà très intéressante, s’il y a de quoi réaliser des boucles très intéressantes dans un environnement intuitif, le logiciel Arcade a une bonne marge de progression avant de prétendre être le Music Maker qu’on nous promet : une octave du clavier pour piloter la transposition des sons en temps réel semble un minimum, mais on espère aussi que la partie des traitements (qu’il s’agisse des effets ou des modifiers) saura elle-aussi évoluer, en s’inspirant au besoin de ce qu’on trouvez chez Spectrasonic ou Sugar Bytes pour ne citer qu’eux, voire des algos qu’on trouve chez Zynaptiq, Celemony, PreSonus ou l’IRCAM. Autant le dire d’ailleurs : maintenant que l’éditeur s’est affranchi de Kontakt pour proposer son propre logiciel, on va forcément avoir plus d’attentes du côté du développement…
Une affaire à suivre donc.