Marre des raccourcis clavier poulpesques et contradictoires d'un logiciel à l'autre ? Et si on vous disait qu'à moins de 150 euros, vous pouvez mettre la main sur un clavier de 15 touches complètement programmables et dotées d'un écran ?
Pour une fois, ce n’est pas un outil strictement musical que nous allons tester aujourd’hui. Mais avouez-le : au cours de vos séances de production musicale, n’avez-vous jamais rêvé de pouvoir contrôler l’ensemble de votre configuration informatique du bout des doigts, sans ne plus avoir à recourir à des raccourcis clavier parfois fort acrobatiques ? C’est ce que nous propose la société allemande Elgato avec le Stream Deck, un petit boîtier programmable prévu pour nous offrir le contrôle de (quasiment) toutes les fonctionnalités de notre configuration informatique et vendu en deux versions, l’une mini à 6 boutons vendue autour de 100 euros et l’autre à 15 boutons proposée à un tarif d’environ 145 euros.
C’est à cette dernière que nous allons nous intéresser aujourd’hui, non sans avoir fait préalablement plus amples connaissances avec son constructeur. Elgato est une entreprise allemande créée en 1992 et rachetée depuis le mois de juin 2018 par Corsair, le fabricant de RAM américain bien connu. Elle s’est spécialisée d’une part dans le domaine des produits connectés et de la domotique avec son système « Eve », et d’autre part dans celui de la capture et de la diffusion vidéo grâce notamment à sa gamme de cartes, de boîtiers d’acquisition et de fonds verts. C’est grâce à cette seconde spécialité que les Allemands se sont taillé une excellente réputation dans le milieu du streaming, et c’est en premier lieu à ce public que s’adresse le produit qui fait l’objet du banc d’essai d’aujourd’hui.
Mais nous allons voir que le Stream Deck peut largement dépasser ce cadre d’utilisation.
Prise de Deck
Ce qui frappe en premier lieu lorsque l’on découvre le Stream Deck, c’est sa petite taille. Si l’on regrettera que le câble USB 2 ne soit pas indépendant du contrôleur, l’appareil ne mesure que 118 × 84 × 21 mm pour un poids de 190g malgré la présence de quinze boutons. Ces derniers sont en plastique transparent afin de pouvoir visualiser les icônes qui s’affichent dans chacun d’eux lorsque l’appareil est en usage. Et à ce stade-là de la découverte du Stream Deck, on est en droit de s’interroger : comment les Allemands d’Elgato ont-ils fait pour proposer un affichage indépendant pour 15 boutons différents à un tarif aussi bas ? Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas ici de 15 affichages différents, mais d’un seul et unique « grand » écran disposé sous la matrice de boutons et subdivisé en 15 cases. Extrêmement malin !
Sur sa face inférieure, le boîtier dispose de quatre petits plots antidérapants. Quatre autres plots de même nature équipent le petit stand livré avec l’appareil, lequel permet de pencher le Stream Deck avec une inclinaison forte ou faible. Chacune de ces deux positions bénéficie à son tour de micro-réglages, mais ceux-ci n’apportent pas de changement réellement significatifs.
Ceci étant dit, l’ensemble dégage une sensation de qualité et de solidité. Voyons ce qu’il en est de son utilisation.
Le contrôle en action
On ne va pas faire durer le suspens plus longtemps : je vous avoue tout de suite que j’ai été pleinement conquis par l’appareil, et ce pour plusieurs raisons que nous allons passer en revue ensemble. Tout d’abord, d’un point de vue purement ergonomique, son poids légèrement marqué et ses patins antidérapants très efficaces le rendent étonnamment stable. On peut appuyer fermement sur les boutons sans craindre de voir l’appareil valdinguer à l’autre bout – et possiblement hors – du bureau. Et puisque l’on parle des boutons, ceux-ci ont une réponse bien franche qui ne laisse aucun doute sur le fait de les avoir actionnés, sans compter que l’action nous est également confirmée par une réduction visuelle de l’icône affichée sous le bouton activé.
L’affichage en question est quant à lui de très bonne qualité. L’écran est particulièrement lumineux et l’on ne note aucun effet de moirage en fonction de l’angle de vue. Seule l’épaisseur un peu proéminente des boutons pourra éventuellement entraver la parfaite lisibilité des icônes selon ce même angle de vue. Cela s’avère toutefois à l’usage un inconvénient tout à fait mineur, voire insignifiant.
Mais ce qui m’a principalement séduit, c’est le tout nouvel espace de contrôle que l’appareil m’a offert sur ma configuration informatique. Bien évidemment, les logiciels musicaux étant mes principaux outils, ils ont été les premiers à bénéficier d’une programmation de profils. Je me suis ainsi attelé à réaliser des presets de contrôle indépendants pour Maschine, Biwig, FL Studio et bien entendu mon cher Ableton Live. Dans chacun des cas, j’ai choisi d’affecter au Stream Deck des fonctions qui ne sont pas forcément gérées par les contrôleurs dédiés à ces logiciels. Ainsi, en ce qui concerne Ableton Live, j’ai entre autres affecté au Stream Deck les commandes d’ouverture du browser, de la fenêtre des options ou encore de celle des affectations MIDI.
Ce qui fait toutefois la grande force de ce contrôleur, c’est qu’au-delà des affectations à des logiciels spécifiques, les profils peuvent également être créés en fonction des contextes, ce qui peut être particulièrement intéressant si votre ordinateur ne vous sert pas exclusivement à faire de la musique. Vous pourrez ainsi vous créer par exemple un profil de navigation internet, un profil de bureautique, un profil de jeu, etc. En ce qui me concerne, j’ai créé ainsi par exemple un profil « édition » qui me rend particulièrement service dans le cadre de mon activité de rédacteur pour Audiofanzine, en me permettant notamment d’enchaîner très rapidement les lancements d’Open office, de GIMP et de Sibelius et d’accéder en un clin d’oeil à leurs principales fonctions, ce qui me fait gagner beaucoup de temps lors de la rédaction des articles pédagogiques d’harmonie entre autres.
Enfin, je salue ici particulièrement le design général de l’appareil : les 15 boutons sont suffisamment nombreux pour pouvoir bénéficier d’un nombre conséquent de commandes directement accessibles sous les doigts, tout en maintenant l’ensemble dans le domaine du raisonnable. La version « 6 boutons » de l’appareil en revanche me semble un poil congrue.
Mais il s’agit maintenant de voir plus en détail quelles sont les possibilités concrètes que nous offre le Stream Deck pour atteindre l’objectif de contrôle absolu et simplifié de notre matériel informatique. Et pour trouver le véritable cœur du Stream Deck, c’est naturellement vers son logiciel de paramétrage qu’il nous faut nous tourner.
Le contrôle du contrôle
Le logiciel porte en lui-même ce qui fait la philosophie de tout le système, à savoir la simplicité et le côté très intuitif de son utilisation. Je n’ai absolument pas eu besoin de consulter le mode d’emploi une seule fois pour comprendre comment réaliser ce que je souhaitais. Cela tient essentiellement à la grande clarté de l’interface. Nous avons ainsi une représentation graphique des quinze boutons du Stream Deck sur lesquels on peut faire glisser différents items. Ceux-ci sont issus d’une liste à la droite de la matrice, liste elle-même divisée en sous-catégories selon les contextes préétablis et les logiciels nativement compatibles avec le Stream Deck.
Ici, je me vois obligé de préciser un aspect très important du fonctionnement de l’appareil. Le Stream Deck est en effet prévu pour fonctionner nativement avec certains logiciels et plateformes orientés « streaming », comme Game Capture des mêmes concepteurs, Streamlabs OBS, OBS Studio, Tipeeestream, Twitch, Twitter, XSplit et YouTube. Cela signifie que les items leur correspondant dans la liste sont liés directement aux principales fonctionnalités de ces logiciels et plateformes, et que lesdites fonctionnalités seront toujours accessibles, que les logiciels ou plateformes concernés soient au premier plan de votre système d’exploitation ou non.
Pour ce qui est des logiciels non nativement compatibles, on devra passer par des items génériques, et leurs fonctionnalités associées ne seront activables que si le logiciel concerné est au premier plan. Les items génériques en question sont les suivants : « raccourci » pour la reproduction des raccourcis-clavier, « multi-raccourcis » pour basculer entre deux raccourcis d’une simple pression sur l’une des touches du Stream Deck, « ouvrir » pour le lancement d’une application, « site web » pour accéder directement à un site internet, « texte » pour entrer automatiquement un texte préalablement défini par l’utilisateur (tellement pratique pour ne plus avoir à rentrer manuellement ses mots de passe web sans pour autant les enregistrer dans son navigateur…), « multimedia » pour accéder à des fonctions de lecture et d’avance et de retour rapide, « multi-actions » pour programmer toute une série d’actions consécutives à la manière d’une macro, et enfin « dossier » pour créer des dossiers de raccourcis et macros au sein de la matrice, . Quand je vous disais que l’utilisation du logiciel était particulièrement évidente, je ne vous mentais pas !
Je terminerai le descriptif des possibilités offertes par le logiciel en vous citant l’item « minuteur » qui peut, après un temps défini par l’utilisateur, faire retentir une alarme sonore ou uniquement visuelle via une animation sur le bouton du Stream Deck concerné. Original et potentiellement très pratique.
Mais à titre personnel, c’est l’item « multi-actions » qui remporte chez moi la palme de l’utilité, permettant notamment de lancer de multiples applications à la fois ou d’exécuter des chaînes d’actions complexes ou répétitives. Cet item s’avère également particulièrement pratique pour accéder à certaines fonctionnalités cachées dans des sous-menus et qui ne disposent pas forcément de raccourci-clavier dédié. Il suffit alors de programmer toute la séquence de touches nécessaire en empilant au sein de la macro autant d’items de type « raccourci » qu’il le faut pour atteindre la fonctionnalité désirée. C’est très simple et tellement pratique au quotidien !
On peut créer autant de profils de configuration que l’on souhaite, et ces derniers peuvent être exportés vers d’autres ordinateurs ou des unités de stockage externes. Mais deux points particuliers rendent ces profils particulièrement intéressants. Tout d’abord, on peut prévoir un bouton sur la matrice pour les activer manuellement si nécessaire. Mais surtout ils peuvent être programmés pour s’activer automatiquement au chargement d’une application spécifique (exemple : le profil « Ableton Live » chez moi qui s’active dès que l’application du même nom se retrouve au premier plan sur mon ordinateur.). Juste génial.
De fait, le paramétrage est tellement simple qu’il ne faut pas hésiter même à se créer des raccourcis et des configurations temporaires du Stream Deck pour d’éventuels besoins ponctuels. Ainsi par exemple, je me crée régulièrement des raccourcis directs vers les articles que je suis en train de rédiger ou vers les projets sur lesquels je suis en train de travailler au sein de ma STAN.
Enfin, chaque bouton est non seulement configurable à volonté, mais on peut également lui attribuer l’aspect visuel que l’on souhaite, comme nous allons le voir immédiatement.
Contrôler son image
Elgato nous propose en effet une application dédiée à la création d’icônes destinées à habiller les boutons de l’appareil. Cette dernière se présente sous la forme d’une page web dédiée inscrite sur un magnifique fond bleu. Elle nous permet d’utiliser et de modifier des fichiers graphiques personnels ou des icônes pré-existantes et de mélanger soit les deux catégories, soit les icônes seules entre elles, sachant qu’on peut même employer des gifs animés. Enfin, on peut créer des images individuelles pour chaque bouton ou bien des « fonds d’écran » s’étalant sur l’ensemble de la matrice. Bref, c’est une palette assez large de possibilités créatives qui s’ouvre à nous.
L’interface de l’application de création graphique est divisée en quatre parties . On accède ainsi à la surface de création elle-même, à un récapitulatif des calques appelés ici « layers », et à un « inspecteur » permettant de gérer la couleur, la police de caractères, l’angle, la position, la taille et l’échelle de chaque calque, tout en nous offrant la possibilité d’adapter automatiquement la largeur et/ou la hauteur de chaque élément aux dimensions de l’image complète.
Mais la partie qui occupe visuellement le plus grand espace demeure la galerie d’icônes pré-établies. Si cette dernière peut sembler très richement fournie au premier abord, on se rend toutefois rapidement compte de deux choses. Tout d’abord, il s’agit bien souvent de versions différemment colorisées d’un même motif. Mais surtout, il s’avère que ces icônes couvrent à de rares exceptions près exclusivement le champ du streaming sur internet, avec les logos et les symboles se rapportant aux principales fonctionnalités de Youtube, Twitch, OBS, Tipeee, etc. Si vous souhaitez bénéficier d’icônes correspondant à d’autres domaines d’application, il vous faudra soit les dessiner vous-même, soit partir à la chasse à travers les galeries d’icônes gratuites (ou pas) sur internet.
Pour un contrôle étendu
Ce dernier point traduit bien le principal reproche que l’on pourrait faire pour l’instant au Stream Deck. En effet il trahit l’orientation « streaming » qu’Elgato a voulu donner à son produit et s’avère certes pertinente si l’on considère le public habituel de la marque. Mais à travers l’introduction des items génériques que j’ai décrit plus haut, Elgato a ouvert la porte vers un univers d’applications autrement plus vaste ! Et en tant que MAOiste, j’espère vraiment que la marque allemande se penchera spécifiquement sur notre cas pour rendre nos STANs préférées nativement compatibles avec son contrôleur, afin de permettre notamment de continuer à les piloter via le Stream Deck, même lorsqu’elles ne sont pas au premier plan du système d’exploitation.
Conclusion
Je pense qu’il est clair à la lecture de ce test que je suis complètement fan de ce produit. La qualité de fabrication de l’appareil en général et de l’affichage de l’écran en particulier, mais surtout la simplicité et la profondeur du paramétrage, le tout pour un tarif très raisonnable en regard des possibilités offertes, font du StreamDeck un périphérique que l’on pourrait imaginer devenir rapidement presque aussi indispensable que la souris.
On peut simplement espérer qu’Elgato améliore encore l’interaction déjà très développée de son contrôleur avec des logiciels situés en-dehors de la sphère du « streaming », cependant qu’on n’aura rien à regretter d’autres que le fait que le câble USB soit soudé à la machine. Mais les possibilités prodigieuses déjà offertes par le Stream Deck m’ont rendu dorénavant incapable de me passer de cet appareil. Succomberez-vous également ?