Un an et demi seulement après la sortie du Akai MPC Key 61, la marque sort une version plus petite de son concept de groovebox MPC avec un clavier, la MPC Key 37. Simple déclinaison ou affinage du concept, c'est ce que nous allons voir à présent.
Il y a un an et demi, nous avions testé dans nos colonnes un produit assez intéressant, le Akai Professional MPC Key 61, une proposition dans la continuité de leurs nouvelles sorties « groovebox / beatmaking ». Depuis quelques années, la marque est très active sur ce segment ainsi que sur celui des contrôleurs, comme vous avez pu le voir chez AudioFanzine, notamment avec les tests du MPC Studio mk2, des derniers APC 64, mini ou Key 25. En matière de grooveboxes, la gamme du moment consiste en la One+ sortie l’an dernier, la Live 2 sortie en 2020, la MPC X SE en 2023 également, qui sont respectivement des versions plus puissantes avec des différences mineures de design de la MPC One, la MPC Live, et la MPC X.
Chacune de ces grooveboxes est globalement la même chose, elles tournent sur un même MPC OS dont les mises à jour profitent à tous les produits, sont compatibles avec la version desktop de ce même MPC OS, et diffèrent par le nombre de contrôles, la connectique, l’autonomie sur batterie, la présence du WiFi ou de l’Ethernet, et la puissance embarquée principalement. On y trouve systématiquement un écran tactile de très bonne facture qui rend l’usage de ces véritables STANs hardware plus agréables, ainsi que différentes nuances pour les 4 × 4 pads emblématiques des produits estampillés MPC.
Le MPC Key 61 quant à lui est plus ou moins la même chose, mais avec un clavier 61 touches supplémentaire évidemment, le Touch Strip du contrôleur MPC Studio mk2 que l’on ne voit pas sur les autres produits, des couleurs et une organisation des contrôles entre la MPC X SE et la MPC Live 2, et nous avions dit du bien de cette proposition qui peut parler autant aux beatmakers qu’aux claviéristes fatigués par les workstations traditionnelles et qui apprécient le workflow MPC. Workflow sur lequel on a pesté régulièrement d’ailleurs, à cause d’un certain nombre de bizarreries qui sont imposées à contre-courant des usages actuels dans les STANs plus traditionnels (coucou les programmes) ou des grooveboxes taillées pour le live. Mais grâce aux efforts d’Akai qui a mis à jour très régulièrement l’OS et à un peu d’accoutumance, cela ne nous a pas freinés suffisamment pour ne pas nous enthousiasmer par la puissance accessible sur ces machines, qui permettent de sampler, d’enregistrer de l’audio extérieur, de séquencer, de looper, d’interagir avec des instruments extérieurs, et même d’utiliser une gamme propriétaire, mais grandissante de plug-ins d’instruments virtuels et d’effets pour les inserts et les sends, permettant de faire pratiquement la même chose que sur un ordinateur avec un workflow assez similaire quand même.
Et puis au milieu de tout ça, se trouve également un OVNI, la MPC Force, qui avait défrayé la chronique à sa sortie à cause d’un changement total de workflow et d’OS, de sa grille de 64 pas qui rappelait d’autres produits Akai que les MPCs, et surtout la sortie du produit à moitié fini, mais qui a depuis bénéficié d’un nombre conséquent de mises à jour, malgré l’OS qui n’est pas le même que les grooveboxes citées ci-dessus, dont une récente qui le rend compatible avec les derniers plug-ins propriétaires dont ont pu bénéficier tous les utilisateurs des MPCs.
Si vous avez réussi à me suivre jusqu’ici, bravo à vous ! Et surtout, si je vous parle de tout cela, c’est parce que le sujet de ce test, la groovebox/STAN hardware avec clavier MPC Key 37, que l’on peut d’ores et déjà définir comme une alternative avec moins de touches et moins de contrôles que le MPC Key 61, est à l’heure d’aujourd’hui le résultat de plusieurs années de réflexions, de feedback, de design et de sorties de grooveboxs et contrôleurs par Akai. Et certaines évolutions du produit depuis sa sortie initiale à la fin de l’année dernière font que ce test permettra de dire des choses nouvelles par rapport à ce que nous avons déjà publié précédemment, alors regardons ce nouveau joujou sans plus attendre !
Akai Pirinha
Le Akai MPC Key 37 est donc une groovebox, dans la tradition des dernières MPC de la marque, proposée actuellement au tarif de 850 euros environ, et qui ressemble à une version plus petite rouge du MPC Key 61, actuellement à 1300 euros. Nous sommes en face d’un One+ auquel on a rajouté un clavier semi-lesté de 37 touches de très bonne facture, avec son écran tactile couleur de 15 × 9.5 cm, deux molettes de pitch et de modulation, un master volume, les pads 4 × 4 emblématiques du One+ un peu plus petits que sur les MPCs plus classiques, les 4 encodeurs Q-Link, un gros encodeur push avec ses deux boutons plus et moins, deux boutons pour le choix de l’octave, des LEDs ci et là, et 34 boutons pour la navigation dont 5 pour le transport (Rec / Overdub / Play / Play Start / Stop). D’entrée de jeu, nous remarquons l’absence du Touch Strip du Key 61, la suppression d’une des lignes de commandes de transport, et un énième changement d’emplacement et de nature des boutons sur un nouveau produit Akai (s’il vous plaît, ne faites plus ça, un peu de cohérence ne fait pas de mal). Néanmoins on retrouve facilement ses petits si on connait le workflow de ces machines, d’autant qu’on retrouve le fameux système d’exploitation MPC OS, en version 2.15 au moment du test (on en reparle plus loin).
La machine est plutôt légère, pèse moins de 4 kg et mesure 582 × 314 × 104 mm. Niveau connectique, on reste sur à peu près la même proposition que sur le MPC Key 61 également, à quelques détails près : bouton power, mini prise d’alimentation, deux prises USB-A et B, un lecteur de carte SD, deux entrées et deux sorties gauche/droite audio jack, une sortie casque jack, un potard de gain pour les entrées, une entrée et une sortie MIDI au format DIN, 4 sorties CV/gate labellisées d’une manière qui sous-entend qu’elles sont TRS et qu’on en a en fait 8, et trois entrées expression/FS2/sustain. Autant dire qu’on a largement de quoi faire ici, et nous sommes même agréablement surpris par la présence du CV/gate pour interagir avec des synthétiseurs modulaires. D’ailleurs, les ports USB permettent de faire pas mal de choses, puisqu’on peut alimenter du matériel, faire nos upgrades ou piloter diverses choses sur l’ordinateur, brancher des contrôleurs externes et même des interfaces audio qui seront reconnues dans la MPC !
Sur le Key 61, il y avait en plus le MIDI Thru, 8 sorties CV/gate mono, un port USB en plus, une entrée Ethernet, et une grosse entrée alimentation donc sans transfo externe, deux sorties en plus, un format différent pour les deux entrées avec potards de gain dédiés, switch ligne/instrument et même switch alimentation fantôme, mais pas de lecteur de carte SD. On est sur du plus haut de gamme, mais la proposition du Key 37 est déjà très riche. On devine également que les deux machines ont des capacités en termes de puissance un peu différentes, et qu’il sera possible de faire tourner plus de pistes et de plug-ins sur le Key 61.
Le MPC Key 37 est livré avec les câbles d’alimentation, un câble USB, des documentations de démarrage, et un bundle assez sympathique de plug-ins disponibles dans la machine et sur la version desktop/STAN du MPC OS. Le fait que les projets puissent être lus sur les deux plateformes est d’ailleurs une trouvaille assez intéressante, qui permet pas mal de choses pour faire le mixage proprement de ses créations dans le groovebox vers le STAN, plus intéressante encore qu’une simple exportation multipiste d’un projet, d’autant que le STAN permet aussi de charger des plug-ins desktop en plus de ceux incorporés dans la machine. Cela fait définitivement partie des bons points de l’écosystème, qui nous dit « DO IT ! » au lieu de OK quand on doit valider une commande :)
Akai moins en plein été
Au démarrage de la machine, après un petit temps de chargement, après avoir vu tous les pads et boutons s’éclairer de mille feux et couleurs, on pourra ouvrir un des projets de démonstration, créer un nouveau projet, charger le dernier projet sur lequel on a travaillé si on le configure ainsi, ouvrir un template, etc., et on se retrouve alors dans la vue principale de l’OS. Les projets de démo sont d’ailleurs d’assez bonne facture tout comme le contenu factory.
- Démo Dance Hall01:34
- Démo Deep House00:52
- Démo Drum and Bass00:54
- Démo Future Bass00:41
- Démo Hip Hop00:46
- Démo Tech House01:09
- Démo Techno01:00
La groovebox fonctionne ainsi comme un STAN, mais en version portable, avec des pistes de différents types : plug-ins, clips à la Ableton Live, MIDI, CV, audio, banque de sons drums assignés aux pads ou keygroup. Le contenu en sons de drums proposés est très intéressant et pioche dans les contenus disponibles depuis des années dans l’écosystème, le type CV permet d’interagir avec le monde modulaire, et on va surtout s’intéresser au type plug-in ou instrument virtuel. En plus de pouvoir charger des plug-ins d’effets sur chaque piste, sur le master bus et dans les retours, on dispose en effet de quelques plug-ins Akai disponibles en bundle avec la machine qui sont les suivants : Bassline (dédié aux sons de basse, monophonique), Drumsynth, Electric (sons de pianos électriques/FM et modélisation physique), Hype (synthétiseurs polyphoniques avec plusieurs moteurs dont VA ou Wavetable), Mellotron, Odyssey, Solina et Tubesynth (un autre synthétiseur polyphonique assez intéressant). Non seulement ils sonnent plutôt pas mal, mais en plus tous leurs paramètres sont accessibles via l’écran tactile dans l’onglet Edit et on peut assigner certains contrôles aux potentiomètres Q-Link. Ils ont même le luxe d’avoir une interface graphique plutôt jolie, ce qui change des grooveboxes avec les paramètres soumis au menu diving et présentés exclusivement avec du texte… Pour moi c’est vraiment un des gros points forts de la solution MPC, les moteurs sonores présents sur d’autres machines aux mêmes tarifs étant le plus souvent très rudimentaires !
Niveau effets, le bundle AIR proposé avec la machine couvre un panel de besoins assez large, même si personnellement je n’aurais pas dit non à plus de réverbes, et seuls quelques plug-ins récents ne sont pas inclus. Ce qui nous laisse jouer avec du compresseur, des délais, des distorsions, filtres, modulations, simulations d’amplificateurs, pitch, autotune, etc. Au niveau des instruments toutefois, il faudra débourser jusqu’à quelques centaines d’euros pour utiliser les dernières modélisations de sons de piano et piano électrique, de Minimoog, de synthétiseur Juno-60 ou leur OPx-6 dédié à la synthèse FM. Heureusement, le bundle inclus aussi un bon pour avoir un de ces plug-ins gratuitement en plus du reste, et qu’il y a aussi des packs d’extensions avec présets et samples. Notons d’ailleurs que tous ces plug-ins peuvent être téléchargés/activés en version d’essai de 10 jours via WiFi s’il vous plaît, en connectant la machine à son compte Akai, ce qui est un workflow plutôt intéressant ! On note aussi la possibilité de synchroniser la machine avec un compte Splice pour accéder à tous ses sons enregistrés.
Précisons que nous n’allons pas revenir ici dans le détail sur le workflow de l’OS ou sur le son des plug-ins embarqués par la machine, car nous avons déjà largement parlé de tout ça dans le test du MPC Key 61 que nous vous invitons à relire si vous le souhaitez, écrit par newjazz avec d’excellentes démos des différents instruments virtuels, qui tiennent carrément la route dans ce contexte. En gros, l’interface s’articule autour de plusieurs onglets, accessibles directement via les boutons associés ou via l’écran tactile, avec les différentes pistes, le piano roll, le choix du plug-in ou des présets, l’édition des programmes, les préférences, le mixage, des mutes par piste assignables aux pads, le mode song qui permet d’agencer l’ordre d’exécution de nos séquences, l’interface d’édition des samples, un looper qui fonctionne avec l’entrée audio, etc. On apprécie aussi de pouvoir se passer de l’appui sur le bouton Shift pour accéder à certaines commandes secondaires via deux rapides appuis sur le bouton en question. Et l’onglet dit du menu permet à tous les autres, en proposant aussi un accès à un accordeur, à un pad XY pour les effets, ou à la charge mémoire + CPU utilisées dans le projet en cours.
Pour le reste, le workflow est définitivement celui du Akai MPC OS avec son lot de bizarreries, auxquels on peut se faire avec un peu de pratique, mais qui a souvent tendance à faire perdre du temps inutilement : organisation du contenu des pistes en programmes, choix de présets qui disparaissent en changeant de pistes, Q-links qui s’associent aux mauvais paramètres, fonctionnalité de progression d’accords par pads un peu particulière, impossibilité de pouvoir assigner un paramètre fixe à un encodeur, limitations en taille de mémoire RAM pour charger des fichiers audio longs, édition des notes dans le piano roll ou le step sequencer fastidieuse, avec des fonctionnalités assez rudimentaires pour une groovebox (pas de générateur de notes ou de randomisation par exemple), navigation dans les sons et inclusions des sons du projet d’un autre temps, documentation officielle assez succincte, voire parfois illisible, en voulant mélanger des infos sur toutes les MPCs en même temps, et pratiquement nécessité d’acquérir une certaine documentation payante maintenue par MPC Tutor qui aide franchement à mieux appréhender la machine et son workflow…
Toutefois, une fois que l’on a pris ses marques, il est aisé de faire (un peu) abstraction de tout ça devant toutes les possibilités offertes par la groovebox, et personnellement, n’ayant pas eu la MPC Key 61 sous la main, je découvre l’alchimie entre l’OS, les pads et la présence du clavier qui fait absolument sens (avec aftertouch d’ailleurs) et qui permet à la fois de faire ses productions musicales, mais aussi de jouer des différents instruments proposés, ce qui est vraiment une expérience plaisante. J’ai pu également me rendre compte que la groovebox s’accommode très bien de mon setup modulaire, et que le plug-in Hype est livré avec pas mal de présets de risers :)
MPC OS 1 PB ?
Depuis la sortie du MPC Key 61, il est intéressant de souligner que l’OS a eu plusieurs mises à jour, qui concernent à la fois la version desktop et toutes les machines qui tournent sous MPC OS, avec des corrections de bugs, des améliorations du workflow, des nouvelles fonctionnalités qui ont leur bouton assigné sur la MPC Key 37, mais qui sont accessibles aussi sur les autres machines, et de nouveaux plug-ins. Par exemple, depuis la 2.13, on a eu droit aux plug-ins AIR Chorus, AIR Multitap Delay, AIR Expander, AIR Vintage Filter, le Vocal Tuner, le fameux AIR Soft Clipper, etc., à la possibilité de charger un projet spécifique au démarrage, à la fonction disponible sur l’interface du MPC Key 37 Latch + Chord (qui permet de jouer un accord, puis ensuite de le déclencher d’une touche sur tout le registre du clavier).
Et surtout, on a eu d’excellentes modélisations du Minimoog et du Juno-60 (que l’on peut entendre ci-dessous avec le Stage EP Piano), qui sonnent vraiment très bien et qui sont très agréables à manipuler sur la machine.
On pourrait parler aussi du Sub Factory qui est sorti le 08/08 pendant l’écriture du test et qui a l’air d’être une sacrée machine à sons de basse. Mais évidemment la grosse nouveauté déjà présente sur les machines c’est Stems, qui permet de faire de la séparation de pistes à partir d’un fichier stéréo contenant le mixage de plusieurs pistes. La fonctionnalité s’utilise très simplement via le menu idoine, et permet d’exporter en 4 clips le contenu d’un seul (basse, drums, voix, autres). Comme souvent avec ce type d’algorithmes, l’efficacité et la propreté du rendu de chaque piste vont être très dépendants du matériel de base, et pas toujours faciles à utiliser isolés. Mais avoir ce genre d’outil est largement suffisant pour étendre les possibilités du sampling classique, donner le feeling d’un matériel de base à du matériel original, et même donner des résultats relativement propres en choisissant des sources et des timelines pas trop chargées.
On remarquera toutefois que le rendu de Stems est sensiblement différent entre la version embarquée sur le hardware, et celle accessible dans le STAN MPC 2. Sur la boucle qui a été utilisée pour faire le test, on entend une nette différence avec la version desktop qui semble réussir un peu mieux la séparation entre les pistes, avec moins de repisse ou d’artefacts de type « phase bizarroïde », avec la partie basse qui semble par contre un peu plus agressive peut être. Nous ne savons pas si c’est juste une affaire de puissance disponible dans un cas ou dans l’autre, mais peut être serait-il souhaitable de pouvoir obtenir les mêmes résultats dans les deux cas, voire d’avoir accès à quelques paramètres de l’algorithme pour pouvoir personnaliser le rendu en fonction de la matière sonore à traiter.
- MPC Stems Standalone Demo01:03
- MPC Stems Desktop Demo01:04
Impossible enfin de ne pas vous parler de la toute dernière nouveauté de l’écosystème, à savoir la version 3 du MPC OS, accessible à quelques heureux élus en version bêta ! Nous n’avons pas pu la tester pour le moment, mais un certain nombre d’éléments ont attiré notre attention suffisamment pour qu’on vous en dise quelques mots.
La grosse nouveauté de cette version 3 c’est évidemment toutes les améliorations de workflow assez radicales, avec la suppression des programmes, un accès simplifié à certaines fonctions, et les améliorations diverses et variées sur les séquenceurs que l’on a pu observer dans les vidéos officielles. On remarque l’usage d’un certain nombre de nouveaux codes couleur qui améliorent la visibilité des éléments piste par piste, que ce soit dans le séquenceur ou dans les vues pour le mixage. Et nous avons noté aussi la présence du streaming directement sur le disque dur interne (de 25 Go en gros au passage) ou sur les disques externes (SD et USB), ce qui va permettre d’augmenter pas mal la taille des clips et de se rapprocher du workflow d’un enregistreur multipiste, ce qui est très appréciable. Autres fonctionnalités aussi qui ont l’air de rien, mais qu’on attend de pied ferme, la randomisation dans le séquenceur ou la possibilité d’assigner aux encodeurs des paramètres fixes quelque soit le contexte. On vous reparlera de tout ça évidemment à la sortie officielle de l’OS, mais cela améliore déjà grandement la proposition d’Akai avec cette MPC Key 37 et tous ses autres produits, les bizarreries de workflow faisant partie des éléments problématiques sur les MPCs.