Doucement mais sûrement, la marque française Prodipe fait son trou dans le petit monde de l'audio, et notamment le marché de l'enceinte de monitoring où ses Pro8 risquent de faire quelques ravages.
Dans la compétition effrénée que se livrent les fabricants de matériel de home-studio, la marque française Prodipe semble avoir pris une longueur d’avance, en nous proposant ses moniteurs Pro 5 à 299 euros pour 75 Watts et Pro 8 à 399 euros pour 140 Watts, les 2 tarifs s’appliquant, vous n’allez pas le croire, à la paire d’enceinte ! Non ce n’est pas une farce, et c’est même une très bonne nouvelle, comme nous l’a pu révéler le test de la semaine, alors que nous étions particulièrement impatient de mettre sur la sellette un produit tellement bien placé qu’il en est forcément louche…
Du matos excellent à un prix jamais vu, cela ressemble certes à un slogan publicitaire éreinté, sorti in extremis des derniers neurones entartrés d’un D.A. ayant depuis longtemps fait le deuil de ses envolées créatrices et de ses cloisons nasales. C’est pourtant le credo d’une nouvelle gamme de produits baptisée PRODIPE, fabriquée et distribuée par une société française que tous les info-musiciens connaissent bien, à savoir IPE Musique (Comprenez donc PRODIPE comme PRODuction d’IPE, pour ceux qui n’ont jamais été espion). Et il faut bien dire qu’à part le poncif de la réclame, cela commence très fort, puisque l’on nous propose ici deux modèles de monitors à des prix presque jamais égalés, sauf peut-être sur les rayons karaoké de quelque chaîne d’hypermarché.
Alors même si, en ces temps de mondialisation chinoise, il ne faut plus s’étonner de rien dans la sphère de la consommation, on est tout de même un peu sceptique à l’annonce de tels tarifs, encore plus serrés que ceux des concurrents internationaux les plus agressifs en matière de qualité/prix. Il fallait donc sans tarder faire chanter ces divas pour qu’elles soient jaugées par les seuls juges compétents en la matière : nos chères petites oreilles…
Pro 8 au rapport !
De conception identiques, les Pro 5 et les Pro 8 diffèrent de par leur puissance et le diamètre de leur boomer, qui, c’est logique, mesure 5’’ pour les premiers, et 8’’ pour les seconds. C’est le modèle Pro 8 que nous avons testé, qui, fier de ses 140 Watts, contre 75 pour son petit frère, va tenter de nous démontrer les qualités de sa marque…
Dès la première rencontre, on est séduit par un look sobre mais gracieux : caisson aux arrêtes moelleuses, d’une finition noire réussie, connexions fixées sur une solide plaque de métal en acier brossé laquée noire, potars costauds, boomer en kevlar d’une belle couleur brune égayant l’ensemble, cercles de fixation des haut-parleurs larges et soignées…
L’ensemble respire indubitablement la sérénité d’une élégance sûre, qui présage fort bien de la qualité technique et acoustique de ces nouveaux moniteurs français !
Technique
Côté technique donc, tout va bien également, puisque l’on découvre sur cette fameuse face arrière que l’on peut recourir à 3 types de branchements ( XLR ou jack TRS 6.35’’ pour la connexion symétrique, et C-inch pour la connexion asymétrique), que l’on peut régler le gain d’entrée sur une échelle de –30 à + 6dB, que l’on dispose également d’un contrôle de puissance des aigus grâce à un potar à 4 positions (-2 dB, –1 dB, 0dB et +1 dB), et que si l’on décide de vectoriser son home-studio aux States, n’êêêst-ce pôaaa, on pourra aisément commuter l’alimentation de 220V à 110 : génial !
On regrette un peu que le voyant d’alimentation, au demeurant d’un fort joli bleu, soit également situé sur la face arrière, alors qu’il aurait été du meilleur effet sur son homologue antérieure, ce qui lui aurait de plus permis de remplir son rôle ! Mais bon, on est dédommagé par la présence de l’évent de décompression de type « Bass reflex » sur la face avant, ce qui permettra de coller le moniteur plus près d’un mur, le cas échéant (plus qu’échéant d’ailleurs dans un home-studio !), sans risquer de perturber son bon fonctionnement. Jusque là, tout va donc pour le mieux, avec une connectique complète et des réglages de base qui permettent une utilisation universelle des Pro8
Pour les pointilleux amateurs de détails croustillants, notons enfin que les boomers sont fabriqués en kevlar tressé selon le motif du nid d’abeille, alliant ainsi une excellente souplesse et une bonne solidité, et qu’ils sont isolés du caisson grâce à une large membrane de caoutchouc, assurant une mobilité parfaite. Les aimants des transducteurs sont d’autre part blindés par des caches en acier anodisés, et enfin, les tweeters, en forme de dôme et en soie, ont tous leurs éléments magnétiques immergés dans du ferrofluide.
Le passage d’un transducteur à l’autre s’effectue au moyen d’un filtre actif de 3ème ordre, à 24 dB par octave, autour de la fréquence de 2.4 kHz (18 dB et 3 kHz pour les Pro 5). On dispose donc des composants d’une qualité rarement atteinte dans cette gamme de prix, et l’on commence à vraiment croire en l’efficacité de la politique de monsieur PRODIPE, qui affirme obtenir un tel rapport grâce à une maîtrise complète de la chaîne, de la conception à la distribution.
Bon, d’accord, mais penchons nous un peu sur ce qui nous importe vraiment, à nous, les engouffreurs de vibrations, les sauterelles du décibel, à savoir le son, la couleur, le timbre, le ciselé, la patate, la gouache, quoi !
Dans ta face !
Bien sûr là, de nombreux chemins se séparent, comme après une soirée pourrie de Saint Valentin sous la pluie. Car en effet, quoi de plus personnel qu’une paire de moniteurs, à part une brosse à dent ? C’est pourquoi, en dehors des vérités bien subjectives, qui consistent à glapir que, putaing, ça sonne à donf, ou plus objectives, qui se résument à constater que les Pro 8 offrent une écoute claire, précise, avec très bon équilibre des fréquences, des basses ronflantes sans êtres floues, et des aigus transparents et pas trop agressifs, nous allons essayer de passer au crible de notre écoute quelques petits morceaux de bravoure de la production internationale, soit, en clair, se faire péter quelques CDs que l’on connaît bien, pour les avoir élimés sur une bonne trentaine d’écoutes différentes…
'Reinventing The Steel’ de Pantera
Commençons donc par du très lourd, avec le morceau Hellbound, qui permet de voir comment réagissent les moniteurs à un uppercut de Tyson. Ici, le phasing de la guitare, notamment sur l’intro, ressort avec une bonne diffusion, ainsi d’ailleurs que le mouvement stéréo des cocottes du couplet, particulièrement entrelacées. Même à fort volume, l’espace est conservé, et la voix bien placée, ce qui est une vrai gageure sur ce type de production. Le kick de la grosse caisse, si important dans le son de Vinnie Paul, palpite au sein des boomers avec une vitalité impressionnante et ne se perd jamais, même dans les plans serrés. Certes, les bas medium ont tendance à prendre le dessus quand on pousse, et les toms de la rythmique, par exemple, perdent un peu de leur attaque, noyés dans les fréquences les plus basses de la guitare. Rien de très gênant, d’autant que c’est probablement l’option du mixage ici !
'Californication des Red’ Hot Chili Pepper
Redescendons un peu dans la hiérarchie du coup de poing ! Sur le titre éponyme de cet album remarquablement produit, on peut découvrir le sens du volume des Pro 8. Les guitares se placent précisément dans le champ stéréo, et la batterie de Chad Smith est carrément dans la pièce ! Toutes les ghosts notes sont restituées et le jeu à l’incroyable amplitude dynamique du batteur renaît ici devant nos oreilles. Le solo de guitare, pourtant vraiment exagéré dans le style décharné, garde un son crémeux, et ne vire pas, comme trop souvent, à l’acide…Pas de medium clinquants, pas d’aigus saturés, même avec la patate, le morceau reste à la fois incroyablement propre et pêchu : un régal…
'Dynamite’ de Jamiroquai
Sur le morceau « Feels Just Like It Should », dont la production rappelle étrangement celle des 2 premiers albums de Lenny Kravitz, on retrouve un mélange de sonorités hétéroclites, avec des basses très synthétiques, des drums très vintage, des guitares mouvantes et des voix aux multiples doublages. C’est donc l’occasion de vérifier la neutralité des Pro 8. Et effectivement, rien ne nous saute à la figure. Tout en respectant l’acidité des basses, les moniteurs leur donnent un corps respectable, et un dessin précis. On remarque la présence particulièrement élégante du charlé, qui tout en se plaçant devant, au milieu du mix, ne siffle absolument pas. Les chœurs gardent un bon relief, bref, la marmite bouillonne avec ce genre de fumet aigre-doux que sait si bien concocter Jamiroquai…
'Aerial’ de Kate Bush
Le dernier album de l’égérie de l’ange Gabriel signe un dernier album multicolore, mélangeant les steppes glacées où elle se sent si bien, et chaleur diffuses, toutes en nuances géométriques. Idéal donc pour tester l’universalité des PRODIPE. Là encore, les mélanges sont clairs, et les empilement de timbres contradictoires, entrelaçant piano, pads, guitares, percussions, restent parfaitement distinctes. Les différentes textures orchestrales, toujours amplement manipulées par Mrs Babooshka, ont l’occasion ici de révéler le bon équilibre des harmoniques, notamment sur les cordes. On apprécie aussi particulièrement la chaleur des mediums de la voix lead. Incontestablement, ces moniteurs permettent un travail calibré sur la voix, ce qui s’avère bien pratique, pour les compositeurs de chansons.
'The Pearl’ de Brian Eno
Voyons un peu jusqu’où les Pro 8 peuvent dérouler les nimbes horizontales des mythiques réverbes du sieur Eno, particulièrement éthérées sur le morceau A Stream With Bright Fish, qui mélange des pads sulfureux à des égrenages pianistiques noyés dans les convolutions… On apprécie ici le velouté des réflexions, pas trop colorées, et l’espace qui se dégage. Véritablement doués pour la bonne restitution des volumes, nos moniteurs arrivent parfaitement bien à donner l’impression de flotter dans les paresseux remous des fantasques décollages éniens (non, je n’ai rien pris, à part un petit café…).
'Les Variations Goldberg’ de Bach par Glenn Gould
On sait que le pianiste canadien était un fanatique du son et la version des Variations réalisée en 80 m’a toujours semblé un étalon de ce qui devait être visé en matière d’enregistrement de piano. Ici, le détaché du jeu gouldien, notamment dans l’Aria, ressort particulièrement bien, avec une bonne restitution de l’air qui semble baigner les différentes voies. L’agressivité de la variation 2, est, dans un registre opposé, très bien encaissée par les Pro 8, qui ne sourcille pas devant les basses martelées de cette interprétation. Là encore, équilibre et précision, espace et stéréo…
Conclusion
La première qualité qui ressort d’une séance de travail avec les Pro 8, c’est qu’elles ne sont pas fatigantes. Le bon équilibre des fréquences permet une écoute qui peut rester précise même à volume moyen, et la douceur des aigus, que l’on peut éventuellement contrôler grâce aux 4 positions de réglage du potar d’égalisation, permet de trouver un bon équilibre dans un mix sans se cisailler les tympans avec des hautes fréquences saturées par rapport à l’ensemble du spectre, comme c’est parfois le cas sur des modèles de monitors bon marché.
Dans le registre opposé, les basses remarquablement présentes, elles aussi parfaitement ciselées, permettent une bonne assise de l’écoute, et facilitent un équilibrage lumineux : on n’est pas obligé de les monter à fond pour se sentir vibrer à l’intérieur, et de faire exploser ensuite les boomers de sa chaîne hifi.
C’est d’ailleurs le principal côté positif des PRODIPE : elles offrent un mixage universel. J’ai ainsi constaté que les 3 titres que j’ai remixé en les utilisant passaient parfaitement bien sur des écoutes très différentes, telles que des NS10 Yamaha, des DS 90 Roland, des petits haut-parleurs d’ordinateur, un casque Beyer DT 770, ou encore une mini-chaîne toute pourrave mais bien pratique pour vérifier un équilibre, car excessivement sévère ! Pas de mauvaises surprises donc dans l’ensemble, surtout au niveau du placement des voix qui reste homogène sur les différents moniteurs de contrôle.
On apprécie donc à la fois la puissance des Pro 8, qui permet de s’envoyer quand même le boulet lorsque l’on a envie de se faire plaisir, avec un bon bain de basse (merci le boomer de 8’’ !), des aigus jamais scintillants, et la relative neutralité des couleurs à différents niveaux d’écoute. Sans aucun doute, l’utilisation de composants de qualité, sert ici un monitoring efficace, mélangeant universalité et chaleur. Bref, une recette réussie, à un prix imbattable !
Notons enfin pour ceux qui ont besoin de travailler sur les infra basses, notamment pour de remix destinés aux Dance Floors, que Prodipe propose un caisson de basse, baptisé le Pro 10s, d’une puissance de 220 watts, pour 299 euros de plus, enfonçant encore ici le clou dans le domaine du rapport qualité/prix.
[+] Excellent rapport qualité/prix !
[+] Construction sérieuse.
[+] La puissance
[+] Le bon équilibre global et la bonne image stéréo en regard du prix
[-] Le voyant de l’enceinte situé sur la face arrière.