Dans la mythologie grecque, Eris est la déesse de la Discorde, mais aussi de l’émulation : dans l’Iliade, Zeus lui demanda d’aller motiver les chefs grecs partis en guerre. Ces premières enceintes signées PreSonus motiveront-elles les home-studistes pour qu’ils façonnent des mix parfaits ? C’est ce que nous allons voir…
Le constructeur louisianais avait surpris son monde lors du dernier NAMM en annonçant non pas une nouvelle série d’enceintes de monitoring, mais deux. La première, dénommée Sceptre, adopte un design coaxial et un positionnement clairement haut de gamme, tandis que la série Eris qui nous intéresse aujourd’hui se place en entrée de gamme, directement en face des gros succès commerciaux que sont les Mackie MRmk3 et Yamaha HS. Presonus étant encore novice sur ce marché, le combat s’annonce rude. Mais fort heureusement, la Eris E8 que nous avons en test aujourd’hui a plus d’un tour dans son sac…
C’est une boîte noire
Ce n’est pas au déballage que l’Eris se fait particulièrement remarquer. En effet, si le design est globalement réussi, il reste très sobre. Peu importe, on ne juge pas une enceinte à ses excentricités physiques. Malgré tout, on remarque sa compacité par rapport aux Mackie MR8mk2 posées juste à côté : ses dimensions sont 250 × 299 × 384 mm. Elle est donc moins haute, moins large et moins profonde que notre Mackie. De même, son poids est de 10,07 kg, soit deux kilos de moins que la MR8mk2. On remarque que l’évent est situé à l’avant et que la lumière de mise sous tension située juste au-dessus affiche fièrement le logo de la marque, classe.
À l’arrière, on retrouve les trois connecteurs d’entrée : RCA pour les connexions asymétriques, Jack TRS 6,35 mm et XLR pour les connexions symétriques. À noter que si vous voulez brancher un jack TS, il faut utiliser un adaptateur jack-RCA et brancher le tout sur l’entrée RCA. Un gain d’entrée est disponible afin de régler le niveau du signal en entrée avant son amplification. Le switch de mise sous tension est malheureusement situé à l’arrière, mais nous sommes agréablement surpris par le nombre de réglages disponibles. En effet, on dispose d’un réglage des aigus qui est un filtre shelf à partir de 4,5 kHz (± 6 dB) mais aussi d’un réglage pour les moyennes fréquences situées à 1 kHz (± 6 dB aussi). Pour finir, notons la présence d’un coupe-bas ayant une pente de –12dB/octave à 80 ou 100 Hz, et d’un réglage dénommé « acoustic space », qui est en réalité un shelf affectant les fréquences situées sous les 800 Hz (-2 ou –4 dB) afin de compenser l’amplification acoustique lorsque les enceintes sont posées près d’un mur ou dans un coin de la pièce. L’Eris E8 bat donc sans souci notre Mackie MR8mk2 qui ne dispose pas de réglage pour les moyennes fréquences et de coupe-bas, c’est du tout bon pour le moment !
La beauté intérieure
L’Eris E8 est une enceinte deux voies active et cache donc deux amplificateurs reliés chacun à un haut-parleur (le boomer de 8 pouces en kevlar et le tweeter de 1,25 pouce de type dôme de soie). Celui alimentant le boomer a une puissance de 75 Watts et celui du tweeter 65 Watts. Le filtre de crossover qui coupe le signal entrant en deux parties (grave et médium d’un côté pour le boomer, aigus de l’autre pour le tweeter) afin d’alimenter chacun des deux amplis avec une partie du spectre, est situé à 2,2 kHz. Donc toutes les fréquences situées au-dessus de 2,2 kHz seront retranscrites par le tweeter, et ce qui est en dessous par le boomer. Pour finir, le caisson de l’enceinte est en MDF (panneaux de fibres à densité moyenne) recouvert par une fine couche de vinyle.
Maintenant que vous savez tout sur cette enceinte, passons au test à proprement parler.
Écoute
Afin de tester ces enceintes, nous les avons mises en face des Mackie MR8mk2 qui sont des concurrentes directes (en attendant les MR8mk3 qui viennent juste d’être annoncées) : elles coûtent sensiblement le même prix et sont aussi équipées d’un boomer de 8 pouces. Nous avons posé les enceintes debout (il est aussi possible de poser les Eris horizontalement), et commencé à écouter quelques morceaux que l’on connaît bien, en lossless et certains même en 96 kHz/24 bit (merci Qobuz !), via notre interface audio Metric Halo ULN-8.
Lorsque nous avions testé les MR8mk2, nous avions augmenté les hautes fréquences de 2 dB via le réglage disponible à l’arrière, car nous trouvions qu’il y avait un manque à ce niveau-là. En revanche, le bas du spectre nous avait beaucoup plu même s’il était malheureusement impossible de le diminuer dans certaines situations. Après quelques comparaisons A/B, nous retrouvons ce petit défaut des Mackie face aux Eris qui restent plus plates autour de 3 à 5 kHz, là où les Mackie ont un léger creux (que l’on peut corriger, soit). Le bas médium autour de 500/600 Hz est légèrement moins développé sur les Presonus, mais cela ne nous a pas semblé être un défaut, tandis que le bas du spectre est sensiblement le même.
Voici les écoutes de morceaux en détail :
Melody Gardot — Mira
Sans toucher aux réglages des enceintes, les Mackie sonnent beaucoup plus « boxy » que les PreSonus, la faute aux fréquences situées entre 3 et 5 kHz beaucoup plus effacées sur les MR8mk2. Chose importante, on ne note pas d’agressivité particulière sur les PreSonus, et une écoute prolongée peut donc se faire sans souci. Sur cette chanson de Melody Gardot avec ses instruments acoustiques, le résultat est sans appel, on perd pas mal de détail dans le haut médium/aigus avec les Mackie par rapport aux PreSonus, notamment sur les attaques des instruments tels que la guitare acoustique et de la présence sur la voix. On sait que ces fréquences sont précieuses quand on mixe… Sur le reste du spectre, les Mackie gonflent un peu plus autour des 500 Hz, alors que les PreSonus restent plus droites. Dans le bas du spectre, c’est bien sur les deux enceintes, les haut-parleurs 8 pouces aidant. Sur les PreSonus, l’atténuation commence à s’entendre à partir de 50 Hz, et 60 Hz sur les Mackie. Vous l’aurez compris, nous préférons les Presonus dans tous les domaines du spectre, la dynamique et l’image stéréo étant équivalentes.
Metallica – Enter Sandman
Sur ce morceau rempli de couches de guitares, il est assez aisé d’entendre la différence entre les deux enceintes dans le haut médium. De plus, les attaques des toms et de la grosse caisse ressortent évidemment plus sur les PreSonus. Le bas médium est toujours un peu plus en exergue sur les Mackie, ce qui permet de mieux entendre la basse. Dans le bas du spectre, il est plus compliqué de faire la différence entre les deux enceintes. Il est important de noter que si les Eris restent plus développées dans le haut médium et les aigus, elles ne sont jamais trop agressives, ce qui est plutôt un bon point. Ce morceau confirme notre préférence pour les enceintes PreSonus qui, sorties du carton, restent plus droites que les Mackie, et qui disposent de d’avantage de réglages.
Strauss — Ainsi parlait Zarathustra
On termine avec Ainsi parlait Zarathustra. Le bas médium des Mackie rend plus justice aux résonances des timbales, tandis que le haut médium des PreSonus laisse les cuivres transpercer l’orchestre. Le léger déséquilibre des Mackie entre les bas médium et le haut médium rend le morceau un peu moins lisible que sur les PreSonus. En effet, sur les Eris E8, les instruments de l’orchestre se détachent plutôt bien.
Voici une mesure qui vaut ce qu’elle vaut, n’ayant pas de chambre anéchoïque à disposition. En jaune, la Mackie, en violet la Presonus.
Conclusion
Pour son premier saut dans le grand bain des constructeurs d’enceintes de monitoring, PreSonus nous gratifie d’une belle figure. L’Eris E8 jouit d’une construction sérieuse, des connectiques qu’il faut en entrée et de réglages complets (coupe-bas, bas et haut médiums, aigus) pour une enceinte valant 250€ l’unité. À l’écoute, nous sommes tout autant séduits par ces enceintes qui n’ont pas vraiment de point faible. Elles sont très équilibrées, encore plus que nos Mackie qui nous avaient pourtant convaincus il y a deux ans, et retranscrivent toutes les fréquences sans problème, il en va de même pour la dynamique et l’image stéréo. Le bon deal de la rentrée pour les enceintes se situant à l’orée du milieu de gamme.