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« Un son puissant et créatif, une machine à apprivoiser »

Publié le 01/05/16 à 23:49
Rapport qualité/prix : Excellent
Cible : Les utilisateurs avertis
La mise à jour de l'OS est la machine en 1.30 est l'occasion d'un gros avis de ma part sur cette machine, que je possède depuis maintenant bientôt 1 an. Je vous encourage comme toujours de lire le test de Synthwalker sur ce site (rubrique « test » en haut de page) qui devrait vous éclairer sur les possibilités de la machine. Egalement dans l'espace média, quelques vidéos et extraits audio (certains de ma part).

L'Analog Rytm (que je dénommerai AR par la suite) est une boite à rythme qui, contrairement à ce qu'indique son nom, n'est pas uniquement analogique. La mention « 8 voices Drum Computer » qui trône sur sa façade est ce qui la résume le mieux.

L'essentiel : il s'agit d'une boite à rythme qui dispose réellement de 8 voix bien distinctes et indépendantes. On a donc bien affaire à un vrai synthé spécialisé dans les sons rythmiques, chaque voix comportant : un oscillateur analogique spécialisé par type de son (Kick, Snare, Clap, etc...), un emplacement pour superposer un sample par voix (donc 8 simultanément, mais on verra plus tard qu'une voix peut changer de sample en cours de lecture, ce qui démultiplie les possibilités d'un seul kit). On peut doser, pour chaque fois, l'oscillateur analogique et le sample. Egalement, toujours par voix : un filtre analogique multimode résonant et très complet, un TVA analogique et un overdrive. TVA et filtres disposent de leur propre enveloppe analogique également, ainsi que d'un seul (hélas) LFO. Sur le master, on peut ajouter une distortion analogique, un délai et une réverbe, et un compresseur. Un second LFO, dédié à ces 4 effets, est disponible.

Commençons justement par ces LFO, qui disposent à peu près des mêmes caractéristiques : les formes d'onde sont suffisamment nombreuses, on peut régler leur phase, décider si ils sont synchro au tempo ou pas, choisir une seule destination et la profondeur de modulation, régler la vitesse (qui peut allez jusque dans les fréquences audio permettant des effets de type FM : malheureusement, la vitesse de ce LFO n'est pas modulable par le suivi des notes, donc pas possible de compter dessus pour faire de la vraie FM et en faire un synthétiseur tout à fait complet de ce point de vue.).

Les effets sont vraiment de très grande qualité : les paramètres sont à chaque fois peu nombreux, mais il y a tout de même moyen de sculpter le son avec des filtres (qui s'apparentent plus à des coupes bas/coupe haut). La réverb est très profonde et apporte beaucoup sur le mix général, et il est bien sûr possible de doser l'envoi de chaque voix vers celle-ci (idem pour le delay). Cependant, il n'y a qu'un algorithme, ou, autrement dit, seuls les paramètres de cette réverb peuvent la faire varier. Pour le Delay, on peut l'ajuster soit en mono, soit en ping pong. Pas moyen de créer des rythmes complexes ici, ce n'est pas un multitap, sauf à passer par le LFO qui peut moduler l'un de ses paramètres, au choix. Dans le menu Distortion, on peut régler un paramètre « Delay overdrive » pour salir les échos. Là aussi, le résultat est superbe, le feedback peut aller très loin (et donc entrer en auto-oscillation, attention aux moniteurs!!!), et le réglage de ce Delay peut être très court (comportement « réverb à ressort » ou très long (écho lointain, quasiment un looper) : une section totalement musicale, efficace, rien de trop, mais suffisant pour être créatif.
La Distortion est un peu particulière. Elle écrase le signal sans le dénaturer totalement (ne pensez pas trouver une distortion type ampli guitare), mais elle est bien analogique : sa réponse est plutôt de type Waveshaper, le signal est plus « haché » qu'autre chose, et les moments où le signal est trop écrasé se traduit par des silences, et pas du souffle. Il y a moyen de faire un son hyper compressé, jusqu'à l'excès. Terminons la revue des effets par le compresseur : les réglages sont classiques, et on peut doser son action (il agit « en parallèle », ce qui est très pratique, mais peut agir en totalité quand on paramètre Mix est réglé sur 100%). Malheureusement, il ne possède pas d'entrée « side chain » : cela aurait pu être pratique pour faire pomper l'ensemble d'une drumloop sur le kick, par exemple, comme il est à la mode de le faire sur les hits actuels : on peut néanmoins simuler cet effet via l'action du LFO des effets. On peut aussi, et c'est plus rare, mettre un filtre en entrée pour le faire agir sur les fréquences souhaitées. Ce compresseur est très efficace, voire un peu trop : les réglages sont hyper sensibles, ça tourne assez vite à la boucherie et peut tuer la dynamique d'un pattern si on n'y prend garde.

Chacune de 8 voix peut donc se voir assigner ce qu'on appelle une « machine » : c'est l'oscillateur analogique spécialisé par type de son. Il y a (depuis l'OS 1.30) :
6 machines pour le kick (hard, classic, FM, plastic, silky et sharp)
4 machines pour le snare (hard, classique, FM, natural)
1 machine noise (qui peut faire office de snare)
1 machine impulse (un clic qui peut servir d'attaque pour un sample, par exemple, ou permette la synchro d'un appareil externe via une sortie séparée)
2 machine rimshot (classic et hard), 1 machine clap.
2 machine tom (1 base tom, 1 tom haut dit « XT »).
5 machines pour les hi-hat (classique version fermée et ouverte, métallique version fermée et ouverte, et basic).
3 machines Cymbales (CY classic, CY metallic, CY Ride)
2 machines Cowbell (CB classic, CB metallic)

On arrive donc avec ce nouvel OS 1.30 à 27 machines, si mes calculs sont bons : pas mal !

Chacun a donc ses propres paramètres : on a en commun toujours le tune et le decay, mais pour le reste, c'est variable en fonction du mode de synthèse : intensité du tic, intensité de la FM, du Sweep time pour les sons de Kick, voire forme d'onde.

Ces machines sont très pédagogiques car, contrairement à d'autres boites à rythmes pourtant analogique avec des sons « tout faits », on a accès aux différentes composantes du son : un kick est par exemple l'association d'une impulsion et d'une forme d'onde Sub probablement faite avec un filtre résonant en auto-oscillation, et on peut agir sur chacune de ses composantes. On peut donc « sculpter » ses sons de façon assez simple et efficaces, avec, à chaque fois, les 2 conclusions suivantes: ça sonne, et comme on veut.

Si le résultat nous laisse sur notre faim (ce qui est rare), il y a encore moyen d'arriver à ce qu'on veut en doublant avec un sample, en agissant sur le drive (1 par voix, et il a une réserve de gain énorme, terriblement efficace!), ou sur le filtre.

Justement, voici le filtre : il est analogique, et il y en a 1 par voix. Quand il y a un sample dans le son, celui-ci passe aussi par ce filtre analogique. Les réglages sont peu nombreux, mais efficaces : une enveloppe ADSR, un cutoff, une résonance, un niveau d'envoi vers l'enveloppe, et surtout le type de filtre : LPF 1 et 2 (pente variable), HPF 1&2, BPF, Réjecteur de bande (l'inverse du BPF, en somme), et un filtre peak. Ce filtre est très efficace, bien analogique, mais est un peu « sec comme un coup de trique » : il sonne assez froid, la résonance est fluide et pas agressive, mais ne comptez pas sur lui pour venir saturer ou salir le signal : l'overdrive, ou la distortion s'en chargeront de façon bien plus convaincante.

Au tour du menu sample maintenant : la mémoire de la machine permet de stocker 128 Mo de sample (en FlashRAM, s'il vous plait : la sauvegarde se fait à l'extinction de la machine). On a 128 emplacements disponible par « projet », celui-ci regroupant l'ensemble des 128 patterns simultanément disponible à un instant T. 128 emplacements pour 128 Mo de RAM, c'est un peu faible, car les samples de drummachine prennent rarement 1Mo. On peut donc se sentir un peu à l'étroit avec ces 128 emplacements (alors que les 128Mo de RAM sont, eux, tout à fait suffisants pour ce type de sons). Une astuce assez communément utilisée, c'est d'importer un seul sample contenant plusieurs sons les uns à la suite des autres, et d'utiliser ce « super sample » une fois dans un kit en réglant différents points de départ et de fin selon la portion qui nous intéresse. Un peu artisanal, mais suffisamment précis pour répondre à l'ensemble des besoins. Le mode d'importation des samples dans la machine est aussi anachronique : l'import se fait en MIDI (donc pas très rapide!) via l'utilitaire gratuit Elektron C6. C'est donc du Sample Dump Standard, un mode de transmission de fichier audio antédiluvien (le SY99 de Yamaha y avait recours il y a 25 ans!). Heureusement, le C6 dispose d'un mode Turbo qui permet de tirer profit du port USB pour accélérer un peu tout ça, et on a une vitesse qui s'apparente à de l'USB1 à vue de nez. On aurait aimé un mode de transfert plus moderne par USB2, avec la possibilité de reconnaître l'AR depuis l'ordinateur comme n'importe quel appareil photo ou enregistreur zoom...Il n'en est hélas rien. La manip est cependant très fiable et ça fait ce qu'on lui demande sans broncher.

Les samples arrivent donc sur le disque dur interne (une mémoire flash également de l'ordre de 1Go), mais doivent être importés dans la Flash RAM pour être exploitable par les kits. On les affecte alors à l'un des 128 emplacements, où ils sont immédiatement disponibles pour un ou plusieurs pads.

La page du kit qui s'appelle « sample » est appelée depuis la façade de l'AR, elle est elle aussi assez dépouillée, mais terriblement efficace : un mode « preview » est disponible (Function+YES) et on peut donc pré-écouter le sample avant chargement. Après avoir sélectionné le sample de son choix par le numéro de son emplacement dans la RAM, on peut régler le tune de l'oscillateur (grossier et fin), son volume, son niveau de Bit Reducer (pour rendre le sample Lo-Fi). Plus singulier, on peut régler le point de départ et de fin du sample (c'est comme cela qu'on peut faire jouer une « portion » d'un gros sample, par exemple, le kick planqué au milieu d'une boucle de batterie). Que se passe-t-il si le Start du sample est calé après le End ? Fort logiquement, le sample est lu à l'envers ! Un paramètre Loop permet de boucler indéfiniment le sample sur lui même, à l'endroit comme à l'envers. On peut créer de nouveaux sons ainsi : régler start et end sur des valeurs très proches, et boucler le sample : une forme d'onde numérique basique apparaît. Régler le Tune pour l'accorder, et vous voici avec une onde numérique prête à passer dans tous les filtres et effets de l'AR.

Concernant les samples, il y a 2 ou 3 autres choses à savoir :
l'import accepte manifestement n'importe quelle résolution en WAV, ou plutôt les convertit à la volée dans la machine en 16 bits 48 kHz mono. Il y a donc à la fois resampling éventuel et bit dithering, mais aucune indication n'est disponible sur la façon dont cela se passe au sein de la machine. Je note toutefois n'avoir jamais ressenti de perte de qualité lors de l'opération. Un bon point.
Les échantillons stéréo sont convertis en mono. La machine n'interprète donc que les données monophoniques. Un peu dommage quand on veut importer des samples avec déjà une automation sur le panoramique, ou une jolie réverb stéréo, même s'il y a moyen ensuite de rajouter des effets pour compenser cela. Astuce : si vous voulez de la stéréo, scinder votre sample stéréo en 2 samples mono Left et Right, affectez-les à 2 pads différents chacun totalement panoramiqués gauche et droite, et arrangez-vous pour qu'ils se déclenchent en même temps.
L'AR n'est pas un sampler : on ne peut PAS enregistrer, malgré ses entrées audio.
Aucun autre traitement sur les samples, comme le Time Stretching ou ce genre de choses, pas de beat detection non plus. Bref, ne songez pas remplacer votre MPC ou Maschine avec une AR. Le mode sample est plus qu'un goodie dans la machine, mais n'est clairement pas central dans la philosophie de la machine.

Maintenant qu'on a fait le tour du proprio (ouf!), venons-en à ce qui fait sans aucun doute la force des machines Elektron : son ergonomie et la philosophie de son séquenceur.

L'ergonomie générale est bonne, car même si l'écran LCD est petit, toutes les infos sont logiquement disposées, de façon homogène d'un menu à l'autre. Il y a 2 façons d'accéder : par accès direct via les boutons, ou bien par shift+bouton. Il n'y a jamais (hormis pour le menu global) 2 ou 3 niveaux d'info. Les potentiomètres au nombre de 8 sont contextuels : sans fin, leur fonction commande les 8 paramètres de chaque écran. En les enfonçant, le défilement est accéléré. Pas de mauvaise surprise concernant le tempo, qui peut être réglé par pas de 1 bpm via le potard level, ou par 0,1 bpm via les boutons. Egalement disponible un bouton de tap tempo. Enfin, ce tempo peut bien sûr être asservi à une horloge MIDI externe, ou par votre STAN quand l'AR est connectée en USB via l'éditeur/bibliothécaire qui se nomme Overbridge (nous y reviendrons). La machine peut d'ailleurs émettre via la prise DIN 5 broche à l'arrière (MIDI OUT) un signal de synchro de type Dyn Sync. Cette prise me permet, par exemple, de synchroniser l'arpégiateur de mon JP8 : c'est utile pour des tas de synthés analogiques/modulaires ou autres boites à rythmes non MIDI, et c'est fiable.
Par contre, le tempo est Global: il est le même pour tous les patterns! C'est vraiment curieux, je présume que c'est sans doute pour passer de façon plus fluide d'un pattern à l'autre, à la volée, mais c'est assez gênant quand on assemble des kits à l'aide de samples synchronisés à un certain tempo!

Le séquenceur reprend donc la logique des machines Elektron. La voici résumée :
On peut enregistrer en pas à pas.
On peut enregistrer en temps réel, quantisée à la volée ou après coup, ou pas du tout.
On peut enregistrer en temps réel les modifications qu'on apporte au son. Lesquelles ? Toutes ! Absolument toutes, sans restriction, c'est cela qui est fort. Le cutoff du kick, sa hauteur, les effets, le point de départ ou de fin du sample, le choix même du sample ! (des gars se sont amusés à faire un pattern avec une seule voie dont presque tous les paramètres varient à chaque pas!). Et, ce qui est fort, on peut tout à fait automatiser les paramètres des effets, delay, reverb, compresseur...sans que la machine ne rame, sans aucun artefact, sans que ça grince, que ça se décale...Cela laisse supposer une puissance de calcul très élevée dans la machine : le terme « drum computer » n'est pas galvaudé ! On peut même charger des samples dans la RAM pendant que la machine en utilise d'autres, sans broncher.
On peut enregistrer les sons bruts, sans modification, puis apporter les modifs après coup sur chaque pas : pour cela, il faut presser le bouton du pas à modifier et, tout en le laissant appuyé, aller modifier le paramètre en question, juste pour ce pas là, précisément : ce sont les fameux P-Locks. Leur nombre est limité, mais la limite est élevée (je ne l'ai jamais atteinte, pour ma part).

Ce séquenceur a une résolution MIDI élevée de 1/384 pqn (double croche), donc vraiment précis. Pour les adeptes du groove (le son de la caisse claire légèrement en retard sur chaque temps, par exemple), le micro-timing permet de décaler de façon précise chaque pas de la valeur de son choix. Le mode Retrig permet de déclencher un son de façon répétitive, à partir d'un seul pas, en définissant la vitesse et la longueur de la répétition, de définir si la vélocité du son doit s'accroître ou pas tout au long de cette répétition.

Une mise à jour récente offres des "trigs conditionnels": on peut paramétrer, pour chaque pas, une condition pour que le pas se déclenche. Ce sont des conditions aléatoires, ou bien des fonctions logiques. Nous avons un pourcentage de déclenchement aléatoire (par exemple, 50% déclenchera le son, en moyenne, une fois sur deux), avec une plage de réglage par pas de 1% entre 0 et 100. Fill permet de déclencher le pas uniquement quand la touche page/scale sera enfoncée. La fonction suivante "no-fill" fait l'inverse. "Pre" (pour Previous) ne déclenche le son que si le précédent pas sur la même track a été déclenchée. "No-Pre" fait l'inverse. "Nei" pour "Neighbour" fonctionne de la même façon que Pre, mais avec la track voisine. "No-Pre" fait l'inverse (on suit toujours? :-D. 1st ne déclenche le pas qu'à la première lecture, et a aussi son inverse. Et, enfin, le pas peut être déclenché au choix pour chaque temps, jusque sur 8 mesures. Par exemple, si vous voulez que la Cymbale se déclenche au début de chaque groupe de 4 mesure, vous mettez 1:4. Et à quoi sert tout ce bazar? Eh bien à apporter de fines nuances dans votre pattern à chacun de ses lectures, en conditionnant le son par des évènements divers, plus ou moins aléatoires...Cela permet de procurer des variations plus ou moins marquées, de renouveler sans cesse votre pattern, introduire une part de hasard...là où les modes Song/Chain offriront la possibilité d'écrire des patterns de façon plus construite, mais pas infinie ni imprévisible.

Terminons avec le clic, qui sans surprise, peut être activé ou non (par combinaison de touches...), son intensité est réglable, ainsi que le nombre de mesures du décompte. Bref, pas de fantaisie.

Une fois le pattern créé, il peut être assemblé en Song, puis en Chain, et permet de réaliser des morceaux entiers, y compris en changeant de kit en cours de route. La mémoire du séquenceur est très vaste. Venons-en à son plus gros défaut : il n'émet pas en MIDI out. L'Analog Rytm ne sera donc pas le centre d'un setup comme pouvait l'être une machinedrum ou un A4. J'ignore si cette fonctionnalité pourra être ajoutée ultérieurement...espérons-le. Par contre, les pads ou potard peuvent émettre en MIDI out pour servir de contrôleur MIDI à un autre synthé/logiciel.

Appréhendons maintenant de façon plus générale comment travailler avec la machine. Premièrement, beaucoup de fonctions essentielles sont accessible par combinaisons de touches. Par exemple, quantizer à l'enregistrement s'active en appuyant sur REC et 2 fois sur PLAY. Bien sûr, c'est dans le manuel. Et même : il y a des documents résumant tout cela sur une feuille A4 : les combinaisons de touches les plus fréquemment utiles. Il n'empêche qu'il y a un temps d'apprentissage qui vous oblige à les apprendre par cœur : il y a une courbe d'apprentissage. Ce n'est clairement pas le genre de bécane à sortir une fois par mois du placard. A contrario, une utilisation 2 fois par semaine ou plus vous rendra la vie plus facile, et vous trouverez que ce n'est pas contraignant et que c'est comme le vélo : une fois pigé, vous n'oublierez pas ! Alors la bataille fait rage sur les forums entre les adeptes de la logique Elektron et ses détracteurs. Résumons en disant que la machine ne viendra pas à vous toute seule, il va falloir bucher un peu, indépendamment de votre talent de beat maker, ce qui est une autre paire de manche !

J'aimerais revenir sur la gestion des samples. J'ai expliqué plus haut que l'import se faisait via l'utilitaire C6, de façon archaïque, mais plutôt fiable et simple. Ceci étant posé, j'ai pour ma part un gros bémol à partager sur la gestion des samples. Voilà : une fois que vous avez importé tout ce que vous souhaitez, assemblé vos kits, programmé vos patterns...vient le moment béni où vous allez pouvoir partager cela avec d'autres utilisateurs et leur permettre de charger vos samples dans leur bécane. Et, euh, comment dire : vous pouvez pas. Une fois arrivé en RAM, plus moyen de les sauvegarder. Tout le reste (kits, paramètres, patterns, projets, …) oui, mais les samples : non. Donc si vous les avez conservés et archivés dans l'ordre dans lequel ils seront installé dans la RAM, tout va bien. Autrement, dans le baba ! Le logiciel Overbridge ne gère pas les samples, seulement leurs paramètres. Un utilitaire a été créé (payant) par un utilisateur, il permet l'import directement sur des pads virtuels par cliquer/déposer, mais toujours pas d'export. Sûrement une prochaine étape : la possibilité de créer des fichiers de type « archive » permettant le partage entre utilisateurs de projets complets.

Il ne me reste qu'à évoquer comment on peut utiliser les pads. Au delà du simple déclenchement de sons, ils sont sensibles à la vélocité et l'aftertouch. Une matrice de modulation (pas globale, mais par kit : bravo!) permet d'envoyer l'information MIDI vers un très grand nombre de destinations possibles (4 simultanément, pfiou!). Le toucher des pads est bon : la vélocité se déclenche un peu trop vite, mais l'aftertouch est bien progressif (malheureusement, aucune calibration personnelle ni courbe de réponse n'est disponible pour customiser sa machine selon que vous êtes un bucheron ou un phasme). Par contre, les pads sont assez petits. Pas rédhibitoire, mais pas très confortable à l'usage. Un peu à l'image des claviers à minitouches qui se généralisent et qui crispent les vétérans, les minipads sont assez peu commodes.

Ces pads peuvent être commutés en mode MUTE : tous s'allument en vert, et il vous suffit d'éteindre le pad de votre choix pour couper le son qui joue. La machine possède d'ailleurs un rétroéclairage des pads de plusieurs couleurs selon le mode dans lequel on est. Quand un son est joué, un petit flash indique à quel pad correspond le son qui s'est déclenché.

Le mode CHROMATIC permet quand il est sélectionné, d'utiliser les pads comme un clavier : l'appui sur différents pads joue différentes notes, en partant du bas vers le haut, pas ½ ton chromatique.

Le mode SCENE fonctionne en tout ou rien : c'est une variante du kit actif que vous programmez. Vous pouvez par exemple décider, via un appui sur le pad 1, de couper le kick et le snare. Avec le Pad 2, vous les ramenez, mais vous leur appliquez un filtre, un effet...chaque scène permet de modifier un nombre suffisant mais pas infini de paramètres. Et quand tous les pads programmés pour faire une SCENE sont éteints, le kit revient à sa configuration initiale.

Le mode PERF est identique au mode SCENE, sauf que celui-ci ne fonctionne pas en tout ou rien, mais avec la pression exercée sur le pad. Vous pouvez ainsi, par exemple, changer le feedback du delay progressivement, en appuyant sur un pad de votre choix préalablement programmé. La programmation de ces pads est d'ailleurs simple et rapide, un peu comme un MIDI Learn dans un logiciel.

Un mot sur Overbridge : ce logiciel est un éditeur / bibliothécaire ainsi qu'un plug-in AU/VST qui fonctionne avec les derniers modèles de la marque : AR bien sûr, mais aussi A4 et si je ne m'abuse l'octatrack. Il peut piloter plusieurs machine à la fois, et sert également de panneau de contrôle pour l'interface audio que devient votre AR dès lors qu'elle est branchée via son port USB. On retrouve alors les réglages classiques d'une carte son (buffers, etc), et des vu-mètres permettent de visualiser les entrées et sorties de la machine. Ce qui est fort avec l'overbridge, c'est qu'on peut récupérer dans sa stan les sorties séparées et donc les sons individuels de chaque voie. Alors soyons clairs : ça fait au moins 1 an que Elektron a sorti l'overbridge et qu'ils n'ont jamais vraiment réussi à le faire marcher sur toutes les platerformes : si les possesseurs de Live ont été plutôt bien servis avec une version opérationnelle et stable assez tôt, les utilisateurs de Cubase et Logic ont du s'armer de patience, allant de version instable à buguée depuis des mois et des mois. Certes, le logiciel est gratuit (bravo!) et annoncé comme une version Beta à chaque fois, il n'empêche qu'on s'est vraiment demandé s'ils allaient y arriver. La version 1.1 de l'Overbridge est donc parue avec l'OS 1.30, et il semble que la plupart des problèmes aient été réglés. Je suis encore en phase de test, les mois passés m'obligent à rester prudent dans mes conclusions !

Ami lecteur, tu viens de te taper 3 pages imbitables d'explication, et tu te demandes sans doute, arrivé à ce stade, ce qu'il en est du son qui sort de cette machine. Il est un peu difficile de répondre à la question, tant ce type de sons sera jugé à l'utilisation qu'il est possible d'en faire pour son style musical. Et, comme tout synthétiseur qui se respecte, c'est vraiment une machine à programmer et customiser à sa sauce, le concept de preset ou de sons d'usine n'a ici pas vraiment de sens (même s'il y en a, mais ils sont si peu nombreux!!!)

On peut déjà se mettre d'accord sur un point : la qualité audio de la machine est insoupçonnablement excellente. Le kit de base (init kit) est sans doute un peu fade, mais quelques potards tournés plus loins et quelques effets rajoutés débloquent rapidement l'affaire et vous vous retrouvez en 15 minutes avec un kit qui arrache tout et maltraite vos monitors : la machine a une dynamique d'enfer, les sorties audio sont de grande qualité (et symétriques!). Sur une gros système d'écoute ou une façade avec un Sub, vous sentez que la machine a une énergie énorme à donner. Les sorties séparées permettent, avec câbles d'insert, d'envoyer vers plusieurs entrées de votre carte son les signaux séparés, de façon à les traiter par des effets de votre Stan. Sachez cependant que les effets ne sont disponibles que sur les sorties Main Out. L'Overbridge, qui récupère également les signaux audio de chaque piste séparée, permet d'en faire de même, comme je l'ai déjà indiqué plus haut.

Il y a quand même une couleur sonore globale Elektron, et qui se trouve amplifiée avec les machines de l'OS 1.30, c'est celui d'une machine qui n'essaie pas du tout d'imiter les TR, Jomox ou autres Tempest. Le son est moderne, reste relativement européen (ce n'est pas une machine qui sonne US ou Vintage), et est plutôt orientée electro. Elle ne remplace pas, selon moi, un sampler ou une MPC de façon globale, par contre, elle propose autre chose, à commencer par un son très tendu, précis et ciselé. A l'aise sur toute l'étendue du spectre, des infra basses au aigus scintillants, elle recèle un potentiel énorme, et il est possible de bâtir des morceaux entiers rien qu'avec elle dans certains styles musicaux minimalistes. L'import de sample lui ouvre beaucoup de pans qui, sans cela, lui seraient restés fermés : le métal, le symphonique, le rock, le hip-hop...mais plutôt par touches ajoutées que par ses fondations. Pour ma part, j'importe des rythmiques de guitare, des voix, des hits orchestraux. J'ai samplé également mes analogiques pour importer des bruitages, des sons dont sa synthèse ne la rend pas capable (FM numérique, oscillateurs synchronisés, scratchs Vinyl...). Je regrette seulement qu'elle n'ait pas d'EQ, ni par part, ni global.

Le prix de la machine est élevé : au moment où j'écris ces lignes, il est de 1400 euros en neuf, et jamais moins de 1000 euros en occasion. Mais sans snobisme, je trouve qu'elle les vaut : la qualité du son, de l'interface et la construction de l'appareil, ses possibilités très poussées, son OS très abouti (même si les mises à jour, toujours gratuites, apportent parfois leur lots de petits bugs assez vite corrigés) font d'elle un objet bien pensé et efficace. C'est parmi toutes les machines que j'ai celle qui est la plus fun à utiliser, et celle sur laquelle je passe le plus de temps, car le résultat obtenu est, compte tenu du temps passé, toujours à la hauteur de mes attentes.