Il est les oreilles et les mains responsables des EP Sonate Pacifique et Odyssée du groupe L'Impératrice, de l'album live Back In The Ring de Macadam Crocodile ou plus récemment l’EP de Fils Cara, Fictions. Mais il ne se limite pas au studio et les concerts lui manquent à lui aussi. Aujourd’hui, partons voir ce qui se cache Derrière le son de Perceval Carré.
Salut, est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Salut, je m’appelle Perceval Carré, j’ai 31 ans, je suis ingénieur du son depuis presque 10 ans, en temps normal je fais pas mal de tournées, j’ai également un studio d’enregistrement à Pantin, le studio Mastoïd, dans lequel j’enregistre, réalise et mixe des disques.
Comment es-tu arrivé dans la musique ? Quel est ton parcours ?
À la base je faisais de la musique avec les copains du collège, puis avec mon père je me suis fabriqué une guitare électrique, du coup je voulais faire de la lutherie. Puis ma mère a pris le relais et m’a gentiment aiguillée pour faire une prépa math sup math spé.. Deux salles, deux ambiances. En 2009, à la fin de ma prépa, pas très convaincu par l’idée de faire une école d’ingénieur (les vrais), je suis parti sur un coup de tête à Paris pour faire la SAE, qui semblait être l’école la plus réputée pour devenir Inge son.
Actuellement, quelle est ta principale casquette ?
L’année dernière je me suis dit que j’avais envie de me concentrer plus sur le studio que la tournée, et paf, Covid. Du coup depuis plus d’un an je me concentre beaucoup sur la réalisation. Avant j’en faisais sans vraiment le dire, on en fait tous quand on fait des choix à l’enregistrement ou au mix. Maintenant j’en fais en l’assumant, en travaillant plus en amont avec les artistes que j’accompagne sur les arrangements, les choix de synthés, les sons de batteries…
Tu bosses où ? Quelle est ta configuration ?
J’ai un studio à Pantin, le studio Mastoïd, qu’on fait évoluer année après année avec mon associé Maxime Lunel. J’ai essayé de vraiment faire évoluer une configuration autour du matériel analogique, c’est ce qui me plaît le plus, j’essaye de mettre le moins de plug-ins possible, et d’utiliser le plus de machines possible au mix. On a une console Trident 88 que j’utilise essentiellement pour mixer les pistes de batterie, en utilisant les groupes et les auxilliaires pour faire des traitements parallèles dans tous les sens, utiliser des réverbes ou des pédales de délais.
Pour le reste des instruments, j’essaye de faire des chaînes cohérentes en fonction du style des morceaux, passer les basses dans tel compresseur et tel égaliseur, les guitares dans tel autre combo, ainsi de suite. Puis sur le Master je m’amuse avec une matrice MidSide, des compresseurs et égaliseur différents une fois de plus en fonction des styles. J’essaye de ne plus rien mettre en termes de plug-ins sur mon Master par exemple, pour m’obliger à plus travailler mes mixs, moins me faciliter la tâche.
Quelle est ta pièce hardware favorite et pourquoi ? Quelle est celle que tu utilises le plus et pourquoi ? Ton TOP 3 ?
Ahah, je n’aime pas ce genre de question. On a une paire de tranches de console Branch II de Tree Audio, c’est magique, tu passes dedans une prise de voix enregistrée avec un vilain micro, et ça en ressort juste comme tu en aurais rêvé. Il y a un égaliseur très sommaire, un limiteur à l’ancienne, mais ça sonne. Et tu peux choisir entre 3 impédances, ça modifie un peu la couleur de ce que tu passes dedans, c’est beau.
Après j’utilise énormément des délais, j’adore ça, je commence à en avoir une belle collection, que ça soit un RE-201 de Roland, ou un Copicat de Wem Watkins, ou le Delay de Moog Music, le Volante ou El Capistan de Strymon, ou le Tonal Recall de Chase Bliss Audio…
En général quand je mix et que je bloque sur un truc, ma solution c’est soit une distorsion soit un délai, la plupart de mes délais font les deux d’ailleurs…
Si je devais faire un top 3 je dirais :
- The Branch II de Tree Audio
- La série de consoles Trident 88
- Space Echo RE-201 (mais j’adore aussi tous mes compresseurs et égaliseurs. C’est un ensemble finalement)
Quel est ton plug-in favori et pourquoi ? Quel est celui que tu utilises le plus et pourquoi ? Ton TOP 3 ?
En ce moment j’utilise à fond le Studer A 800 d’Universal Audio, j’adore ce qu’il fait sur le son, parfois je l’utilise alors que je mixe quelque chose qui a été enregistré sur bande, c’est un plug-in assez simple, mais qui peut faire plein de choses. Le plug-in que j’utilise le plus c’est le Pro-Q3 de FabFilter, tu peux tout faire avec c’est de la folie.
Et si je devais en choisir un 3e, je dirais le Soothe2 d’Oeksound, assez magique, qui te permet de retirer des résonances, que ça soit des cymbales trop piquantes, un kick avec une résonance, une voix avec des fréquences impossibles à enlever naturellement avec une égalisation classique.
Quel est, selon toi, le hardware ou software le plus sous-estimé et pourquoi ?
Je dirais qu’on n’utilise pas assez souvent les pédales d’effets pour guitare, ça coûte vraiment moins cher que n’importe quel hardware et c’est souvent bien plus coloré, intense. Un compresseur guitare sur une room de batterie c’est la guerre par exemple.
Quel est l’instrument ou toute autre pièce hardware que tu rêves de t’offrir ?
En ce moment je rêve de m’offrir un UnFairchild 670M II d’UnderToneAudio. Je vais bientôt essayer un égaliseur EQP-1S3 de Pultec, les authentiques Reissue, qui sont censés avoir le même son que les vintages. Dans les deux cas, on est sur des pièces qui sont des investissements énormes, on est dans le domaine du rêve clairement ! Et si je pousse encore plus, je rêve d’une plus grosse console, avec automation, et un gros routing pour faciliter le workflow et être concentré à 100% sur la musique.
Est-ce qu’il y a un conseil ou autre que tu as reçu un jour et qui a changé ta façon de voir ou de faire les choses ?
Je me souviens d’un soir au Bus Palladium, quand j’y étais en stage, Laurent, l’ingénieur du son qui y bossait ce soir-là me laisse faire le son de la première partie, et au moment du solo de guitare, il me dit : « Là il faut que tu l’aides, il donne tout sur son solo, il faut que tu fasses pareil pour le mettre en valeur, tu le suis avec ton fader, tu lui remets un peu de présence avec l’égaliseur. »
Depuis ce jour, quand je mix en live, j’ai toujours un bouton ou un fader sous la main, pour essayer d’appuyer ce que le groupe est entrain de faire. (je ne comprends pas les mecs qui mixent avec les mains dans le dos, il y a toujours un truc que tu peux peaufiner. )
Et en studio c’est pareil même si c’est moins facile à faire je trouve, mais je passe beaucoup de temps à faire des suivis et des automations.
Est-ce que toi tu aurais un conseil à donner ?
Je suis souvent étonné du peu de temps que je mets pour faire sonner un groupe en situation de live versus studio. Alors c’est sûr que les exigences ne sont pas les mêmes, mais ça me fait dire que parfois, moins on a d’outils et plus on va vite, mieux c’est. Je veux dire par là que se limiter dans ce que l’on utilise dans l’ordinateur c’est sûrement une bonne chose. Ce n’est pas parce que l’on peut mettre des 1176 sur toutes les tranches qu’il faut le faire, il faut essayer de ne pas faire les choses par réflexe, et vraiment écouter la musique et se demander ce qui pourrait aider. Il ne faut pas avoir peur de seulement mettre un coupe-bas sur une tranche et de se dire que ça suffit. Et il faut faire ses choix en écoutant dans le morceau, les choix doivent être faits en contexte.
Quelle est ta plus grande fierté ?
Je dirais que c’est d’avoir mixé l’album Live de Parcels. C’est une chose de mixer des projets chouettes parisiens, français, mais ça en est une autre quand tu es choisi pour mixer un groupe international, tout de suite ça prend une autre dimension. Et d’avoir un article dans Audiofanzine aussi, ahah !
Quels sont tes projets, dans un futur proche ou éloigné ?
Parfois, je me surprends à réfléchir à un nouveau studio, qui fonctionnerait un peu comme un collectif. Il y aurait une belle cabine de prises, et 2 ou 3 régies attenantes. L’idée serait de mettre en commun le parc micro et le backline par exemple. Idéalement, il y aurait aussi une cabine de mastering, un bureau qui pourrait être loué à un label, un autre à un graphiste… Pas forcément pour tout faire en interne, mais plus pour favoriser les rencontres, créer une émulation.
As-tu quelque chose à ajouter ou dont tu aimerais faire part à nos lecteurs ?
On fait un métier passionnant, dans lequel on apprend toujours de nouvelles choses, chaque jour. Mais il faut être honnête, c’est quand même 10 fois plus facile de mixer des morceaux qui ont été bien composés, bien joués, bien enregistrés… Je pense par exemple à Promixlive, qui donne accès à des multipistes de morceaux qui correspondent à ces critères, tu as un mois pour mixer le morceau, et à la fin, tu as la personne qui a mixé le morceau comme tu peux l’entendre à la radio qui te montre comment il a fait. C’est hyper formateur, ça permet de faire des progrès et de s’en rendre compte. Il y a aussi Puremix et Mixwiththemasters, qui sont de vraies mines d’info.
Je reçois souvent des messages de gens qui me demandent quelle école faire, comment se former, et ma réponse est souvent la même, si tu as les moyens de faire une école, pourquoi pas. Mais sinon tu prends un abonnement annuel aux 3 plateformes que je viens de citer, et tu ponces ça.
En sortant de mon école, je me suis vite rendu compte que je ne savais pas grand-chose, et c’est en lisant des bouquins et en passant du temps sur Audiofanzine, Gearspace, Puremix etc. que j’ai commencé à apprendre plein de choses.
Et aujourd’hui encore, il ne faut pas s’arrêter d’être curieux.
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Crédits photos : Hushman