Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou

L'Orgue à tuyaux et l'Organiste

  • 3 050 réponses
  • 87 participants
  • 173 447 vues
  • 84 followers
Sujet de la discussion L'Orgue à tuyaux et l'Organiste


1958087.jpg
ci-dessus: l'orgue de Dole (Jura)



Venez à la découverte de cet instrument secret et si particulier... un instrument très différent des autres, tant par son histoire et sa littérature, que par le rapport inhabituel qu'entretient son musicien avec lui, et puis sa situation si singulière, au cœur d'un bâtiment (c'est vrai surtout en France) très... connoté.

C'est ici le topic réservé à tous ceux qui veulent découvrir cet instrument.

Je vais tenter de vous ouvrir à lui. Vous dévoiler ses mille secrets. Faire voler en éclats les a-priori et les préjugés qui lui collent aux tuyaux : non, l'orgue n'est pas qu'un pousseur d'alléluias! Oui, on joue autre chose que des messes dessus! Et oui, c'est l'instrument le plus difficile au monde...
On n'est pas ici entre élitistes de l'instrument, entre vieux barbons.
Ce lieu est ouvert à tous.
Puissé-je vous intéresser au monde fabuleux qui se cache derrière ces austères rangées de hauts tuyaux (cela, qu'on appelle véritablement "les orgues" au féminin pluriel) et ce monumental buffet en bois massif, qui trône au-dessus de l'entrée, en hauteur, dominant la nef comme la passerelle de commandement domine le pont du navire...

Tè, bé, venez avec moi! Empruntez à ma suite le petit escalier dérobé au fond de l'église, en colimaçon, et montons à la tribune, cette petite place réservée au commandant de bord... Pour ouvrir le débat de manière surprenante et ma foi, plutôt agréable, je laisse la place à une commandante: miss Carol Williams, dans un morceau classique très, très connu: le Vol du Bourdon de Rimski-Korsakov.
L'occasion, peut-être, pour certains d'entre vous, de voir pour la première fois un organiste en action à sa tribune. L'occasion, probablement, d'en prendre également plein la gueule: admirez le jeu de jambes de madame et songez à la diabolique précision de ses pieds... nous reparlerons de tout ça, juste après.

(PS) Je sais: sa petite oeillade assassine à 00:08 a fait trembler tous les matous du forum. http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/loving.gif
Avez-vous aimé ce premier argument en faveur de mon instrument chéri ?
Afficher le sujet de la discussion
41
Si, ça joue, dans le sens où un tuyau de métal réagit à la température, en se dilatant plus moins (là où un tuyau bois, par exemple, ne bouge absolument pas). Mais cette variation est si infime qu'elle en est inaudible, et surtout, comparée à celle d'un instrument à corde.
42
Les tuyaux


L'orgue produit le son grâce à un filet d'air qui vibre à l'intérieur d'un tuyau. Il y a deux façons de procéder.


http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/puce1.gif les tuyaux à bouche

Le bas du tuyau (on appelle cela la bouche) est comparable à celle d'une flûte:
1957835.jpg
le biseau que l'on voit à la bouche du tuyau rappelle celui d'une flûte à bec:
1957836.jpg
et le principe dans les deux cas est le même : la vibration sonore est obtenue grâce au filet d'air qui bute et se divise sur le biseau.

Ces tuyaux peuvent être en bois ou en métal. En général, ce sont les gros tuyaux (sons graves) qui sont en bois. Le métal le plus utilisé est l'étain, à un pourcentage qui varie entre 5 et 95% : ce pourcentage agit directement sur la sonorité du tuyau. On utilise également de l'étoffe: un alliage de plomb et d'étain (80/20 environ).

1957837.gif
tuyau de flute en bois

1957838.gif
tuyau de principal

1957839.gif
tuyau de gambe, aussi haut, mais plus étroit que le principal

On accorde un tuyau à bouche en jouant sur sa longueur : la hauteur de la note est directement proportionnelle à la longueur du tuyau. Plus un tuyau est long, plus il est grave.
- Un tuyau à bouche d'une longueur donnée L fait toujours entendre la même note donnée N (enfin, non, on verra ça dans la synthèse harmonique, mais tenons-en nous là pour l'instant)
- Si on divise L par deux, la note émise sera N, à l'octave supérieure.
- Au contraire, si on double L, la note entendue sera N, mais ce coup-ci une octave plus bas.
- Accessoirement, un tuyau de longueur L * 1.5 fait entendre la quinte pure (quinte harmonique), c'est-à-dire quelques commas au-dessus de la quinte donnée par la gamme.

Ainsi, si un tuyau de longueur X donne un LA2, alors un tuyau de longueur x/2 donnera un LA3, alors qu'un tuyau de longueur 2x donnera un LA1, et un tuyau de longueur 2X/3 donnera une note très légèrement au-dessus du MI.

La matière dont est fait le tuyau, son diamètre, sa forme, son épaisseur, vont quant à eux influer sur les harmoniques du son fondamental, dégagées en même temps que le son fondamental. Ces harmoniques enrichissent le timbre (sans elles, on n'aurait qu'une onde sinus) et lui donnent sa couleur particulière.


http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/puce1.gif les tuyaux à anche

Il existe une autre façon de faire du son : c'est d'utiliser une anche. C'est le principe du saxophone ou de la clarinette: une petite languette de métal (sur d'autres instruments que l'orgue, elle peut être de bois ou de roseau) vibre et produit la note. Il existe de trois sortes:
- l'anche battante: comme sur la clarinette ou le saxophone, lorsqu'elle vibre, l'anche frappe contre son support
- l'anche double: comme sur un hautbois, il s'agit d'un couple d'anches qui vibrent l'une contre l'autre
- l'anche libre: comme sur l'accordéon, elle vibre simplement, sans frapper ni sur son support ni contre une autre anche

L'anche est en métal (laiton ou cuivre) et elle est contenue dans un résonateur qui est également en métal.

1957840.jpg
anche métallique

A la différence du jeu à bouche, l'accord du tuyau s'effectue en jouant sur la longueur de l'anche, à l'intérieur de son résonateur. Ni la longueur, ni la forme du tuyau qui la coiffe ne rentrent en ligne de compte. C'est comme la caisse de la guitare: elle n'est pas responsable de la hauteur de la note, puisque celle-ci est directement proportionnelle au placement du doigt sur le manche.

Les jeux d'anches sont en règle générale, des jeux puissants et éclatants, bien qu'il existe une famille de jeux d'anches plutôt doux qu'on appelle les Régales.

[ Dernière édition du message le 06/12/2011 à 14:35:08 ]

43
Tu devrais en faire un dossier de ton topic, stinterressant comme même

Avant j'étais prétentieux, maintenant je suis parfait.

SoundCloud | Stompin at decca |  I can't give you anything but love

44
Je découvre cet article sur le tard, donc intervention tardive, excusez-moi :oops:

Citation :
si on appuie fort, ou en légereté, vite ou lentement... ça change le son ?
Absolument pas. La touche commande une soupape, et celle-ci est ON ou OFF. Y a pas d'aftertouch, pas de vélocité


Ce n'est pas tout à fait vrai : Sur un orgue en bon état, bien réglé, on entendra une différence en fonction de la vitesse d'enfoncement de la touche (ou de la pédale).
Si l'on enfonce vite et fort la touche, on envoie dans le tuyau un peu plus de pression d'un seul coup, on aura donc une attaque plus franche. Un peu comme quelqu'un qui insiste sur les "p" et qui postillonne un peu !! C'est cet aspect qui est si difficile à reproduire sur les simulateurs ...
Mais cette particularité n'est valable que sur les orgues à traction mécanique.
( ça veut dire: ancien, sans relai entre la touche et la soupape qui s'ouvre. )
Sur les orgues à traction électrique, plus récents, un électro-aimant prend le relai entre le clavier et la soupape, et donc ne permet pas cette subtilité de jeu.

Mais il existe alors une autre façon de donner une illusion d'attaque : on crée une toute petite coupure avant la note que l'on veut accentuer. Cette astuce met en valeur la note qui suit le silence.
Exemple sur une pièce avec des doubles croches : 1234,1234,1234 etc ...
(on raccourcit un tout petit peu le 4 et on crée un silence à la place, avant d'enfoncer le 1 )...
Mais attention, c'est de l'ordre du détail tout petit, tout léger, délicat !
Bref, l'orgue a beau être gigantesque, ce n'est pas un instrument de brute !

Merci darinze ( tiens, t'as perdu ta majuscule ?) pour cet article de vulgarisation.
ça manquait sur AF. ( non, y'a pas que les guitares dans la vie !!!! )



Les paroles s'envolent, la musique reste.

[ Dernière édition du message le 06/12/2011 à 19:13:02 ]

45
hihihi salut Mister Sesquialtera
On va retrouver ton nom dans le prochain article sur la synthèse harmonique ;)

Tu interviens quand tu veux, hein http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/ave_jap.gif
46
T'ain jchui à ma bourre !
Dsl Darinze,
flag bien sûr
47
yeah, wizub is in da place! http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/clown.gif
Pour ceux qui ne le savent pas encore, mister wizub a fait un morceau qui s'ouvre par 4mn d'intro au grand-orgue, et ce, bien qu'il ne soit pas organiste et que ce ne soit pas son instru. A écouter (mais "Mystique" a disparu de ta page soundcloud mon bon wizub?)
48
Flag !

 "Ceux qui veulent bien faire se donnent les moyens, les autres se donnent des excuses" - "Rock Yourself !!"

49

Bon, j'ai ma famille ce week end, donc on a visité tout pleins d'églises dans Toulouse. Et dans Toulouse, il y a pleins d'organistes dans les églises, c'est très sympa.

Et j'ai vu une explication sur un orgue (dans la cathédrale St Etienne), avec des photos de la restauration, et tout. Et ils expliquaient les différents jeux de tuyaux en place.

 

Tu nous ferait un petit topo là dessus ? les 16, 8, 4, 2 2/3 (différents octaves). Les modes récits, échos, pédales (le type de clavier de commande ?) et les différents type de sons.

 

D'ailleurs, il y avait une photo de la "chambre d'écho". quoi que c'est donc ?

 

bon, et sinon cet orgue est en équilibre au dessus du vide. c'est surement pour obliger les gens à prier très fort dans cette église (qu'ils prient que ça ne leur tombe pas sur la gueule), mais ça rassure pas. Surtout une fois les basses enclenchées, quand ça vibre.

Référence en matière de bon gout capillaire et vestimentaire.
homme à tête de zizi.

http://soundcloud.com/djardin

50
Les chiffres 32, 16, 8, 4, 2, 1 ainsi que les exotiques 2'2/3, 1'3/5 etc... correspondent à des hauteurs différentes : plus le chiffre est grand, plus le jeu est grave.

Ce chiffre correspond à quelque chose de précis: c'est la longueur en pieds acoustiques (1 p.a = 324 mm) du tuyau le plus grave du jeu : la première note du clavier donc, le plus souvent, un DO.
Sur un jeu de 8 pieds, le tuyau du DO1 fait donc 8 pieds de haut : soit 2m60 (à 8mm près).
Je parle là d'un tuyau à bouche ouvert. Comme je l'ai dit plus haut, puisque le DO1 mesure 8 pieds, alors le DO2 mesure... qui a suivi ? oui, il mesure la moitié. Le DO2 d'un jeu de 8 pieds fait donc 4 pieds de haut.
4 pieds, c'est la hauteur du tuyau qui émet la note la plus grave d'un jeu de 4 pieds. C'est donc la hauteur du du DO1 d'un jeu de 4 pieds.
Résultat: un jeu de 4 pieds parle à l'octave (supérieure) d'un jeu de 8 pieds.

Le jeu de 8 pieds est à la hauteur de la voix humaine: stà dire que quand on appuie sur le do médian (DO3), troisième DO du clavier, c'est la hauteur de la voix d'homme, le DO4 est à la hauteur d'une voix de femme.
Un jeu de 4 pieds parle 1 octave au dessus d'un jeu de 8 pieds.
Un jeu de 2 pieds parle 2 octaves au dessus d'un jeu de 8 pieds.
Un jeu de 1 pied parle 3 octaves au dessus d'un jeu de 8 pieds.
A l'inverse, un jeu de 16 pieds parle 1 octave au dessous d'un jeu de 8 pieds.
Un jeu de 32 pieds parle 2 octaves au dessous d'un jeu de 8 pieds. Le tuyau du DO1 d'un tel jeu mesure environ 11m40.
Un jeu de 64 pieds parle 3 octaves au dessous d'un jeu de 8 pieds.

Tous ces jeux parlent ainsi à l'octave l'un de l'autre, ils sont donc à l'unisson.

Alors on a compliqué l'affaire.
On a inventé des jeux qui parlent à une hauteur différente de la fondamentale, on appelle cela des jeux de mutation. Ce sont les 2'2/3 et 1'3/5.
C'est-à-dire qu'on appuie un DO sur le clavier, mais c'est un MI que l'on entend. Pas tout à fait un MI en fait, juste un poil de cul au dessus, puisque c'est la tierce pure, tierce harmonique, et non la tierce tempérée du clavier. Ou alors c'est la quinte (harmonique toujours, légèrement au dessus du SOL) que l'on entend.
On ne joue jamais ces jeux seuls, on les "tire" (c'est le terme) toujours avec un jeu qui parle à la fondamentale.

Ces mutations peuvent bien évidemment être proposées à des octaves différentes que l'octave de la fondamentale. Selon cela, et aussi selon la forme de leur tuyau (large ou fin) elles apportent des harmoniques supplémentaires.

Par exemple, le Nasard. Le Nasard donne la troisième harmonique de la fondamentale du jeu de 8 pieds. C'est la quinte de l'octave supérieure. Ainsi, lorsqu'on enfonce la touche correspondant au Do1, le Nasard fait entendre le Sol2.
Son tuyau fait le tiers de la longueur du tuyau du 8 pieds qui lui correspond. Donc 8 pieds divisé par 3, 8/3 = 6/3 + 2/3 = 2 2/3. Voilà l'explication de ce chiffre étrange.
Mais le Nasard est une flûte, son tuyau est large. Si le tuyau est de taille moyenne, alors ce n'est plus un nasard, c'est une Quinte, autre jeu, avec une autre couleur.
Et on peut varier l'octave :
Une octave plus bas (Sol1 donné pour un Do1 au clavier) c'est un "Gros Nasard". Ou une Grosse Quinte si le tuyau est de largeur moyenne.
C'est un Larigot, lorsqu'il est au contraire une octave plus haute (Sol3 donné pour un Do1 au clavier). Le tuyau de Larigot fait 1 1/3.

Le jeu de tierce, fait entendre la cinquième harmonique de la fondamentale, c'est-à-dire la tierce majeure (pure) de la troisième octave supérieure. Ainsi, en enfonçant la touche correspondant au Do1, la Tierce fait entendre le Mi3. Pour cela on a coupé le tuyau en 5 : 8/5 = 5/5 + 3/5 = 1 3/5. On note donc le jeu de Tierce 1'3/5 car ses tuyaux font 1/5° d'un 8 pieds.

Après, bon, on trouve des quartes, des septièmes, des neuvièmes... des 22°...

Lorsqu'on combine tous ces jeux entre eux on remplit tout le spectre sonore !