L'Orgue à tuyaux et l'Organiste
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Anonyme

http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/organiste.gif Voici le topic dédié au roi des instruments http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/organiste.gif

ci-dessus: l'orgue de Dole (Jura)
Venez à la découverte de cet instrument secret et si particulier... un instrument très différent des autres, tant par son histoire et sa littérature, que par le rapport inhabituel qu'entretient son musicien avec lui, et puis sa situation si singulière, au cœur d'un bâtiment (c'est vrai surtout en France) très... connoté.
C'est ici le topic réservé à tous ceux qui veulent découvrir cet instrument.
Je vais tenter de vous ouvrir à lui. Vous dévoiler ses mille secrets. Faire voler en éclats les a-priori et les préjugés qui lui collent aux tuyaux : non, l'orgue n'est pas qu'un pousseur d'alléluias! Oui, on joue autre chose que des messes dessus! Et oui, c'est l'instrument le plus difficile au monde...
On n'est pas ici entre élitistes de l'instrument, entre vieux barbons.
Ce lieu est ouvert à tous.
Puissé-je vous intéresser au monde fabuleux qui se cache derrière ces austères rangées de hauts tuyaux (cela, qu'on appelle véritablement "les orgues" au féminin pluriel) et ce monumental buffet en bois massif, qui trône au-dessus de l'entrée, en hauteur, dominant la nef comme la passerelle de commandement domine le pont du navire...
Tè, bé, venez avec moi! Empruntez à ma suite le petit escalier dérobé au fond de l'église, en colimaçon, et montons à la tribune, cette petite place réservée au commandant de bord... Pour ouvrir le débat de manière surprenante et ma foi, plutôt agréable, je laisse la place à une commandante: miss Carol Williams, dans un morceau classique très, très connu: le Vol du Bourdon de Rimski-Korsakov.
L'occasion, peut-être, pour certains d'entre vous, de voir pour la première fois un organiste en action à sa tribune. L'occasion, probablement, d'en prendre également plein la gueule: admirez le jeu de jambes de madame et songez à la diabolique précision de ses pieds... nous reparlerons de tout ça, juste après.
(PS) Je sais: sa petite oeillade assassine à 00:08 a fait trembler tous les matous du forum. http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/loving.gif
Avez-vous aimé ce premier argument en faveur de mon instrument chéri ?

Anonyme

Et ouais, à première vue y a du Jean-Michel Jarre chez l'organiste: pourquoi diantre autant de claviers ?
Et le machin en bas, c'est vraiment un clavier qu'y faut qu'on joue avec les pieds ?
Et tous ces petits boutons sur les côtés, y servent à quoi ?
Et comment ça marche tout ça ?
Et qu'est-ce qui fait le son précisément ?
Et y a des lampes dans les amplis, ou c'est des plugins gratos ? Ca tourne sous quel OS ?
Il faut être plusieurs ?
Ca coûte combien ? Ca dure combien de temps ?
Je peux en avoir un chez moi ?
Je vais essayer de répondre à toutes ces questions... et également toutes les autres que vous me poserez http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/clin_d_oeil.gif, avec des images, des animations, des vidéos....
Je vais tenter d'éviter les longs grands morceaux savants compliqués, réservés aux initiés et qui gonfleraient prodigieusement les 9 dixièmes du grand public (au moins autant qu'un traité de Spinoza), et plutôt me tourner vers des choses un peu surprenantes comme la vidéo de Carol. Essayer d'être un guide, plutôt qu'un prof de 3° année de cycle d'ingénieur, quoi...
Let's go !

Anonyme

Ben, en gros, imaginez qu'un orgue c'est un ensemble d'un bon millier de flûtistes... pour un petit orgue, hein.
Pour un gros (celui de la photo au post numéro 1), on compte facilement plus de 10.000 "flûtistes".
Et pour un très gros instrument, on peut aller jusqu'à plus de 20.000.
Hein, autant ? Oui... mais non en fait. Pour être précis, il faut imaginer que chacun de ces flûtistes ne sait faire qu'une note et une seule.
Donc, chacun son son (y en a avec des grosses flûtes et d'autres avec des petites), et chacun sa note (y en a avec des longues flûtes et d'autres avec des courtes).
Le tuyau d'un orgue et la flûte à bec, ont le même principe de fonctionnement. Ci-dessous, une coupe d'une embouchure de flûte à bec:

L'air, qui provient des poumons du flûtiste, est canalisé vers une lame, un biseau, sur lequel il bute et se divise. En se divisant, il provoque une vibration. Cette vibration est reprise et amplifiée par le tuyau: un son est né.

Le tuyau de l'orgue réagit de la même façon, sauf que l'air n'est pas insufflé par un homme mais par une machine, et qu'il n'y a pas un tuyau, mais plusieurs.
http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/puce1.gifFonctionnement simplifié
Une soupape, commandée par la touche du clavier, ouvre ou ferme le circuit, donc laisse ou non passer l'air, vers le tuyau:

Voilà: une arrivée d'air, un conduit, une soupape, un tuyau, et une touche de clavier pour actionner la soupape: on a là les pièces maîtresses du fonctionnement d'un orgue.
Il suffit de multiplier le nombre de tuyaux pour avoir des notes différentes (il faudra alors une touche par note, comme sur un clavier de piano), ou de multiplier le nombre de tuyaux sur une même note pour avoir des sonorités différentes (on appelle cela un registre).
http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/puce1.gifFonctionnement plus complexe: plusieurs tuyaux sur une seule note
La soupape directement liée à la touche commande toujours l'arrivée de l'air dans le conduit. On a rajouté un tuyau après le tuyau déjà existant : il a fallu mettre un T sur le conduit, et monter deux nouvelles soupapes, dans les conduits verticaux, afin de commander le passage de l'air dans les deux tuyaux :

Cas 1: les deux soupapes verticales sont closes. Même si on abaisse la touche, aucun air ne parvient au tuyau : pas de son.
Cas 2: on ouvre la première des deux soupapes verticales. Lorsqu'on abaisse la touche, l'air parvient au premier tuyau, et le fait sonner : une note est émise.
Cas 3: on ouvre les deux soupapes verticales. Lorsqu'on abaisse la touche, l'air parvient aux deux tuyaux à la fois et les fait sonner : DEUX notes sont donc émises pour UNE touche appuyée, on dit que les deux tuyaux "parlent".
On constate qu'on peut rajouter autant de tuyaux que l'on veut sur la note : en travaillant le timbre de chacun d'eux, on obtiendra des sons différents.
On constate également que le nombre de tuyaux n'influe pas sur le nombre de soupapes activées par la touche du clavier : donc un orgue de cent jeux n'est pas plus difficile (si on parle de l'effort musculaire à exercer sur la touche) qu'un orgue d'un seul jeu : mais il aura en revanche un son bien plus "harmoniquement" plein puisque plusieurs "voix" vont se mêler pour produire la note.
Par contre, un orgue de cent jeux nécessitera cent soupapes, chacune commandant un jeu. L'organiste dispose à la tribune des boutons qui lui permettent d'ouvrir ou fermer ces soupapes: on les appelle tirants de registres. Ce sont les fameux "plein de petits boutons" qu'on voit de part et d'autre de Madame, dans la vidéo ci-dessus.
[ Dernière édition du message le 29/11/2011 à 15:45:08 ]

Anonyme

L'orgue est né il y a très longtemps... les premières images datent du III° siècle av. JC avec l'hydraule, un instrument grec œuvre de l'ingénieur Ctésibios:

L'hydraule (hydr(o)- (« eau ») + aulos (« flûte »)) tient son nom du fait que l'air qui alimente les tuyaux est mis sous pression grâce à une cloche retournée dans un grand volume d'eau. De l'air est insufflé sous cette cloche, et s'en dégage par une issue située sur le sommet de la cloche. De là il rejoint les tuyaux... ou pas, si une soupape le lui interdit entretemps.
La pression atmosphérique extérieure agit sur l'eau, qui agit sur l'air coincé sous la bulle : le premier système régulateur de pression au monde est né...
fiche Wikipédia de l'hydraule et de Ctésibios: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ct%C3%A9sibios
[ Dernière édition du message le 29/11/2011 à 14:25:50 ]

Traumax

Preum's !
Je vote pour transformer ce début de thread en article, ou à défaut en topic de la semaine.

Anonyme

Mazette! http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/ooo.gif Tu viens de me mettre une tonne et demie de pression sur les épaules, là !
Bienvenue sur ma tribune, Trautrau.

le reverend

Flag sur toute cette tuyauterie !
Mais quid des orgues à anches ?
Putain, 22 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique ! :-( :-)

Anonyme

Mon père! Il ne manque plus que l'abbé Founasse se joigne à nous et la confrérie est réunie!
T'inquiète, je parlerai évidemment des tuyaux à bouche et à anches, de leurs différences. Je parlerai également des orgues de théâtre et de cinéma dont les plus connus s'appellent Wurlitzer. Tout cela viendra.

Djardin

Flag, bien entendu.
Il faudrait aussi prévoir les orgues mécaniques comme les Hammond, et les mini orgues genre harmoniums. Non ?
Référence en matière de bon gout capillaire et vestimentaire.
homme à tête de zizi.

Anonyme

Citation :
Je vote pour transformer ce début de thread en article, ou à défaut en topic de la semaine.
+1 Merci Da.


Anonyme

les mini orgues genre harmoniums
Toi tu vas te faire découper en tranches fines si tu dis ça à un organiste. http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/badteeth.gif
L'harmonium est un instrument à part entière, à la croisée de l'accordéon et de l'orgue à tuyaux. J'en parlerai, d'autant que cet instrument est encore de nos jours très populaire en Inde. En nos contrées, il a subi tous les a priori de son grand frère (lieu de culte, religion, toussa) mais n'a pas su parallèlement conquérir ses lettres d'instrument de salon.
On pourra certes évoquer les Rhodes et les Clavinet, dont la conception les situe à mi chemin entre le piano de salon, le toypiano et la guitare électrique... voire le Celesta, entre la batterie et le piano, bien que là on s'écarte du sujet initial.

Djardin

Citation de : darinze
Citation :les mini orgues genre harmoniums
Toi tu vas te faire découper en tranches fines si tu dis ça à un organiste. http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/badteeth.gif
Bah, ça reste un truc de grenouilles de bénitier, ou t'as un clavier et de l'air, non ?
Référence en matière de bon gout capillaire et vestimentaire.
homme à tête de zizi.

Anonyme

De grenouilles, oui. Hélas http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/tire_la_langue.gif

cortmgm

flag
Cette fois, je crois que nous sommes complètement ça y est c'est foutu...

Pretextat

Bravo darinze !

cyar


Jofree

Bon bah j'vais lire ce thread religieusement sur de la musique sacrée (même si profane en la matière). :hummm:
Sinon petite question avant d'aller plus loin, lorsque un orgue est un peu souffleteux et qu'on prend plaisir à en jouer, peut-on parler d'orgue-asthme ?
hop hop hop...
"To boldly go where no man has gone before."

Anonyme

(T'inquiète le maître des lieux a de l'humour http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/super2.gif)

Jofree


"To boldly go where no man has gone before."

Djardin

J'viens d'entendre un orgue jouer dans une église, et je me posait 2 questions :
Comment on genre le volume ?
Il y a moyen de mettre différents tuyaux pour avoir différents octaves et changer le son, mais le volume ? pas possible ? plus d'air ? ou alors les tuyaux de même longueurs sont doublés ?
Et aussi : chaque touche n'a qu'un mode ? on choisi le son avec les tirettes, mais est ce que si on appuie fort, ou en légereté, vite ou lentement... ça change le son ?
Référence en matière de bon gout capillaire et vestimentaire.
homme à tête de zizi.

Anonyme

Comment on gère le volume ?
c'est TRES simple : on ne gère pas.
Je prépare un post sur les tuyaux et les différentes façons d'obtenir le son, où j'aborderai la question.
On dispose de différents jeux sur l'orgue : certains sont graves, d'autres aigus, certains sont sourds et très doux, d'autres très percutants, et y en a même qui sont horribles à jouer et avec lesquels on n'entend qu'une espèce de "bouillie" criarde et suraigüe, totalement impropre à la mélodie ou à l'accompagnement... mais paradoxalement, ils sont indispensables.
Pour gérer le volume donc, on va mettre plus ou moins de jeux ensemble, et on sélectionne par la même occasion, ou des jeux doux, ou des puissants.
Cela dit, il y a quand même sur certains orgues un moyen, c'est la boîte expressive.
L'idée est d'enfermer tous les tuyaux dans un caisson isolant. Sur les parois de ce caisson, des volets, tu sais, comme des stores à la fenêtre, qu'on peut plus ou moins ouvrir ou fermer.
L'ouverture des volets se commande par une pédale à la console. Selon l'enfoncement de la pédale, les volets de la boîte sont plus ou moins ouverts, le son est plus ou moins fort.
si on appuie fort, ou en légereté, vite ou lentement... ça change le son ?
Absolument pas.
La touche commande une soupape, et celle-ci est ON ou OFF. Y a pas d'aftertouch, pas de vélocité

A la rigueur, on peut ressentir une différence entre une note répétée en staccato, et un gros accord maintenu, comme pour un final. Cette différence se matérialisera dans la réverbération, naturelle, de l'église. Un gros accord va résonner longtemps et sur tous les murs, des notes staccato, beaucoup moins.
[ Dernière édition du message le 02/12/2011 à 19:26:43 ]

Traumax

Pourquoi l'orgue comme instrument d'eglise ?

Anonyme

D'autant que je sais plus qui, un homme d'église même, je crois, avait un jour (sté y a longtemps) déclaré que "seul le diable pouvait jouer de l'orgue", ou un truc comme ça.
L'orgue a longtemps été "pestiféré" ou du moins, décrié, avant de devenir paradoxalement l'instrument de référence du culte. Mais quand et pourquoi? je sais pas.
je me renseignerai
[ Dernière édition du message le 02/12/2011 à 19:33:23 ]

Anonyme



za-goAt

Citation :
"seul el diable pouvait jouer de l'orgue"
Dracula, en tout cas, à l'air de bien se demmerder
La musique adoucit les meurtres...
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