Pour ses dix ans, Z3TA+2, le synthé à synthèse waveshaping de Cakewalk est enfin porté sous Mac. Profitons donc de cet anniversaire pour voir ce que cache ce logiciel.
En guise d’incipit : à toute règle correspondent des exceptions. En voici une puisque ce test est réalisé sur une version Release Candidate d’un logiciel, ce que je me suis toujours refusé à faire (et a fortiori sur des versions beta) pour des raisons évidentes : produit non fini, fonctionnalités manquantes, instabilité, etc. La raison de cette exception ici est que le synthé m’a paru tout au long du test très stable, les fonctionnalités ne posant aucun problème. Ce qui m’a aussi décidé, c’est que de plus en plus de logiciels ou bibliothèques d’échantillons sortent dans des versions qui ne sont plus aussi abouties qu’il y a quelques années (c’est un euphémisme…), parce qu’il est plus simple (pour diverses raisons, pas tout le temps cyniques, d’ailleurs) pour certains éditeurs d’utiliser le client comme beta-testeur qui fera remonter les bugs, plutôt que de faire appel à une équipe dédiée qu’il faudra financer. On a pu dans les divers tests publiés sur AF constater les résultats de tels procédés…
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Bref, assez parlé de ma pomme, passons au portage de Z3TA+2 sur l’autre. Dix ans, donc, que rgc:Audio a sorti son z3ta+, utilisant la synthèse waveshaping (un principe de modification d’une forme d’onde par des distorsions non linéaires), et offrant des caractéristiques alléchantes. Le synthé est ensuite passé chez Cakewalk, lors du rachat de rgc:Audio en 2005 (Cakewalk lui-même détenu par Roland depuis 2008), et a continué à s’enrichir (version 1.5 en 2007, et 2 en 2011). Dix ans pour passer d’un soft exclusivement PC à l’univers Mac, c’est long. Mais c’est bien, car il reste encore des irréductibles (dans l’autre camp aussi, remarquerez-vous).
Introducing Cakewalk Z3TA+2
Le logiciel est disponible au téléchargement sur le site de l’éditeur, pour la somme de… 79 euros. Ce qui le place à un tarif particulièrement avantageux par rapport à sa concurrence potentielle. Espérons que son intérêt ne soit pas que pécuniaire. Le synthé devient avec cette version compatible Mac et PC, 32 et 64 bits, aux formats VST, VST3 et AU. La version PC offre une version autonome (standalone), sans que l’on sache encore si ce sera le cas pour la version Mac, ne disposant pour le moment que de versions VST3 et AU, cette dernière utilisant un wrapper. On préfèrerait une version purement AU, garantissant a priori une plus grande stabilité, mais il ne faut pas oublier que Cakewalk maîtrise cette technique depuis le rachat à FXpansion de son VST-DX Adapter en 2003. Soit le temps d’être au point dans le principe de wrapper… L’installation s’effectue sans problème, l’autorisation se fera lors de l’installation, avec nom, prénom et numéro de série. Passons aux choses sérieuses, l’architecture plutôt hors norme de la bête, concentrée dans deux fenêtres, Synth et Effects. Commençons par la première.
Z3TA toi d’osciller
Le synthé propose pour commencer six oscillateurs par note, ce qui est déjà respectable, qui seront portés à 48 oscillateurs par note en mode Multi, ce qui est plutôt remarquable, sachant qu’ils offrent des principes d’intermodulation cyclique, ce qui est a priori une source de puissance et de variété sonore phénoménale. D’abord, comme dans tout oscillateur qui se respecte, on choisit une forme d’onde, avec un réglage de hauteur, plus ou moins 12 demi-tons et par octave, plus ou moins cinq. On fait défiler les valeurs en cliquant (clic droit pour décrémentation), pas de cliqué-tiré, dommage. Un accord fin joue sur plus ou moins 50 cents, on dispose d’un potard Level et d’un Phase (Spread en mode Multi). Jusque-là, que de l’habituel.
Moins habituels, les réglages de Mode, qui définissent le comportement de l’oscillo : Normal Sync (la période de l’onde recommence à chaque note jouée), Normal Free (la période ne redémarre pas), Multi Sync et Multi Free (selon le même principe, offrant jusqu’à huit oscillateurs pour un) et Fixed Sync et Free (l’oscillateur délivre une fréquence fixe). Les deux premiers modes disposent aussi d’une version inversée. Group, ensuite, règle le comportement de l’oscillo par rapport aux autres. Add est le fonctionnement de base, l’oscillo va vers les filtres, en parallèle avec les autres. Ring l’associe au suivant pour une modulation en anneau. Sync place l’oscillo suivant dans la chaîne en esclave. PM et FM provoquent respectivement modulation de phase et modulation de fréquence. Pour donner une idée des possibilités offertes, l’exemple suivant fait entendre deux oscillos chargés avec une simple sinus (une à l’octave supérieure) et des modifications de Mode et Group. Dans l’ordre Add, Ring, Sync, PM, FM, Multi en PM et Multi en FM sans quasiment bouger les réglages.
Tout ceci sans un poil de filtrage ni de modulation. Il suffit d’imaginer ce que cela donne quand on utilise une des 60 formes d’ondes mises à disposition ! Ou l’une des six que vous aurez pris soin d’importer grâce aux emplacements prévus (taille maximale de 65 536 échantillons)… Impressionnant. Mais ce n’est rien, puisque nous ne sommes pas encore rentrés dans le waveshaping à proprement parler.
Z3TA toi de déformer
Pour chaque oscillateur, on dispose d’une série de 16 curseurs pour modifier la forme d’onde initiale selon plusieurs paramètres très différents et on peut corriger offset de DC et symétrie en cliquant-tirant dans l’écran affichant la forme d’onde. Warp, Offset et Twist vont jouer sur l’amplitude et la polarité, Drive sur la saturation, Window forcera la forme d’onde dans une fenêtre triangulaire, Wave accentuera la fondamentale, Bit Reduction fait ce qu’il dit, Shrink raccourcit la période, SelfSync produit un effet proche de la synchro, Multipoint insère trois points zéro dans la forme d’onde, LPF, HPF, Spectrum, Random All et Odd et Fold s’ajoutent aux modifications du contenu harmonique par filtrage, phasing, randomisation, etc. En regardant la capture d’écran associée, on verra d’un côté la forme d’onde avant et après réglages, et on en entendra l’effet dans l’exemple suivant.
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Très bon point, on peut sauver la forme d’onde ainsi obtenue d’un simple clic droit dans l’afficheur grâce au menu déroulant. Pensons que cela est le résultat de manipulations effectuées sur un seul oscillateur, et qu’il nous en reste cinq, et leurs possibilités d’intermodulation… La sortie de chaque oscillateur peut ensuite être envoyée vers l’un et/ou l’autre des filtres. Dernier élément des oscillateurs, l’onglet Perform qui offre tous les paramètres de réglages du Bend, avec une approche assez originale. D’abord, plusieurs modes, Low, High, Hold, pour lesquels, et respectivement, uniquement les notes graves, aiguës et tenues seront pitchées et Normal, le bon vieux fonctionnement. Et surtout le mode In-Key Pitch Bend, rendu possible grâce au paramètre Bend Scale, qui forcera les notes d’un accord à monter (ou descendre) en se calant sur les notes correspondant à plusieurs choix de gammes, de la gamme majeure à la pentatonique en passant par la mineure mélodique, harmonique, etc., avec réglages indépendants pour les valeurs négatives et positives. Absolument génial ! On se prend à rêver de l’inclusion de la fonction à tous les instruments virtuels (et hardware)…
Le Portamento bénéficie lui aussi de quatre modes de réaction, avec réglage du temps d’action, de 0 à 10 secondes. Un Pad X/Y pourra être associé à deux paramètres, avec temps de passage d’un point à un autre réglable (à la souris ou via commande externe). Hélas, le paramètre d’activation du pilotage via Joystick n’est disponible que sous Windows. Heureusement, le Midi Learn permettra d’y assigner les contrôleurs idoines. Enfin une mini-section Analog offre deux réglages, Burst, qui rajoute un pop caractéristique et Drift qui désaccorde aléatoirement et séparément chaque oscillateur. Ouf…
Filtres et compagnie
Z3TA+2 embarque deux filtres que l’on peut utiliser en série et parallèle. Ils disposent tous deux de réglages semblables, Cutoff, Resonance, Pan et Level. On choisira ensuite le type de filtre parmi 14 différents, dont des LPF, HPF, BPF, Formant, Comb, deux ou trois pics de résonance., deuxième, quatrième et sixième ordre. Ils disposent chacun d’un limiteur, d’un Boost de la résonance et d’un réglage de séparation permettant de renforcer l’indépendance de chaque pic.
On continue avec les enveloppes, six assignables à n’importe quelle destination, une dédiée au Pitch, et une autre à l’amplitude. Chacune dispose d’un délai retardant l’entrée en action, d’une attaque, d’un Decay et d’un Sustain, chacun avec Time et Level, et d’un Release, avec réglage Amount (action globale de l’enveloppe). Attack, Decay, Sustain et Release disposent en plus de trois réglages de pentes, linéaire, convexe, concave. L’enveloppe de Pitch montre des paramètres quelque peu différents : Delay, Start, Attack et Release avec Time et Level, et Decay.
Même richesse du côté des LFO, avec quatre pour toutes les voix du synthé et deux fonctionnant par voix. Comme ça ne suffisait pas, chaque LFO en embarque en fait deux, qui seront mélangés via morphing ou fonctions mathématiques. Presque 50 formes d’ondes sont disponibles, ainsi que 10 utilisateurs à importer. 11 modes permettent de choisir entre addition, soustraction, division, etc. La synchro est bien évidemment disponible, ainsi que divers décalages de phase.
Enfin, Offset, Delay, Fade In (pour une entrée en action progressive), Morph, Speed et Amount complètent les paramètres disponibles. De véritables usines à modulation, très puissantes. Puisqu’on parle de modulation, voici la matrice de modulation, sur 16 rangs (deux pages), avec choix de sources entre la quasi-totalité de celles disponibles dans le synthé, taux d’action dépendant d’une courbe à choisir parmi 12 types, pilotées ou non par un contrôleur Midi, la vélocité, le Bend, le type de notes, etc., et pouvant être dirigées sur l’ensemble des fonctions de Z3TA+2.
Tourner la page
Comme si tout ceci ne suffisait pas, Cakewalk a dédié une page entière aux effets. On trouve parmi ces derniers un processeur de distorsion agissant sur les filtres (l’un et/ou l’autre, par voix ou de façon globale), offrant cinq modes, de l’overdrive subtil à la distorsion heavy, avec réglages de tonalité, gain et niveau de sortie (que l’on retrouvera sur tous les effets de la page), ainsi qu’un paramètre Decimator (réduction de la fréquence d’échantillonnage). Suit un compresseur offrant réglages de seuil, ratio et gain, ainsi que trois modes, rapide, Mid et lent. Vient ensuite une réverbe disposant de plusieurs algorithmes, Small Room, Mid Hall, Large Hall et Plate et quatre réglages, Size, Damp, Low et High. Un processeur d’effets de modulation embarque plusieurs types de chorus, flangers et Phaser, avec possibilité de synchro et choix de formes d’onde (deux sinus et une triangle). On paramètrera le tout avec les potards de profondeur, vitesse, retard et réinjection. Deux réglages Low et High retoucheront le son du signal traité, une fois le EQ Mode activé.
Viennent ensuite non pas un, mais trois délais stéréo en série, avec synchro, EQ Mode (trois bandes, L, M et H), réglages de temps indépendants L/R et taux de réinjection, fonctionnant selon quatre modes, Stereo, Ping, Cross et LRC. On finit pour les effets avec un EQ/Simulator, offrant un EQ graphique sept bandes (plus ou moins 15 dB) selon plusieurs modes (influant sur les fréquences centrales et l’étendue couverte par l’EQ, d’une plage de fréquences à tout le spectre) et un simulateur stéréo donnant le choix entre 30 types d’amplis, baffles et EQ spéciaux. Pour gérer tout ça (en rappelant que tout est modulable via la matrice), l’éditeur offre un routing (série uniquement, dommage) dans lequel on activera et placera les effets selon son bon vouloir, par simple glissé-tiré. Tout cela est excellent, sur le papier. Écoutons maintenant la bête.
Du son !
On va piocher dans les très nombreux présets, en remerciant l’éditeur d’avoir inclus ceux des précédentes éditions. Certains seront modifiés, d’autres laissés tels quels avec quelques « from scratch ». Le classement est le même dans les deux banques fournies, commençons par les sons arpégés.
Puis les Basses.
Quelques claviers.
Voici les Leads.
On continue avec les Pads.
Et on finit avec les Séquences.
On ne peut pas tout mettre, mais il reste encore des dizaines de sons classés dans les autres familles, Short Plucked, Simulations, Sound FX, Synthesizer et Textures.
Bilan
Indéniablement, le synthé offre des possibilités de synthèse extrêmement puissantes, grâce à une architecture regroupant à la fois configurations inédites et modules plus habituels, mais en nombre conséquent. La richesse des oscillateurs, les nombreux effets pouvant être intégrés dans le sound design, les nombreuses modulations (enveloppes, LFO, matrice), le Pitch Bend (pardon, LE Pitch Bend), la gestion des fichiers d’accordage Scala, l’arpégiateur/gate promettent des heures de design. De plus, le synthé se révèle parfaitement stable et très bien réalisé, aucun potard ne crachant, aucun fader ne montrant d’échelle. Le Midi Learn fonctionne très bien, très simplement, la gestion de formes d’ondes utilisateur (oscillos et LFO) est une bonne idée fonctionnant sans problème. Bref, quasiment rien à reprocher dans l’architecture et la réalisation. Reste sa patte sonore : comme on a pu l’entendre sur les différents extraits sonores, Z3TA+2 ne fera pas d’ombre à toutes les émulations de synthés analogiques vintage, du type DIVA. En revanche, pour ce qui est des sonorités définitivement numériques, le synthé se pose là. Si l’on ne se trompe pas de destination, aucun doute que Z3TA+2 répondra parfaitement aux attentes du musicien à la recherche de ces couleurs sonores bien particulières.