Entre une industrie du disque qui se cherche, d'autres industries en besoin de musique et des artistes qui tentent tant bien que mal de se faire entendre sur des réseaux tentaculaires, force est de constater qu'il manque un outil simple qui permettrait à tous ces gens de communiquer. Un outil qui pourrait bien s'appeler Noomiz...
On pourrait discuter des heures sur le pourquoi du comment, mais c’est un fait : ce que certains rétrogrades de l’Ancien Régime, accrochés à leurs privilèges, voudraient faire passer pour une crise qu’on va résoudre à coups de lois répressives et de taxes, est plus une mutation qu’autre chose. Les gens ne consomment plus la musique de la même façon, et les artistes ne la font plus de la même manière non plus : beaucoup d’auditeurs ont remplacé les heures qu’ils passaient devant la télé par celles qu’ils consacrent au Net, cependant que les artistes ont pris d’assaut le web pour toucher par leurs propres moyens leur public et qu’Amazon ou iTunes sont en train de gentiment tuer la Fnac. On peut être contre Facebook et ne pas aimer le côté Big Brother d’un Google, il n’empêche que c’est sur Internet que se joue le marché de la musique de demain, voire d’aujourd’hui, que ce soit pour dénicher les talents, faire parler d’eux ou encore vendre leurs albums.
Dans tout cela, un do reste un do, et la réalisation d’un disque ou d’un concert de qualité passe toujours par le regroupement de nombreux acteurs autour d’un projet (ce qui implique aussi de l’argent pour payer tout ce petit monde, du directeur artistique à l’ingé son, du musicien à l’auteur ou à l’agent, etc.). Des acteurs qui ont parfois du mal à se trouver tant le Net est vaste, et tant il contient tout et n’importe quoi, sans distinction possible. Des acteurs en besoin d’outils pensés pour leurs besoins, et d’un lieu de rencontre donc.
Après l’ère MP3.com, MySpace a longtemps incarné cet Eldorado, mais trop occupée à penser quantité plutôt que qualité, puis à faire fructifier son réseau social avec des bannières de pubs envahissantes et à courir après Facebook, la plateforme est en voie de devenir has been. Du coup, sans qu’on puisse encore parler de trône vacant, ça s’agite dur au niveau des challengers et les services de blogs orientés musiciens fleurissent ça et là, plus ou moins bien foutus et plus ou moins efficaces : Soundcloud, BandCamp, CQFD, MyMajorCompany, etc.
Et c’est dans ce far west que débarquent les Français de Noomiz, avec beaucoup plus d’idées que de pétrole, certes, et des idées qui, si elles ne vont pas bouleverser l’économie de la musique, devraient singulièrement aider ses différents acteurs à faire leur métier, pour le plus grand bénéfice de l’auditeur.
Zoom in Noomiz
Derrière Noomiz, on trouve deux amis qui se sont connus en faisant de la musique en amateur : Thomas Artiguebieille et Antoine El Iman. Le premier, c’est un ingénieur en informatique chevronné, musicien électronique venu à l’informatique via la MAO, chef de projet puis Manager chez Cap Gemini (l’une des plus grosses sociétés de services en ingénierie informatique) et qui s’occupe par conséquent du développement technique du site. Le second a été bassiste et MAOïste, représentant chez les disquaires, mais il a surtout passé 12 ans chez Universal Music où il occupait le poste de responsable marketing commercial pour Polydor et Mercury. Ce faisant, il a bossé sur des artistes aussi divers que Feist, Queens of the Stone Age, Black Eyed Peas, Eminem, Metallica, Rammstein (c’est lui qui déterminait les prix de vente des albums dans les grandes enseignes ou encore mettait au point des opérations de trade marketing : disque en tête de gondole dans un Carrouf par exemple…) avant de partir monter Noomiz. Deux profils très complémentaires donc, et qui ont pris le temps, du haut de leur expérience, de se poser les bonnes questions par rapport au marché de la musique, aux problématiques des artistes, et aux moyens de faire vivre tout ce petit monde financièrement, sans pour autant vendre son âme au diable.
De fait, certains principes régissent Noomiz, dont le premier est en rupture avec les modèles actuels : privilégier la qualité à la quantité. Concrètement, ça signifie que si tout le monde peut faire une demande pour ouvrir un espace chez Noomiz, tout le monde ne sera pas exaucé : l’équipe du site prend en effet la peine d’écouter les morceaux soumis, et ne retient que les artistes dont la production est d’une qualité pro ou semi-pro. Pas de reprise karaoké de Lara Fabian par Stella 12 ans donc, ni de rap à la Dadane enregistré avec une webcam au fond des chiottes. Ca nous prive évidemment de grands moments de rigolade, mais ça assure au site une qualité globale, quel que soit le style (car évidemment, il n’y aucune sélection en terme de genre musical, seul le critère qualitatif est retenu). De ce fait, contrairement à la plupart des plateformes de blogs pour musiciens existantes, Noomiz n’entend pas tirer ses profits d’un trafic de masse (du moins pour l’instant) et si les concepteurs ont quand même gardé un espace publicitaire, au cas où, sur chaque page (bannière au sommet du site), on est très loin de la débauche clignotante d’un My 'Buvez Coca Cola’ Space, avec une interface misant sur l’épure…
Cela nous mène directement à l’autre grand principe qui sous-tend le projet Noomiz : la simplicité. A l’heure du Web 2.0 et des applications en ligne réalisées en Flash ou en Javascript, les développeurs se sont échinés à nous concocter une interface résolument moderne. Loin du hack CSS qu’il faut copier-coller dans la case Biographie d’un MySpace, l’interface de gestion de la page est extrêmement simple à utiliser dans la mesure où tout se fait graphiquement, façon logiciel de PAO…
Au-delà de ce petit défaut d’ergonomie, notons aussi que le parti-pris grand public de l’interface pourra en frustrer certains : le blog Noomiz est loin d’être aussi souple et configurable qu’un Wordpress, un DotClear ou un NetVibes et en dehors de textes, de liens et des photos (ce qui permet tout de même de bâtir une page sympa), il n’est rien possible d’ajouter : pas de lecteur RSS capable de récupérer votre flux twitter, ni de widget quelconque, pas non plus de place pour une vidéo Youtube dès l’arrivée sur la page… Bref, tout est très bien conçu et donne des résultats assez probants côté design, mais tout demeure relativement statique, l’essentiel du contenu étant remisé dans un ‘Player’ occupant la partie droite de l’écran.
The Player
Bref, l’ensemble, s’il n’est pas sans défaut, est plutôt bien foutu, à plus forte raison si l’on considère que tout cela est mis gratuitement à disposition. La gratuité pour l’artiste, c’est justement un des autres grands principes de base de Noomiz, Antoine El Iman soulignant qu’un artiste, s’il a de l’argent, doit plutôt l’utiliser pour s’acheter du matos ou même voyager pour nourrir sa créativité, plutôt que de le dépenser dans du webmarketing. Une différence de taille avec certains concurrents, plaçant l’argent au cœur du métier artistique comme MyMajorCompany ou Revenonsalamusique.com.
Tout cela est bien gentil, me direz-vous, mais si beau et sympathique soit-il, le blog à la Noomiz n’apporte rien de transcendant, rien qui en tout cas, permettent de comprendre comment Antoine et Thomas compte faire vivre leur petite dizaine de salariés et permettre aux artistes de gagner leur vie également.
Or, le blog, c’est un peu la partie immergée de l’iceberg Noomiz. Car l’essentiel est ailleurs…
Pro Stats
Antoine El Iman et Thomas Artiguebieille l’ont bien compris : ce n’est pas en sollicitant les musiciens ou leurs auditeurs qu’ils gagneront de l’argent, mais en visant plus haut, chez les professionnels dont le métier est d’investir dans la musique. Maisons de disque à la recherche de nouveaux talents, agences de com à la recherche d’un morceau pour l’identité musicale d’une marque, ou encore agences de pub à la recherche de la bande-son pour un spot : ce sont là autant de gens qui peuvent injecter beaucoup d’argent dans l’industrie de la musique et qui, étonnamment, manquent d’outils pour mener leur tâche à bien. Et c’est justement ces gens-là que Noomiz veut séduire, en leur proposant une plateforme taillée sur mesure pour leurs métiers.
Evidemment, Antoine et Thomas ne veulent pas trop en dire sur la façon dont l’algo fonctionne, car c’est là leur unique gagne pain (on n’imagine mal Google expliquer avec précision comment fonctionne son moteur de recherche) mais parce qu’ils l’ont développé en consultant les divers gens du métier, disons que ce dernier est très loin du bête compteur d’écoutes pondéré par un nombre d’amis fantaisiste comme le fait MySpace. Antoine insiste grandement sur le fait que ces ‘amis’ en question ne veulent absolument rien dire et que ce n’est pas forcément celui qui a le plus d’amis qui a le plus d’auditeurs, ou qui fait la musique la plus attentivement écoutée. En vis-à-vis de cela, l’algo de Noomiz regarde avec précision qui écoute les morceaux, et prend en compte la qualité de ces écoutes : l’auditeur a-t-il écouté le morceau du début à la fin ou l’a-t’il arrêté après 20 secondes ? Et qu’a-t’il écouté d’abord ? Puis ensuite ? Voilà qui fait une différence de taille avec les stats habituellement livrées par les plateformes de blogs pour musiciens, d’autant qu’à la faveur d’une application et d’un widget Facebook, Noomiz peut récupérer nombre de données très pertinentes pour aider les professionnels.
Ces derniers achèteront ainsi les résultats de recherche de l’algo, ou encore s’abonneront au service pour recevoir périodiquement une liste d’artistes à aller voir d’un peu plus près, triés en fonction des critères qu’ils auront définis. Le prix de ces prestations variera bien sûr en fonction de la nature de la demande, mais pour vous donner une petite idée, disons que le tarif se chiffre plus volontiers en milliers d’euros qu’en centaines, ce qui n’a rien d’exorbitant pour un service professionnel qui permet un fameux gain de temps et d’efficacité.
Et le musicien dans tout ça ?
Au milieu de tout ça, personne n’est à l’abri de se voir proposer un contrat pour faire tel habillage sonore ou telle musique de pub, tandis que tous les mois, 10 directeurs artistiques des plus grandes maisons de disques rencontrent chacun un artiste qui leur a tapé dans l’oreille : un artiste évidemment choisi dans ceux que leur a fourni l’algo miracle. Soyez avertis : il n’y a aucune garantie de contrat à l’issue de la rencontre, mais obtenir un tel rendez-vous est déjà en soi une belle avancée, comme le concède le groupe La Féline qui, par le biais de Noomiz, a été mis en relation avec Nicolas Gautier d’Universal.
La preuve par l’exemple : La Féline
Au sein du groupe, c’est Agnès qui s’occupe de la promotion web du groupe quand elle en a le temps. Cette com’ se limite à 4 ou 5 pages sur des réseaux sociaux spécialisés ou non (MySpace et Facebook évidemment, mais aussi CQFD et maintenant Noomiz ) qui, explique-t-elle sont relativement complémentaires : « MySpace est espace familier pour les gens, qui savent où trouver les infos au sein de la page, et qui fédère pas mal de monde. Mais je trouve que la qualité de son est mauvaise comparé à ce qu’offre CQFD ou Noomiz. Chez CQFD, ce que j’aime, c’est leur système de Face A / Face B qui prouve qu’il y a une attention portée par la rédaction à ce qu’on fait : on n’est pas tout seul sur sa page avec tout le monde qui s’en fout (NDR : le groupe a été ‘Face A’ puis ‘Face B’ sur CQFD). Quant à savoir lequel de ces réseaux s’est montré le plus efficace, c’est quasiment impossible selon Stéphane, le batteur, qui table sur une conjonction de tous ces outils. Comment le groupe atteint-il la 23ème place dans le top Noomiz alors ? Selon Agnès, la chose s’est fait sans trop d’effort, en postant simplement un lien vers le page Noomiz sur le Facebook du groupe qui comporte 576 fans. Et comment le groupe rencontre-t-il finalement Nicolas Gautier d’Universal ? Grâce à cette 23ème place évidemment, mais pas seulement, car ce dernier avait déjà repéré La Féline sur MySpace, bien avant que Noomiz n’existe.
Du web au réel
Nicolas, comme n’importe quel dénicheur de talent, fait déjà un gros usage du web, sa méthode de recherche consistant à partir du MySpace d’un artiste (Calogero par exemple) et à aller voir tous les MySpace figurant en amis de ce dernier : au gré des clics, il découvre ainsi des groupes de tous genres et de tous pays, la plupart échappant purement et simplement à son domaine de chasse (ce n’est pas lui qui va pousser au développement d’un groupe de Death Metal suédois), mais qu’importe : avec la patience d’un orpailleur, il agite son tamis au dessus du web pour voir ce qu’il en ressort d’intéressant. Ce faisant, il avait donc déjà repéré La Féline et s’était dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire avec le groupe. De fait, la 23ème place dans le classement de Noomiz a sonné comme un rappel pour lui et l’a décidé à rencontrer Agnès, Xavier et Stéphane.
Evidemment, La Féline reste maître à bord et tout cela est affaire de discussion, mais comme il va de l’intérêt de tout le monde que Nicolas soit convaincu par la maquette qu’il va devoir défendre, et qu’on le sent vraiment passionné par ce qui est en train de se passer, tout se passe le mieux du monde. A ce stade, il est d’ailleurs à mi-chemin entre premier fan du groupe (il applaudit à la fin d’un morceau, danse ou bat des bras dans les temps forts) et directeur artistique, le tout avec le sourire et l’enthousiasme d’un gamin qui vient de trouver un jouet fabuleux au fond du grenier de ses grands-parents.
Un outil pour chasseur de tête
C’est en tout cas cet homme autant que La Féline qui sont aujourd’hui les ‘clients’ de Noomiz, ou ses partenaires pour le moins. Si les bénéfices pour le groupe sont évidents (rencontre avec Nicolas Gautier, réalisation d’une maquette aux frais d’Universal, et plus si affinités), il semble que le service soit tout aussi pertinent du côté pro. « Là où les gens de Noomiz ont été malins, c’est qu’ils nous ont impliqués dès le début dans la définition de leur outil, pour s’assurer qu’il collerait à nos besoins. Avec leur moteur de recherche, je peux ainsi faire la différence entre un groupe qui a fait 300 concerts au bar en bas de chez lui, et celui qui en a fait 300 dans toute la France, ce qui pour moi est une donnée très importante. Pourquoi ? Parce que 300 concerts dans le même bar comptent pour un dans mon référentiel."
Antoine précise d’ailleurs que lorsqu’ils ont élaboré leur algorithme, les gens de Noomiz sont allés rencontrer les Directeurs Artistiques pour faire des séances de travail et des brainstormings, histoire d’identifier tous les critères qui étaient, selon eux, à prendre en compte… Et la preuve que la chose marche plutôt bien, c’est que La Féline est ressorti dans le top qui était adressé à Nicolas Gautier.
La chose semble d’ailleurs si bien marcher qu’on pourrait presque se demander si Noomiz, au-delà de son rôle de dénicheur de talent, ne pourrait pas non plus servir l’argumentaire de vente au moment de convaincre le label, sur le mode ‘signez ce disque puisque l’algo dit que ça marche’. Sur ce point, Nicolas Gautier remet toutefois les choses à leur place : l’histoire avec la Féline est avant tout humaine et il compte bien défendre le groupe parce qu’il croit en lui, au-delà de tout algorithme. Toutefois, il reconnaît que de faire de La Féline la première signature de Noomiz donnerait un coup de pouce non négligeable côté com’ au lancement du groupe… Il explique aussi qu’il pourrait utiliser l’outil pour valider certaines de ses intuitions : persuader un groupe rencontré par hasard d’ouvrir une page Noomiz lui permettrait de vérifier certaines choses sur son potentiel, même si, comme il le rappelle, cette démarche serait presque plus celle d’un responsable marketing que la sienne, qui consiste à découvrir des talents.
Noomiz über alles ?
Noomiz et moi
Pour faire ce test, j’ai évidemment eu droit à mon petit espace Noomiz, sans savoir si j’aurais été retenu sur leurs critères qualitatifs. Sans avoir eu le temps d’y consacrer plus d’une poignée d’heures par-ci par-là, essentiellement pour voir comment se comportait l’interface de gestion, j’ai eu la satisfaction de grimper jusqu’à la 85ème place du Top 100 du mois d’avril (sur un millier d’artistes, ça fait tout de même plaisir) pour mieux disparaître dans celui du mois suivant. Preuve, s’il en était besoin, que Noomiz ne tourne pas tout seul et qu’à moins d’un minimum de promo sur le web comme l’a fait La Féline, vous n’obtiendrez pas grands résultats.
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De là à faire de Noomiz son unique outil de travail, il y a toutefois un pas que Nicolas Gautier ne veut pas franchir même si les créateurs du site aimeraient bien que ce soit le cas : « avec l’outil de recherche, je vais pouvoir économiser énormément de temps dans mon métier, de sorte que je pourrais consacrer plus de temps à MySpace ou Facebook ».
Quoi qu’il en soit, la sauce semble prendre côté pro alors que Noomiz n’en est qu’à ses balbutiements. Nombre de modules sont encore en développement (les stats côtés artiste par exemple, qui devraient arriver en juillet) et on en attend évidemment d’autres qui rendraient la plateforme plus souple et puissante, cependant que l’équipe semble très à l’écoute des suggestions de sa jeune communauté et qu’elle commence à peine le démarchage sérieux côté B2B. C’est de loin, en tout cas, l’initiative la plus intelligente qu’on ait vue depuis longtemps pour tenter d’apporter des solutions efficaces aux différents acteurs de la musique.
Une passerelle comme la définissent eux-mêmes Antoine et Thomas. Une passerelle qui donne sérieusement envie de couper les ponts avec MySpace…
A vous de voir sur www.noomiz.com .