« Quoi ?! Un test de casque nomade sur Audiofanzine ? En plus produit par une marque qui fait aussi des lecteurs Bluray, de la Hi-Fi et des Smartphones ? Et à plus de 500 balles de surcroit, ça sent l’arnaque ! »
Je sais ce que vous vous dites : « AF, c’est plus ce que c’était, ils testent vraiment n’importe quoi maintenant ». Halte aux préjugés chers amis, car si tout ce qui est écrit plus haut est vrai (sauf l’arnaque), il faut aussi rajouter que le PM-3 dont il est question aujourd’hui a été adopté par Bob Katz lui-même et qu’il s’apprête à décrocher le titre de meilleur casque fermé « ever » sur votre site préféré. Alors, on ne vous entend plus ? De toute façon Oppo est là pour fermer des bouches, à commencer par celle de votre serviteur… Sauf que je vais quand même vous raconter, vu que c’est mon boulot.
Tourner autour d’Oppo
OPPO Electronics Corp., fondée en 2004, est à la base une entreprise chinoise fabriquant des lecteurs MP3, des télés LCD, des lecteurs de DVD/Bluray et des smartphones. Mais c’est sa division située à Mountain View aux États-Unis, Oppo Digital, inc., qui nous intéresse aujourd’hui, puisque cette dernière s’est fait connaître pour ses lecteurs Bluray, mais aussi ses produits « Hi-Fi », à savoir des casques et des amplis. En 2014 sont ainsi nés les deux casques PM-1 et PM-2, vendus respectivement 1 400 et 1 000 euros et adoubés par la communauté Audiophile (oui, bon), mais surtout le PM-3, qui nous intéresse aujourd’hui, une version nomade et surtout plus abordable (comptez 530 € tout de même).
Certes les casques Audiophiles et nomades ne sont d’habitude pas l’apanage du site sur lequel vous surfez, mais les différents retours que nous avons eus, notamment du célèbre Bob Katz ou encore de notre partenaire Sonarworks, nous ont donné envie de chausser l’engin et de tendre l’oreille. Ça ne sert à rien d’être sectaire, et on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.
C’est donc avec une certaine curiosité que nous avons déballé l’engin, livré avec un étui dur assez compact, prêt à être enfourné dans le premier sac à dos venu. Car le PM-3 est un casque nomade, et le fait qu’il soit livré avec plusieurs câbles ne fait que confirmer la chose. Vous aurez le choix entre un câble de 3 m, un de 1,2 m ou encore deux câbles avec télécommande et micro, l’un pour les appareils Apple, l’autre pour Android et Windows.
Poule Oppo
La qualité de fabrication est vraiment remarquable, toutes les pièces sensibles (celles qui bougent et qui prendront les premiers chocs) sont en métal, et le look de notre exemplaire (le blanc, existe aussi en noir, bleu et rouge) est à la fois simple et raffiné. Les oreillettes tournent à 180 degrés, l’arceau se règle très facilement pour s’adapter à votre morphologie et le (a priori faux) cuir rembourré est vraiment très confortable, que ce soit au niveau du sommet du crâne que des coussinets. Le confort est vraiment très bon une fois posé sur la tête, les coussinets de type supra-aural, d’après le constructeur, englobent complètement nos oreilles, on serait donc plus dans le supra à tendance circum… Quoi qu’il en soit, on a vraiment l’impression que le casque s’adapte à notre tête et c’est plutôt agréable. Côté isolation, c’est aussi très bon pour du « passif », largement de quoi vous isoler du monde extérieur. Son poids de 320 g se fait vite oublier et les seules réserves que nous émettons concernent les oreillettes qui peuvent avoir tendance à donner un peu chaud et qui commencent à légèrement s’écailler sur notre modèle, qui n’était pas neuf.
L’impédance est de 26 ohms, ce qui est adapté au monde des appareils nomades, et les transducteurs sont orthodynamiques et plats (orthoplanar), une technologie propriétaire du constructeur qui permettrait, d’après lui, d’avoir un équilibre spectral exemplaire et une meilleure cohérence de phase. Leurs sept couches leur permettraient d’avoir une meilleure longévité et les bobines à spirales recto verso assureraient au diaphragme un meilleur amortissement, une sensibilité plus élevée et une meilleure dynamique. Pas de doute, le discours commercial de Oppo est parfaitement rodé. Il ne nous reste plus qu’à voir ce que cela donne dans les faits.
Oppo de chambre
Depuis quelque temps maintenant, nous utilisons un nouveau protocole afin de compléter l’écoute comparative classique. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks (souvenez-vous, le calibrage de casques), nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquences et du taux de distorsion harmonique élaborées par des professionnels, dont c’est le métier de tous les jours dans leur laboratoire. Elle n’est pas belle la vie ?
Pour le test, nous avons décidé de mettre cet Oppo PM-3 face au Focal Spirit Pro, un casque lui aussi fermé mais beaucoup moins cher (autour de 200 €). Cela nous permettra de voir si le prix de ce PM-3 est justifié.
On commence donc avec la réponse en fréquences du Spirit Pro, suivie de celle du PM-3 :
On sait qu’il est parfois compliqué d’avoir un bas du spectre linéaire avec un casque fermé mais ces deux modèles nous prouvent le contraire. Chaque référence garde ses qualités et ses défauts, le Spirit Pro a une courbe un peu moins accidentée dans les graves, mais commence à rendre les armes à partir de 55 Hz quand le PM-3 reste à – 2/3 dB à 20 Hz. En revanche, ce dernier accentue un peu les fréquences entre 50 et 250 Hz. Suivant les situations, on préfèrera l’un ou l’autre.
Dans le secteur des moyennes fréquences, le PM-3 est vraiment très linéaire avec seulement 3 dB de variation entre 250 Hz et 6 kHz ! Le Spirit Pro accuse plus le coup avec un petit accident à 600 Hz et surtout une réponse en fréquences qui descend jusqu’à –5 dB à partir de 2,5 kHz. Avantage donc à l’Oppo.
Rayon hautes fréquences, c’est compliqué pour les deux casques, mais le Oppo continue de tirer son épingle du jeu. Comme dit précédemment, le PM-3 est très linéaire jusqu’à 6 kHz, alors que le Focal a de grosses variations à partir de 2,5 kHz. Le chemin restera d’ailleurs sinueux pour celui-ci jusqu’au bout du spectre (20 kHz) avec des pics et des creux à +/- 6 dB. Le PM-3 présente une bosse de +4 dB entre 6 et 9 kHz pour ensuite plonger (jusqu’à –8 dB) à 10 kHz. Heureusement, cela remonte juste après. Le Oppo, s’il est loin d’être parfait, gagne le troisième set et donc le match de la réponse en fréquences.
Difficile de départager les deux casques sur la distorsion, les deux présentant le même petit défaut, à savoir un tout petit pic à 25 Hz. Rien de bien méchant… Passons maintenant à l’écoute !
Écoute
Johnny Cash – Hurt
Sur la guitare acoustique Martin, une certaine douceur se dégage avec le Oppo, alors que le Focal demeure plus brillant. Les fréquences entre 5 et 7 kHz sont ici incriminées, et surtout leur niveau par rapport aux 2/4 kHz. Sur le Spirit Pro, il y a jusqu’à 6 dB de différence sur cette octave, alors que le PM-3 reste beaucoup plus linéaire. C’est vraiment ce qui saute aux oreilles à la première écoute. Lorsque la voix arrive, la différence est un peu moins flagrante, avec un rendu un peu plus étriqué sur le Spirit Pro, mais rien de dramatique. Quand le mix commence à devenir fortement compressé, l’attaque des cordes de guitares et la saturation de la voix sont un peu plus agressives sur le Spirit Pro, toujours à cause de ces hauts médiums et aigus un peu plus en avant, mais rien de rédhibitoire. Côté dynamique, rien à signaler. Le PM-3 est devant le Spirit Pro, mais ce dernier n’est pas complètement à la rue non plus, surtout en regard du prix.
Michael Jackson – Liberian Girl
Sur la nappe d’intro, c’est difficile de les départager. Il faut dire que les deux casques ont un peu le même défaut, à savoir une atténuation à partir de 9/10 kHz, avec un très léger mieux pour le Spirit Pro, apportant un peu plus d’air. Quand la grosse caisse arrive, le PM-3 affirme sa supériorité dans le bas du spectre, avec une réponse en fréquences qui descend plus bas sans pour autant masquer le reste du spectre. Cela donne un kick avec de la batte, des infrabasses et le tout sans trainer. On arrive bien à entendre toutes les composantes de l’instrument. C’est très bien. Sur le Spirit Pro, c’est plus sec, avec forcément un peu moins d’information dans l’extrême bas. Sur les voix, le Oppo fait aussi parler son équilibre des moyennes fréquences, avec un rendu plus naturel, sans que le nez, la bouche ou le torse soient mis en avant. Le Spirit Pro n’est pas ridicule, mais légèrement plus désincarné. Ce morceau nous a donc permis de pointer du doigt le seul véritable défaut du PM-3, à savoir l’extrême haut, à partir de 10 kHz qui demeure trop en retrait. Le Focal fait un peu mieux à ce niveau-là. Pour le reste, le Oppo reste devant.
Gorillaz – Feel Good Inc.
Cette chanson va nous permettre d’écouter encore un peu plus l’extrême bas et ici, le PM-3 excelle. Le kick et la basse descendent très bas, sans pour autant trainer dans le temps ou masquer des fréquences supérieures. Le Spirit Pro souffre clairement de la comparaison ici, avec un bas du spectre « en carton » par rapport à son acolyte. Sur la partie avec la voix et la guitare avec un son « radio », le PM-3 laisse exprimer toute sa gamme de fréquences, avec des médiums qui se détachent parfaitement du reste, notamment du bas du spectre, alors que le Spirit Pro demeure plus ramassé. Il paie bien sur son manque d’infrabasses, mais aussi son manque de moyennes fréquences autour de 2/4 kHz. Par rapport à l’Oppo, il manque clairement des informations.
Pour conclure sur cette écoute, le PM-3 confirme sa supériorité par rapport au Spirit Pro dans tous les secteurs, sauf dans l’extrême aigu. Quand on regarde les prix de ces deux casques, à savoir 200 € pour le Focal et 530 € pour le Oppo, on peut dire que la hiérarchie est respectée. Le Focal est toujours un bon plan, mais le Oppo nous prouve qu’il existe une gamme supérieure pour qui veut bien mettre l’argent nécessaire, avec un rendu global plus linéaire et une réponse plus étendue dans le bas du spectre. Sans parler du confort qui reste une référence pour votre serviteur…
Conclusion
Pour un casque qui n’avait a priori rien à faire dans le monde de l’audio pro, le PM-3 nous a plutôt épatés. Le prix peut sembler prohibitif, mais l’utilisateur en aura pour son argent, à commencer par un très grand confort, une bonne isolation passive, une excellente qualité de construction, un look réussi, des câbles avec ou sans télécommande et un étui compact. Côté performances audio, c’est l’un des meilleurs casques que nous avons testé, et le meilleur casque fermé. La linéarité est exemplaire jusqu’à 10 kHz, avec de véritables infrabasses (-2/3 dB à 20 Hz !), et finalement le seul reproche se situe au niveau des très hautes fréquences, un peu en deçà. Mis à part cela, le PM-3 contentera à coup sûr ses acquéreurs, pour peu qu’ils aient le budget…