Shure, plutôt connu pour ses microphones dynamiques légendaires, a aussi dans son catalogue bon nombre de références de casques ouverts, fermés ou pour DJ. Et pourtant, aucun test sur votre site préféré ! Ce manque est désormais comblé avec le SRH1540, casque fermé haut de gamme de la marque, et pour fêter ça, nous avons pu aussi poser nos oreilles sur le SRH1840, son pendant ouvert.
Dans le colis, repose une jolie boite en carton, qui renferme elle-même une boite de transport assez volumineuse du plus bel effet. Avant même d’ouvrir l’écrin, nous savons d’emblée que nous avons affaire à un casque plutôt sédentaire. En effet, le SRH1540 est circumaural (les coussinets englobent complètement vos oreilles) plutôt volumineux et ne se plie pas, on évitera donc de se balader dans la rue avec, même s’il demeure assez bien isolé pour un casque fermé passif (15 dB d’atténuation à 1 kHz d’après le constructeur).
Le look n’est pas trop mal réussi et les pièces en métal lui confèrent un aspect robuste. Les coussinets, qui sont livrés en double, sont criblés de petits trous et épousent parfaitement notre morphologie crânienne. Son poids de 286 g reste dans la bonne moyenne et nous sommes plutôt convaincus par le confort global du casque Shure. Les deux câbles livrés sont identiques, plats et d’une longueur de 1,83 m. Il aurait peut-être été appréciable de fournir deux câbles un peu différents comme on le voit parfois chez la concurrence : deux longueurs distinctes ou encore un plat et un torsadé. Quoi qu’il en soit, nous aimons le système d’accroche spécifique au casque des câbles en Y, c’est rapide et ça tient plutôt bien.
À l’intérieur du casque, on retrouve un haut-parleur au néodyme de 40 mm de diamètre et l’impédance est de 46 ohms.
Benchmark
Depuis quelque temps maintenant, nous utilisons un nouveau protocole afin de compléter l’écoute comparative classique. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks (souvenez-vous, le calibrage de casques), nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquences et du taux de distorsion harmonique élaborées par des professionnels, dont c’est le métier de tous les jours dans leur laboratoire. Elle n’est pas belle la vie ?
Pour le test nous avons décidé de mettre le SRH1540 en face de l’Oppo PM-3. Ce dernier est un casque fermé circumaural qui se situe dans la même gamme de prix (environ 500 €) et qui nous avait vraiment bluffés lors du test réalisé il y a quelques mois. À tel point qu’il est devenu une référence pour nous.
Voici les courbes de réponse en fréquences du Shure SRH1540 et de l’Oppo PM-3 :
À première vue, le SRH1540 a une réponse en fréquences en « V », c’est-à-dire avec deux grosses bosses dans les basses et aigus et un creux dans les médiums. C’est le genre de signature sonore qui peut parfois rendre l’expérience agréable dans le cadre d’une écoute récréative, mais qui peut aussi donner de mauvaises surprises au home-studiste ou à l’ingénieur du son travaillant sur une production musicale. On constate une belle bosse allant jusqu’à 6 dB à environ 100 Hz et une autre, plus classique, à partir de 6 kHz (jusqu’à 6 dB aussi). L’autre accident relevé concerne aussi la fréquence de 2 kHz, avec un creux allant jusqu’à 5 dB. Pour finir, on remarquera en bas du spectre que la courbe tombe rapidement en dessous de 100 Hz, avec –2 dB à 40 Hz. L’Oppo PM-3, lui, reste beaucoup plus subtil dans sa déviation qui reste contenue entre -/+ 2 dB jusqu’à 6 kHz. De plus, il atteint les 20 Hz sans trop de problèmes (-2/3 dB). Sur l’ensemble du spectre, il n’y a pas vraiment match entre les deux références, l’Oppo est beaucoup plus plat.
Côté distorsion, le Shure se fait remarquer dans le bas du spectre avec une distorsion harmonique allant jusqu’à 3 et 4,5 % suivant la puissance, alors que l’Oppo reste tranquillement sous la barre des 1 % sur l’ensemble du spectre. On voit que le SRH1540 souffre dans les graves et que le haut-parleur peine à retranscrire fidèlement ces fréquences.
Écoute
Johnny Cash – Hurt
Sur les arpèges de l’intro à la guitare acoustique, le rendu du Shure est plutôt agréable, et lorsque l’on chausse l’Oppo, le tout semble plus naturel. Lorsque la voix débarque, elle nous semble plus désincarnée que sur le PM-3. Il manque clairement la composante nasale et gutturale de la voix sur le Shure, qui ne garde presque que les résonances du torse et les sibilances. Le creux dans les médiums du SRH1540 donne aussi l’impression de s’éloigner de la source. Quand le piano commence à marteler ses notes et que la compression générale s’intensifie, c’est là que le déséquilibre du Shure se fait le plus ressentir. Bon point cependant pour ce dernier : il n’est jamais agressif. Attention quand même à ne pas se laisser berner par son côté complaisant.
Michael Jackson – Liberian Girl
Ce morceau est très intéressant, car il révèle très simplement les différences entre les deux casques. Le couple basse/grosse caisse n’a rien à voir entre les deux références. Sur le Shure, la bosse à 100 Hz déséquilibre la résonance du kick face à l’attaque de la batte et le tout donne une largeur artificielle à la grosse caisse et la basse face au reste, alors que le PM-3 reste moins démonstratif même s’il donne plus de profondeur à ces instruments grâce à son extension dans le bas du spectre. La caisse claire sonne aussi très différemment, et c’est ici le creux dans les médiums et son rapport aux hautes fréquences qui est en cause. Sur le Shure, l’instrument est beaucoup plus brillant et sa très courte réverbération ressort plus que sur l’Oppo. Pour les voix, elles sont beaucoup plus fantomatiques sur le Shure, avec des sibilances et du torse et beaucoup moins de nez et de gorge. Sur l’Oppo, le tout nous semble beaucoup plus équilibré.
Gorillaz – Feel Good Inc.
Ici, l’Oppo assoit sa domination dans le bas du spectre. Même avec sa grosse bosse à 100 Hz, le Shure n’arrive pas à camoufler le fait qu’il possède moins d’extension dans les fréquences extrêmement graves. On remarquera tout de même que les basses ne trainent pas trop sur le SRH et que la dynamique des instruments est respectée. Pour le reste, on constate que le casque Shure arrive bien à rendre la voix avec l’effet radio moins agressive grâce à son creux dans les médiums.
L’écoute confirme bien les mesures : le Shure SRH1450 est un casque qui se destine à une écoute récréative et il faut avouer qu’il le fait plutôt bien. La bosse dans le bas ravira les adeptes du « toujours plus de basses », même si la montagne masque un peu la limite dans l’extrême bas, le creux dans les médiums tend à rendre tout plus agréable, moins proche et « dans ta face », tandis que le haut du spectre donne du détail et de l’air. Sauf qu’au niveau de la neutralité et de la représentation sans fard, on repassera. C’est pourquoi nous conseillons à nos lecteurs un modèle comme l’Oppo certes moins enjôleur, mais sans doute beaucoup plus fiable dans le cadre du mixage et de la production mixage.
Conclusion
Sans être un mauvais casque, le SRH1540 ne se destine clairement pas à la production musicale. Sa courbe de réponse en fréquences en « V » témoigne de la volonté du constructeur de rendre l’écoute plus agréable que fidèle. Certaines personnes adeptes de l’écoute récréative y trouveront peut-être leur compte, car le casque Shure possède bon nombre d’atouts, à commencer par une bonne qualité de construction, un confort sans faille ainsi qu’une belle boite de transport bien fournie (deux câbles et deux paires de coussinets). Malgré tout, pour travailler sur un mix ou sur sa dernière production musicale, nous pensons qu’il y a mieux ailleurs.