Cinq ans après sa sortie, le premier casque proposé par Neumann trouve enfin sa place dans notre banc d'essai. Un casque fermé, robuste et élégant, et qui en impose au premier abord : mais, car il y a toujours un "mais", son apparence vaut-elle sa sonorité ?
On vous en avait parlé à l’heure de sa sortie, et puis on était un peu passé à côté finalement : alors le voici, le premier casque de Neumann (depuis, il a été rejoint par le NDH 30), présenté lors du NAMM 2019, et qui est en fait une version retravaillée du Sennheiser HD 630VB (même maison mère).
Alors certes, on a pris notre temps, mais on vous fournit enfin un test de ce beau (et lourd !) casque de la célèbre marque allemande…
Spécifications
Le NDH 20 est un casque de type circumauriculaire, fermé, avec un transducteur dynamique. La taille du transducteur est de 38 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
impédance : 150 ohms
réponse en fréquences : 5 Hz – 30 kHz
Le casque est, avant tout, très gros et robuste : construction principalement en métal, ou en plastique épais, grosses vis en métal, arceau bien rembourré, coussinets épais et résistants… On sent qu’on n’est pas là pour rigoler, et la construction vaut bien le prix élevé du casque.
Il est accompagné de deux câbles détachables, un droit (3 m) et un à spirales (1,5 m, extensible jusqu’à 3), chacun avec son adaptateur jack TRS 6,35 mm. La connexion au casque se fait par fiche jack 3,5 mm, à baïonnette.
Petite rareté : le câble se connecte sur l’oreillette de droite ! Ce n’est ni bien ni mal, l’intérêt d’un câble à gauche ou à droite est entièrement dépendant de la pratique de chacun.
Démontable ?
Difficilement,
Eh oui, je ne m’attendais pas à écrire cela, mais, bien que le casque soit démontable, cela ne sera pas facile pour celui qui n’est pas armé de patience, de dextérité et d’outils adaptés.
Explication : d’abord on enlève les coussinets, ça, ce n’est pas difficile :
Et là, on tombe sur un grand cache en mousse qui est collé sur tout le pourtour, avec une sorte de scotch double face bien puissant. Je n’ignore pas (merci les tutoriels sur YouTube) qu’il peut être décollé avec une lame fine, et que l’on accède derrière à des vis, puis au câblage et à un transducteur collé au silicone, mais…
…quand j’ai essayé, dans des conditions domestiques (car je tiens à essayer de faire ces démontages dans des conditions non optimales, pour m’approcher de l’environnement de bricolage de la plupart des potentiels acquéreurs), j’ai très rapidement manqué de déchirer la mousse. Pas glop ! Surtout sur un casque qui m’est prêté.
Confort
Bon.
Le casque ne serre pas trop lors de l’écoute, en revanche il a tendance à peser un peu trop sur le haut du crâne (n’oublions pas qu’il fait 388 gr, tout de même). Autre petite critique : ses écouteurs, ou ses coussinets, sont un peu « petits » – dans le sens qu’il ne laisse pas beaucoup de place à l’oreille au milieu du coussinet. Il vaut mieux ne pas avoir de trop grandes oreilles, sous peine de perdre un peu d’isolation. Et pour finir, on n’a pas ressenti de chaleur excessive lors de l’écoute.
Isolation
Très bonne,
La réjection des sons externes est très efficace, sans pour autant avoir l’impression d’être très serré au niveau des oreilles. C’est un vrai plus.
Transport
Facile,
Neumann a fait le pari d’un casque vendu dans une boîte en carton très solide, qui fait presque office de mallette (cela peut être pratique pour un déménagement, ou pour mettre le casque dans une valise sans risquer de l’abîmer). Ils accompagnent aussi l’objet d’un sac de protection, plus adéquat pour un transport occasionnel. À noter toutefois : la boîte en carton contient des petits compartiments pour chaque accessoire, ce qui est certes utile, mais demande par ailleurs une certaine méticulosité, et présuppose que l’usage (des câbles en particulier) ne déforme pas trop les éléments si jamais vous voulez pouvoir les ranger plus tard.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion, réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence :
On remarque :
- Une longue montée de 20 à 300 Hz, avec une bosse forte à 300 Hz. On note une différence de 22 dB entre ces deux fréquences !
- Une redescente jusqu’à un creux, d’abord à 1,5 kHz, puis encore plus marqué à 3 kHz (là aussi, l’écart est de 20 dB entre les fréquences)
- Une accentuation importante à 4 kHz (égale à celle à 300 Hz)
- Un nouveau creux à 6 kHz
- une accentuation des fréquences au-dessus de 6 kHz
On remarque aussi des transducteurs bien appariés, à moins de 1 dB sur presque tout le spectre.
Distorsion :
La distorsion mesurée est basse, inférieure à 0,2 % de 60 Hz à 20 kHz (à part un léger dépassement à 4 kHz), et à 0,05 % sur toute la plage des médiums. Les harmoniques impaires sont un peu moins en retrait qu’on pourrait l’espérer, mais à ce niveau de distorsion, la différence ne sera pas audible.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. La première chose qui me vient à l’esprit, c’est que ce n’est vraiment pas commun comme écoute : surprenant, car très détaillé, doux, agréable (tout de suite, je me dis « j’aimerais bien travailler avec cela, ça ne doit pas fatiguer »), précis, l’image stéréo est superbe, mais il y a une « courbe » spécifique qui n’est pas discrète. Cette guitare acoustique, que j’ai si souvent écoutée pour vous, chers AFiennes et AFiens, je la redécouvre un peu changée, comme si on lui avait fait un petit traitement d’égalisation que je ne lui connaissais pas. La voix pareille : plus de souffle, un peu moins de coffre, et nettement moins de « nez » surtout. Et la basse, dont je dis souvent qu’elle peut être pâteuse si on la souligne trop, est ici bien tenue, avec une place un peu en retrait qui la rend finalement plus lisible. Première impression très intéressante…
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Pareil : par exemple, sur le clavier-basse, les harmoniques et les attaques ressortent bien, l’extrême grave est maintenu en retrait, mais, c’est intéressant, n’est pas absent. La voix est beaucoup moins nasale que sur beaucoup de casques. Mais le plus surprenant, c’est la batterie, avec une sonorité générale plus orientée vers le médium que sur beaucoup d’autres casques. Les parties acoustiques sont superbes, avec une image stéréo très précise, et une voix sans effet de proximité (que je note parfois).
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Une impression se confirme : ici la basse n’est clairement pas « surjouée », présente, bien tenue et précise, mais mise un peu (trop ?) en arrière ce qui permet d’obtenir une impression d’ensemble plus précise, mais qui s’éloigne de l’équilibre auquel on est habitué : en particulier, par effet de relation, on perçoit beaucoup plus le piano que d’habitude.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Typiquement le genre d’ensemble instrumental sur lesquels ce genre de « profil » de casque fonctionne bien : des médiums rendus avec une précision diabolique, la contrebasse devient très lisible grâce à un grave en retrait, l’image stéréo paraît très large, avec des groupes instrumentaux placés de façon très précise. C’est excellent, rien à redire.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0 h 30 et 1 h 15 min. Là aussi, la caisse claire paraît plus médium que d’habitude, cela est dû à la prééminence de cette plage de fréquence dans la courbe développée par Neumann. Mais ça ne revient pas à dire qu’on observe ailleurs des manques si importants que ça, car dans l’aigu, ou même dans le grave (pourtant très en retrait) le NDH 20 s’en sort très bien, sans chercher à en mettre plein la vue. Les écarts dynamiques semblent énormes, et sont rendus avec beaucoup de puissance. La résonance naturelle de la salle est très bien retranscrite sur tout l’enregistrement, que ce soit dans les parties piano ou les triples forte.
Conclusion
La première chose qui nous vient en tête concernant ce casque, c’est qu’il ne constitue pas ce que l’on appelle un appareil « plug and play ».
Certes, tous les casques ont leurs particularités, et tous demandent un temps d’adaptation de l’oreille, mais nous n’avions pour l’instant que rarement rencontré un casque qui propose une présentation si particulière. Ce n’est pas une critique, car notre écoute subjective nous a amenés à des impressions très élogieuses. Mais l’on sent que c’est un outil qui demandera à être bien connu par son utilisateur pour pouvoir être utilisé au mieux, et sûrement d’ailleurs en complément d’autres casques qui souligneront ce que ce casque a tendance à gommer (nommément, la basse et le haut médium).
Toutefois, ce qui nous paraît remarquable, au-delà des qualités techniques que nous avons soulignées, c’est que la courbe spécifique du NDH 20 ne nous a jamais paru desservir le programme musical sélectionné : en effet, on a l’impression que le casque a été conçu pour minimiser ce qui aurait tendance d’habitude à « grossir le trait » sur certains mix (basses énormes, voix très en avant, avec beaucoup de détails surgrossis…), et qui tend souvent à masquer les nuances d’un ensemble de sonorités. Nous avons donc plutôt eu l’impression de redécouvrir certains morceaux, ce qui, dans le cadre d’une approche pro de la musique, ne peut être qu’un avantage.