On en a tous fait l’expérience : vous venez de finir votre mix, il sonne du tonnerre avec votre casque, vous voulez le faire écouter à votre grand-mère sur la chaine du salon et là, c’est le drame. Le mix n’a rien à voir, les basses sont absentes sur les refrains et omniprésentes sur les couplets, on n’entend plus la voix, bref, c’est la cata. Mamie est à deux doigts de vous retirer de son testament… Mais heureusement, Sonarworks est là.
Sonarworks est une toute jeune entreprise qui s’est fait connaitre au début de l’année 2014 avec un logiciel permettant de calibrer ses enceintes à l’aide d’un micro de mesure et d’un logiciel, à la manière d’un ARC d’IK Multimedia. Et si ces derniers utilisent une technologie d’Audyssey, une boite spécialisée dans le calibrage, les gars de Sonarworks possèdent leur propre R et D et un algorithme travaillant sur pas moins de 16 000 bandes de correction.
La boite lettone remet le couvert un an plus tard en s’attaquant cette fois-ci non pas aux enceintes, mais aux casques. Le logiciel propose donc de corriger la réponse en fréquence de votre modèle préféré. Comment y parvient-il ? C’est ce que nous allons voir tout de suite…
Faites voyager votre casque
Le premier problème auquel ont été confrontés les gars de Sonarworks, c’est l’offre pléthorique du marché du casque. Il existe énormément de marques et de références, alors comment satisfaire tout le monde ? De plus, deux casques de même référence, comme nous le verrons plus tard, peuvent sonner différemment.
Les développeurs proposent deux solutions pour remédier à ce problème. La première est de proposer directement à la vente un casque de référence, un Sony MDR-7506, un Superlux HD681 ou un AKG K 712, qu’ils auront préalablement mesuré dans leur laboratoire afin de vous fournir un calibrage très précis et personnalisé.
La deuxième solution consiste à envoyer votre casque préféré directement à Riga (en Lettonie, donc) afin que les petits gars de Sonarworks le mesurent et vous le renvoient accompagné de son petit fichier de calibrage personnalisé. L’opération est facturée 88 € avec l’envoi (mais pas le retour) à votre charge (avec –50% pour une durée limitée).
Enfin, parallèlement à ce système, l’équipe achète régulièrement plusieurs casques d’une même référence afin de les mesurer et d’établir une réponse en fréquence moyenne. Cela permet d’offrir une solution alternative, certes un peu moins précise et pas personnalisée, mais plus accessible. Le nombre de références est limité, mais grandit régulièrement : on retrouve les Beyerdynamic DT880, DT770 80 Ohms et DT990, Audio-Technica M20x, M40x et M50x, AKG K141 MKII, 240 MKII, K 702, K712 Pro et K701, Sennheiser HD598, HD280, HD650 et HD600, Sony MDR-7506, Shure SRH840 et Superlux HD681. Si votre casque préféré fait partie de cette liste, vous pouvez donc acheter le plug-in seulement (69 €) et vous aurez un résultat, certes pas optimal, mais satisfaisant.
Tous les casques ne naissent pas égaux
Pour les besoins de ce test, l’éditeur nous a envoyé la solution incluant le plug-in et un casque Sony MDR-7506 mesuré dans leurs locaux. Nous avons donc pu comparer le fichier de calibrage réalisé en faisant une moyenne de plusieurs MDR-7506 et accessible à tous, et le fichier de calibrage de notre 7506 à nous. Le résultat est assez surprenant et nous découvrons qu’il peut y avoir des différences allant jusqu’à 5 dB (!) à certaines fréquences entre un casque et la courbe moyenne.
Les développeurs nous assurent néanmoins que les principaux problèmes des casques sont résolus avec les profils de calibrage moyens, et que le calibrage individuel permet d’obtenir une précision supplémentaire de 5 %. L’autre surprise de notre MDR-7506, c’est l’asymétrie de sa réponse en fréquence entre le canal droit et le canal gauche (3 dB à certains endroits !). Stupéfiant.
Quoi qu’il en soit, la solution de calibrage personnalisé proposé par Sonarworks permet de remédier aux problèmes liés à notre casque, et ça, c’est plutôt cool. Il ne reste plus qu’à essayer tout ça, et vu que le MDR-7506 est loin d’être notre préférence dans cette gamme de prix, cela va être d’autant plus intéressant.
Ma référence à moi
Le logiciel, Sonarworks Reference 3, prend la forme d’un plug-in, compatible Mac et Windows aux formats VST, AU, RTAS et AAX. Une fois la fenêtre de notre plug-in ouverte, qui est commune au calibrage des casques et des enceintes (un switch permettant de passer de l’un à l’autre), nous sommes invités à charger le petit fichier de profil de notre casque. Sonarworks nous ayant fourni le fichier personnel de notre MDR-7506, nous le sélectionnons. Nous voyons alors apparaitre la courbe de réponse des canaux droit et gauche ainsi que d’autres informations si on le désire : la correction appliquée, la réponse en fréquence cible, la phase des filtres et les limites de la correction.
On pourra choisir la réponse en fréquence cible en bas de l’interface, avec au choix une réponse parfaitement plate, une réponse plate légèrement modifiée (boost dans le bas réglable, tilt) ou encore des profils « customs ». Dans cette dernière catégorie, nous retrouvons des enceintes Hi-Fi plus ou moins grandes basées sur des moyennes de mesures. Nous retrouvons aussi dans l’onglet « simulate » des profils basés sur des systèmes de reproductions connus : des NS-10 de Yamaha, des Focal Chorus, un casque Beats by Dre, un Sennheiser HD600, ou encore un AKG 712. 4 slots sont disponibles afin de passer rapidement d’un profil à un autre. Plutôt pratique.
Dans le menu « advanced », nous accédons aux trois types de filtres disponibles. Le premier induit une latence minimum de 1,1 ms, ce qui est un vrai plus en enregistrement, mais consomme plus de ressources processeur et modifie la phase du signal (on peut d’ailleurs afficher la rotation de phase sur le graphique). Un mode à phase linéaire permet de s’affranchir de ce dernier problème, mais il induit une grosse latence (60 ms) et un phénomène de « pré-écho » dans les basses fréquences, ce qui peut être embêtant lorsque l’on travaille sur un instrument à percussion. Enfin, un dernier mode « mixed » propose quelque chose entre les deux, avec une latence de 20 ms et une rotation de phase très légère dans le bas du spectre.
Il est aussi possible de limiter la correction au niveau du boost de fréquence (+12, 6 ou 0 dB) ainsi qu’aux extrémités du spectre. Enfin, un switch permet d’éviter automatiquement la distorsion numérique en ajustant automatiquement le niveau de sortie du plug-in, et d’autres permettent de passer en mono, d’activer ou non le traitement (bypass) ou encore de régler son niveau (dry/wet). Le système nous semble très complet, on pourrait juste souhaiter avoir plus de profils basés sur des systèmes de reproduction connus. Il n’y a plus qu’à espérer qu’une mise à jour nous apporte cela.
À l’utilisation
Nous avons donc essayé le plug-in en sortie de notre séquenceur afin d’écouter des mix personnels et des chansons connues. Nous avons plutôt été impressionnés par le rendu, le MDR-7506 que nous n’aimons pas particulièrement devient d’un seul coup beaucoup moins agressif et plus linéaire. Le rendu nous semble naturel et les différentes options permettent d’affronter toutes les situations. Nous avons aimé jongler entre les divers profils simulant les différents systèmes de reproduction afin de vérifier la compatibilité de notre mix. Il est d’ailleurs intéressant de savoir que lorsque le profil « flat » est sélectionné, le plug-in ne tente pas, selon les développeurs, de rendre la courbe de réponse parfaitement plate, mais plutôt de reproduire le son d’une paire d’enceintes de monitoring plate dans une pièce correctement traitée.
Afin de nous imprégner du « nouveau son » de notre casque, nous avons aussi utilisé le logiciel Audio Hijack sur Mac permettant d’insérer un plug-in AU sur n’importe quelle source sonore. Ainsi, nous avons pu mettre Sonarworks Reference 3 sur la sortie d’iTunes, Spotify ou de notre navigateur. Assez indispensable !
Si vous êtes l’heureux possesseur d’un casque ayant un profil moyen chez Sonarworks (il y en a peu pour le moment, il est vrai), nous vous conseillons de télécharger la version d’essai de 21 jours, sachant qu’il sera toujours possible de pousser le délire un peu plus tard en envoyant votre casque chez Sonarworks.
Conclusion
Sonarworks propose un logiciel accompagné d’un service original. L’idée de rendre n’importe quel casque plat et fidèle est séduisante, surtout à ce prix-là. Le fait de pouvoir envoyer et faire mesurer son casque personnel pousse le concept jusqu’au bout et le résultat est à la hauteur de nos espérances. Pour ne rien gâcher, la partie logicielle est très complète, avec pas mal de paramètres permettant de gérer toutes les situations. On regrettera juste le peu de casques gérés et proposés à la vente pour le moment, ainsi que le nombre de profils basés sur des systèmes de reproduction connus un peu restreint. Une version d’évaluation de 21 jours est disponible, alors pourquoi ne pas essayer dès maintenant ?