Alors que nous testons souvent des casques de marques qui ont déjà fait leurs preuves dans ce domaine, voici un produit qui sort de l’ordinaire, au moins parce qu’il représente une première : la marque allemande Adam Audio, bien connue pour ses enceintes de monitoring à tweeters à ruban, sort avec ce SP-5 son tout premier casque.
Sur son site Adam Audio nous apprend que « les ingénieurs allemands à l’origine des enceintes de studio de Série S ont imaginé une forme de monitoring encore plus compacte : le casque Audio STUDIO PRO SP-5 ». Passons sur le ton « marketing » de cette déclaration, mais retenons que ce casque est donc conçu pour des utilisateurs pro ou semi-pro, souhaitant l’utiliser en studio, pour de la prise ou du mixage, ou pour de la prise en plateau.
En préambule, on notera aussi le prix (en moyenne 552 €), qui en fait un casque clairement haut de gamme pour du matériel professionnel.
Pour finir cette introduction, il est important de signaler que ce casque est créé en partenariat avec une autre marque allemande, Ultrasone, qui y implémente son système breveté « S-Logic ». Pour ceux qui l’ignorent, il s’agit d’un montage et d’une inclinaison spéciale des haut-parleurs dans les coques de leur casque, prétendant simuler l’écoute d’enceintes de monitoring, avec une impression de recul par rapport à la source.
Déballage
Première observation : la présentation est assez séduisante, avec un emballage complexe, constitué d’une manche en papier extérieure (avec le symbole en zigzag de la marque, inspiré de leurs fameux tweeters à ruban) qui glisse pour révéler une boîte en carton. Une fois celle-ci ouverte, on trouve une mallette, sans poignée, à fermeture éclair, couverte d’une sorte de cuir synthétique. On peut le dire : ça en jette, et indique un souci particulier de protection de l’objet.
À l’intérieur, un emballage thermoformé accueille le casque et le maintient en place. Les câbles, même une fois sortis de leurs emballages, se rangent relativement facilement dans des compartiments appropriés (il faut forcer un peu, mais rien de critique).
Ces câbles sont au nombre de deux : un en spirale de 3 m avec jack de 6,3 mm et un droit de 1,2 m avec jack de 3,5 mm. Ils sont enfichables sur le casque à l’aide d’un jack 3,5 mm à baïonnette, et sont donc remplaçables.
Les coques circumauriculaires ont une grande capacité de mouvement, avec un double axe horizontal (mouvement autonome de la coque, plus axe pour le pliage du casque, pour son transport) et un axe vertical (qui permet de poser le casque complètement à plat, voir la photo du casque dans la boîte). Lorsqu’on le coiffe, pas de doute, c’est confortable, avec une bonne isolation phonique. L’arceau bénéficie d’une mousse épaisse et ferme, qui est assez agréable à porter.
Jusqu’ici, tout est conforme à ce qu’on attend d’un produit de ce niveau de prix : le casque, quoiqu’un peu gros (mais cela va avec une certaine robustesse), est confortable, un peu lourd (290 g), mais rien de catastrophique, et se révéla bien ajustable à la forme du crâne de votre serviteur.
Au passage, en l’inspectant, on remarque quelques vis apparentes, ce qui laisse envisager la possibilité d’un entretien en cas de petites pannes. Et tant qu’on est sur ce sujet, on remarque aussi l’absence de câble apparent au niveau du haut des écouteurs — il est entièrement caché dans l’arceau : on risque moins de l’accrocher, de tirer dessus ou de le tordre.
Benchmark
Si vous êtes un habitué de ces tests, vous le savez déjà : nous avons mis en place un protocole de mesures objectives, afin de compléter l’écoute comparative subjective. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquences et du taux de distorsion harmonique (THD), réalisées à l’aide d’une tête artificielle et de matériel de mesure de laboratoire.
Adeptes de la linéarité, passez votre chemin ! On est ici sur une courbe avec une signature sonore très marquée : infra-basse en retrait, mais pas coupée (on devrait entendre du très grave à l’écoute), puis des basses et un bas-médium bien présents. On observe ensuite un retrait des médiums (un peu moins que l’infrabasse), qui forment une plage relativement linéaire jusqu’aux hauts médiums. Ceux-ci sont encore un peu plus en retrait. Dans l’aigu, une bosse très proéminente apparaît, où l’on dépasse les +10 dB. Sur la voix droite, celle qui présente la déviation la plus faible, on observe quand même une différence de 24 dB crête à crête.
Je n’avais pas pu observer ces courbes avant les écoutes, mais cette signature sonore avec un aigu très présent, un grave souligné et un médium en retrait était totalement évidente à l’oreille, comme je l’expliquerai plus loin.
Pour ce qui est des mesures de THD, ça reste correct, même si là aussi les écarts sont assez forts. Sans surprise, la distorsion est plus présente sur les bosses de la réponse en fréquences.
Écoute
Une ballade acoustique, avec beaucoup de reverb et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Premier morceau que j’écoute, et tout de suite je sens bien le penchant (ou le montant) du casque pour les fréquences aigües. En effet, l’écoute est très analytique sur la guitare et la voix. L’instrument a tout de suite un côté délicat, où l’on perçoit bien la dynamique des attaques. Sur la voix, c’est plus compliqué, car si le casque permet la détection de petits défauts (bruits de bouche) et un excellent suivi de la reverb, il y a également un certain manque de corps. On perçoit même des fausses dynamiques, avec une plus grande puissance des notes les plus graves — à cause d’un bas médium en avant – par rapport aux parties dans le haut médium. On a donc une écoute très précise au niveau des attaques, des sifflantes et de tout ce qui est détaillé dans le haut du spectre, mais un déséquilibre assez flagrant dans le milieu.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutés par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. La batterie est bien transcrite, avec un kick très précis, mais aussi des détails extrêmement bien retransmis sur les percussions enregistrées en overdub. Je pense en particulier à la caisse claire jouée aux balais, à droite, sur laquelle on sent vraiment la dynamique de chaque coup. En revanche, le casque peine à reproduire les notes les plus graves du riff. La basse n’est pas pour autant brouillonne, juste en retrait et déséquilibrée selon les notes jouées.
Massive Attack — Teardrop (sur Mezzanine)
Voilà un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. On remarque tout de suite une basse bien tenue, précise. Pour le reste c’est moins bien… C’est même le morceau sur lequel le casque a vraiment, à mon avis, montré des limites. En effet, la voix d’Elisabeth Frazer devient très agressive, avec des sifflantes soulignées. Sur la phrase « Shakes me, makes me lighter » (à 1:17), les S ressortent de façon exagérée. Les coups de baguette sur le cerclage manquent également de médium, et sonnent trop sec. En comparant rapidement avec l’Audio Technica ATH-M60x, dont nous publierons bientôt le test, j’avais même l’impression d’entendre une voix filtrée (comme l’effet d’une voix chantant dans un cornet).
Charlie Mingus — Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Ici aussi, l’écoute se révèle assez analytique : on entend surtout les cymbales, les attaques des cuivres, les crépitements des instruments graves. On remarque donc beaucoup de détails sur certains passages (les sons des clefs des saxophones, par exemple), mais on perd parfois l’équilibre des instruments jouant en harmonie.
Edgar Varèse — Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15. Ce qui est frappant dans cette écoute, c’est une belle scène sonore large, très large même, avec des instruments bien séparés. Comme cette composition n’est constituée que de percussions, la précision des attaques est cruciale, et le casque Adam Audio n’en manque pas. On regrettera seulement un manque de médium et d’infrabasse. Résultat, pas de profondeur sur la grosse caisse, le grincement à 0:46 manque de corps, le tam-tam est en retrait. Par ailleurs, l’extrême détail dans l’aigu noie parfois les dynamiques des instruments jouant dans cette zone de fréquences.
Conclusion
Si vous cherchez un casque permettant une écoute très précise des défauts d’un enregistrement, ne laissant rien se perdre dans l’aigu ou dans le grave, ou encore permettant de réaliser une prise sans fuite sonore et avec une présence accrue des éléments rythmique, le SP-5 d’Adam Audio pourrait tout à fait faire votre affaire. Toutefois, on remarquera quand même, qu’à ce prix-là, et pour un usage professionnel, les options ne manquent pas, à commencer par le grand classique, le Sony MDR-7506, connu pour des propriétés relativement similaires (peut-être moins poussées que sur le SP-5) et coûtant cinq fois moins cher. Nous sommes également restés dubitatifs devant les résultats du système S-Logic d’Ultrasone, n’étant pas capables, lors des écoutes, de percevoir une profondeur de champ plus grande qu’avec n’importe quel autre casque qui était à notre portée.