S’il nous est arrivé de tester des casques très haut de gamme (dont le prix à quatre chiffres ne nous semblait, d’ailleurs, pas souvent justifié), il faut avouer que les modèles très accessibles se sont montrés plus rares sur notre site. Et quand on dit très accessible, on parle d’un montant moins élevé qu’un ciné avec l’élu(e) de votre cœur. C’est pourquoi nous avons choisi de tester, une fois n’est pas coutume, un modèle dont la valeur marchande n’excède pas celle d’un billet bleu. Voici donc le test du HD681 de Superlux, vendu 19,60 €.
Le plus compliqué pour ce test va être de trouver un référentiel. Comme il ne nous est jamais arrivé de tester un casque aussi accessible financièrement, nous allons devoir le comparer avec quelque chose de forcément plus onéreux. Cela aura le mérite de mettre en lumière les aspects les plus sombres du Superlux, alors c’est parti !
La politique de l’Autriche
Le HD-681 est livré avec une pochette en nylon, permettant de le ranger afin de l’abriter de la poussière. Pour le transport, il faudra faire attention, car la pochette est souple et ne le protègera pas des chocs. Au premier coup d’œil, le HD681 nous fait immanquablement penser à un casque AKG, type K 702. Le système d’arceau est vraiment calqué sur celui des casques autrichiens, ce qui devrait être a priori une bonne chose, vu le confort offert par ces derniers.
La première prise en main est un peu déconcertante. Le casque, qui pèse pourtant un peu plus lourd que le K 702 (276 g contre 235 g), nous parait vraiment très léger, dans tous les sens du terme. Les plastiques utilisés et le ressenti général ne laissent aucun doute sur le fait qu’il s’agisse d’un casque très bon marché. Dommage. Les oreillettes en similicuir sont interchangeables, mais pas le câble de 2,5 m, du moins pas sans démonter le casque. Sa conception est semi-ouverte, son impédance est de 32 ohms et nous retrouvons au bout du câble une prise mini-jack munie d’un adaptateur de 6,35 mm.
Une fois posé sur la tête, le casque continue de nous dérouter. Malgré la grande circonférence crânienne de votre serviteur, le Superlux donne l’impression d’être trop grand et n’adopte pas vraiment notre morphologie. Entendons-nous bien, le casque n’est jamais vraiment désagréable et ne nous indispose pas, mais il est impossible d’oublier le fait qu’il coûte 20 €. Un peu comme dans un pantalon mal taillé, on ne sentira jamais vraiment à l’aise avec le HD681.
Ils avaient un casque HD, un casque à bon marché
Depuis quelque temps maintenant, nous utilisons un nouveau protocole afin de compléter l’écoute comparative classique. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks (souvenez-vous, le calibrage de casques), nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquences et du taux de distorsion harmonique élaborées par des professionnels, dont c’est le métier de tous les jours dans leur laboratoire. Elle n’est pas belle la vie ?
Pour le test, nous avons décidé de mettre le HD681 en face du K 702 d’AKG, certes beaucoup plus cher, mais qui ne manquera pas de révéler les aspects positifs et négatifs du Superlux.
On commence donc avec la réponse en fréquences du HD681, suivie de celle du K 702 :
La première chose qui choque sur la courbe de réponse en fréquences du HD681, c’est la bosse à 55 Hz et surtout la grande vallée entre 100 Hz et 1 kHz. Dans le haut du spectre, c’est très accentué à partir de 5 kHz (jusqu’à + 8 dB !). La courbe est très différente de celle du K 702 dans la moitié basse du spectre car ce dernier ne possède pas de bosse dans les graves et reste assez linéaire jusqu’à 2 kHz. C’est plus dans la moitié haute du spectre que le lien de parenté se fait sentir, avec un petit creux vers 3/4 kHz suivi d’une belle bosse à partir de 5 kHz, le tout demeurant plus exacerbé sur le Superlux. Vu le creux dans les bas médiums et les aigus très en avant sur le HD681, on s’attend à quelque chose de très brillant et peu charnu.
Côté distorsion, elle reste un peu plus élevée sur le HD681, mais rien d’alarmant. Seule la petite bosse située à 4 kHz se fait remarquer, à voir si cela se ressent à l’écoute.
Écoute
Johnny Cash — Hurt
Sur la guitare acoustique Martin de l’intro, pas vraiment de surprise par rapport aux courbes de réponses en fréquences obtenues précédemment. L’instrument est plus brillant et manque de résonance par rapport au K 702. Le son des cordes de la guitare est très en avant, mais la caisse de l’instrument beaucoup moins. Lorsque l’on chausse le casque AKG, la six cordes semble beaucoup plus naturelle et équilibrée. C’est la conséquence directe de l’équilibre aigus/bas-médiums. Concernant la voix de Cash, le Superlux la retranscrit de manière beaucoup plus nasale, avec des sibilances trop prononcées. L’AKG, pourtant assez brillant, parait beaucoup plus équilibré avec notamment plus de gorge et de poitrine dans la voix. Quand la chanson commence à devenir très compressée, le Superlux devient agressif dans le haut du spectre, ce qui n’est pas le cas avec l’AKG. Pour finir, le piano souffre lui aussi du manque de bas-médiums, seule l’attaque arrive à transpercer le mix.
Michael Jackson — Liberian Girl
Sur la nappe d’intro, on entend des fréquences différentes ressortir. Vu le caractère des deux casques, qui appartiennent tous les deux à l’école du haut du spectre développé (contrairement à des casques plus plats comme les HD600/HD650 de Sennheiser ou l’ATH-R70X d’Audio-Technica), les détails de cette intro sont très présents, mais cela reste difficile de les départager sur cet extrait seulement. Heureusement, la suite du morceau est beaucoup plus riche en enseignements, avec un bas qui diffère énormément entre les deux casques. Le son de la grosse caisse est assez décharné sur le casque AKG, tandis que la bosse située à 55 Hz sur le Superlux donne du corps à la basse de manière très significative. Cette zone de fréquences correspond généralement aux fréquences fondamentales des premières notes de cet instrument (mi : 41 Hz, la : 55 Hz), c’est donc assez logique. Nous avons ici un effet psychoacoustique intéressant, car la bosse à 55 Hz fait un peu oublier le creux des bas-médiums. Sur la voix de Michael Jackson, nous pouvons faire à peu près les mêmes remarques que sur celle de Cash, même si son registre est très différent. Les sibilances sont vraiment trop accentuées et le tout est trop brillant, il ferait presque passer le K 702 pour un casque terne alors que c’est loin d’être le cas ! Côté dynamique, il n’y a pas photo non plus, le Superlux a un rendu global plus compressé que l’AKG.
Gorillaz —Feel Good Inc.
Sur ce morceau, on arrive à bien observer les différences dans le bas de spectre. La bosse à 55 Hz donne une meilleure assise à la basse sur le Superlux, mais le rendu global est beaucoup plus creusé, la faute aux bas-médiums évidemment, mais aussi aux aigus encore plus accentués. L’AKG sonne plus compact et moins mou que son concurrent du jour. Mais le rendu sonore du Superlux, même s’il est trop hétérogène à notre goût pour une utilisation en mixage et production musicale, est plutôt malin d’un point de vue du consommateur de musique « lambda ». La bosse à 55 Hz qui correspond généralement aux premières notes de basse et/ou aux résonances des grosses caisses donne un rendu flatteur, le creux dans les bas-médiums peut aider nettoyer le côté « boueux » de certaines productions et la grosse bosse dans le haut du spectre donne l’impression d’avoir beaucoup de détails et d’air. Il est certain que ce casque pourra plaire à une grande majorité des auditeurs, sauf peut-être à ceux trop sensibles aux sibilances.
Du point de vue qui nous intéresse, c’est-à-dire du musicien et du home-studiste, le HD681 possède quelques défauts auxquels il faudra faire attention, en particulier ce creux entre 100 Hz et 1 kHz qui a tendance à zapper pas mal d’informations et à nettoyer automatiquement la boue de vos productions musicales. Si vous ne voyez pas la boue vous-même, qui va la nettoyer ? Personne ! Le HD681 n’est pas un mauvais casque à proprement parler, surtout vu son prix situé sous la barre des 20 €, mais il faudra garder à l’esprit que ce n’est pas un casque destiné au mixage.
Conclusion
Difficile de donner une note à ce casque qui a certes des défauts à tous les niveaux, que ce soit du côté de la construction ou du rendu sonore, mais qui coûte dix fois moins cher que les références que nous testons généralement ici. On soulignera qu’il n’est jamais inconfortable, même s’il ne s’adapte pas vraiment à notre morphologie, et que son look rappelant AKG fait plutôt la blague. Il n’en demeure pas moins compliqué de le conseiller pour du mixage ou de la production musicale vu ses carences en termes d’équilibre spectral et de dynamique. Mais pour un deuxième (ou troisième, ou quatrième…) casque « invité » quand le budget est limité, il peut faire l’affaire, même si on évitera de l’utiliser pour les prises à cause de la repisse due à sa conception semi-ouverte.