Frères et soeurs AFiens et AFiennes, dormez-vous ? Il est temps de se réveiller au son d'Ultrasone. Cette semaine, on teste les nouveaux modèles Natural et Master, derniers ajouts à sa gamme Signature. Des groß basses, des aigus qui scintillent... On vous dit tout sur ces nouveaux casques made in Bavaria.
On vous l’avait annoncé en septembre dernier, Ultrasone étend sa gamme de casques Signature avec trois nouveaux modèles. Pour ce test, nous en avons sélectionné deux : le modèle Natural (axé monitoring et prise de son) et le modèle Master (axé… ben, mastering, bien entendu).
Sur ces casques, Ultrasone reprend ses deux technologies propriétaires, c’est-à-dire le système S-Logic (ici en version « 3 », qui a pour but d’affiner et d’accentuer la spatialisation et l’impression de profondeur sonore) et le système ULE – pour Ultra Low Emission (qui limiterait la présence du champ magnétique du haut-parleur à proximité de l’oreille). Il nous paraissait donc intéressant non seulement de tester les casques avec les habituels benchmark et écoute subjective, mais aussi d’essayer de voir de plus près ce qui constitue cette technologie.
Pour finir cette introduction, précisons qu’on a affaire au haut de gamme de la marque : le Natural est à 649 €, le Master à 949 €. Des chiffres à garder en tête quand on parlera des qualités des produits.
Déballage : Ding
On peut dire ce qu’on veut, côté présentation du produit, Ultrasone sait mettre les formes : emballage élégant, casque bien protégé avec à l’intérieur du carton une petite mallette, portant le sigle de la série, le logo de la marque et une reproduction de la pastille métallisée que l’on retrouve sur le modèle du casque (cuivre pour Pulse, argent pour Natural, or – apparemment véritablement plaqué – pour Master). Marketing ? Certes mais la mallette est toujours une bonne idée pour transporter un casque, surtout un casque de ce prix-là.
Passons rapidement sur l’apparence du casque, qui n’est pas du tout de notre goût… Difficile de s’imaginer porter avec sérieux un casque avec une médaille dorée sur chaque oreillette. Mais, chacun ses goûts.
Chaque casque est accompagné de ses accessoires et, chez Ultrasone, on n’est pas radin : trois câbles différents pour chaque modèle – droit de 1,2 m avec dune prise jack stéréo 3,5 mm plaqué or, un torsadé de 3 m, avec une prise jack stéréo 6,35 mm plaqué or et, pour finir, un câble droit 1,20 m, avec jack 3,5 mm plaquée or, micro intégré et télécommande (câble pour utilisation nomade, appel téléphonique…). Pour les câbles, une seule différence existe entre les deux casques : le Master a des jacks de marque Neutrik.
À ce propos, ce qui nous frappe dès le début, c’est la ressemblance entre les casques. On se demande, en les manipulant, s’il existe une grande différence (autre que monétaire) entre le modèle Natural et le modèle Master : deux casque circum-auriculaires fermés, fabriqué dans le même plastique de bonne qualité, avec des parties démontables (présence de nombreuses vis, ce qui, je le répète de test en test, est toujours un signe de sérieux de la part d’un constructeur, puisque le produit sera réparable).
Pour en savoir plus, on va regarder les spécifications, et l’on découvre qu’en effet ils sont très proches : même driver en mylar et titane de 40 mm, même aimant au néodyme, même plage de fréquence annoncée (8 Hz – 44 Hz), même SPL (98 dB) et même impédance (32 ohms, plutôt basse, on aime bien). Alors, certes, le modèle Master bénéficie d’une paire de coussinets supplémentaire (en véritable cuir, là où le Natural a du cuir artificiel) et il pèse un peu plus lourd (325 grammes contre 310). Mais l’on peine, au premier coup d’oeil, à voir de différence importante entre les deux modèles.
Ce qui ne constitue pas nécessairement une critique, étant donné que les deux casques nous laissent un bon sentiment quant à leur robustesse, leur ergonomie (oreillettes repliables latéralement et verticalement) et leur confort. Sur ce dernier point, en particulier, rien à redire : on bénéficie d’une très bonne isolation phonique, complétée par une impression agréable grâce à des coussinets et une mousse d’arceau bien rembourrés, et qui s’adaptent bien à la forme du crâne.
Pour aller voir plus loin, on retire le coussinet (plutôt facilement) et la mousse de protection, pour découvrir une structure complexe, faite d’évents et de réflecteurs, qui couvre partiellement le driver. Au final, il ne faut pas se leurrer : à moins qu’il n’embarque un système électronique de correction, un casque reste toujours la mise en application des mêmes éléments – 2 haut-parleur avec leur impédance et leur courbe spécifique, dont la réponse en fréquence est transformée acoustiquement par la forme des écouteurs (ouvert ou fermé, avec des évents ou non, avec des matériaux absorbant ou non), et des câbles/connectiques de plus ou moins bonne qualité. Point. Ici, il s’agit donc, si nous comprenons bien ce que nous avons observé, d’une plaque en mu-métal (d’où la technologie ULE) avec un ensemble différents d’évents corollaires et centraux, plus ou moins calfeutrés, plus un réflecteur rouge dont la forme est probablement calculée pour répondre aux réflexions sonores dans le canal auditif.
Mais alors, qu’est-ce que cela vaut, une fois qu’on met le casque sur la tête ? Passons au benchmark pour en savoir plus.
Benchmark : Daing
Si vous êtes un habitué de ces tests, vous le savez déjà : nous avons mis en place un protocole de mesures objectives, afin de compléter l’écoute comparative subjective. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquence et du taux de distorsion harmonique (THD), réalisées à l’aide d’une tête artificielle et de matériel de mesure de laboratoire.
La première chose qui nous frappe quand on observe ces courbes, c’est leur similarité. En particulier, en ce qui concerne la linéarité, on a l’impression que les modèles Natural et Master sont séparés par peu de choses.
Observons d’abord la courbe du modèle Natural :
On a ce que l’on pourrait nommer trois « bosses » – une première accentuation autour de 60 Hz, une seconde autour de 1000 Hz, une dernière vers 10 kHz. Si l’on observe la courbe du modèle Master, on retrouve à peu de chose près les mêmes pics. Entre ces pics, on remarque des atténuations, plus ou moins fortes, sur le modèle Natural : plus spécifiquement une chute assez importante des basses en dessous de 30 Hz, un creux léger vers 300 Hz (différence de 6 dB entre 60 Hertz et 300 Hertz), et surtout un creux important juste avant 3.000 Hz (différence de 14 dB entre 1000 Hz et 2800 Hz). Au-dessus de 3 kHz, on trouve l’habituel série de bosses et de creux, le « profil accidenté », que l’on retrouve dans la plupart des casques du marché.
Quelle différence majeure avec le modèle Master ? Eh bien, l’on pourrait dire que le Master reprend les mêmes caractéristiques et les accentue encore plus, avec un pic de +10 dB à 11 kHz, et une différence de 9 dB entre 80 Hertz et 300 Hertz. On lui trouvera donc, à l’écoute, des basses et les aigus encore plus boostées, par rapport à un médium relativement linéaire.
Pour finir, deux points attirent notre attention, sur lesquels nous serons critiques. En premier lieu la disparité assez forte (jusqu’à 5dB) entre voie de gauche et voie de droite, ce qui nous fait soupçonner une tolérance plutôt importante dans la sélection des haut-parleurs. Deuxième critique, la distorsion harmonique qui, sur les basses et les aigus, dépasse facilement les 1%. Sans surprise, le modèle Master, avec ses effets d’accentuation plus poussés, présente une THD plus forte (jusqu’à 2,7 % à 4,5 kHz).
Passons à l’écoute
Écoute : Dong
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Par rapport aux courbes observées dans la partie précédente, le résultat n’est pas très surprenant : dans les deux cas, une guitare avec beaucoup de détails dans l’attaque, jusqu’à bien percevoir le son du plectre, une voix mise en avant, dont l’articulation est très soulignée, sans pourtant tomber trop dans le sifflant. La basse sur ce morceau a tendance à être assez sourde, et ici c’est le casque avec le moins de grave (Natural) qui s’en tire le mieux, l’autre ayant tendance à en rajouter un peu trop, quitte à perdre de la précision. En tout cas on est frappé par le fait que les deux casques ne sont séparées que par des différences subtiles. Un point très bon à souligner : la spatialisation. On apprécie tout particulièrement le suivi de la réverbe sur la voix est la scie musicale, dans l’espace panoramique, qui donne une belle impression de profondeur au mix
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Encore une fois, la basse convainc plutôt sur le côté punchy, que sur la précision du timbre. Cependant, on ne peut pas dire qu’elle manque totalement de subtilité, les attaques sont précises et elle se différencient bien de la grosse caisse. et surtout les notes les plus graves passent sans problèmes. La voix, bien mise en avant, a un timbre et des attaques très clairs sur les deux casques. Même impression que pour le titre précédent : les deux casques ont des signatures sonores très proches l’une de l’autre. Là aussi, comme sur l’écoute précédente, le modèle Natural nous a paru un peu plus équilibré.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Une des difficultés récurrentes, sur ce morceau, c’est de retranscrire l’accentuation aiguë de la voix (son égalisation, mais aussi le timbre de la chanteuse) sans causer de fatigue auditive. Les casques ultrasone s’en tire plutôt bien, ce qui est surprenant pour des casques avec un telle accentuation des aigus. En particulier, on ne remarque pas de sifflantes gênantes. Les résonances dans l’extrême grave, que l’on retrouve en particulier sur la grosse caisse durant le premier couplet, sont bien présentes à l’écoute sur le modèle Master, beaucoup moins sur le Natural. Cependant, sur la précision et l’équilibre des timbres, c’est le modèle Natural qui nous a le plus convaincu.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Ici, c’est dans le médium qu’il faut faire preuve de subtilité : bien séparer les différents cuivre – le sax solo, le piano, la contrebasse, dans une image stéréo nette et large. Du point de vue de la spatialisation, les deux casques savent vraiment tirer leur épingle du jeu : c’est large, profond, précis. Pour ce qui est de la distinction des instruments les uns par rapport aux autres, à l’écoute notre préférence est allé vers le modèle Natural. Une seule raison à cela : les basses très accentuées du modèle Master on tendance à un peu trop masquer la sonorité de certains instrument par rapport à d’autres (par exemple les trombones ont tendance à couvrir un peu les sax). Un peu de fatigue auditive commence à se faire sentir.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 mins. Ce qui nous frappe en premier lors de cette écoute finale, c’est le rendu très précis de l’espace et de l’acoustique de la salle de concert. La réverbération naturelle de la caisse claire, qui émane précisément de la place de l’instrument dans le panoramique, pour s’étendre ensuite à droite et à gauche, est tout simplement remarquable. D’autant plus que la réverbe suit avec précision les accentuations dynamiques du jeu du percussionniste. Sur ce titre, il nous a semblé que c’était plutôt le modèle Master qui brillait, surtout grâce à un rendu très agréable et généreux du timbre des percussions les plus graves (timbale, Gong, grosse caisse d’orchestre) sans pour autant occulter la sonorité des instruments plus médiums.
Conclusion
Ce n’est pas le premier test d’un casque Ultrasone que nous réalisons dans ces pages, et cette fois-ci comme la précédente, nous sommes obligés de reconnaître l’originalité des casques, tout en admettant que les partis pris du constructeur pourront en rebuter certains. Comme souvent chez Ultrasone, ça monte bien haut et ça descend très grave, avec une courbe sur laquelle le constructeur n’hésite pas accentuer fortement certaines fréquences. Si vous recherchez de la linéarité en dessous de 1000 Hz, vous ne sonnez pas à la bonne porte. De plus, nous avons trouvé que ces accentuations importantes du grave et de l’aigu pouvait causer, à longueur du test, une certaine fatigue auditive. C’est dommageable pour des casques professionnels, utilisés sur de longues durées de travail. Toutefois, et plus objectivement, il nous semble que même les détracteurs de la marque allemande seraient obligés de reconnaître la qualité de l’image stéréo et de la profondeur du son de ces casques. Mais, là où nous montrerons véritablement plus critique, c’est sur le prix du modèle Master qui, malgré quelques éléments d’excellente qualité (par exemple les fiches Neutrik), ne nous a pas semblé assez différent ni dans sa construction ni dans son rendu sonore, pour justifier ses 300 € le plus. En revanche, pour ce qui est du modèle Natural, l’écoute nous a paru tout à fait convaincante de ses qualités propres, et avec sa personnalité qui ne répondra pas à toutes les attentes, mais qui saura certainement en intriguer plus d’un.