Quand un fabricant français décide de s’attaquer au difficile marché des périphériques de studio, il ne fait pas les choses à moitié ! En à peine trois ans d’existence — et via une communication relativement discrète ! — Tornade MS a déjà réalisé un compresseur et une EQ stéréo « inspirés » qui ont vraisemblablement conquis chez nous quelques professionnels de renom. Forcément, cela ne pouvait nous échapper.
El tornado compressor
Si le nom de cette jeune marque française vous évoque quelque chose — pour peu que vous suiviez les colonnes dédiées à la guitare chez AF — rassurez-vous. En effet, la jeune marque française Tornade MS, non contente de développer des périphériques de studio, est également un fabricant de micros guitare dont les réalisations ont déjà fait l’objet de tests. Et, bien que l’arrivée de la marque est tout à fait récente, dans ses réalisations « guitaristiques », on compte déjà quelques « noms » parmi sa liste de clients…
Derrière ce constructeur au nom cataclysmique se cache Marc Aimar, un ancien ingénieur du son qui a notamment officié en studio ici en France avec notamment Emma Chaplin ou Alexander Lee (Suede, Placebo…) et à Montréal en tant que résident à la salle « feu » le Medley ainsi qu’en post-production chez RDS (filiale francophone de ESPN). Véritable passionné de son à la recherche de nouveaux outils pour réaliser ses propres mixages, il a décidé de se lancer il y a peu pour proposer des produits « inspirés » de fabrications déjà existantes. C’est déjà plus ou moins le cas avec les micros guitare (et prochainement avec des amplis et des guitares qu’il monte lui-même — le monsieur est assez polyvalent dans son genre !) et cela l’est également avec ces deux nouvelles machines que nous avons décidé de tester.
C’est tout d’abord par le ES Series Bus Compressor que Tornade MS a commencé à faire doucement parler de lui. Aussi modeste ait été la communication autour de cette machine, force est de constater qu’elle ne pouvait qu’attirer notre attention puisque — sans tomber dans du « name-dropping » inopportun — elle a déjà retenu celle de professionnels comme Philippe Zdar (Cassius, Beastie Boys), Alex Gopher et Alexis Bardinet (Globe Audio Mastering), pour ne citer qu’eux… Comment diantre un périphérique aussi discret peut-il conquérir des professionnels aux oreilles aguerries ?
Le ES Series Bus Compressor, comme son nom l’indique, est un compresseur stéréo de mix bus au format 2U qui se veut reprendre l’esthétique sonore des compresseurs issus des célèbres consoles SSL 4000 série E… Mais avec quelques petites « améliorations ». Sous une façade sobrement noire, l’ES Serie Bus Compressor arbore une interface complète, mais visuellement équilibrée.
Au centre de la machine siège fièrement le Vu-Mètre, affichant simplement la réduction de gain. De gauche à droite de la face avant, on retrouve les caractéristiques de réglages propres aux compresseurs de mix bus des sections centrales de la 4000, avec les petites « exigences » d’aujourd’hui. Comme sur les séries E, le Threshold propose une variation de seuil de –15 à + 15 dB, un Ratio de 2, 4 ou 10:1, l’Attack de 0,1 à 30 ms, le Release de 0,1 ms au mode Auto… Oui, le ES Series Compressor est très « inspiré » ! Mais il propose en outre un réglage de filtre de SideChain (officiant de 60 à 300 Hz) et un réglage de « Dry to Mix » en plus du traditionnel Make Up Gain. Nous en reparlerons plus tard.
À l’arrière de la machine, pas de chichi. Connectique stéréo au format XLR en entrée comme en sortie, entrée mono XLR pour un contrôle de SideChain externe (que l’on peut sélectionner à l’avant du compresseur), prise pour une arrivée de courant 220V. Sobre. Il ne reste plus qu’à écouter la bête.
(Knobs) Twister
Avant de dévoiler mes impressions et de me lancer dans la diffusion des extraits sonores (qui restent encore une fois « limités » par les droits d’auteur et autres sessions disponibles à une diffusion libre de droits, ce qui restreint l’intérêt de ces extraits), je tiens à préciser que l’esthétique du ES Serie Bus Compressor a subi deux petits changements au cours de son développement. Premièrement, j’ai connu il y a quelque temps le compresseur avec une façade rouge qui ne le laissait pas passer inaperçu au sein des racks. Mais, globalement — et même si cela rend la machine plus « standard » —, je préfère cette finition noire en alu brossé qui n’enlève rien à son originalité.
Il y avait également, fût-un temps, une LED bleue rétro-éclairant le Vu-Mètre, qui n’était pas sans rappeler le témoin d’allumage de la machine. Bien que ce choix offrît de jolies couleurs à la machine, la possibilité de regarder le Vu-Mètre plus de 2 secondes était quasiment nulle. Même si l’esthétique est aujourd’hui moins « flashy » pour le coup, je remercie Monsieur Aimar d’avoir pris soin de nos yeux (fatigués bien sûr).
Dans les extraits suivants, vous trouverez uniquement des fichiers de batterie et guitare acoustique (deux guitares différentes gauche/droite).
- TORNADE COMP DRUMS 1 00:24
- TORNADE COMP DRUMS 2 00:24
- TORNADE COMP DRUMS 3 00:24
- TORNADE COMP DRUMS 4 00:24
- TORNADE ACC COMP 1 00:26
- TORNADE ACC COMP 2 00:26
- TORNADE ACC COMP 3 00:26
- TORNADE ACC COMP 4 00:26
De prime abord, quand on reste en terrain connu (comprenez : quand on reprend des réglages connus de serie E), on retrouve des sensations similaires à celles que l’on peut avoir avec un compresseur de SSL 4000. Avec seulement 3 ratios possibles, on retrouve vite ses marques, mais le ES Series Bus Compressor me semble un tout petit plus polyvalent et « élégant » que ne pouvait l’être le compresseur de 4000. Vous me direz, ces compresseurs ont fait leur temps sur les rares consoles (en bon état !) qui en possèdent un et la comparaison n’est pas évidente. Mais avec ce compresseur, en restant fidèle à un bon vieux 4:1/Attack 3ms/Release 0,3 ms sur un mixage, je retrouve des sensations connues que le réglage de seuil me permet d’affiner.
Évidemment, les autres réglages sont bien entendu intéressants ! Mais dès lors qu’il s’agit de mix bus, il y a certains choix qui peuvent avoir de lourdes conséquences plus tard, notamment au mastering…
Cette impression de subtilité dans le son s’affirme un peu plus dès qu’on commence à utiliser les petits « extras » que le sieur Aimar nous propose. Le filtre de SideChain est un bon exemple : couplé aux réglages d’Attack et de Release, il permet un bon dosage des fréquences basses qui vont agir dans la détection de la compression. Il y a en plus suffisamment de réglages de fréquences pour affiner son choix, ce qui n’est pas une sinécure surtout quand on parle de compression de mix bus.
Il y a quand même quelque chose qui m’a rapidement plu, dans cette « subtilité » : on peut aisément effectuer une réduction de gain de 6 bons dB sur cette machine sans pour autant perdre la « texture » du signal d’origine. Je veux dire par là qu’on peut vraiment agir sur la réduction de dynamique sans pour autant obtenir ses effets indésirables liés à un « effet de pompe » peu élégant (mais qui peut s’avérer très utile dans certains cas !) déformant la nature propre du signal audio. En clair, le signal est « tenu », mais pas prisonnier…
Le réglage de « Dry to Mix » fut quelque peu déroutant pour moi, car il ne s’agit pas là d’un « traditionnel » réglage de Blend. Ici, on rajoute du signal Dry (non compressé) au signal compressé existant — ce qui équivaut dans un certain sens à réaliser un mélange entre le signal traité et le signal non traité — mais attention, le « taux » de signal traité lui ne varie pas… Il faut donc veiller à ce que le gain de Makeup soit cohérent si on veut garantir un niveau de sortie homogène après traitement. Cela reste une fonction assez redoutable si, comme dans l’extrait audio Drums Comp 4, on souhaite par exemple sculpter la dynamique de la batterie tout en gardant sa « texture » d’origine.
D’un point de vue personnel, j’aurais préféré un réglage de Blend faisant lui-même le mix entre le signal traité et le signal non traité ; cela aurait été plus simple à utiliser. Cela étant, je pense que ce choix de réglage Dry To Mix garantit un meilleur respect de la phase sur le résultat final et surtout, c’est une fonction bien pratique pour ceux qui veulent réaliser de la compression parallèle sur un bus stéréo au sein de leur DAW, sommateur, etc.
Comme je l’ai dit plus haut, je trouve que le pari de Tornade MS a été plutôt bien respecté, mais je trouve néanmoins que ce compresseur offre bien plus de possibilités que le produit qui l’a inspiré. Qui plus est, le résultat sonore un tantinet plus élégant et « subtil » (bien qu’il se fasse entendre dès les premiers réglages) permet de l’utiliser sur n’importe quel mixage.
Dans le sens des petits « ajouts » supplémentaires, j’aurais bien vu, pourquoi pas, une version crantée pour le mastering… Je comprends également que le cahier des charges impose un seul Vu-Mètre comme sur celui de la 4000, avec uniquement l’affichage de la réduction de gain. Mais j’avoue qu’avec tous ces petits extras, j’aurais aimé avoir le choix de pouvoir sélectionner en prime la visualisation du signal d’entrée et de sortie.
Et puis, vu la qualité de conception/fabrication, on aurait vite tendance à vouloir essayer ce type de compresseur sur plusieurs sources mono… À bon entendeur!
W492
Toujours dans le même esprit, le W492 EQ est inspiré du non moins fameux égaliseur Neumann W492 présent sur les machines de gravure… à ceci près que l’EQ de chez Tornade est stéréo dans sa version de base.
Comme pour le ES Series Bus Compressor, le Tornade W492 reprend grossièrement les grandes lignes de l’égaliseur allemand dans sa conception et son interface. On retrouve donc un EQ stéréo 4 bandes, avec deux filtres shelf pour les graves et les aigus, ainsi que deux bells large bande pour les bas et haut-mediums. Pour chaque bande, on retrouve un réglage de gain allant de –15 à + 15 dB, avec un cran à 0. Les fréquences proposées balaient assez large, avec une fréquence descendant jusqu’à 60 Hz pour le filtre bell bas-medium et 16 kHz pour le filtre bell haut-medium, sachant que les filtres shelf descendent à 50 Hz pour le registre grave et vont jusqu’à 10 kHz pour l’aigu. L’égaliseur offre théoriquement des possibilités de travail intéressantes.
Chaque canal possède son propre interrupteur de bypass (qui s’allume en bleu), mais chaque bande en possède également un (qui s’allume en bleu, aussi). Il est donc possible d’écouter rapidement l’action de l’EQ total sur tout un programme ou l’action d’une ou plusieurs bandes indépendamment. Bon, je l’avoue, en pratique, il faut une sacrée dextérité synchronisée des deux mains pour pouvoir réaliser un comparatif A/B convaincant. Mais avec un peu d’entraînement, on finit par y arriver !
En face arrière, là aussi on joue la carte de la simplicité (et pour cause !) : entrées/sorties au format ligne XLR, prise 220V, point barre. En même temps, on n’a besoin de rien d’autre…
Voici quelques extraits réalisés avec l’EQ :
- TORNADE EQ ACC 1 00:29
- TORNADE EQ ACC 2 00:29
- TORNADE EQ ACC 3 00:29
- TORNADE EQ ACC 4 00:29
- TORNADE EQ ACC 5 00:29
- TORNADE EQ ACC 6 00:29
- TORNADE EQ DRUMS 1 00:21
- TORNADE EQ DRUMS 2 00:21
Ça n’est peut-être pas très évident avec ce genre d’extraits, mais, croyez-moi, cette EQ sait se faire entendre ! Dès les premiers dB, on entend ses agissements et s’il advenait qu’on soit obligé de pousser (dans un sens comme dans l’autre) de 10 dB sur n’importe lequel des filtres, c’est qu’il a dû se passer quelque chose d’anormal à la prise (ou que l’on veuille quelque chose de créatif…!).
J’exagère à peine, car, pour être très honnête, cet EQ est d’emblée hyper réactif. Pas besoin de chercher pendant des heures comment cet EQ agit : il agit ! Je ne connais qu’assez peu le produit dont le W492 s’est inspiré (j’ai plutôt connu le W495 à 3 bandes, déjà bien redoutable), mais quel que soit le travail à réaliser, cet EQ a de quoi faire. Hyper efficace, il reste néanmoins très musical tout en respectant là encore la nature propre du signal d’origine. Apparemment, les transformateurs ont été abandonnés sur ce modèle, laissant place à des amplis op censés être plus respectueux des transitoires. C’est réussi : les transitoires ne sont pas écorchés.
En revanche, son utilisation est un tout petit peu moins pointue dès lors que l’on utilise l’EQ sur un programme stéréo. En effet, l’absence de crans sur les fréquences comme sur le gain laisse une certaine place à l’imprécision dans les réglages. Amis maniaques de la phase et de la stéréo, vous allez frémir ! C’est pourquoi j’aurais bien aimé voir une version crantée (pas forcément par pas de 2 dB !), mais, pour tous ceux qui par hasard souhaiteraient utiliser cet EQ sur le mix bus ou en mastering, ce pourrait être utile… Idem si vous souhaitez réaliser des traitements chirurgicaux : le W492 ne me semble pas vraiment fait pour ça.
Après, bien d’autres ajouts pourraient être apportés : réglage de facteur de qualité, possibilité de switcher les shelfs en bell… mais le produit s’écarterait peu à peu de son « cahier des charges » initial. Avec 4 bandes à son actif, le W492 permet pas mal de choses et malgré son caractère bien trempé, cela reste néanmoins un EQ hyper musical en toute circonstance. Le fait d’utiliser de larges bandes y est certainement pour beaucoup. Encore une belle découverte.
Conclusion
Tornade MS a beau être une toute jeune société, la nouvelle marque française débarque avec deux périphériques de qualité qui, bien qu’inspirés de modèles existants, dévoilent une conception sans faille pour un résultat sonore très probant. Le fabricant français — comme bien d’autres de ses compatriotes — n’a pas à rougir de ses concurrents outre-Atlantique/Manche/Rhin quand on constate le rendu sonore et le niveau de fabrication apporté à ses machines. Proposés à 1860 € (pour le ES Series Bus Compressor) et 1780 € TTC (pour le W492 EQ), il y a fort à parier que les produits Tornade vont faire des émules… En tout cas, en ce qui me concerne, je me suis laissé prendre !
ES Series Bus Compressor
- La qualité générale
- Le son
- Le prix
- La polyvalence du traitement
- Le filtre de sidechain et le Dry To Mix
- Un véritable Blend aurait été moins déroutant pour les utilisateurs…
- Un seul Vu-Mètre qui n’affiche que la réduction de gain (bon OK, comme sur un certain compresseur…!)
- À quand une version double mono ?
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)
W492 EQ
- Idem que pour le ES Series Bus Compressor sur les 3 premiers points
- La musicalité de l’EQ
- Le look avec les LED bleues (c’est personnel !)
- Une version crantée serait de bon aloi (sur les fréquences ET le réglage de gain)
- Par conséquent, pas assez précis pour le traitement de Mix Bus (dommage…)
- Maniaques de l’EQ chirurgicale, passez votre chemin !
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)