Dans le domaine des légendes, la guitare de type Les Paul s'est vue déclinée de très nombreuses fois. Fondée en 1985, la marque Maybach d'origine allemande compte bien imposer sa vision des ces guitares historiques avec un très grand respect de la tradition mais à un prix juste.
Soyons honnêtes : Gibson peut sembler avoir perdu du lustre avec certains crus de Les Paul très limites au niveau des finitions en fonction des années. La situation semble toutefois revenir à de meilleurs auspices, c’est pourtant dans le créneau de la belle guitare de type vintage que Maybach s’inscrit, cherchant à se faire une place sous le même soleil que la légendaire marque américaine. Ne nous y trompons pas, Maybach propose aussi à son catalogue des modèles lorgnant de l’autre côté avec des inspirations Strat et Jazzmaster bien senties. La guitare qui nous intéresse aujourd’hui est une Lester 59 Aged. Tout est déjà presque dit rien qu’avec son nom, c’est la mythique 59 que l’on tente de tutoyer.
Enfonçons des portes ouvertes en détaillant le modèle maintes fois éculé. Le corps est en deux pièces collées d’acajou présentant une finition Classic Vintage Amber Relic. Le relicage est parfaitement exécuté, laissant de côté les mauvaises langues râlant perpétuellement à propos de cette pratique. Le vernis est nitrocellulosique, ce qui lui donne une patine similaire à celle d’un violon. Les craquelures sont jolies et s’organisent de façon tout à fait réaliste, que ce soit sur la table en érable flammé du plus bel effet ou bien sur le dos ou le long du manche. Rien n’est exagéré, tout fleure le bon goût.
L’accastillage a lui aussi été reliqué avec bonheur, que ce soient les micros Amber Spirit of 59 ou l’ensemble chevalet cordier Gotoh SD 90 Relic. La touche en palissandre et les mécaniques tulipe auraient gagné à être reliqués avec la même intensité mais c’est ici pinailler. Le manche collé en acajou affiche un profil typique des années 50, épais et rond. Le sillet en os est parfaitement fini, le binding bien réalisé n’enferme pas les bords de frettes ce qui permettra de futurs refrettages faciles après des années de service. Les repères nacrés en bloc bien posés respectent la tradition en étant absents de la première case.
La finition du frettage est bonne sans être transcendante, l’essentiel est néanmoins là car aucune aspérité ne blesse la main lors du jeu. Les contrôles sont classiques avec deux volumes et deux tonalités de marque CTS, c’est du sérieux. Leur souplesse très progressive et douce compensera sans mal leur éloignement, cet emplacement classique étant forcément moins ergonomique que celui d’une Strat. Attention, le sélecteur de positions qui prend la forme d’un toggle switch trois positions est inversé de même que les volumes, le volume du haut gère donc le micro aigu et inversement.
Ce qui étonne, c’est le poids de la guitare. Très légère, il est inférieur à quatre kilos. Malgré des recherches sur le site de Maybach, impossible de savoir si celui-ci a été chambré. Un tapotement minutieux de la caisse laisse toutefois entrevoir de nettes différences de résonance, trahissant un chambrage qui n’influera pas sur le sustain comme nous allons le voir. La guitare est accompagnée d’un très bel étui Maybach ce qui est normal pour un tarif avoisinant les 2100 euros.
Pure tradition
Quoi de mieux pour faire sonner une guitare de type LP qu’un Marshall ? Pas grand chose à dire vrai, ces deux légendes se mariant tellement bien… Commençons par les sons saturés et crunch pour une fois ! La belle n’attend que de faire surgir son rock. Avec un Marshall JCM800 moddé avec une lampe de préampli ECC83 supplémentaire, on entend bien la mesure qu’ont voulu appliquer Amber lors de la réalisation des Spirit of 59. Bobinés à la main, ils sonnent comme à l’époque. Tous les superlatifs peuvent ici entrer en jeu comme dans le domaine du vin : capiteux, moelleux mais consistants et doux en bouche. Euuh aux oreilles. Bref, les micros sont parfaitement « spot on » et délivrent des sonorités qui sentent l’Histoire du rock avec un grand H.
La réponse, la compression et le rebondi des attaques sont parfaits, point trop de niveau de sortie mais assez de hargne pour affronter et agresser les amplis en entrée. En rythmique comme en lead, c’est un vrai bonheur. En poussant le gain, ça chante et ça danse. La corde de Sol se désaccorde, ils respectent la tradition jusqu’au bout chez Maybach !! Un jour, un scientifique se penchera sur le cas de cette corde de Sol pour nous trouver une solution miracle et finira sa vie aux Bahamas après avoir commercialisé sa trouvaille et trouvé le succès auprès de 678 milliards de guitariste. Mais je m’évade, revenons sur la Lester…
En lead, on trouvera assez de mordant pour partir dans le solo metal avec toutes les réserves de circonstance bien entendu. Point de Floyd Rose, un accès aux aigus classique, un manche épais et « seulement » 22 cases. La guitare n’est pas pour les fans de Jason Becker mais ce n’est pas pour autant que l’on ne peut pas s’envoyer en l’air en solo ! En metal rythmique pur et dur, pas de trahison même si ce n’est pas le terrain de jeu favori de cette pelle. Mais demandez au guitariste de Napalm Death s’il ne joue pas sur Les Paul Standard ? Vous aurez compris qu’elle reste crédible dans ce domaine.
- JCM800rythmiquerock00:49
- JCM800micromanche01:16
- JCM800lead01:16
- JCM800metal00:53
Passons en crunch maintenant en utilisant toujours les JCM800 mais en baissant considérablement le gain. Le son se fait un poil plus nasillard et dynamique comme une très bonne guitare de type LP. La variation à l’attaque est bien là avec son lot de nuances et de subtilités quelle que soit la position du toggle mise en œuvre. Testons les deux micros simultanés pour entendre une parfaite cohésion ne donnant l’avantage à aucun des deux. L’attaque est à nouveau magnifiée dans ces arpèges au médiator. Le jeu au doigts est aussi mis en avant par l’excellente lutherie et la belle résonance de la caisse en plus d’un petit chorus sympathique et d’une réverbe. Le sustain est dans la place, les notes durent longtemps, longtemps… Rappelons que le sustain n’est pas que la durée de résonance des notes mais aussi un comportement prompt à être sensible aux pressions que sont les pull-offs et hammer-ons, rendant la guitare presque « capillaire » au toucher. C’est ici le cas, la Lester est très réactive à la main gauche ce qui la place dans les guitares au sustain important. Bon assemblage, manche collé, métal des frettes de bonne qualité, autant d’éléments qui définissent le sustain.
- JCM800crunch01:44
- JCM800crunch2micros01:16
- JCM800crunchjeudoigts01:09
Les sons clairs ne sont pas en reste. Branchée dans le KelT MostrO RedHead sur le canal clean et avec un peu de chorus et de réverbe, c’est beau, clair et défini. Manche, chevalet, tout passe. Les jeu aux doigts reste homogène malgré l’aléatoire de la chair, une compression naturelle permet d’égaliser un peu les attaques sans pour autant écraser quoi que ce soit. Même le micro chevalet est exploitable alors que l’on a l’habitude des micros trop agressifs et acides en son clair.
- KelTcleanarpeges01:17
- KelTcleanmanche01:01
- KelTcleanaigu00:49
Le mix final à tendance blues rock montre selon moi la tonalité générale de la guitare : à la fois rauque, polyvalente et très respectueuse du modèle qui l’inspire. Le jeu au volume est progressif dans ce mix, les potards sont très musicaux. Violoning bienvenu donc !
L’outsider
Quel charme. On tombe vite amoureux de cette Lester 59 Aged, avec son relicage réaliste, ses sonorités authentiques, ses excellentes finitions, son étui, son tarif qui reste à la portée de pas mal d’entre nous tout en restant dans le haut de gamme et surtout une Histoire du rock, un récit condensé en quelques morceaux de bois et d’électronique qui évoque une époque passée mais toujours actuelle, défendue par ses représentants les plus illustres comme Slash, Joe Perry, Billy Gibbons entre autres légendes de la six cordes. Maybach parvient sans peine à nous emporter dans sa vision de la LP 59 et donne envie, inspire, respire. Il faut arrêter avec les hésitations vis-à-vis de certaines marques qui certes n’ont pas participé à la légende de la guitare à travers les décennies mais qui la respectent et qui VOUS respectent en proposant des tarifs cohérents comme Tokai et donc Maybach. Bien joué, une guitare qu’il m’est assez difficile de rendre au magasin Hendrick Music ayant prêté l’instrument.
Vous cherchez une gratte de type Les Paul avec des finitions sans surprises (suivez mon regard…) et un tarif qui ne vous fait pas vendre un rein, ou un fils, ou votre femme ? Considérez très sérieusement la Maybach Lester 59 Aged. Vous pourriez convoler en secondes noces.