Si nous avions perdu tout espoir d’un jour poser les doigts sur la Gibson « Wino », quelle ne fût pas notre surprise en apprenant qu’une version Epiphone était en préparation ! Un coup de fil et quelques semaines plus tard, nous voici à patienter devant le showroom Gibson de Paris, prêts à obtenir les réponses à toutes nos questions (et aux vôtres !) concernant cette nouvelle Epiphone « Wino ».
La Les Paul à Jerry !
Guitariste du groupe de Grunge Alice in Chains, Jerry Cantrell est célèbre pour son énorme son de guitare, dès les premiers albums du groupe. Il a très tôt eu droit à un modèle signature chez G&L, une sorte de Super-Strat équipée d’un unique micro chevalet. Plus tard, l’artiste a été contacté par David Friedman, patron et concepteur des amplis du même nom, relation qui a abouti à une série d’amplis signatures. Il y a presque un an, Jerry Cantrell a été approché par Gibson qui a sorti une reproduction exacte d’une de ses Les Paul Custom, celle qu’il a surnommée « Wino ». Finition Murphy Lab, édition limitée à 100 exemplaires et tarif frôlant les 9 000 €, inutile de préciser que cette reproduction de « Wino » n’était pas destinée à tout le monde.
Que les fans de Jerry Cantrell sèchent leurs larmes puisque l’artiste a également développé des modèles signature chez Epiphone ! Le guitariste a en effet légèrement personnalisé une Les Paul Prophecy et a conçu avec la marque une version Epiphone de la « Wino ». C’est cette dernière que j’ai eu la chance d’avoir sur les genoux lors de mon dernier passage au Showroom Gibson de Paris. Sur la mezzanine du showroom, en haut de l’escalier en colimaçon, trônent deux étuis Epiphone floqués au nom du guitariste. Ça met dans l’ambiance. J’actionne les loquets assurant la fermeture du premier étui pour commencer le test.
À l’ouverture du bel étui Epiphone portant le nom « Jerry Cantrell », la « Wino » Les Paul Custom est très belle. Le coloris est très joli, l’accastillage doré brille bien et l’instrument fait vraiment envie. Je le sors de son écrin protecteur et commence l’inspection. La nouvelle tête « Kalamazoo » a de nouveau répondu présente, ça fait plaisir. Le vernis semble bien appliqué sur l’ensemble de la guitare, rien ne bave, même aux croisement des différents filets. Chaque élément est bien à sa place, les bords de frettes sont bien polis et la guitare inspire une certaine robustesse.
Le corps de la « Wino » est en acajou et il possède neuf chambres de résonance dont le but est surtout d’alléger l’instrument. Le corps est recouvert d’une table en érable. Il s’agit d’une table « plain », sans motifs ni figures. Le manche est collé au corps. Il est également en acajou et il est sculpté selon le profil « Cantrell Custom Taper », un profil assez fin et très agréable à prendre en main. La tête est rapportée ce qui offre un maximum de solidité mais n’est pas très esthétique. La touche au rayon de 12 pouces est en ébène et elle accueille des repères « Blocks » en pearloid et 22 frettes médiums Jumbo pour un diapason traditionnel de 24.75 pouces.
L’accastillage est doré et intègre un chevalet Tune-o-Matic et un cordier StopBar. Ce sont des pièces Epiphone Locktone qui se bloquent. On trouve également des mécaniques estampillées Grover ; ce sont des Rotomatic au ratio de 18:1. Elles assurent un accordage précis et fiable. Le sillet Graph Tech permet aux cordes de bien regagner leur position « zéro » après des gros bends et concourt donc aussi à l’excellente tenue d’accord de l’Epiphone « Wino ». Enfin, les boutons de potentiomètres sont les Black Speed Knob.
Si la version Gibson dispose d’un capteur Fishman Powerbridge dissimulé dans le chevalet, cette version Epiphone est réduite à son plus simple appareil. La configuration électronique est très simple mais cache quand même quelques spécificités. On trouve deux micros humbuckers contrôlés par un volume et une tonalité chacun en plus du traditionnel sélecteur à trois positions, entouré du fameux « poker chip » noir labellisé « Rythm/Treble ». Le micro manche est un AlNiCo Classic PRO que nous connaissons bien pour l’avoir retrouvé dans nombre de modèles Epiphone passés entre nos mains. Il possède un capot doré. Le micro chevalet est une version Epiphone du célèbre 498T de Gibson ; il est baptisé 98T PRO. Ce dernier ne dispose pas de capot, il est laissé nu ce qui confère à la guitare un look très particulier en plus d’avoir un impact direct sur le son. On sent avec cette sélection de micros et leur finition respective, que la marque a souhaité s’approcher au maximum de l’instrument original de Jerry Cantrell, c’est sympa. La guitare d’époque était très probablement équipée du couple 490R – 498T, Epiphone a donc conçu un micro s’approchant au maximum du 498T.
Bien qu’il s’agisse d’un modèle signature, les détails visuels relatifs à Jerry Cantrell ne sont pas très nombreux. La plaque qui dissimule l’accès au truss-rod est gravée du nom Jerry Cantrell inscrit en italique. Le dos de la tête porte le logo de l’artiste qu’on retrouve également sur ses amplis signatures chez Friedman, le fameux « JJ » imprimé en lettres capitales. Après avoir méticuleusement inspiré l’Epiphone « Wino », j’allume le petit Marshall DSL15 du showroom et c’est parti pour le test sonore.
Here comes the Rooster
Comme à mon habitude, je commence par jouer la guitare à vide. Les neuf chambres de résonance n’y sont probablement pas étrangères, mais l’instrument résonne et projette beaucoup à vide, c’est très surprenant. Le manche et le corps vibrent bien, c’est souvent le signe d’une lutherie soignée et d’une bonne sélection de bois. Je commence par écouter longuement la « Wino » en son clair afin d’avoir une idée plus précise de ce qu’elle a dans le ventre. Le son est bien équilibré en fréquences et la guitare a une personnalité sonore assez douce et chaleureuse. C’est d’ailleurs assez étonnant (dans le bon sens du terme) mais le son du micro manche rappelle un peu celui d’une ES-335 avec ce côté légèrement aérien et riche en basses fréquences. La position intermédiaire est très sympa également avec une couleur très funky et un bon équilibre entre les deux micros. Le micro chevalet amène beaucoup de détails et se marie très bien avec le micro manche qui apporte une couleur plus douce et feutrée. Je passe sur le micro chevalet, le fameux 98T PRO qui s’est montré plutôt efficace en son clair bien qu’il dispose d’une résistance de sortie assez élevée. On peut quand même s’en sortir en jouant aux doigts ou en flat-picking et obtenir un joli son clair bourré de détails. Ce micro possède une belle définition mais me supplie quand même de passer en son crunch. Je m’exécute en restant sur le canal clair de l’ampli mais avec le réglage de gain sur sa valeur maximale.
Le son crunch révèle une autre personnalité de l’Epiphone « Wino », un côté plus vintage, plus Blues. Le micro manche a une belle ouverture qu’il est très facile de maîtriser grâce aux potentiomètres CTS de volume et de tonalité. On retrouve un grain très bluesy qui rappelle les bluesmen afficionados de la Les Paul (Gary Moore, Joe Bonamassa, Eric Clapton, Ronnie Wood …). La position intermédiaire reste très bluesy mais on retrouve ce caractère un peu funky découvert en son clair. Le mariage des deux micros est une nouvelle fois très réussi et rassemble le côté très détaillé du micro chevalet et la couleur très vintage du micro manche. Le micro chevalet possède une bonne dose d’aigus (ce n’est pas pour me déplaire) qu’on peut relier sans nul doute à l’absence de capot sur ce micro. Cela lui procure une ouverture et une présence assez remarquables. En jouant la guitare avec une attaque plus franche, on fait ressortir le caractère tranchant de ce micro, c’est très chouette. Même en son crunch avec un niveau de gain très modéré, j’ai constaté avec bonheur que l’instrument développait un sustain assez important.
- Clean all pickups03:41
- Crunch all pickups03:37
- Lead all pickups05:01
Je change de canal pour la dernière partie de ce test : le son (bien) saturé. Les deux micros se sont montrés très réactifs à la manipulation du réglage de volume ce qui est une bonne chose. J’ai pu passer très facilement d’un son presque clair à une énorme saturation par simple rotation du potentiomètre de volume. En grosse saturation, le micro manche conserve ce caractère crémeux et ouvert, avec de belles attaques bien définies. La position intermédiaire est un peu plus anecdotique. Dans ce registre elle sera plus exploitable si on souhaite un équilibre particulier entre les deux micros pour des passages bien spécifiques. Je passe la belle « Wino » en Drop-D pour découvrir ce que le micro chevalet a sous le coude. Encore une belle surprise. Le côté précis et dynamique du 98T PRO est accentué par le gros niveau de gain. Le micro encaisse très bien ce type de sons et conserve toutes les qualités décrites plus haut. La guitare développe une certaine épaisseur typique des Les Paul qu’on entend surtout dans les gros riffs en accords de puissance. On ne retrouve pas littéralement LE son de Jerry Cantrell mais plutôt un très joli son de Les Paul (qu’on peut bien sûr associer à Jerry Cantrell).
Alice sans les chaînes
Epiphone semble depuis quelques années apporter un soin particulier aux instruments signatures. J’ai eu entre les mains les modèles Joe Bonamassa et Jared James Nichols (testés dans nos colonnes) ainsi que les modèles Björn Gelotte et désormais Jerry Cantrell : le constat est identique pour chaque guitare. Lutherie et finitions impeccables, choix de micros judicieux et mécaniques Grover, rien ne manque. Comme les autres modèles signatures, la Jerry Cantrell « Wino » Les Paul Custom (qui porte ce surnom à cause de sa couleur Wine Red de l’instrument original) est fournie en étui rigide de très bonne facture. Cet étui porte le blason Epiphone ainsi que le nom Jerry Cantrell imprimé en lettres capitales légèrement vieillies. Proposée au tarif de 849 €, étui compris, la guitare a un très bon rapport qualité/prix. Elle est solide, robuste, bien finie, bien équipée, et de plus elle est très jolie. What ese ?