Sujet Café de l'ovalie

Citation : 14/01/2004
Par SYLVAIN LABBE
De Sports.fr

Au consensus mou en vigueur depuis l'échec du Mondial, Guy Novès, le manager du Stade Toulousain, en une interview coup de poing parue lundi dans le quotidien L'Equipe a choisi de mettre les pieds dans le plat et, à un mois du Tournoi, d'ouvrir le débat, même s'il s'en défend, autour du XV de France et des rapports avec les clubs. Si un tel déballage peut faire désordre, le rugby français, comme le confirment Fabien Pelous et Olivier Magne, ne peut sans doute pas faire l'économie d'une telle réflexion. Reste à savoir si Bernard Laporte saura entendre les critiques émises.


Guy Novès met en cause le système Laporte.
Un vrai coup de gueule autant qu'un ras le bol. En choisissant lundi dans les colonnes de L'Equipe de livrer le fond de sa pensée quant au système Laporte et à la gestion du XV de France, Guy Novès, le manager-entraîneur du Stade Toulousain, a mis fin à un mois et demi de non-dits et de faux-semblants. Et si telle n'était pas son intention, le voilà aujourd'hui en première ligne pour faire entendre la voix des clubs auprès de l'équipe de France et de ses décideurs.

Car comme bon nombre de dirigeants et techniciens, Novès est ulcéré par les raisons que certains, Bernard Laporte en tête, ont cru bon de mettre en avant pour justifier autant qu'expliquer l'échec des Bleus en demi-finale de la dernière Coupe du monde.

La rigueur? Quelle rigueur?

A la mise en cause du mode de fonctionnement des clubs français et à la glorification du rugby anglais, l'homme du banc toulousain a répondu sans prendre de gants: "J'entends dire que le championnat anglais est plus consistant que le championnat français, que les joueurs anglais sont mieux préparés qu'ailleurs, qu'ils s'entraînent différemment." (...) "En France, on s'entraîne deux fois par jour et que veut-on de plus? Je ne peux pas être d'accord et j'en ai marre d'entendre des mensonges." Le manque de rigueur dans les clubs, stigmatisé par le staff de l'équipe de France, Novès le pointe du doigt sans détour dans la gestion du XV de France et de la dernière Coupe du monde. En vrac, il dénonce la défense "bec et ongles" d'un De Villiers "qui se couche à 6 heures du matin et qui est contrôlé positif à la cocaïne et à l'ecstasy", la sélection d'un Xavier Garbajosa dont "le staff de l'équipe de France sait pertinemment qu'il n'est pas à cent pour cent" ou d'un Tony Marsh "qui a été sélectionné alors qu'il n'avait pas joué de la saison."

Quant à l'interventionnisme prôné par Laporte au sein même des clubs à travers la venue de techniciens spécialistes censés épauler les internationaux, l'entraîneur du Stade fulmine: "Avant de remettre en cause ce qui se fait dans les clubs, il faut peut-être se remettre en cause soi-même, et remettre en cause ce que l'on veut mettre en place."

Aussi virulent soit-il, le discours est précis, argumenté et ne manque pas de mettre en lumière l'agacement général et l'exaspération ambiante parmi les clubs français dont les places fortes savent ce qu'elles ont donné au XV de France et perdu à l'occasion du dernier Mondial. Novès conteste la manière de procéder de Laporte et va même plus loin lorsqu'il nie l'appui dont aurait bénéficié, à l'heure de rempiler, le sélectionneur de la part des internationaux: "Je ne suis pas sûr qu'il ait reçu le soutien de tous les joueurs. En interne, j'ai des retours."

Pelous: "Cela traduit un véritable malaise"

Interrogé, Fabien Pelous, actuellement blessé mais pressenti pour endosser la charge du capitanat dans le nouveau projet Laporte, avoue sa perplexité et sa prudence bien légitime devant cette querelle de chapelles: "Nous, joueurs, avons un pied dans chaque camp et il est forcément bien difficile de prendre parti." Pourtant, le deuxième ligne toulousain ne nie certainement pas le problème: "Les revendications des clubs et du XV de France entrent en conflit. Mais les propos de Guy Novès traduisent un véritable malaise."


A Toulouse, Novès (ici avec Labit) sait de quoi il parle au sujet des internationaux.
Autre cadre des Bleus, Olivier Magne ne se dit "pas surpris" de la montée au créneau de l'entraîneur toulousain. "Guy Novès a son franc-parler. Il dit ce qui le fait c.... (sic) mais c'est constructif. Il a des arguments, un ressenti. Il en a marre de voir les clubs fustigés alors que lui a toujours eu de bons résultats. C'est tout à son honneur de mettre les pieds dans le plat. Et il a le mérite d'ouvrir le débat pour trouver des solutions." La méthode de Novès manque sans doute de tact et pourtant le Montferrandais reste persuadé que Laporte saura entendre les griefs exposés: "Bernard saura écouter. La fonction d'entraîneur est toujours soumise à la critique et peut-être, doit-il aujourd'hui plus encore expliquer sa manière de fonctionner et son message."

Trois jours après l'électrochoc Novès, Bernard Laporte n'a pas repris la balle au bond. Alors qu'il avait exprimé son intention de travailler main dans la main avec les entraîneurs du Top 16 dès l'annonce de la prolongation de son contrat à la tête des Bleus, un trop long silence aujourd'hui aurait la valeur d'un déni dramatique.