EarMaster Aps est une petite entreprise danoise, fondée en 1994, qui s’est spécialisée dans le développement d’un logiciel particulier, EarMaster, qui nous propose d’entraîner notre oreille musicale et nos capacités de lecture du solfège.
Elle produit également un accordeur de poche, le PitchBoy, et propose divers services via Internet, notamment des cours de théorie musicale gratuits et un logiciel tout aussi gratuit de gestion de finances d’un groupe, BandLoot.
Mais revenons à EarMaster, sixième du nom. Ce soft vise donc à faire de vous une implacable force de déchiffrage musical non seulement auditif, comme son nom l’évoque, mais également visuel via un certain nombre d’exercices consacrés à la lecture. Voyons ensemble de quelle manière il compte atteindre cet objectif.
Music 101
La page d’accueil du logiciel, qui ne met guère de temps à se lancer, propose par défaut deux modes d’entraînement — un cours général et un cours « jazz » — ainsi que la possibilité d’accéder à un « exercice personnalisé ». Pour précision, le cours « général » vous proposera un parcours complet d’entraînement musical, alors que le cours « jazz » sera plutôt à considérer comme un complément du premier. En effet, il ne reprend pas toute la partie consacrée à l’identification d’intervalles et de gammes, et se concentre sur l’identification d’accords et de progressions harmoniques plus ou moins spécifiques au jazz, ainsi que sur les exercices liés au rythme.
En ce qui concerne l’« exercice personnalisé », il permet de configurer à sa guise les diverses activités offertes par le logiciel mais pas de les organiser en « cours », c’est-à-dire de mettre en place une progression pédagogique entre les activités. Pour ce faire, il faudra se procurer la version « Teacher » du logiciel, vendue 10 € plus chère et sur laquelle nous reviendrons en fin d’article. Mais revenons aux activités dont nous parlions à l’instant.
Celles-ci apparaissent dans une seconde fenêtre de la page d’accueil. Elles regroupent la comparaison, l’identification et le chant d’intervalles, l’identification d’accords et le travail sur leurs renversements, la reconnaissance de progressions harmoniques, la lecture et la reproduction de rythmes, le dépistage d’erreurs rythmiques, la lecture et le chant à vue, la reproduction de mélodies et la dictée mélodique (oui, le logiciel différencie les deux, nous verrons en quoi). À vous maintenant de choisir l’activité à laquelle vous souhaitez vous adonner. À ce sujet, un mini-coup de gueule. De manière assez incompréhensible, il est impossible de lancer celle-ci simplement en double-cliquant dessus. Il vous faudra la sélectionner en premier lieu, puis cliquer sur le bouton « Commencer » en bas de fenêtre. Pas très grave, mais énervant à la longue.
Une fois sélectionnée l’activité que vous souhaitez, vous obtenez tout d’abord un écran qui vous explique brièvement la nature de l’exercice que vous vous apprêtez à effectuer. À noter d’ailleurs que sur certains d’entre eux, une petite relecture de la part des développeurs ne serait pas inutile, certaines coquilles n’ayant pas été corrigées. Mais peu importe.
Vous bénéficierez d’un exemple à la fois visuel et auditif de ce que l’exercice attendra de vous. Dans le cas de la reconnaissance d’intervalles, le logiciel vous proposera également une liste de chansons et morceaux célèbres dont les premières notes reprennent le ou les intervalles à reconnaître. Des liens vers les œuvres en question sont disponibles sur le site d’Earmaster ApS, à partir duquel on peut également créer ses propres listes de mélodies-repères en les choisissant, pour chaque intervalle donné, parmi un ensemble prédéfini. Il ne sera pas possible d’ajouter ses propres mélodies. Un peu dommage, mais pas très grave non plus.
Enfin, l’on accède à l’écran principal du logiciel.
L’écran principal
Il se divise en plusieurs parties. On a tout d’abord plusieurs barres d’outils que l’on peut choisir d’afficher ou non, et que l’on peut disposer librement l’une par rapport à l’autre, en haut ou en bas de l’écran, voire sur les côtés pour certaines. Outre la barre standard des menus sur laquelle nous reviendrons plus loin, nous disposons d’un affichage de nos résultats avec un bref rappel statistique (nous verrons la section « statistiques » plus en détail un peu plus loin), des boutons permettant d’accéder à la configuration du tempo du métronome, des entrées micro et MIDI ainsi que du niveau de zoom de l’écran principal, dont l’une qui rappelle le nom de l’exercice courant, ainsi que d’une barre d’édition de votre écriture musicale vous permettant entre autres de choisir le type de note (blanche, croche…), d’altération (dièse, bémol…) ou de silence (pause, soupir…) que vous souhaitez écrire.
Ceci nous amène à la seconde partie de l’écran principal, à savoir la zone de questions et de saisie des réponses. En ce qui concerne les questions, l’on a la possibilité de réécouter celles-ci autant de fois qu’on le souhaite. On peut également pré-écouter sa réponse (quand il s’agit de dictées notamment) avant de la soumettre au « jugement » du logiciel. Cette option disparaît toutefois si l’on a désactivé l’écoute des notes que l’on joue. La saisie de réponse peut se faire quant à elle de multiples manières. La mention concernant la barre d’édition de notes vous a sans doute laissé deviner à juste titre que l’on pouvait faire usage d’une portée musicale pour répondre aux exercices proposés. Mais ce n’est pas l’unique moyen ! En effet, on a également la possibilité de saisir les réponses sur un clavier virtuel (il sera toutefois nécessaire d’avoir une résolution d’écran de 1280 pixels de large pour afficher l’intégralité du clavier) ou un manche de guitare tout aussi virtuel ainsi que sur un clavier tonal. On peut afficher ces différentes interfaces individuellement ou bien conjointement. À savoir que l’on peut également entrer les réponses via un instrument MIDI… ou même via un micro, cette dernière option nécessitant un paramétrage sur lequel nous reviendrons plus loin.
L’on peut enfin également entrer les réponses via le clavier d’ordinateur, selon une méthode qui ne me semble toutefois guère la plus pratique. En effet, pour de nombreux exercices, une note repère vous est donnée. Or, le clavier d’ordinateur (et contrairement aux autres interfaces de saisie proposées par le logiciel) ne vous permet pas d’entrer directement les valeurs absolues de notes, mais uniquement des intervalles par rapport à la note-repère. Pourquoi ne pas avoir choisi la méthode habituellement employée par un certain nombre de STAN pour la saisie de notes via le clavier d’ordinateur, méthode à laquelle nombre d’utilisateurs potentiels d’EarMaster sont déjà habitués ? Mystère. Sans compter qu’en ce qui me concerne, j’ai été incapable d’entrer des altérations via cette interface, malgré mes multiples essais et ma scrupuleuse lecture du mode d’emploi. Bug sur ma config ? Quoiqu’il en soit, il reste toujours possible d’intégrer des altérations via la souris ou un instrument MIDI, donc pas de panique.
Penchons-nous maintenant sur les activités proposées.
Les activités
Elles se divisent en trois grandes catégories : la reconnaissance auditive, la lecture et le chant. La première catégorie, qui donne d’ailleurs son nom au logiciel, propose la comparaison d’intervalles, l’identification d’accords, de progressions harmoniques, de dictées mélodiques et rythmiques. La seconde propose de la lecture rythmique et mélodique. Enfin la troisième catégorie, à cheval sur les deux premières, propose de reproduire vocalement des événements musicaux lus ou entendus.
Pour l’ensemble des activités, on peut définir les règles d’enchaînement des questions, le nombre maximal d’essais auxquels l’élève a droit, le délai maximal laissé pour la réponse, ou encore si l’on peut ou non entendre les notes de notre réponse en cliquant dessus. Attention toutefois, tant que l’option « Entendre les notes en cliquant dessus » est désactivée, il reste impossible, même au moment de la correction, de cliquer directement sur la portée « corrigée » pour entendre les notes, ni sur le clavier tonal, le clavier de piano ou le manche de guitare virtuels ! L’on ne peut que relancer la lecture générale de la mélodie dictée, ou à la limite passer par un instrument maître MIDI. Pas très grave, mais il faudra y penser !
On peut en outre définir le tempo, la clé et si les notes doivent être tenues, legato ou bien détachées. On peut aussi définir si la gestion des octaves doit être absolue ou bien si toutes les octaves doivent être prises en compte. Ceci est particulièrement important pour la gestion des réponses lors des exercices vocaux ! Par exemple, avec cette option réglée sur « absolue », si vous chantez un E3 au lieu d’un E4, votre réponse sera considérée comme fausse, alors que sinon le logiciel ne prendra en compte que le fait que vous avez chanté un Mi, quelle que soit son octave. Ceci permet de vous exercer progressivement, en cherchant d’abord la justesse générale de la note sans tenir compte de l’octave, puis, une fois que vous avez atteint cette première étape, d’essayer de maintenir cette justesse à différentes octaves. La reconnaissance est tout à fait correcte pour peu que l’on paramètre bien son entrée micro. C’est le moins que l’on peut attendre d’une entreprise dont le second produit est… le PitchBoy, un accordeur de poche ! Il est à noter que l’on peut paramétrer également les exercices pour qu’ils s’adaptent automatiquement à une tessiture particulière, ou à celle que l’utilisateur aura définie pour lui-même dans les « propriétés de l’utilisateur », sur lesquelles nous reviendrons plus bas.
Enfin, on peut également définir la nomenclature des notes utilisée. Outre les classiques Do-Ré-Mi… de chez nous et A-B-C… anglo-saxon, on trouve également les notations de degrés en chiffres arabes ou romains, ainsi que les principes de solmisation « Tonic Sol-Fa (mineur en Do) » et « Tonic Sol-Fa (mineur en La) ». Sans entrer trop dans les détails (cela fera peut-être l’objet d’un article de notre série Les bases de l’harmonie… « peut-être » j’ai dit !), sachez juste que ces dernières nomenclatures ne partent plus d’une valeur absolue des notes, mais d’une valeur relative. Ainsi, le terme « Do » désignera toujours la tonique d’une gamme donnée, quelle que soit cette gamme.
Il est maintenant temps de nous pencher sur le paramétrage desdites activités, lorsque nous sortons du cadre d’un cours prédéfini et que nous souhaitons personnaliser nos propres exercices.
La configuration des activités
La configuration des activités est très poussée. Ainsi, l’on dispose pour chacune d’elles d’une liste d’éléments à inclure ou exclure individuellement (par exemple, vous pouvez pour la reconnaissance d’intervalles choisir de ne pas faire deviner les tierces mineures et les quintes augmentées…). Mais certaines activités, par exemple la reconnaissance de progressions harmoniques, vont plus loin en offrant également une série d’emplacements vierges dans lesquels on pourra définir des éléments personnalisés (par exemple, pour la reconnaissance de progressions harmoniques, définir une suite bIIsus4 – V augmenté — III add 6 – VII 7 si ça vous chante).
Outre cela, la configuration de chaque activité nous propose des paramètres spécifiques liés à chacune d’entre elles. Nous aurons par exemple la possibilité de jouer les accords de manière arpégée (ascendante ou descendante), ou bien encore de définir quel sera le repère auditif donné en début d’une dictée musicale : la tonique de la gamme, l’accord fondamental arpégé ou non, une cadence I-IV-V-I, la reproduction des degrés I à V de la gamme aller-retour ou encore une montée de ladite gamme. Bref, tout cela permet de configurer ses exercices de manière très approfondie, clairement l’un des points forts de ce logiciel.
Version professeur
La version teacher permet de créer des cours. On peut ajouter des modules, et au sein de ces modules, des leçons dont on peut définir toutes les propriétés. Celles-ci regroupent notamment le titre de la leçon et la description de cette dernière. (avec la possibilité de gérer succinctement la mise en page via des balises HTML, pas le plus pratique en général). On peut également définir le nombre de questions par leçon, le nombre de questions supplémentaires pour permettre aux élèves un peu plus en difficulté de s’entraîner plus longtemps sur un exercice donné, ou même créer les questions dites adaptatives qui permettent d’adapter le contenu des questions aux difficultés de l’élève. On peut enfin choisir de présenter ou non des exemples visuels et sonores avant le début de l’exercice, recommander telle leçon spécifique en cas d’échec à l’exercice en cours, définir le seuil à partir duquel un élève peut passer à l’étape suivante. À cela s’ajoute la possibilité d’indiquer les points récoltés par l’élève, de sauvegarder le cours en question et l’assigner ensuite à un élève ou un groupe, les élèves pouvant être regroupés en classes.
Pour les dictées, on peut faire usage de la base de données de mélodies d’Earmaster, ou bien ajouter ses propres créations au format MusicXML. Cette version offre également de nombreuses fonctionnalités de visualisation et de gestion des résultats des élèves, avec la possibilité notamment de visualiser pour chaque élève son nom, la classe à laquelle il appartient, le temps passé sur les exercices et les résultats obtenus. Toutes ces données peuvent être filtrées individuellement. Enfin, cette déclinaison offre de multiples outils d’administration, comme la possibilité d’assigner un cours spécifique à un utilisateur particulier. Plusieurs utilisateurs peuvent utiliser un seul et même ordinateur, chacun bénéficiant alors de son propre profil au sein du logiciel. Mais les élèves et leur professeur peuvent également être connectés via la fonction cloud d’EarMaster. Les ordinateurs des élèves sont alors automatiquement synchronisés à celui du professeur.
Conclusion
EarMaster 6 est un logiciel extrêmement riche en fonctionnalités, que ce soit par la diversité des activités proposées que par la profondeur de paramétrage desdites activités. Les cours proposent une gestion très bien pensée de la courbe de progression de l’élève, notamment grâce à la possibilité laissée à chacune d’avancer à son rythme (questions supplémentaires, par exemple, possibilité d’écouter ou non nos réponses, ajout ou suppression de repères lors des dictées musicales, etc.). L’ergonomie est également très bien pensée, même si elle souffre de tous petits défauts. Pour 10 euros de plus, il est presque dommage de se priver de la version « teacher », notamment pour la possibilité de créer ses propres cours. Donc, en bref, cela nous fait une note de 4,5 sur 5 et un award Valeur Sûre !