NEO, c’est le nom du nouvel opus de la réputée série des « Albion » de Spitfire Audio. La marque anglaise a voulu remettre le couvert après cinq opus aux sonorités incroyables, dont le second, il est vrai, a été retiré du catalogue. Cette sixième mouture se veut intimiste et partagée entre les instruments classiques et électroniques. Voyons ensemble si la magie opère.
L’Albion NEO se présente globalement de la même manière que ses grands frères avec une partie dédiée aux instruments classiques et quelques répertoires remplis de petits trésors sonores. Les prises ont, comme de coutume chez l’éditeur anglais, été réalisées aux AIR Studios. Cette régularité est un bon point pour les compositeurs ayant une large collection de banques issues de la marque. On y gagne parfois en homogénéité lors du mixage.
Notez aussi que Spitfire Audio a ici fait le choix de proposer la banque au format Kontakt Player (gratuit) et non pas sous sa propre interface. Les puristes apprécieront. Le fait de pouvoir s’en tenir à la version Player de Kontakt est aussi un très bel effort de l’éditeur qui rend sa banque de sons accessible au plus grand nombre.
Commençons par la partie sur laquelle se rue tout bon compositeur à l’image : les instruments d’orchestre !
Cette édition NEO ne change pas de logique dans son organisation. Tous les pupitres de chaque famille d’instruments sont regroupés sous un seul et même patch. C’est toujours aussi frustrant pour les compositeurs habitués à écrire indépendamment pour chaque instrument. Cependant, la série des Albion n’a pas pour vocation l’écriture classique au sens littéral du terme. Depuis le début, l’approche est davantage cinématographique avec toutes les libertés qui en découlent chez les compositeurs. Cependant, on remarque tout de suite une originalité plutôt séduisante : en plus des habituels patchs « Woodwinds » et « Brass », Spitfire Audio nous proposent deux patchs de cordes notés A et B. Le premier propose 12 musiciens au format 3, 2, 2, 3, 2 et le second 11 musiciens dans la configuration 3, 2, 2, 3, 1. Les plus vigoureux, qui en chauffant le café pendant le téléchargement des presque 56 Go de données et en rêvant de leur nouvel essai intitulé « gros son qui tâche » vont devoir revoir leurs ambitions. Nous sommes clairement ici en présence d’un format de chambre avec en bonus un divisi, qui, vous allez le voir dans les exemples, est superbe.
L’interface proposée dans Kontakt est sans surprise et reprend les habituels traits de toutes les banques de l’éditeur avec deux principaux onglets regroupant la liste des articulations que l’on peut charger ou décharger selon les besoins, les contrôles de la dynamique et de l’expression mais aussi du vibrato et de la réverbe. Enfin, on pourra contrôler les micros soit avec une interface simplifiée où l’on met plus ou moins de distance entre les musiciens et l’auditeur soit avec une mixette plus précise qui regroupe un total de cinq micros (Close, Close Ribbon, Tree, Ambient et Outriggers). D’autres options pour affiner le son sont disponibles et varient en fonction des patchs chargés.
Il est à noter qu’un répertoire nommé « _Mixes_ » met à notre disposition ces mêmes patchs mais avec deux mixages figés en studio. Nous verrons un peu plus loin dans ce test qu’ils peuvent être particulièrement intéressants pour avoir un son d’avantage produit sans trop d’effort.
Nous parlions précédemment des articulations et elles sont nombreuses, allant des indispensables long, legato, spiccato, pizzicato et en passant par la magnifique flautando mais sans oublier non plus des extras un peu plus exclusifs comme les long pulses, long slow detune ou encore l’originale long 5th bend up. Ces articulations moins communes sont récurrentes dans les banques de Spitfire Audio et ouvrent la voie à diverses expérimentations ou plus simplement la possibilité de mettre quelques détails et subtilités par-ci par-là dans vos compositions.
D’un point de vue informatique, en chargeant le patch « Strings A », avec l’ensemble des articulations et un seul micro « Tree », on peut compter environ 0,60 Go dans la mémoire RAM. C’est, en 2020, tout à fait raisonnable pour des machines souvent équipées de 32, 64 ou même 128 Go de mémoire vive. Cependant, pensez à vous munir d’un SSD pour gagner en confort lors des chargements.
Voyons ensemble un premier medley (vidéo entre 0:00 et 4:52) de quelques sonorités offertes par les deux patchs de cordes, indépendamment ou en binôme.
Veuillez noter qu’aucun traitement n’est appliqué dans ces exemples afin de vous donner la possibilité d’entendre les samples à l’état brut.
Le rendu entre la version A et B est réellement différent, la B est encore plus intimiste avec cette contrebasse seule. On arrive à avoir du grain, à sentir l’archet frotter les cordes. C’est très organique et plaisant à manipuler. Les exemples étant proposés sans la moindre intervention au mixage, peuvent sembler un peu raides, parfois secs et cet effet et d’autant plus accentué par le fait d’avoir de petits ensembles. C’est bien entendu normal et pas vraiment flatteur mais révélateur du fait que l’on nous laisse le loisir et le confort de travailler nos réverbes pour donner la profondeur que l’on souhaite.
Il faut noter un bémol cependant : avoir divisé les patchs de legato des cordes en deux sections, High et Low, distinctes ne sera pas au goût de tout le monde. Un patch global aurait été plus pratique à l’usage.
Profitons-en pour écouter la différence de rendu entre les micros ainsi que les deux mixages fournis (vidéo à partir de 4:52). Attention cependant, les versions mixées sonnent plus fort. Les niveaux n’ont volontairement pas été touchés afin que vous puissiez vous rendre compte de la dimension plus « produite » des deux mixages proposés.
Continuons le tour du propriétaire avec les cuivres. Un seul patch pour un total de sept musiciens (deux cors français, deux bugles, deux euphoniums, un trombone basse). Un peu comme pour les cordes, il n’est pas question ici d’envoyer du son cuivré surdimensionné. L’approche est plus douce, plus moelleuse. Presque un peu trop parfois, mais ces sonorités sauront trouver leur place dans bien des compositions. Mention spéciale à l’articulation long detuned qui ouvre la voie à pas mal d’expérimentations.
Les quelques exemples sont dans la vidéo, à partir de 6:00
La famille des vents est, bien entendu, au rendez-vous avec un rendu plutôt convaincant. Le patch intègre 6 musiciens répartis entre flûtes, clarinettes et saxophones. Il y a une réelle cohérence qui se dégage dans le choix des instruments et leur compatibilité avec les pupitres vus précédemment. Certains pourront cependant regretter des samples marqués par un peu trop de bruit, qui dans certains cas de figure, peuvent devenir gênants.
Les quelques exemples sont à partir de 7:27
Spitfire Audio a aussi pensé à intégrer son « ostinatum ». Celui-ci vous offre la possibilité de créer des patterns répétitifs avec un peu moins d’effort que si vous deviez tout écrire à la main. Ce n’est en rien une nouveauté, mais une option de longue date dans les banques de sons de l’éditeur. Cependant, certains y trouveront un intérêt dans leurs créations. Voici un exemple simple, mélangeant croches et doubles-croches mais avec une édition MIDI simplifiée. (Exemple audio à partir de 8:50)
Bonne nouvelle : l’équipe anglaise a également mis à disposition un harmonium pour compléter sa liste d’instruments.
Un peu d’électricité ?
En naviguant dans les répertoires de l’Albion NEO, on tombe sur l’habituel « Brunel Loops » qui, comme son nom l’indique, met à notre disposition une série de boucles mélodiques et rythmiques. Les propositions sont très musicales et inspirantes. On regrettera peut-être le fait de ne pas avoir davantage de contrôles sur le son des boucles. Cependant, l’éditeur a eu la délicatesse de diviser les boucles en stems comme vous allez pouvoir le voir dans la vidéo ci-dessous. Chacun pourra personnaliser et mélanger ces boucles dans son séquenceur pour leur donner une dimension plus personnelle.
Un exemple autour du preset « Arp Pulses », à partir de 9:16
On arrive ensuite aux inévitables presets souvent proposés dans la série Albion et portés par le moteur maison « EDNA Engine ». On aura ici davantage la main pour personnaliser nos sons. Les presets fournis sont d’excellente qualité et musicalement très pertinents. Le dossier « Segla Textures » nous permet de fusionner les pupitres classiques et leur donner une dimension plus électronique en agissant sur différents paramètres. Le second dossier « Stephensons Steam Band », reprend globalement le même principe mais avec des sonorités nouvelles. Quoiqu’il en soit, ces ressources complètent parfaitement bien ce nouvel opus NEO. (Exemple à partir de 11:49)
Avant de conclure, voyons ce que cela peut donner lorsque l’on mélange ensemble quelques ingrédients. Vous entendrez ici le « mix 1 » avec un soupçon de réverbe. Sur le master on retrouve seulement un léger compresseur SSL et un limiteur L2 de Waves. Le panoramique est d’origine. (Exemple à partir de 13:10)
En conclusion
Spitfire Audio propose un nouvel Albion NEO qui n’est pas un réédite des opus précédents. Celui-ci saura compléter à la perfection un Albion ONE plus généraliste et plus convenu. Cet opus permet une approche plus intimiste et ouvre la voie au travail des textures sonores. Cependant, cette qualité pose aussi quelques limites. Il sera probablement difficile pour la majorité des compositeurs de pouvoir se satisfaire de l’Albion NEO uniquement. C’est une banque complémentaire qui trouvera sa place sur certaines compositions moins musclées (même si, soyons honnêtes, avec quelques astuces, il est possible de faire passer de petits pupitres pour une armée d’archers). Les qualités sont nombreuses avec un choix cohérent de musiciens, du grain dans le son, des micros variés et une partie électronique très intéressante et facile à prendre en main. On regrettera cependant que les pupitres soient toujours regroupés dans des patchs uniques et que certains samples soient un peu trop bruités.