Sonarworks nous surprend encore avec cette proposition pleine d'audace, qu'on a beaucoup aimé découvrir et tester. De nouvelles sensation pour nos oreilles, des questions qui restent en suspens, un programme assez passionnant...
Virtual Monitoring PRO: une nouvelle approche du mixage au casque
Décidément, l’écoute au casque est un domaine qui connaît innovations et révolutions chaque semaine, ou presque, en cet automne 2025. Sonarworks, la marque lettonne qu’on suit assidûment depuis une dizaine d’années, en remet une couche sur le sujet, quelques semaines après sa concurrente italienne IK Multimedia. On connaissait déjà bien SoundID Reference, logiciel de correction de monitoring pour une paire d’enceintes ou pour un casque, et c’est une extension de celui-ci qu’on découvre aujourd’hui avec Virtual Monitoring Pro. Pour rappeler brièvement la fonction de SoundID Reference : dans la version à destination des enceintes, c’est un système de « room correction », c’est-à-dire qu’il commence par mesurer la réponse en fréquences de la pièce, à l’aide d’un micro dédié, pour ensuite proposer une calibration des moniteurs en fonction de cette mesure. La version dédiée aux casques se basait jusque-là sur des mesures effectuées par la marque pour de très nombreuses références de casque (plus de 500), et appliquait simplement la calibration au modèle sélectionné. 

Un micro binaural pour mesurer votre studio et vos casques
On a donc reçu un petit étui dans lequel sont rangés ce qui ressemble à une paire d’écouteurs, et qui est en réalité un microphone de mesure binaural, un petit boîtier convertisseur et un câble USB C, qui permettront de connecter directement le micro à un ordinateur. 
Une fois que ces données sont enregistrées par le logiciel, après un petit temps de calcul, celui-ci nous propose une calibration qu’on peut ajuster. Lors de cette dernière étape, plusieurs morceaux de référence nous sont proposés, mais on peut aussi ajouter un fichier audio de notre répertoire. Ensuite, le but est d’alterner entre le casque et les moniteurs, pour tester la cohérence entre les deux écoutes sur un même morceau. Évidemment, il faut désactiver la correction quand on écoute les enceintes, la réactiver quand on écoute le casque, et la fenêtre permet de gérer cela assez facilement, en utilisant un précompte de quelques secondes pour passer des unes à l’autre. 
Une écoute au casque calquée sur vos enceintes de studio
Jusqu’ici, on s’était gentiment laissé guider par la marque dans la découverte de cette calibration, on va maintenant prendre un peu de recul et écouter ce qu’elle apporte et modifie dans nos repères. On passe en revue nos quelques morceaux références (Radiohead 15 step, Kendrick Lamar Alright, Moderat A new error…), sur lesquels on écoute le casque (Beyerdynamic DT 770 PRO 80 ohms) avec et sans la calibration, mais aussi à nouveau le casque calibré confronté aux enceintes. Le passage du casque brut à la calibration est très déstabilisant au premier abord, l’image stéréo est drastiquement resserrée, et bien évidemment, l’équilibre tonal est complètement chamboulé. C’est une expérience assez étonnante, plus radicale que ce qu’on avait connu en utilisant des simulations de studios avec les VSX et autres Arc On Ear qu’on citait plus haut. La répartition des fréquences dans l’espace est vraiment surprenante, et on perd cette sensation de proximité à laquelle l’écoute au casque nous a habitués. À nouveau, la comparaison avec l’écoute des enceintes dans la pièce est impressionnante de réalisme, on retrouve réellement une scène comparable dans la répartition stéréo, la sensation de distance… Néanmoins, deux petites remarques : les basses s’en retrouvent un peu plus diffuses, moins précises, notamment dans leurs dynamiques, sans qu’on retrouve la sensation physique procurée par les enceintes en poussant un peu le volume. De l’autre côté, on perçoit un petit excès de fréquences aiguës, autour de 10 kHz, qui ne correspond pas exactement à la perception qu’on a de nos moniteurs. Pour ce deuxième aspect, on va pouvoir ajuster la calibration, en sélectionnant la Custom Target, proposée en dessous du visuel de la régie. À partir de là, on accède à une égalisation trois bandes paramétriques, très pratiques pour affiner avec nos oreilles l’équilibre tonal de la calibration.
Monitoring virtuel : ce que Virtual Monitoring PRO change dans la pratique
On n’en a pas parlé jusqu’ici, mais on avait été assez dubitatifs au départ, lorsqu’on a reçu la proposition, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la même marque qui nous explique depuis des années que notre pièce a des défauts (ce qui est évidemment vrai) et qu’il faut les corriger, voudrait maintenant qu’on capte les tendances de cette pièce (donc ses défauts), et qu’on les applique à notre casque, qui jusqu’ici pouvait justement servir d’écoute alternative et contrebalancer notre écoute principale. Ensuite, on avait récemment testé un tout autre modèle, celui du Virtual Studio Arc On Ear, qui volontairement ne se base pas sur les mesures d’une pièce et la convolution, sous l’argument assez convaincant que notre cerveau ne perçoit pas les propriétés acoustiques d’un espace de la même manière, selon que notre corps s’y trouve ou non. Pour la première remarque, il faut bien préciser que cette calibration ne s’adresse pas à une utilisation du casque en studio, mais plutôt à un usage nomade, dans l’idée de retrouver les repères familiers de l’écoute sur laquelle on mixe, même lorsqu’on est en déplacement. De ce point de vue, c’est vraiment convaincant, et certain.e.s y trouveront leur compte à coup sûr. Il faut aussi préciser à cela qu’on peut mesurer la pièce avec la correction des enceintes, si on utilise une calibration SoundID Reference pour celles-ci. Dans le processus de mesure, l’option nous est proposée d’intégrer le fichier de calibration pour qu’il soit pris en compte. Pour le deuxième point soulevé, on dira qu’il y a là deux approches très différentes : modéliser l’image stéréo typique d’une pièce quelle qu’elle soit ou bien mesurer l’ensemble des propriétés de la pièce que l’on connaît et qu’on pratique. Chacun pourra se faire son idée de ce qui est le plus pertinent. On précise que l’écoute au casque sans calibration reste de notre point de vue tout à fait pertinente, surtout si elle est alternée avec un travail sur des moniteurs. En effet, nombre d’auditeurs écoutent davantage au casque ou aux écouteurs qu’avec une paire d’enceintes, et, quoi qu’il en soit, cette écoute très différente apporte d’autres informations, un autre éclairage sur la musique sur laquelle on travaille. Enfin, le produit est vendu autour de 300 €, pour le micro binaural et le logiciel SoundID Reference version casque incluant cette nouvelle extension.



