Revenant à la synthèse après de multiples effets, Sugar Bytes nous propose avec Cyclop un gros synthé mono pour des grosses basses avec de grosses modulations.
Mine de rien, certains éditeurs font leur chemin loin du bruit médiatique, en proposant des produits qui répondent à un besoin, une mode ou créent une approche ou une technique nouvelles, quand ce n’est pas un mélange de tout ça. Ainsi, l’éditeur Sugar Bytes a, au fur et à mesure de ses sorties, imposé une approche inhabituelle et un son très caractéristique, via une série de produits originaux, basés sur des filtres modulés aux possibilités formantiques (Wow), faisant appel à des commandes inhabituelles (effets commandés par notes Midi pour Artillery et Artillery 2), proposant des séquenceurs d’effets (Effectrix), des step sequencers Midi (Thesys), des séquenceurs d’accords (Consequence), des synthés (Unique), des Channel Strip (Vogue), etc., le tout à des prix restant raisonnables. Et l’éditeur a su intégrer dans l’un ou l’autre de ses produits les techniques et fonctionnalités développées au fur et à mesure de ses sorties de produits.
C’est après une longue période consacrée aux effets (à l’exception de Guitarist, six cordes virtuelle, non testée sur AF), que Sugar Bytes nous présente Cyclop, synthétiseur monophonique dédié aux basses, avec une orientation revendiquée dubstep/wobble bass. Y retrouve-t-on des éléments connus des utilisateurs d’autres produits de la marque, quelle est la part de nouveautés ? Autant de questions qui appellent une revue de détail.
Introducing Sugar Bytes Cyclop
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Vendu 119 euros, le plug se télécharge chez l’éditeur, s’installe très facilement, et s’autorise tout aussi facilement : un numéro de série et c’est tout ; l’impression que ce type de protection non intrusive, et garantissant des réinstallations sans aucun problème (sans limite d’autorisation, sans crainte de cessation d’activités pour les systèmes avec challenge/réponse, etc.) ne se rencontre quasiment plus, tant on est entouré de « centre de services », de clés dans tous les sens qui encombrent nos ports et hubs USB (Wibu, iLok) et autres challenges/réponses. On a le droit à deux installations par licence, et on peut revendre le synthé et la licence après trois mois minimum d’utilisation. Pas mal de bons points dès le départ. On profite d’une version autonome (standalone) et de plugs AU, VST, RTAS et AAX, compatibles Mac et PC et 64 bits, youpi. Regardons maintenant comment est construite la bête.
Allure martiale … Hum ? Ah oui, pardon, je reprends le test après avoir essayé le jeu intégré, accessible via le logo du synthé, un jeu fortement inspiré de Space Invaders (voir capture d’écran), eh oui, une petite surprise de l’éditeur, certainement pour faire une pause en cas de manque d’inspiration. Mais qui permet quand même d’entendre le synthé, puisque les sons changent au fur à mesure des gains et des ratés, dans un esprit très 80s, même si, heureusement, la plupart sont très éloignés des jeux d’arcade. En tout cas, le jeu de tir est raccord avec l’esthétique générale du synthé, rappelant des équipements militaires (même l’écran About représente des cyclopes ciblés dotés des noms des développeurs, le tout dans un simili-viseur). Pas vraiment conquis par l’ensemble graphique et son atmosphère martiale… Bref.
Si l’on reprend les quatre composantes d’un son, comment Cyclop s’en sort-il, et sous quels noms et topologies les retrouve-t-on ? Pour la hauteur (et une partie non négligeable du timbre, puisque délivrant la forme d’onde de départ), il faut des oscillateurs. Pour le timbre, des filtres. Pour l’amplitude, c’est plus simple… Quant à l’évolution du son dans le temps, enveloppes, LFO et toute source de modulation font l’affaire. Pour les trois premiers éléments, Cyclop propose sinon des sections conventionnelles, du moins des fonctionnalités qui sont clairement identifiables et utilisables, parfois après un temps d’adaptation. L’évolution du son dans le temps est ici le parent le plus riche, puisque l’éditeur a tout fait pour que l’on puisse modifier quasiment tout paramètre via une série d’outils familiers. Et d’autres qui le sont beaucoup moins.
Multisynthèse
Deux parties sont clairement distinctes au sein de l’interface : la partie supérieure est dédiée à toutes les modulations, l’inférieure à la synthèse. Commençons par celle-ci. Plutôt que de parler d’oscillateurs, Sugar Bytes préfère parler de deux synthétiseurs (un peut-être bien grand mot pour ce qui est avant tout un duo… d’oscillateurs). Chaque « oscillateur » permet plusieurs types de synthèse. Trois rotatifs offriront des paramètres propres à chaque synthèse, les trois pouvant être modulés par les différentes options de Cyclop. On retrouve dans les deux, les réglages de désaccord (plus ou moins une octave), d’octave (plus ou moins une) et d’unisson. On commence par Saw Regiment, qui rappelle les Hypersaw du Virus ou les Supersaw Roland. Ici, il s’agit de sept formes d’ondes légèrement désaccordées, que l’on peut superposer sur quatre octaves, le troisième paramètre étant une réduction de taux d’échantillonnage. On entendra diverses variations du nombre de formes d’ondes et de Stack (octaves).
Une remarque : la remise à zéro du Saw Regiment ne donne jamais le même son (à la différence des autres oscillos), à croire que l’oscillateur choisit aléatoirement une des sept formes d’ondes valables… Analog Sync émule deux oscillateurs en synchro (au sein d’un seul « synthé »), avec Mix entre les deux oscillos, largeur d’impulsion, et autres paramètres. Ensuite FM fait appel à une synthèse à trois opérateurs, deux porteurs et un modulateur, avec deux algorithmes, choix du rapport de fréquences, intensité de la modulation, etc.
On continue avec Spectromat, un semblant de synthèse additive à 32 oscillateurs avec réglages de sélection, écartement, décalage, etc. On peut aussi choisir Phase Stressor, une variante de la distorsion de phase (remember les Casio CZ & Co ?) bénéficiant d’une représentation graphique amusante (et toujours de trois paramètres à moduler). Enfin, Transformer est un oscillateur à tables d’ondes, on peut charger l’un des samples fournis (ou les siens propres) et les modifier via déplacement de formants, de la position centrale et de la granulation. Donne d’étonnants résultats une fois modulé, mais nous n’en sommes pas encore là. Quelques exemples de manipulation en direct sur un seul échantillon.
Maintenant imaginons mélanger tout ça, chaque oscillateur disposant de sa propre synthèse et pouvant être modulé à gogo, selon un routing offrant plusieurs solutions : Osc & et 2 en série (avec dosage de chaque, plus les deux filtres en série aussi avec divers choix de saturation d’un filtre à l’autre), en parallèle (avec mix des oscillos et des filtres) ou Split (oscillo 1 dans filtre 1, et oscillo 2 dans filtre 2, plus mix des filtres). D’autant que lesdits filtres ne sont pas en reste, puisqu’ils regroupent le meilleur des techniques développées par Sugar Bytes. Les deux proposent les mêmes choix, à savoir dix types (HP, BP, BP/LP, LP 12 dB/oct., LP 24 dB/oct., LP Moog, MidBoost, BandStop, Comb et Ripple, ouf…). CutOff, Resonance et réglage Dry/Wet sont les trois réglages modulables, et l’on dispose aussi d’un filtre formantique avec morphing entre deux voyelles qui s’additionnent plus ou moins au filtre déjà en usage. C’est gras, ça sonne, et l’on peut vraiment produire tout ce qu’on veut. Ceux qui connaissent Wow ou Unique retrouveront le son de l’éditeur, multiplié par deux, voire plus… Manque peut-être un poil d’agressivité dans les résonances, ou de saturation comme on peut en trouver chez les filtres de Fabfilter par exemple. Mais on pourra accentuer le côté « dirty » avec les saturations disponibles, au caractère plutôt analogique sauf quand le principe est numérique (Digitize, 1 Bit, etc.). Et les filtres Vowel sont uniques. Voici quelques balayages (un oscillo, un filtre, pas d’effets, de sub, etc.).
Passons à l’étage du dessus.
Modulation galore…
Avant d’attaquer les modulations proprement dites, quelques paramètres supplémentaires sont disponibles dans la partie supérieure : à gauche une enveloppe Attack-Decay/Release, un Glide et une activation de la réponse à la vélocité (sur le volume global), à droite un Bass Boost (entre 60 et 80 Hz), un Sub (une ou deux octaves en dessous) et un élargisseur stéréo ayant la particularité de ne pas toucher aux graves sous 250 Hz et de ne pas utiliser de délais (donc pas de problème de phase). En revanche, il décentre légèrement le signal. On termine avec une Distortion, dont les dix types sont les mêmes que ceux que l’on trouve dans le routing Oscillos-Filters.
Puis les choses se compliquent un tantinet. Cyclop offre quatre contrôleurs principaux, qui vont triturer, hacher le son. À gauche, tout ce qui constitue le Wobble, à droite, les effets, et au centre, l’écran au sein duquel on paramètrera et commandera ces différents contrôleurs. Wobble pour commencer : le réglage est constitué d’un gros rotatif avec indication de découpe centrale, entouré de 12 slots dans lesquels on choisira une forme d’onde (12 différents triangles, dents-de-scie, carrées, etc.), chaque slot représentant aussi une vitesse de LFO. On ira ensuite paramétrer les assignations dans la fenêtre Assignments (Synth 1 et 2, Filter 1 et 2), selon deux ensembles de réglages possibles, A et B, puis l’on ira dans la fenêtre Recorder pour dessiner une courbe d’automation du rotatif Wobble, qui se déclenchera dès la réception d’une note Midi si le bouton lecture est activé (icône triangulaire verte).
On peut régler la longueur de la période de lecture de la courbe selon diverses divisions rythmiques. Chaque paramètre étant doté d’un Midi Learn (clic droit), on pourra enregistrer l’automation de ceux disposant d’un voyant Rec rouge directement via contrôleurs externes dens la fenêtre Recorder. Le principe est le même pour les trois autres contrôleurs, Amount, qui permettra d’automatiser le morphing des réglages Wobble A à B, FX qui déclenchera les différents effets, et Sound qui sera affecté à l’un des 12 paramètres accessibles à tous les contrôleurs. On dispose aussi d’une Envelope, d’un LFO, d’un Step Sequencer et d’un Gater. Voici quelques exemples de Wobble, sans autres effets à part un Gater de temps en temps (d’abord le son sans Wobble, ou Wobble au minimum, puis avec).
Du côté droit, on trouve donc le rotatif FX, qui permet de choisir entre huit zones contenant de un à quatre effets que l’on ira régler dans la fenêtre FX Sequencer. Ce contrôleur pourra donc être piloté via le séquenceur d’effets, ou via la courbe dessinée dans la fenêtre Recorder. Au menu du FX Sequencer : quatre rangées pour quatre effets différents (eux-mêmes offrant plusieurs types, Stop par exemple se déclinant en Scratch et Vinyl, les utilisateurs d’Effectrix seront en terrain connu), avec lecture selon différentes vitesses synchrones, différentes directions et réglages Dry/Wet des effets. Un exemple, avant/après, avec modifications en temps réel des slots, effets, réglages D/W, etc..
Enfin, pour finir, quelques exemples de présets.
Téléchargez les fichiers sonores : flac article
Bilan
Certaines spécifications du logiciel auront rappelé à quelques-uns Massive de Native. Mais Cyclop a indéniablement ses caractéristiques propres (qui ne sont pas toutes évoquées dans cet article, pas assez de place…), d’abord par sa topologie, ensuite par sa destination bien particulière (et rappelons qu’il est mono) : du son qui bouge, qui évolue, et tout particulièrement du son grave. Ensuite, son FX Sequencer le met à part, tout comme ses commandes et contrôleurs. Bien sûr, quelques LFO correctement paramétrés (à condition de pouvoir changer de forme d’onde à la volée), avec le secours d’une ou mieux plusieurs enveloppes pourront faire le boulot du Wobble. Mais la simplification apportée par ce réglage et les 12 slots/12 formes d’onde sont un gain de temps et de réglages très appréciable. De plus, pouvoir morpher entre deux sets de paramètres est un attrait bienvenu (A et B). Les oscillateurs, de par leur multisynthèse et la possibilité de lire des samples, font montre de variété sonore, toujours dans le registre qui est le leur. Tout comme les filtres, dont le mode Vowel est un apport sonore caractéristique de l’éditeur. Que Cyclop ne soit pas polyphonique ne gêne pas plus que ça, vu son usage, et sa consommation CPU, reste acceptable, d’autant qu’il semble être optimisé multicœur (autour de 30 % sur l’interface du synthé, 4 % du pourcentage utilisateur dans Moniteur d’Activité). Bref, si vous n’avez qu’épisodiquement besoin des sonorités très typées que propose Cyclop, il ne vous apportera pas grand-chose d’un point de vue synthèse/effets que l’on ne pourrait trouver ailleurs, dans un synthé ou dans un multieffet, et ce chez le même éditeur, par exemple (Unique et Effectrix). Et puis on peut aussi préférer vouloir faire tout soi-même. En revanche, si vous aimez les sons qui bougent dans tous les sens, créer des effets spéciaux facilement, utiliser vos propres échantillons comme tables d’onde, avec des effets inattendus et des possibilités de modulation surpuissantes, sans que le sound design soit long et/ou nécessitant plusieurs outils différents, Cyclop est fait pour vous. Une démo est d’ailleurs disponible sur le site de l’éditeur. À essayer, en tout cas.