Depuis le temps que l’on attendait un produit Warwick dans nos colonnes, il fallait bien faire un peu de bruit pour célébrer correctement la chose. Et pour le faire, un kilowatt est toujours le bienvenu !
Alors oui je sais, Warwick c’est avant tout les bois exotiques, le sillet réglable et les frettes en bronze. En bref, on connait surtout la marque pour ses basses. Pourtant l’actualité de la compagnie allemande concerne surtout la sortie d’une tête d’ampli, qui comme son acronyme semble l’indiquer (Light Weight Amp), envoie du lourd tout en gardant une ligne fine et un poids de plume. Donc, en attendant que nos amis teutons se mettent à produire des berlines au format de nos Clio, je vous propose d’étudier de près ce LWA 1000 et de goûter à la Class D Allemande.
De père en fils
L’histoire de la marque est un beau conte, celui d’un fils qui reprend les armes laissées par son père. Et tout commence par un exode politique : nous sommes en 1945 et Fred Wilfer a 28 ans. La guerre est terminée et son pays l’a perdue. Il retourne à Schönbach sa ville d’origine, qui est aussi un vivier de luthiers et de fabricants de violons, pour retrouver toute une région en péril : les troupes américaines qui en ont encore le contrôle s’apprêtent à passer la main aux Soviétiques, suite aux accords passés à Yalta. Et la plupart des fabricants de violons se retrouvent contraints de passer à l’Ouest. Le jeune homme prend alors l’initiative d’organiser une nouvelle implantation du savoir-faire régional hors de la zone rouge et il fonde Framus dès 1946 à Erlangen. Dès lors, les premiers luthiers arrivent de Schönbach pour se fixer en Bavière et travailler pour lui. Il installe définitivement sa compagnie à Bubenreuth où il fait construire une usine qui produira deux mille instruments par mois. La demande se faisant, la compagnie finit par construire bien plus de guitares que de violons et notamment des électriques. On est à la fin des années 50 et le Rock n Roll est né. La décennie qui suivra fera de Framus le premier fabricant de guitares en Europe et malgré cela, la compagnie fait faillite à la fin des années 1970, en pleine crise de l’instrument.
Voilà pour le père, parlons maintenant de la génération suivante !
À 24 ans, Hans Peter Wilfer, qui grandit dans l’usine de son père, décide de monter son propre atelier, quelques années après la disparition de Framus. Ses ambitions sont modestes, il ne vise que la survie de sa petite entreprise qui n’a pas encore les moyens de produire une multitude d’instruments. Le jeune chef d’entreprise décide de se spécialiser dans la fabrication de basses électriques et en 1982, la compagnie Warwick est fondée. Ne sachant pas vraiment dans quelle direction aller, le fondateur de la marque s’adresse au propriétaire d’un magasin de musique déjà influent, une certain Hans Thomann, pour lui demander conseil. Ce dernier le présente à l’un de ses vendeurs, bassiste à ses heures, qui lui servira de consultant. Et en 1983 sort la première Warwick, indirectement influencée par le concept « basse-baton » de Ned Steinberger. Elle sera baptisée la « Mobby Meidel Bass », du nom de ce vendeur de chez Thomann. Mais les premiers succès commerciaux viendront avec la légendaire Streamer Stage I (encore un autre concept de Ned Steinberger, dessiné pour Stuart Spector) et bien sûr la Thumb Bass. Il faudra attendre 1987 pour voir le premier ampli de la marque sortir, avec les premières séries Pro Fet. Aujourd’hui, Warwick est le plus grand fabricant européen de basses électriques, la compagnie produit entre 1500 et 2000 instruments par an et depuis 1995, elle a même ressuscité Framus ! Aujourd’hui, le succès de la marque se réalise surtout en outre-Atlantique, où la clientèle américaine est aussi friande des basses Allemandes que des grosses berlines d’outre-Rhin.
L’alu total
Warwick fait son entrée dans la Class D, avec 1000 watts contenus dans un petit boîtier (270 × 98 × 146 mm) pesant moins de 3 kilos. Mais la donne ne s’arrête pas là, puisque la marque propose à l’utilisateur deux canaux tout à fait indépendants en façade, chacun étant équipé de son entrée instrument et de son propre compresseur. Équipée d’un préampli de classe A, la LWA propose en façade deux égaliseurs 4 bandes, une sortie casque et une entrée auxiliaire. Et si on passe derrière elle (ou qu’on la retourne, pour gagner du temps…), on retrouve une sortie accordeur, une boucle d’effets, un line out (jack), une DI et le non moins nécessaire interrupteur de mise sous tension.
La tête est vendue avec son footswitch (merci aux allemands pour le geste), bien pratique pour passer d’un instrument à l’autre (Canal A/B), très facile à glisser sur un pedalboard puisque son format et tout mini. Le footswitch est donc offert et en plus de cela, il a vraiment l’air solide. Allez je donne un bon point !
Deuxième qualité de la LWA 1000, elle est belle (oui je sais ça on s’en fiche un peu) ; je dirais donc que le design est léché. Peut-être un peu sobre, mais personnellement, je trouve que l’aspect de cette tête est très pro. Elle a un coté chaine Hi-Fi de luxe, avec ses panneaux latéraux en bois qui forment un bel ensemble avec l’aluminium. Le format de la tête est certes réduit, mais le tableau de bord permet des manipulations aisées, la signalétique est suffisamment étudiée pour donner de suite des repères à un utilisateur n’étant pas familiarisé avec le système. Bref, c’est bien fait et organisé, c’est allemand, voilà tout. Un dernier bon point pour les contrôles qui donnent confiance lors de leur manipulation, les potards ne bougent pas autrement que sur l’axe prévu, il n’y a pas de mauvaise surprise, j’ai beau tirer sur chacun deux, rien ne me reste en main.
Je passe beaucoup de temps à apprécier la qualité des potards sur les amplis que je teste, car avec l’expérience et du fait de la constatation générale (toutes marques confondues), il me semble que cette dernière se perde un peu. En tout cas, aucun problème de cet acabit avec la LWA, ça tourne bien et ça donne envie de vite se brancher. Mais…
Was ?
Je m’interroge, je suis un peu confus. En fait, je voudrais comprendre… Warwick nous gâte avec un système compact et pas avare en puissance, puisque la LWA est censée délivrer 500 watts sous 8 ohms et le double sous 4. Jusque là très bien ! J’en prendrais même pour un dollar… Par contre il faudra qu’on m’explique (et pas en allemand) pourquoi il n’y a qu’une sortie pour enceinte.
Je développe un peu pour ceux qui dorment au fond de la classe et je vais faire court : sous 8 ohms, l’utilisateur devra user d’une enceinte encaissant au minimum 500 watts. Et sous 4 ohms, le même utilisateur devra se débrouiller pour trouver une enceinte encaissant 1000 watts. Vous reconnaitrez que ces choses ne courent pas forcément les rues et encore moins en petit format (oui parce que la miniaturisation de l’amplification, ça peut passer aussi par la diffusion). Alors comme les Teutons sont de chics personnes qui font généralement bien les choses, j’ai quand même vérifié que la compagnie développe des enceintes adaptées à cette tête d’ampli.
Les enceintes LW proposent quatre configurations (2×8 / 4×8 / 1×12 / 1×15), vendues avec deux types de haut-parleurs au choix : du Celestion ou une marque générique. Et parmi ces dernières il y a bien 3 modèles qui encaissent ce qu’il faut (le 4X8, le 1X12 et le 1X15), pour afficher au moins 500 watts RMS sous huit ohms. Par contre, il n’y a aucune enceinte de 1000 watts au catalogue Warwick et surtout aucune version des cabs LW ne se propose sous 4 ohms. Il y a bien un 8X10 dans la série WCA qui tourne sous 4 ohms, mais ce dernier n’encaisse que 800 watts. Il est assez dommage pour l’utilisateur qu’une marque qui vend un système d’un kilowatt n’offre pas un raccord d’enceinte supplémentaire. Et il est à mes yeux encore plus regrettable, pour cette même marque, de ne pas avoir poussé cette offre en proposant une diffusion qui puisse suivre. Une belle main tendue à la concurrence ?
La question est posée. Je finirai par un bon point concernant cette sortie unique : on peut y glisser un jack ou se connecter en Speakon.
La boucle est bouclée
Juste une petite observation qui n’est en soi pas un défaut, mais bien un parti pris de la marque : il n’y a qu’une boucle d’effets pour les deux canaux. Il ne sera donc pas possible de gérer une boucle par instrument. Dans un sens c’est bien, car vous n’avez pas la nécessité (comme moi avec ma tête Clarus 2) d’avoir un pedalboard par basse. Cependant, il sera nécessaire de régler certains effets entre chaque changement de basse. Un potard de balance (Dry/wet) serait donc le bien venu pour éviter aux gens de n’avoir trop à se baisser sur scène. Le bassiste a beau être humble, il a des vertèbres, comme tout le monde, et un dos, c’est précieux. Sans parler des craquages de pantalon en plein set, alors qu’on se met accroupi pour gérer un effet. (croyez-moi, j’ai expérimenté la chose sur scène).
Le son à l’ancienne
Passons à l’écoute maintenant. J’ai utilisé une Jazz Bass Classic Mexicaine pour le faire et la tête est connectée à un module Torpedo VB-101 de Two Notes, pour simuler une enceinte de 15 pouces (modèle CSB) assistée d’un 2×10 pouces (le modèle Marco).
Tout d’abord le son cru, à savoir pas de compression, pas d’égalisation, juste la basse rentrée dans le système avec tous les volumes à fond et une tonalité presque ouverte.
Je vous propose ensuite d’entendre l’incidence du potard de compression sur l’ensemble de sa progression. Je joue une ligne que je répète en boucle et à chaque fois qu’elle repart, je pousse le potard d’un dixième. La ligne en question propose une pêche en fin de mouvement, afin que vous puissiez entendre l’effet de la compression entre un signal fort et les autres notes un peu plus modérées. Il semble que cet extrait ait été édité pour supprimer les instants de silence (j’avais laissé une mesure entre les réglages), du coup cela n’est pas aussi carré qu’à l’origine et je m’en excuse.
Puis quelques réglages classiques, d’abord un peu de rondeur et de sons feutrés (boost graves, léger cut sur les aigus et boost sur les bas médiums), pour avoir un grain assez Jazz Rock favorisant un jeu pulsé aux doigts. Le micro grave de la basse est baissé aux deux tiers. Le grain passe bien dans ce style, faisant de la LWA un bon ampli pour le funk.
Mêmes réglages, mais cette fois en poussant légèrement les bas médiums, petit pattern de batterie pour donner le ton : j’ai essayé d’avoir un son à la Paul Jackson, en baissant le volume du micro aigu de deux tiers sur la Jazz Bass. Un grain que j’aime beaucoup, mais qui rendrait encore mieux avec une Precision. Les sons Roots passent à l’aise sur ce système qui châtie bien les fréquences basses, quelles qu’elles soient.
Du rock maintenant et du médiator ! Je n’ai pas trop touché aux réglages précédents, en laissant les haut médiums à la hausse. Toutefois, j’ai quand même légèrement poussé les aigus pour suggérer un poil d’attaque dans mon mix, voilà ce que cela donne. Je trouve le grain intéressant, un peu SVT, un peu Bassman. À l’ancienne quoi !
Et des percussions, en voulez-vous, en voilà ! Si les basses Warwick sont reconnues pour être percutantes dans tous les sens, il semble que la LWA ne vise pas essentiellement les slappeurs fous. Le préampli de Classe A a tendance à proposer plus de rondeur qu’autre chose. Le son est galbé dans les graves, certains diront même qu’il est chaud, mais pour ce qui est des aigus cristallins, il faudra se tailler les oreilles en pointe pour les entendre. Pour l’extrait suivant, j’ai pourtant passé la tonalité de la basse à fond tout en creusant l’égaliseur de l’ampli.
Premier Jet
Warwick se lance dans l’aventure des amplificateurs de classe D et c’est, à n’en point douter, une bonne résolution. La LWA est un produit bien conçu, de bonne qualité et proposant une énorme puissance de sortie pour un prix accessible. Le grain de cet ampli est parfait pour ceux qui aiment jouer aux doigts et poser un bon groove, il est pour moi proche des vieux classiques et intéressera certainement bon nombre de bassistes qui aiment les sons standards. La LWA 1000 propose aussi une solution concrète à tous ceux qui jouent sur scène avec deux basses différentes et son offre est particulièrement gracieuse puisqu’elle comprend un footswich. Je suis néanmoins un peu déçu par la dynamique de cet ampli qui n’a pas pour moi la brillance nécessaire pour charmer les slappeurs.
Mais comme tout le monde ne slappe pas, la chose n’est pas forcément grave en soi. Je vous invite à tester cet ampli si vous cherchez une tête puissante qui offre un son « à l’ancienne », ou si vous cherchez à compenser le caractère un peu trop dynamique de votre Thumb Bass ! Et je souhaite à Warwick de faire évoluer cette première mouture, pour pouvoir en faire une référence peut-être incontournable.