Il était une fois un roi du Danemark, qui débarqua en Normandie pour aider son peuple à se libérer du joug des Francs. On raconte qu’il jeta l’ancre la hache à la main pour épauler Richard Sans-Peur, comte des normands, dans sa bataille. Il mena si bien sa mission, que le roi des Francs finit emprisonné, sa liberté rançonnée contre celle de toute une province.
Ce souverain nordique et bon samaritain s’appelait Harald à la Dent Bleue et son sobriquet (Bluetooth en Anglais) sera repris en son hommage, pour baptiser le protocole de communication que nous connaissons bien. Si la tête d’ampli que j’ai devant moi n’use pas encore de cette technologie, elle est pourtant bien Danoise et reste aussi bruyante qu’un Drakkar rempli de guerriers avinés par la mer et l’hydromel. Huit cents watts, pour à peine six cents euros : que l’on soit normand ou pas, les Danois restent généreux. Et comme ces anciens Vikings ont perdu la Normandie il y a un bout de temps maintenant et qu’on ne leur rendra certainement pas, soyons chics et prêtons-leur un peu l’oreille…
Numéro de Sirène
Je rate rarement l’occasion de tester un système de chez TC. La marque sort du neuf régulièrement et propose une tarification accessible à un large public, en témoigne ce presque kilowatt s’offrant pour une somme modique à qui voudra s’y brancher. Les dimensions sont appréciables pour un système d’une telle puissance : 241 × 55 × 279 mm. Son poids, quant à lui, ne dépasse pas les 3 kilos. Pour l’heure, cette tête n’est pas rackable et si la marque a bien prévu une solution pour les systèmes RH de son catalogue, il n’en est pas de même pour les séries BH. Il faudra donc utiliser un plateau adaptateur pour les amateurs de flight case.
Assemblée en Thaïlande dans un beau châssis en aluminium et anodisée rouge en façade, la BH800 a fière allure, avec un design pourtant sobre. Le panneau est en relief : la plaque d’aluminium qui couvre le châssis le fait partiellement, si bien qu’une partie des contrôles se présente en arrière-plan (gain et TonePrint). Les quatre bandes de l’égaliseur sont ainsi mises en valeur, ce qui constitue un plus sur une scène mal éclairée. Il en est de même pour le master et le mute qui se retrouvent instinctivement en bout de tableau de bord. Sur ce même plan, on dispose aussi d’un accordeur à LED pour six cordes, activé constamment. Le gain d’entrée et les contrôles asservis aux TonePrints (un sélecteur trois positions et deux potards) se partagent l’arrière-plan. Ce qui est assez bien vu, puisque le niveau du préampli est à ajuster en fonction de celui du préset utilisé.
À l’arrière, on a la bonne surprise de trouver quantité de connexions pratiques : une sortie symétrique permettant de passer outre l’égaliseur et la section TonePrint (via le switch pré/post EQ), une prise casque, une entrée auxiliaire, une connexion USB (pour les mises à jour du firmware ou le transfert filaire des présets) et une entrée footswitch. Cependant, je suis un peu déçu de ne trouver qu’une sortie HP, qui impose le recours au « daisy chain » pour connecter une seconde enceinte. Il faudra alors disposer de deux connexions parallèles sur son baffle, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les enceintes du marché. La sortie unique devient décidément tendance, surtout sur les systèmes d’amplification aux dimensions réduites. Il ne manquait pourtant pas d’espace à l’arrière de ce châssis. Cet unique défaut étant soulevé, penchons-nous maintenant sur la technologie embarquée dans cette tête.
0–6 pour le Danemark
À mon tour d’être généreux et de gratifier mes nouveaux lecteurs d’une présentation sommaire du TonePrint, véritable cheval de Troie lancé par la marque il y a quelques années sur le marché du DSP. Le principe est simple : la machine est équipée d’un processeur d’effets qui permet de charger des présets depuis un téléphone mobile ou un ordinateur. On lance l’application gratuite sur son mobile, on choisit son préset et il suffit de coller l’enceinte de son smartphone au micro de son instrument. Ça marche très bien, les banques sont également gratuites. Et l’innovation permet de jouir de mises à jour constantes, dont le meilleur exemple corrige partiellement un point négatif soulevé dans un précédent test.
Souvenez-vous : je m’agaçais un peu sur le fait que l’on ne pouvait pas mélanger les deux TonePrints présents sur le tableau de bord du BG250–210. Eh bien la marque propose, depuis quelques mois, des combinaisons d’effets cumulés au sein d’un même préset. On ne pourra toujours pas user simultanément des deux canaux du processeur, mais on pourra profiter de quelques associations classiques, pensées pour nous. On aura rarement vu une marque exploiter aussi bien son parc d’endorsés, qui proposent tous un ou plusieurs présets à leur nom. La compagnie peut ainsi exploiter la renommée d’un artiste ou présenter du neuf, sans avoir à investir dans du hardware. Décidément, le Viking a de la suite dans les idées…
Le son et les images
Voici moult exemples, sonnants et trébuchants, car je dois vous l’avouer, j’aime ce que j’ai entendu jusque là. Et pour apporter une peu de variété, j’ai utilisé trois configurations de micros différentes : un micro Precision, un kit PJ et enfin deux micros Jazz Bass. Les instruments utilisés sont une Ibanez RoadsterBass (une RB924 de 1983) et une Jazz Bass (un vieux cru de 66), deux instruments passifs. J’utilise la sortie DI et la captation d’un Beyerdynamic M88, sur une interface UR22. Afin d’illustrer certaines lignes de basse qui vont suivre, j’ai aussi exporté quelques patterns de batterie d’Addictive Drums. Je n’utiliserai que trois égalisations différentes pour tout le test et je vais vous montrer mes réglages en images. Veuillez m’excuser de la piètre qualité de ces clichés, réalisés avec mon vieux téléphone portable.
- 1 Bypass comp Micro PB EQ1 00:45
- 2 Comp in the mid Micro PB EQ1 00:45
- 3 SpectraComp, Micro PB EQ1 00:45
Je commence sur le micro Precision de ma RB924, qui sonne vraiment comme un standard Fenderien, pour tâter de la compression avec le réglage du TonePrint figé aux deux-tiers. On notera que l’unique potard assigné au TonePrint agit comme une balance entre le Dry et le Wet. Le premier extrait est une prise sans compression, puis on passe sur un préset qui agit surtout sur la bande médium (Comp in the mid) et on termine par le SpectraComp, qui fonctionnera plus comme un compresseur multi-bandes, régulant les différences de volume entre les cordes. Je donne ma préférence à ce dernier préset, qui agit discrètement, mais qui se fera tout de même entendre.
- 4 Tube warmth and comp, Micros PJ EQ2 00:45
- 5 Tube Bite and comp, Micros PJ EQ2 00:45
- 6 Subtle comp and drive, Micros PJ EQ2 00:45
- 7 Spectracomp and drive, Micros PJ EQ2 00:45
Toujours sur la RB924, avec cette fois le micro aigu en plus, dont je n’ai sélectionné qu’un bobinage (c’est un double Jazz Bass) pour avoir le rendu d’un kit PJ. Je vous présente ici ce que j’attendais le plus du TonePrint, à savoir les combinaisons d’une distorsion, suivie d’un étage de compression.
D’un simple gonflement du gain, aux prémices d’une fuzz, en passant par un mordant plus ou moins affirmé : on trouvera certainement le couple qu’il nous faut, en fonction du contexte musical dans lequel évolue.
- 8 Alienator, Jazz Bass, EQ3 01:01
- 9 OctaSynth, Jazz Bass, EQ3 00:20
- 10 Old School Octaver, Jazz Bass, EQ3 00:30
- 11 Clean Octaver, Jazz Bass, EQ3 00:30
- 12 Smooth Octaver, Jazz Bass, EQ3 00:17
On passe maintenant à la Jazz Bass et à la dernière égalisation pour une déclinaison de l’effet Octaver. Et on commence avec une association sortant un peu des sentiers battus : l’Alienator qui réunit un octaver à un modulateur pour générer un son surprenant. Ici le potard agira graduellement pour modifier la fréquence de modulation. Le rendu est original et plutôt pertinent. On obtient des infrabasses proches de l’électro et à un filtre près, on toucherait presque au son de John Davis !
Je trouve l’Octasynth un peu timide. On pourra en ajustant le potard du TonePrint, épaissir la couche de synthé, mais il sera difficile de pécher par excès. Pour cet extrait et ceux qui le suivent, je vous propose des petits phrasés que je répète, tout en augmentant le niveau de TonePrint d’un quart ou d’un tiers.
- 13 Jacoyears, Jazz Bass, EQ3 00:48
- 14 Duff Chorus, Jazz Bass, EQ3 00:45
Un petit passage obligé par deux signatures : la première de Hadrien Feraud, qui rend hommage au son Pastorussien (Jaco Years). Puis un peu de Rock, avec le fameux Chorus de Duff McKagan.
Et pour terminer, un peu de slap légèrement compressé (slap’n’comp), histoire de voir si la BH800 répond bien dans les aigus. Et c’est pour moi bien le cas : la dynamique de l’ampli s’exprime bien, sans donner aux percussions de votre instrument le caractère chirurgical de bon nombre d’amplis actuels.
Le grain de la BH800 sonne comme un bon classique parfaitement référencé et que l’on pourra, sans aucun effort, adapter à des contextes musicaux particuliers. La précision de l’égaliseur est la qualité que j’apprécie le plus sur cette nouvelle tête : chacune de ses quatre bandes étant parfaitement taillée pour notre instrument, on n’a jamais vraiment besoin de les pousser. Je regrette l’absence d’une seconde sortie pour baffle et il est frustrant que le réglage unique du TonePrint ne soit pas compensé par la possibilité d’éditer soi-même ses effets. On pourrait se constituer une collection à mettre dans un banque toute personnelle et surtout jouir de modulations personnalisées, un seul potard étant un peu juste pour gérer un effet. Sinon pour tout le reste : qualité de fabrication, ergonomie, puissance et rapport qualité-prix, je n’ai qu’un mot à écrire…
Award !
Cet ampli fait vibrer le quart de normand qui est en moi et de tous les formats réduits que j’ai pu tester dernièrement, cette tête est de loin la meilleure. Je donne donc, après l’avoir reçue et avant de devoir la rendre à regret, un Award Qualité à la BH800. Il n’y a pas grand-chose qui puisse faire concurrence à ce produit dans sa catégorie et surtout à ce prix. Je vous invite ardemment à tester la bête qui a vraiment peu de défauts et de belles qualités faisant assurément d’elle un produit incontournable sur le marché actuel.