Malgré son relativement jeune âge, l’iPad est déjà à la tête d’une bien belle logithèque audio, au sein de laquelle figurent plusieurs séquenceurs qui n’ont rien de jouets. Dernier arrivé dans cette catégorie, le Cubasis de Steinberg n’est assurément pas sans défaut, mais il fait montre de tant de qualités qu’il s’impose immédiatement dans le trio de tête du genre. Revue en détail.
Le mot Cubasis parlera sans doute aux plus anciens, puisque ce fut longtemps le nom donné au séquenceur d’entrée de gamme de Steinberg, avant que celui ne soit rebaptisé Cubase LE. D’ailleurs, si ce Cubasis pour iPad évoque, en termes de look, le récent Cubase 7, il ne fait aucun doute qu’en termes de fonctionnalités, il n’est en rien un portage du séquenceur vedette de Steinberg, mais plutôt un petit cousin, pensé comme un bloc-notes pour musicien et donc parfaitement dans la philosophie de l’iPad.
De quoi s’agit-il alors ? D’un séquenceur audio + MIDI disposant du strict nécessaire pour poser les bases d’un morceau et le mixer grossièrement, avec une ergonomie reprenant les fondamentaux de Cubase à la sauce tactile. Les utilisateurs de ce dernier ne seront donc pas dépaysés puisque des icônes aux codes couleurs, tout ici semblera familier au Cubasien, cependant que les designers de Steinberg sont parvenus à rendre le tout très ergonomique : pas de détails minuscules sur lesquels on galère pour cliquer, et quantités de panneaux ou d’infos affichables ou escamotables simplement pour que jamais on ne se sente handicapé par la taille de l’écran de l’iPad tout en ayant accès à un nombre non négligeable de fonctionnalités, comme nous allons le voir.
Cubase : ça touch ou ça touch pas ?
Il ne saurait y avoir de séquenceur sans bloc de lecture et c’est tout naturellement qu’on retrouve celui-ci au sommet de l’interface, avec ses habituelles fonctions : lecture, enregistrement, avance, retour, lecture en boucle, timer (utilisable en mode mesure ou temporel), tempo BPM (avec Tap Tempo inclus), signature rythmique et métronome.
À la droite de ce bloc, Tools permet d’afficher/masquer la traditionnelle barre d’outils qui servira dans la fenêtre d’arrangement, Setup donne accès aux options de configuration du logiciel et Help propose d’accéder à sa doc, illustrée, mais en anglais seulement.
À gauche du bloc de lecture, trois icônes permettent d’afficher ou de masquer le gestionnaire de médias, le clavier virtuel (qui peut être commuté en matrice de 2×8 pads) ou le mixeur, toutes ces interfaces venant se placer dans la partie basse de l’interface au-dessus de la fenêtre principale : la fenêtre d’arrangement.
Sans surprise, cette dernière rassemble les différentes pistes audio ou MIDI du projet, chacune faisant face à un bandeau avec les boutons de base : Mute, Solo, Armement de l’enregistrement et, dans le cas des pistes audio uniquement, un bouton pour activer le retour son.
À gauche de l’écran, on dispose également d’une colonne escamotable pour chaque piste, laquelle permettra d’accéder à des options supplémentaires, différentes suivant qu’il s’agit d’une piste MIDI ou audio. Pour une piste audio, on aura ainsi : nom de la piste (renommable via un clic), sélection de l’entrée audio, effets d’inserts (3 slots), effets auxiliaires (3 slots), couleur de la piste et Channel, qui permet d’accéder au fader de volume et au réglage du panoramique, le tout étant flanqué d’un vumètre et des commandes déjà disponibles dans le bandeau des pistes (Mute, Solo, etc.).
Pour une piste MIDI, on aura à peu près la même chose à ceci près que la sélection de l’entrée audio sera remplacée par un onglet sur les entrées/sorties MIDI (canal, etc.) et un qu’un autre onglet permettra de définir l’instrument utilisé sur la piste, et de régler sommairement son enveloppe de volume (attaque et relâchement).
Le petit monde de l’édition
Dans la fenêtre d’arrangement, chaque clip audio ou MIDI dispose de poignées permettant de le redimensionner, de définir son niveau ou encore de faire des fondus d’entrée ou de sortie. Bien évidemment, tous les outils d’édition de base remisés dans la barre d’outils sont ici utilisables : Selection, Split, Glue, Suppression, Mute, Copier et Coller.
Le déplacement d’un clip se fait d’un simple glisser avec possibilité d’activer une grille magnétique à la résolution max de 1/64, cependant qu’on dispose également de fonctions de quantisation (résolution max de 1/32T avec paramètre Swing) et de transposition, réservées toutefois au MIDI et à lui seul.
Un double clic sur un conteneur permet de l’ouvrir dans l’éditeur audio ou MIDI, selon sa nature, ce qui nous amène à parler de ces derniers.
L’éditeur audio se veut simple, mais réunit tout de même les fonctions essentielles : sélection, rognage, suppression, inversion, normalisation, fondu d’entrée et fondu de sortie. Évidemment, pour travailler avec plus de précision, il est possible, comme dans la fenêtre d’arrangement ou le Piano Roll d’ailleurs, de pincer pour zoomer ou dézoomer dans la forme d’onde. Une fois votre édition terminée, il ne restera plus qu’à cliquer sur Save to Media pour que votre nouveau fichier puisse être sauvegardé et accessible depuis le gestionnaire de médias.
Le piano roll est pour sa part encore plus simple puisqu’en dehors du choix, du placement et de la durée des notes, le seul contrôleur continu qu’il permet d’éditer est la vélocité. C’est d’autant plus étonnant que lorsqu’on utilise le clavier virtuel du soft, on dispose d’une molette de Pitch Bend et d’un bouton Sustain dont on pourra enregistrer les états… sans pouvoir les éditer plus tard. Dommage !
Puisqu’on parle du clavier virtuel, jetons un œil aux interfaces de saisie qui sont au nombre de deux : un clavier donc, redimensionnable et transposable à l’envie, et une matrice de 2 fois 8 pads, les deux interfaces étant disponibles que l’instrument soit mélodique ou percussif.
Suivant l’un ou l’autre cas, un pad servira ainsi à déclencher un sample (avec possibilité de bricoler votre kit en choisissant les samples assignés à chacun) ou encore à jouer un accord plaqué (sachant que là encore, vous pouvez définir quel pad jouera quel accord). En vue clavier, on dispose d’ailleurs de 10 touches reprenant les pads, pour déclencher soit des accords soit des combinaisons de sons percussifs.
Bref, cette partie est plutôt bien fichue, et si l’on aurait apprécié disposer d’un petit arpégiateur ou mieux, d’un générateur de Motif comme dans HALion Sonic, force est d’admettre qu’elle permet de saisir les notes efficacement.
Mauvais effet
Pour ce qui est des effets, chaque piste dispose de 3 slots d’Insert et de 3 slots d’envoi, les effets présents dans ces derniers étant communs à toutes les pistes. Chaque slot sera susceptible d’accueillir un des onze effets fournis qui sont, notons-le, de qualité toute à fait honorable : Reverb, Delay, Chorus, Phaser, Flanger, Filter, Limiter, Compressor, Amp Sim, Overdrive ou EQ. Évidemment, Steinberg a tenu à faire simple : on ne dispose ainsi, pour la plupart des effets, que de deux ou trois paramètres en plus du dosage (Dry/Wet). La chose n’a rien de gênant sur un Chorus ou un overdrive, mais elle tourne au défaut concernant l’EQ, un shelf… à une bande seulement ! Pour disposer d’un EQ trois bandes (ce qui n’a rien d’un luxe), il vous faudra donc griller les 3 slots d’insert d’une piste, et renoncer ainsi à utiliser un compresseur, un delay ou un effet sur cette dernière.
Bref, une limitation vraiment stupide et qui n’est pas la seule à rendre cette section d’effets indigne du créateur de la norme VST : pas de preset, pas d’automation, pas de freeze de piste pour économiser des ressources et surtout, pas de possibilité d’accueillir des plug-ins d’un éditeur tiers, toutes ces choses étant proposées par Auria depuis plus de 6 mois…
Du coup, on espère franchement que Steinberg va revoir sa copie sur ce point car, en l’occurrence, cette section est, à mon sens, le gros point faible de l’appli face à ses rivales.
Avec des bouts d’HALion Sonic dedans
Doté d’une interface claire, le gestionnaire de médias n’est pas bien dur à utiliser et vous permettra à la fois de naviguer dans vos fichiers audio, MIDI ou vos instruments, mais aussi dans vos projets. Hélas, à vouloir faire simple, Steinberg a encore fait simpliste sur ce plan : si l’on peut trier les ressources par taille ou type d’extension (ce qui ne présente pas grand intérêt), on ne peut pas les ordonner par famille d’instrument ou genre musical, cependant qu’aucun moteur de recherche ne vient simplifier la navigation. En s’amusant avec la petite bibliothèque de fichiers fournie de base avec le soft, on s’aperçoit en outre que ce dernier est totalement dépourvu d’algo de Time Stretch ou de Pitch Shift. Voilà qui limite grandement l’intérêt des boucles audio livrées, cependant que les boucles MIDI se cantonnent à un seul instrument la batterie…
Reste à parler des instruments qui, issus du Yamahisant Halion Sonic, alternent le bon et le moins bon. Comme souvent, les synthés, instruments à clavier et les percussions acoustiques ou électroniques parviennent à tirer leur épingle du jeu, cependant que les instruments plus complexes sont moins bien servis : sans être ce qu’on a entendu de pire, les vents et les guitares sonnent très synthétiques, tandis que les cordes ne sont présentes qu’en section (pas de violon, d’alto, de violoncelle ou de contrebasse en solo donc). On espère vivement que Steinberg, quitte à proposer de l’achat In-app, permettra à l’utilisateur d’améliorer tout ça.
Open DAW
Toutefois, venant contrebalancer ces défauts ou la faiblesse de sa section d’effets, la très bonne surprise de ce Cubasis vient de la belle ouverture dont il fait preuve. Si l’on ne sera pas étonné par le fait que les projets peuvent être importés directement dans Cubase 7, on sera ravi d’apprendre que le soft permet d’exporter vers Soundcloud et Dropbox ou via mail, qu’il gère Audiocopy et Audiopaste, iTunes File Sharing et surtout Audiobus. De fait, il est tout à fait possible de se servir d’instruments externes, ou d’effets, pour étendre le champ des possibles.
Cette ouverture ne se cantonne pas d’ailleurs qu’aux logiciels, puisque Cubasis est utilisable avec tout matériel compatible Core Audio ou Core Midi : de l’IO Dock aux micros Blue en passant par les contrôleurs IK Multimedia ou la Fireface UCX de RME, une ribambelle de périphériques sont utilisables dans le contexte de l’application…
Conclusion
Il faut bien l’avouer : cette appli de Steinberg est une bien belle surprise. Stable, ergonomique, ouverte et relativement riche sur le plan fonctionnel, elle se présente un peu comme le chaînon manquant entre GarageBand et Auria, ce qui en fait un séquenceur bien plus agréable à utiliser qu’un Xewton Music Studio / FL Studio ou qu’un Meteor. Les aficionados de BeatMaker ou de Nanostudio lui reprocheront sans doute son prix, d’autant que l’appli n’est pas disponible sur iPhone, mais comme elle est plus généraliste (BeatMaker et Nanostudio sont tout de même très orientés Hip Hop ou Electro), elle devrait devenir le bloc-notes de plus d’un iMusicien.
Malgré quantité de bonnes choses, le logiciel demeure toutefois perfectible sur bien des points : outre son EQ ridiculement limité, on lui reprochera souvent de confondre ‘simple’ et ‘simpliste’ et l’on espère que Steinberg saura le faire évoluer, par le biais de mises à jour ou de contenus payants.
Une affaire à suivre donc…