Valhalla DSP n'est sûrement pas l'éditeur le plus connu au monde. Pourtant, il lui a suffit d'une poignée de plug-ins pour se tailler une sacrée réputation auprès des initiés. Alors lorsque cet esthète de la réverbération sort un nouveau joujou après presque trois années de silence, autant vous dire que ça frétille sévère chez les "fanboys" de la marque. Cet engouement est-il mérité ? C'est ce que je vous propose de découvrir…
Plate bande
Avant de rentrer dans le vif du sujet, voici en quelque sorte une mise en bouche qui me semble nécessaire. Derrière le patronyme aux accents nordiques de cet éditeur se cache monsieur Sean Costello. Ce dernier a commencé sa carrière en développant pour d’autres sociétés, notamment la réverbération Eos pour Audio Damage en 2009. C’est d’ailleurs à la suite de la création de celle-ci que M. Costello prit la décision de créer sa propre boîte. Ainsi, l’été 2009 vit naître le premier plug-in estampillé Valhalla DSP, le freeware ValhallaFreqEcho. 2010 marqua la sortie de son premier plug-in commercial, la réverbe grandiloquente ValhallaShimmer. Puis, début 2011, Sean lâche une petite bombe : la réverbération algorithmique ValhallaRoom.
Bien que cette dernière ne soit pas réellement au programme du jour, arrêtons-nous un instant sur ce véritable bijou car il pose les bases de la pâte Valhalla. Il y a d’abord le modèle économique. Ici, point de Black Friday, offre de lancement, bundle ou autre, tous les produits signés par l’éditeur sont invariablement vendus 50$. Certes, cela pourra en faire râler certains, cependant il faut bien avouer que l’idée se défend. En effet, qui n’a jamais pesté d’avoir acheté un plug-in et de le trouver quelques jours plus tard à moitié prix ? Chez monsieur Costello, tout le monde est logé à la même enseigne. Le tarif étant somme toute relativement abordable, surtout en regard de la qualité délivrée, je trouve cette politique très fair-play.
D’autre part, ValhallaRoom inaugure le design et l’ergonomie qui serviront de modèle à l’ensemble des plug-ins de la marque. Que l’on affectionne ou non le « Flat Design », il faut reconnaître que l’interface est claire et qu’à l’usage, c’est on ne peut plus fonctionnel. L’utilisation de graphique vectoriel permet un redimensionnement de la fenêtre sans aucune perte de qualité et les plug-ins s’adaptent donc sans problème à n’importe quelle taille d’écran. De plus, une aide contextuelle s’affiche en bas de l’interface lors du survol des paramètres. C’est efficace, à chaque fois pertinent, et surtout bien pensé puisqu’il ne s’agit pas d’une bulle façon « pop-up » venant envahir ou masquer le reste de la fenêtre. Cette aide est d’autant plus bienvenue que les joujoux Valhalla ne sont pas livrés avec un manuel… La chose peut paraître curieuse de prime abord, mais l’aide contextuelle suffit largement et pour les plus avides d’informations, il y a sur le site de l’éditeur un blog livrant énormément de détails sur chaque plug-in, et même sur la réverbération de façon générale. Si vous n’êtes pas allergiques à la langue de Shakespeare, je vous en conseille fortement la lecture, c’est une véritable mine d’or en la matière !
Concernant les fonctionnalités communes aux produits de l’éditeur, il y a un système de verrouillage du dosage « dry/wet » lorsque l’on clique sur le label « Mix », pratique quand on navigue de preset en preset. C’est d’ailleurs dommage, quelque part, que ce principe ne soit pas disponible pour d’autres réglages comme le pré-delay ou l’EQ… En parlant de presets, sachez qu’il est possible de se les échanger sous forme de texte. Enfin, il y a tout de même à mon sens un grand absent, le comparateur A/B. J’en parle souvent dans mes bancs d’essai, mais je trouve cette fonction tellement pratique que je ne peux m’empêcher de fulminer à chaque fois qu’un plug-in ne l’intègre pas.
Pour en finir avec ValhallaRoom, voici quelques extraits sonores montrant rapidement les possibilités de l’engin via l’application bête et méchante de presets fournis :
- 01 eGtr dry 00:24
- 02 eGtr VR 1 00:26
- 03 eGtr VR 2 00:26
- 04 eGtr VR 3 00:26
- 05 eGtr VR 4 00:26
- 06 eGtr VR 5 00:26
- 07 eGtr VR 6 00:26
- 08 Piano dry 01:22
- 09 Piano VR 01:22
La qualité sonore est indéniable et le champ d’application gigantesque. Toutefois, on peut éventuellement lui reprocher d’être un poil trop « propre ». Qu’à cela ne tienne, après la sortie du très intéressant delay multitap à modulation ValhallaÜberMod à l’automne 2011, Sean Costello a accouché d’une nouvelle petite bombe beaucoup moins sage en décembre 2012 : la ValhallaVintageVerb. Cette dernière reprend bien évidemment les traits communs décrits plus haut, mais comme son nom le laisse supposer, les algorithmes tendent à reproduire le caractère sonore des grands classiques de la réverbération numérique, sauce Lexicon & Co. Voici quelques exemples pour vous faire une idée :
- 10 eGtr VVV 1 00:26
- 11 eGtr VVV 2 00:26
- 12 eGtr VVV 3 00:26
- 13 eGtr VVV 4 00:26
- 14 eGtr VVV 5 00:26
- 15 eGtr VVV 6 00:26
- 16 Piano VVV 01:22
Sachez qu’à titre personnel, je suis vraiment un grand fan de cette réverbération. La majorité des titres sur lesquels j’ai travaillé depuis sa sortie l’utilise, et c’est d’ailleurs cette VintageVerb que vous pouvez entendre dans mes bancs d’essai pour Audiofanzine lorsqu’il est mentionné que j’ajoute une réverbération – mis à part pour les tests de plug-ins de réverbe bien entendu.
Bien, le décor étant planté, passons au véritable sujet du jour !
Plate couture
La ValhallaPlate est donc un plug-in de réverbération algorithmique « True-Stereo » de type Plate, comme son nom le laisse supposer. Disponible aux formats VST, AU, AAX et RTAS pour Mac et PC (32 et 64-bit), cette dernière reprend bien entendu les caractéristiques communes aux produits de la marque décrites dans le chapitre précédent, tant sur le plan tarifaire que sur le plan interface/ergonomie. Au passage, sachez que ce plug-in est loin d’être vorace en termes de ressources puisqu’une instance ne consomme que 0.20% sur ma machine (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3), ce qui laisse largement de quoi voir venir. Niveau installation / autorisation, rien à redire, c’est à la portée de tout le monde et ça prend moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.
Étant donnée l’offre déjà disponible chez l’éditeur, on est en droit de s’interroger sur la pertinence de cette ValhallaPlate. En effet, ValhallaRoom et ValhallaVintageVerb proposent toutes deux des presets du genre. Mais la réponse de monsieur Costello est d’une logique limpide : les précédents plug-ins s’évertuaient à reproduire le son de réverbérations numériques de qualité, et possédaient donc des algorithmes tentant de copier le son typique des « Plates », alors que le petit dernier est directement voué à reproduire le son d’une véritable réverbération à plaque. D’autre part, en partant de l’analyse d’un véritable modèle du genre, la fameuse EMT 140, l’éditeur en a profité pour aller beaucoup plus loin en imaginant des réverbes produites par des « Plates » qui seraient impossibles à construire dans la réalité. Le programme est donc plutôt alléchant, voyons ce qu’il en est dans les faits.
Niveau réglages disponibles, c’est plutôt simple. Il y a les inévitables pré-delay (0 à 500ms) et le potard Mix déjà évoqué. Vient ensuite le gigantesque potentiomètre Decay allant de 0.5 à… 30 secondes ! Sachez que ce réglage influence le rendu en fonction des modes, mais j’y reviendrai. Le paramètre « Size » gère la taille de la plaque, ou plus exactement sa densité modale. Sans entrer dans les détails, plus on descend cette valeur, plus le rendu sonnera métallique, alors que de 100% à 200% on obtient des sonorités plus claires et douces que les véritables « Plates ». « Width », quant à lui, gère la largeur stéréo en sortie. 100% correspond à la largeur normale, plus on descend et plus on se rapproche d’un rendu monophonique, alors qu’au-dessus de 100% on atteint des résultats « larger than life » comme diraient nos amis outre-Atlantique. Ces deux réglages sont vraiment très intéressants et influent grandement sur la sensation d’espace produite. Il y a ensuite un égaliseur minimaliste extrêmement doux en sortie avec deux filtres en plateau pour le haut et le bas du spectre. Puis vient une section de modulation façon chorus subtil avec réglages de la profondeur et de la vitesse du LFO.
Mais le plus important dans tout ça, ce sont les modes. Il y en a sept au total et chacun possède des caractéristiques sonores bien distinctes :
- Chrome : tonalité légèrement brillante et attaque médium ;
- Steel : sensiblement identique au précédent mais plus sombre ;
- Cobalt : sombre avec attaque très douce et une légère résonance dans le bas médium, c’est le mode le plus proche de l’EMT 140 ;
- Brass : attaque marquée et tonalité brillante ;
- Aluminium : haute densité modale, attaque médium, rendu moins métallique et tonalité plus claire ;
- Copper : attaque douce, haute densité modale mais plus sombre que l’Aluminium ;
- Unobtanium : brillante avec une haute densité modale, attaque douce et Decay des hautes fréquences plus long que les autres modes.
Notez que malgré ces noms, les modes n’ont rien à voir avec la matière de la plaque modélisée. Tout cela vous paraît abscons ? Les exemples sonores qui suivent devraient vous permettre d’y voir plus clair. Afin de mettre en évidence les caractéristiques de ces modes, j’ai utilisé un son de caisse claire provenant de ma LinnDrum comme excitant de la réverbe. Le premier extrait se résume au son source, les suivants illustrent les différents modes. Notez qu’alors le son est « 100% Wet », c’est-à-dire qu’il n’y a absolument aucune trace du son non traité.
- 17 Snare dry 00:05
- 18 Snare Chrome 00:05
- 19 Snare Steel 00:05
- 20 Snare Cobalt 00:05
- 21 Snare Brass 00:05
- 22 Snare Aluminium 00:05
- 23 Snare Copper 00:05
- 24 Snare Unobtanium 00:05
À titre de comparaison, voici des exemples provenant de presets de type « Plate » des plug-ins ValhallaRoom et ValhallaVintageVerb :
- 25 Snare VR 1 00:05
- 26 Snare VR 2 00:05
- 27 Snare VR 3 00:05
- 28 Snare VR 4 00:05
- 29 Snare VVV 1 00:05
- 30 Snare VVV 2 00:05
- 31 Snare VVV 3 00:05
- 32 Snare VVV 4 00:05
Il faut reconnaître que le rendu est bel et bien différent, je dirais moins « organique » qu’avec la ValhallaPlate.
Avant de passer à des extraits plus musicaux, voici des samples illustrant l’impact des paramètres « Size » et « Width », toujours avec la caisse claire comme source. Les chiffres après le « S » et le « W » indiquent respectivement les pourcentages de « Size » et « Width » ; la mention « auto » signale une automation du paramètre « Width » de 0 à 200%.
- 33 Snare Chrome S0 W47 00:05
- 34 Snare Chrome S100 W47 00:05
- 35 Snare Cobalt S100 W0 00:05
- 36 Snare Cobalt S100 W200 00:05
- 37 Snare Cobalt S100 Wauto 00:05
Plutôt intéressant, non ?
Ragnarök
Attaquons cette séance d’écoute avec des choeurs.
- 38 Ooh dry 00:41
- 39 Ooh wet 00:41
- 40 Aah dry 00:22
- 41 Aah wet 00:22
Pour les « Ooh », j’ai utilisé deux instances du plug-in : l’une afin de placer les voix les plus graves au fond et relativement au centre (mode Chrome, Size 74%, Width 47%, Decay 4.2s), l’autre de façon à élargir l’image stéréo (mode Chrome, Size 35%, Width 200%, Decay 3.5s). Ce qui est intéressant, c’est de constater que malgré des temps de réverbération longs, le rendu habille les choeurs sans les noyer.
Pour les « Aah », les modes Aluminium et Brass donnent une très belle couleur et décollent légèrement les voix des haut-parleurs tout en magnifiant le relief.
Passons à une ligne de chant.
- 42 Voix dry 00:21
- 43 Voix Cobalt short 00:26
- 44 Voix Copper short 00:26
- 45 Voix Unobtanium long 00:26
- 46 Voix Steel medium 00:26
Ici, j’ai utilisé différents modes avec différents temps de Decay pour voir comment l’engin se comportait. J’ai été agréablement surpris de constater que même avec un temps de déclin court, la ValhallaPlate s’en tirait plus qu’honorablement.
Reprenons la guitare électrique du début de l’article.
- 47 eGtr Aluminium short 00:25
- 48 eGtr Cobalt medium 00:26
- 49 eGtr Unobtanium long 00:26
Je ne sais pas vous, mais personnellement, le mode Unobtanium avec un Decay long m’impressionne. Quelle espace, quelle clarté, quelle douceur !
Testons l’engin sur une batterie.
- 50 Drums dry 00:25
- 51 Drums Snare Unobtanium 00:25
- 52 Drums Snare Steel 00:25
- 53 Drums Brass depth 00:25
- 54 Drums Copper width 00:25
J’ai d’abord ajouté une instance spécialement pour la caisse claire. L’extrait 51 utilise le mode Unobtanium mais je lui ai finalement préféré le mode « Steel » du 52, plus discret mais tout aussi efficace pour raviver les impacts un peu mollassons. Le 53 ajoute une instance du plug-in pour l’ensemble des éléments en mode Brass avec un déclin très court et le paramètre « Width » à 0 afin de gagner légèrement en profondeur. L’extrait suivant ajoute quant à lui une troisième instance uniquement pour les Overheads avec le mode Copper et « Width » à 200% de façon à élargir le rendu.
Je me suis ensuite amusé avec l’extrait de piano du début.
Deux instances sont ici à l’oeuvre. J’ai sûrement un peu trop forcé le trait sur le côté « grandiloquent », mais avouez que c’est beau, non ?
Pour finir, j’ai voulu voir ce que donneraient des temps de déclin très longs sur une nappe synthétique. Et je n’ai vraiment pas été déçu !
- 56 Synth dry 00:20
- 57 Synth Unobtanium 12s 00:31
- 58 Synth Unobtanium 12s 200 00:31
- 59 Synth Brass 9s 00:29
Avant de passer à la conclusion, un mot concernant l’utilisation à proprement parler de cette ValhallaPlate. Tout au long de mes essais, j’ai été bluffé par la facilité et la rapidité avec laquelle j’atteignais les résultats souhaités. Au début, j’avais un peu peur que le peu de paramètres disponibles ne soit un frein, mais finalement, la musicalité de ce joujou dépasse allègrement ce genre de considération. Certes, il n’y a pas d’EQ du signal d’entrée, ni de pré-delay synchronisable au tempo, ni de réglage de Damping, etc. Mais les deux premiers « problèmes » peuvent se résoudre facilement lors d’une utilisation via circuit auxiliaire en plaçant l’EQ et le Delay de son choix en amont ; quant au troisième, la diversité des modes couvrira amplement tous les besoins.
J’ai tout de même trois bémols à exprimer… Le premier, c’est l’absence de la fonction A/B que j’ai déjà évoquée. Le deuxième, c’est le manque d’une fonction de réinitialisation des paramètres via un « ctrl + clic » ou équivalent. Mine de rien, cela m’a parfois gêné. Enfin, le rendu sonore est tellement agréable à l’oreille qu’il pousse peut-être un peu trop au surdosage… Méfiance donc, car même si d’une manière générale cette Plate n’a pas tendance à engluer le son, il ne faudrait tout de même pas tomber dans l’excès et noyer vos mixages sous un monceau de réverbe, aussi belle soit-elle.
The Plate to be
Je n’ai malheureusement jamais eu la chance d’utiliser une véritable EMT 140, je ne peux donc absolument pas me prononcer quant à la fidélité de reproduction via cette ValhallaPlate. En revanche, ce qui est sûr, c’est que ce plug-in est vraiment un cran au-dessus de toutes les émulations de réverbérations à plaque que j’ai eu l’occasion de manipuler. Son rendu me semble plus vivant, plus organique, plus tridimensionnel que tout ce que j’ai déjà pu entendre. Si l’on rajoute à ça la facilité d’utilisation et la faible consommation CPU, on peut dire que Sean Costello a encore une fois tapé dans le mille. Bien sûr, je ne mixerai jamais un album entier avec cette unique réverbération, mais une chanson ou deux, pourquoi pas !
Bref, si vous êtes à la recherche d’une première réverbération à tout faire, passez votre chemin et jetez plutôt votre dévolu sur la ValhallaRoom ou la ValhallaVintageVerb. En revanche, si vous pensez avoir déjà tout ce qu’il vous faut en matière de réverbe et que vous n’avez pas 50$ de disponible, je vous déconseille fortement d’essayer la version de démonstration de cette ValhallaPlate, ce serait à coup sûr le meilleur moyen de perdre le sommeil tant la Belle est désirable !
Téléchargez les extraits sonores (format FLAC)