Dans le carton du DT1770 Pro testé il y a peu sur Audiofanzine, Beyerdynamic nous a glissé un autre casque, le T1 2de génération. Ce dernier, de type semi-ouvert et au prix avoisinant les 1000 €, est plutôt à ranger du côté des casques Hi-Fi dans le catalogue du constructeur allemand. Mais comme chez Audiofanzine nous ne sommes pas sectaires, nous avons jeté un coup d’oreille et goûté au fruit défendu… Verdict.
Car à y regarder de plus près, ce T1 2nd génération ressemble beaucoup à notre bon vieux DT 880 Pro auquel nous allons le comparer : un look assez similaire, circum-aural, semi-ouvert… Le seul véritable détail nous indiquant que nous avons affaire à un casque Hi-Fi est le câble détachable se connectant à chaque oreillette (avec des mini-jacks), et non uniquement la gauche comme sur le DT 880 Pro. En Hi-Fi, on aime que les choses soient bien symétriques, que voulez-vous.
Deutsche Qualität
Côté spécifications techniques, le T1 affiche une impédance de 600 (!) Ohms contre 250 pour le DT 880 Pro, et son poids reste aussi plus conséquent (440 g contre 295). À l’intérieur, on retrouve la technologie Testa (Le « T » dans T1) promettant monts et merveilles à l’auditeur. À noter la présence d’une mallette rigide permettant de ranger son précieux, renforçant le caractère haut de gamme de l’objet. À ce prix-là, il vaut mieux en prendre soin !
Le câble fourni fait 3 mètres de long, et demeure revêtu d’un textile le rendant assez rigide. Gageons que cela lui permettra de résister un peu mieux à l’épreuve du temps. Un câble optionnel est aussi disponible avec cette fois-ci un connecteur XLR 4 points en lieu et place du Jack 6,35 mm, permettant de se connecteur de manière symétrique à l’ampli casque. Quand on vous dit que ça rigole zéro. Il faudra tout de même débourser la modique somme de 149 € pour obtenir ce fameux câble, soit environ le prix d’un DT 770 (!).
À l’instar du DT 1770 Pro testé récemment sur votre site préféré, la qualité de construction du T1 2nd Gen est irréprochable. Les matériaux utilisés et l’assemblage donnent une certaine impression de solidité. Le look est lui aussi très réussi et à côté, le DT 880 Pro nous semble assez « grossier », voire un peu « cheap ». La finition sur le T1 est vraiment excellente, et il n’y a aucun doute sur le fait que nous avons affaire à un casque haut de gamme. Côté confort, c’est dans la même veine que les autres Beyerdynamic, c’est à dire très douillet, et on constate qu’il ne fait jamais mal au crâne même après plusieurs heures sur la tête. Les matériaux utilisés sont vraiment très agréables au toucher, à voir quand même s’ils ne donnent pas trop chaud en été… Vu les températures hivernales actuelles, difficile de se prononcer là-dessus !
T1, voilà du boudin
Depuis le test du K812 d’AKG, nous avons organisé un nouveau protocole afin de compléter l’écoute comparative classique. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks (souvenez-vous, la calibration de casques), nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquence et du taux de distorsion harmonique élaborées par des professionnels, dont c’est le métier de tous les jours dans leur laboratoire. Et comme leur expérience est riche, leur avis précieux sur le casque vous sera aussi délivré. Elle n’est pas belle la vie ?
On commence donc avec la réponse en fréquence du T1 2nd Gen, suivie de celle du DT 880 Pro :
Divisons la courbe en deux parties : ce qu’il y a en dessous de 1 kHz, et ce qu’il y a au-dessus. Sur la partie inférieure, couvrant les bas médiums et les graves, on constate que le T1 tire bien son épingle du jeu avec seulement 2 dB de déviation entre 100 Hz et 1 kHz, ce qui est plutôt très bon. De plus, le casque descend bien plus bas que son petit frère le DT 880 Pro (-2 dB à 55 Hz contre –6 dB) qui est, il est vrai, relativement pauvre en basses fréquences. Le T1 gagne donc tranquillou la bataille du bas du spectre, contre un DT 880 Pro pourtant relativement linéaire.
Pour ce qui est des fréquences situées au-dessus de 1 kHz, c’est en revanche une autre histoire. Le T1 garde la « patte » Beyerdynamic, mais en exagérant tous les traits. On retrouve ainsi une très grosse bosse à 10 kHz, allant tout de même jusqu’à +12 dB (!), alors qu’elle ne dépasse pas les +7 dB sur le DT 880 Pro pourtant déjà bien pourvu dans ce secteur. De même, le creux des 4 kHz assez typique (on le retrouve sur le DT 770 et le DT 1770, rappelez-vous), est légèrement déplacé vers les 3 kHz sur le T1 avec une atténuation allant jusqu’à –5 dB, alors qu’il reste plus discret (-2 dB à 4kHz) sur le DT 880 Pro.
C’est donc dans cette partie haute du spectre que l’on retrouve un son peut-être plus plaisant à l’écoute au premier abord, grâce notamment à la bosse des 10 kHz donnant le sentiment d’avoir un son plus détaillé, et au creux situé à 3 kHz permettant de rendre le son parfois un peu moins « dur ». Mais cette forte déviation peut-être handicapante lors de l’étape du mixage, et peut amener le home-studiste à sous-doser les hautes fréquences ou sous-doser les hauts médiums s’il se laisse « embarquer » par le T1. Il peut-être donc préférable de travailler avec un casque plus linéaire, afin d’éviter au maximum les surprises lorsque vous repasserez sur vos enceintes de monitoring ou n’importe quel autre système de reproduction sonore.
Concernant la distorsion harmonique, les deux casques sont très bons, et si le T1 possède une distorsion supérieure dans l’extrême bas du spectre, c’est sûrement aussi parce qu’il descend plus bas que le DT 880 Pro. Quoi qu’il en soit, difficile de départager ces deux casques ici, tant ils excellent.
Écoute
Johnny Cash – Hurt
Sur cette chanson, on entend clairement les différences entre le DT 880 Pro et le T1. Et pour cause, que ce soit sur la voix de Cash ou sa guitare acoustique Martin, une partie importante de l’information se situe au-dessus de 1 kHz. Avec une fréquence de 3 kHz en retrait et une énorme bosse autour de 10 kHz, le T1 a un son très détaillé, avec des attaques de cordes exacerbées, et une voix mettant en avant les résonances situées autour du nez ainsi que les sibilances. On a vraiment l’impression que Cash chante à deux centimètres de nos oreilles. Si le détail apporte un effet de loupe pouvant être utile dans certaines situations (on entend, par exemple, sur cet enregistrement, la repisse des pistes de la bande magnétique qui ont été par la suite effacées), le rendu est loin d’être naturel avec un trop-plein de présence, quel que soit l’instrument. Le DT 880 Pro, qui pourtant n’est pas particulièrement plat non plus dans ce secteur de fréquences, a un rendu beaucoup plus naturel, avec des fréquences haut-médiums qui reviennent un peu plus au niveau des fréquences basses et aiguës. Le passage DT 880 Pro vers T1 est toujours un peu douloureux. Dans un contexte de mixage ou de mastering, le DT 880 Pro nous semble beaucoup plus adéquat.
Gorillaz – Feel Good Inc
Ce titre fait un peu plus la part belle aux basses fréquences, et le T1 prend tranquillement le dessus sur son petit frère dans ce domaine. Le bas du spectre est vraiment très propre et lisible, il descend relativement bas et n’est pas disproportionné par rapport aux bas médiums. Pour le haut du spectre, c’est dans la même lignée que pour le titre précédent. Quand on passe du T1 au DT 880 Pro, le son nous semble un peu plus boxy au premier abord, mais l’on s’y fait assez rapidement. Lorsque l’on retourne sur le T1, l’acclimatation est beaucoup plus dure. Les sibilances font mal sur ce titre, et le son global nous parait beaucoup trop creusé, trop d’aigus, pas assez de médiums. La fatigue se fait un peu sentir, il conviendra donc de faire attention à vos oreilles si vous comptez travailler sur des morceaux aux productions similaires pendant de longues heures….
Michael Jackson – Liberian Girl
On termine avec ce morceau de Michael Jackson, et ses nappes en introduction qui profitent pleinement du haut du spectre ultra développé du T1, avec des détails très présents. Côté fatigue, cela reste confortable sur ce titre, avec seulement quelques sibilances qui viennent titiller nos esgourdes un peu trop violemment à notre goût. Le bas du spectre (basse et kick) est ici très bien retranscrit, c’est propre et lisible. Sur le DT 880 Pro, le son de ces instruments est un peu plus « en carton », il faut dire qu’on a déjà –2 dB à 100 Hz… Côté dynamique, rien à redire, c’est du très bon.
Si le T1 nous a pleinement convaincus sous les 1 kHz, avec une très belle linéarité et un bas du spectre descendant relativement bas, on ne peut pas dire que le haut du spectre nous ait vraiment séduits dans une optique de production musicale. Les hautes fréquences à partir de 10 kHz sont beaucoup trop présentes, et le creux autour de 3 kHz est un peu trop profond. L’équilibre dans cette partie du spectre est moins bon que sur notre bon vieux DT 880 Pro, pourtant bien moins cher. Dommage. On comprend ce qu’a voulu faire Beyerdynamic, dans une optique d’écoute Hi-Fi où l’on cherche avant tout à séduire l’auditeur. En atténuant les fréquences parfois « dures » autour de 3 kHz et en augmentant les fréquences hautes à 10 kHz pour ajouter du détail, le T1 tend à rendre l’écoute récréative, même si nous pensons que +12 dB est une bosse un peu trop violente qui peut apporter de la fatigue auditive dans certains cas.
Conclusion
Nous avons voulu essayer un casque catégorisé « Hi-Fi » pour voir s’il pouvait combler nos attentes, et il ne le fait que partiellement. La qualité d’assemblage et de finition est irréprochable, les matériaux choisis donnent un sentiment de robustesse et le confort est indéniable. La petite valisette et le câble détachable en tissu donnent bien le sentiment d’être face à du matériel haut de gamme, et la facture (1000 €) confirme tout cela sans ambiguïté aucune. Le bas du spectre est vraiment très bon, car il est fiable et développé, et la distorsion est tout à fait acceptable. Dans la moitié haute du spectre, les choses se gâtent si l’on veut utiliser le casque dans le cadre du mixage ou de la production musicale, la faute au déséquilibre entre les hautes fréquences, les hauts médiums et le reste du spectre. Si votre but est de mixer ou masteriser votre dernier titre (et c’est sûrement le cas si vous êtes sur notre site), il existe des références bien moins onéreuses, y compris chez Beyerdynamic, et aux qualités plus adaptées à votre occupation.