Le constructeur autrichien AKG, non content de posséder dans son catalogue des références dans le rayon microphone, avec notamment le C414 et le C12, fabrique aussi des casques dont la réputation dépasse les frontières de son petit pays.
On pense notamment au K702, dont la précision fait le bonheur de home-studistes et professionnels depuis des années. C’est donc avec une certaine envie et curiosité que nous testons aujourd’hui le K812, fleuron de la gamme avec son prix avoisinant les 1200 €. Reste à savoir si le casque est à la hauteur de l’addition.
Si nous pensons que 150 € est un bon point d’entrée pour un casque « pro » fiable et assez fidèle pour commencer à travailler sérieusement, nous avons pu constater par le passé que des différences existent avec les références situées autour des 300 € et que ces dernières apportent souvent un peu de plus de neutralité et de précision. En doublant le prix d’achat, on n’obtient certes pas un casque deux fois meilleur, mais le gain reste tout de même appréciable et les plus affûtés d’entre nous n’hésitent généralement pas à passer à la caisse.
It’s over 900 (€)
Reste qu’il existe chez la plupart des constructeurs de casques un ou plusieurs modèles très haut de gamme, généralement placés au-dessus de la barre des 1000 €. Cette coquette somme, trois à quatre fois supérieure à celle de certaines références ayant fait leurs preuves, soulève forcément quelques interrogations auprès de l’utilisateur. Quel sera le gain, si gain il y a, par rapport à mon « bon vieux casque » ? C’est une question à laquelle nous tâcherons de répondre dans ce test, qui compare le K702 (trouvable à moins de 200 €), casque que nous apprécions et possédons depuis quelque temps déjà, au plus récent et plus onéreux K812 (environ 1200 € sur la balance).
Deux petites choses à noter avant de se lancer définitivement dans le cœur du test. Le K812, même s’il possède un tarif souvent attribué à du matériel dit « Hi-Fi » ou « audiophile », est bien décrit par le constructeur, à l’instar du K702, comme un casque dédié au mixage et monitoring. Le but avoué des deux casques comparés ici est donc a priori le même. Sachez en outre qu’il existe une référence intermédiaire dans le catalogue du constructeur autrichien, dénommée K712 et coutant environ 350 €, située entre le K702 que nous possédons et le K812, mais que nous n’avons malheureusement pas sous la main à l’heure d’écriture de ce test.
Classe, confort et volupté
Au déballage, même en gardant le prix en tête, il faut avouer que le K812 ne déçoit pas. En effet, le look reste tout à fait sobre, mais classe, avec sa robe grise anthracite et ses subtiles bordures argentées. Nous apprécions d’entrée de jeu le câble détachable de 3 mètres et son poids confortable de 390 grammes. Le support en bois permettant de poser classieusement le casque finit de nous convaincre : nous avons affaire à du très haut de gamme !
À l’intérieur, le constructeur nous confie qu’il a intégré un transducteur de 53 mm (son plus gros), un aimant 1,5 Tesla et des bobines en aluminium cuivré très légères. D’un point de vue technique, sachez que le K812 est un casque ouvert, avec une impédance de 36 ohms et des coussinets remplaçables. Point de caractéristiques nomades ici, le casque ne se pliant pas et la télécommande faisant défaut. Mais ces manques nous semblent tout à fait justifiés vu le caractère très haut de gamme et sédentaire du K812.
Si nous aimions la légèreté et le confort du K702, il faut avouer que le K812 place la barre encore un peu plus haut. Les coussinets adoptent parfaitement la morphologie de nos oreilles et l’arceau de notre crâne. Une fois posé, il tient parfaitement en place et tend à se faire oublier. C’est un vrai bonheur de porter ce casque. Il ne reste plus qu’à le brancher…
Benchmark
Pour l’occasion de ce test, nous avons organisé un nouveau protocole de test venant à compléter l’écoute comparative classique. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks (souvenez-vous, la calibration de casques), nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquence et du taux de distorsion harmonique élaborées par des professionnels, dont c’est le métier de tous les jours dans leur laboratoire. Et comme leur expérience est riche, leur avis précieux sur le casque vous sera aussi délivré. Elle n’est pas belle la vie ?
On commence donc avec la réponse en fréquence du K812, suivie de celle du K702 :
On peut constater un clair lien de parenté entre les deux casques, et une certaine signature sonore AKG. Un bas du spectre assez linéaire et un haut du spectre développé. Première constatation sur le K812, le bas n’est pas tout à fait le même entre les deux canaux gauche et droit. En effet, le canal droit a environ 2 dB de plus sur tout le registre grave (entre 50 et 400 Hz), chose qu’on ne retrouve pas sur notre K702. C’est donc une première petite déception. On retrouve aussi un creux assez prononcé entre 2 et 3 kHz allant jusqu’à –6 dB, fréquences assez primordiales au mixage. Le K702 a lui aussi une variation dans ces fréquences haut-médiums, mais jamais au-delà de +3 et –2 dB. Dans le registre des hautes fréquences, si le K702 a une belle bosse dépassant légèrement les 6 dB entre 6 et 10 kHz, le K812 monte carrément jusqu’à +10 dB à 10 kHz. Sur l’ensemble du spectre, le K812 est clairement moins plat que son petit frère K702. Si pour une écoute récréative, cela nous promet de bons moments, nous sommes moins convaincus en situation de mixage.
Voici ensuite le taux de distorsion harmonique des deux casques :
Ici aussi nous avons une petite surprise, avec une distorsion harmonique moindre sur le K702, quels que soient la fréquence et le niveau sonore. Si les deux casques ont le mérite de rester sous les 2 % sur l’ensemble du spectre à 83 dB, on ne peut pas en dire autant du K812 à 93 dB qui laisse poindre des pics entre 2 et 4 kHz et dans l’extrême grave. Le K702 n’a donc pas à rougir face à son grand frère, bien au contraire.
Écoute
Il est temps maintenant de passer à l’écoute.
Johnny Cash – Hurt
À l’écoute, sur cette chanson de Johnny Cash, il y a clairement un lien entre ces deux casques AKG, l’image sonore et la dynamique nous semblant équivalentes. Néanmoins, que ce soit sur la guitare acoustique ou la voix de Cash, la plus grosse différence entre les deux références se fait sentir dans la zone des 1/1,5 kHz. En effet, le K702 a une bosse de 3 dB tandis que le K812 a un creux de –6 dB, ce qui fait pas loin de 9 dB d’écart à certaines fréquences. Il en résulte un son un peu plus creusé et moins « dans ta face » sur le K812. La gorge et la nasalité de Cash sont plus en avant sur le K702, tandis que le K812 laisse plus de place au coffre, aux sibilances et à l’air. Si les deux casques sont très agréables à l’écoute, il nous semble que le K702 tend à moins flatter l’oreille en laissant transparaitre ces fréquences souvent un peu « dures », mais ô combien nécessaires lors du mixage.
Gorillaz – Feel Good Inc
Sur cette chanson, on profite du bas du spectre un peu plus développé du K812, et c’est très agréable, d’autant plus que le tout reste très lisible. Néanmoins, la différence entre les deux casques reste relativement subtile, et si le K702 demeure plus avare en basses fréquences, elles restent aussi très précises. Sur les médiums et les aigus, le creux des 1 kHz se fait clairement ressentir sur le K812, avec des voix et certains instruments plus creusés, plus distants. Si l’écoute générale est très agréable sur le K812, car jamais agressive et pourtant assez détaillée, elle nous semble plus réaliste sur le K702. Même si parfois la réalité est un peu plus dure à entendre !
Michael Jackson – Liberian Girl
On termine avec ce morceau de Bambi, doté d’une nappe dans l’intro du morceau qui ne nous permet pas forcément de départager les deux casques qui ont, rappelons-le, un haut du spectre très développé. C’est donc très détaillé sur les deux casques, pour notre plus grand bonheur. Quand la voix de Michael Jackson arrive, le K702 tire clairement son épingle du jeu en la faisant très bien ressortir et de manière naturelle, lorsque le K812 la retranscrit de manière un peu plus désincarnée, plus fantomatique. Cela est principalement dû à l’équilibre des fréquences médiums par rapport aux deux extrémités du spectre. D’une manière générale sur ce morceau, le K702 agit plutôt comme une loupe, permettant d’écouter avec plus de précision certains éléments, tandis que le K812 reste dans une écoute plus agréable et récréative.
Pour résumer, le K812 nous semble un peu moins orienté mixage que son petit frère le K702, possédant des médiums plus équilibrés par rapport au reste du spectre. Il faut en revanche avouer que le K812 s’est révélé être toujours très agréable, que ce soit d’un point de vue du son que du confort général, avec beaucoup d’air et pas mal de détail dans le haut spectre. Mais vous l’aurez compris, il nous semble que le K702 tient mieux la route pour tout ce qui touche au mixage et la production sonore.
Conclusion
On s’attendait à un « super » K702 et nous nous retrouvons finalement avec un casque qui a clairement un lien de filiation, mais qui propose au bout du compte une philosophie assez différente. En effet, il reste légèrement déséquilibré dans le milieu et le haut du spectre, et ses performances audio n’enterrent pas vraiment son petit frère pourtant bien moins onéreux. L’écoute est en revanche toujours agréable et détaillée tandis que le confort demeure tout simplement parfait. Son look et sa qualité de fabrication excellente ne trahissent pas ses origines bourgeoises, et c’est pourquoi nous le conseillerons plutôt à l’amateur de musique fortuné qu’au home-studiste désireux d’avoir un retour sans fard de sa production musicale. L’un cherche un outil de travail, et l’autre cherche tout simplement à se faire plaisir.