Lancé comme remplaçant du Sennheiser HD 380 PRO, casque assez classique de monitoring professionnel, le HD 300 Pro est arrivé entre nos mains pour un test. Visant un public de professionnels du son, et appartenant au haut de gamme Sennheiser (199 € sur le site du constructeur), le casque frappe par son aspect robuste et sans fioriture. Ses performances sonores seront-t-elles à la hauteur ?
Déballage
On note immédiatement le caractère assez banal de l’emballage, une boîte en carton sans fioriture, comme c’est aussi le cas pour le célèbre HD 25 ou le HD 280, tous les deux moins chers, chez le même constructeur. Côté accessoires, là aussi c’est assez léger : un adaptateur jack 3,5 mm > 6,3 mm… et c’est tout ! Le casque est repliable, mais aucun sac n’est donné pour le ranger. Ha si ! Il y a une petite bande velcro fixée sur le câble pour pouvoir l’attacher une fois roulé.
Parlons justement du câble: il fait 1,5 m de long, est droit avec une mini-torsade juste sous l’oreille, et n’est retirable qu’à l’aide d’une clef ou d’un tournevis Torx (vis étoile). Le point positif c’est donc qu’il est remplaçable en cas de panne, et ce n’est pas en tirant fort dessus qu’on risque de casser son système d’attache. Malgré cela, on pense que le constructeur aurait pu trouver un compromis plus aisé pour un usage quotidien, ou au moins un format de vis plus courant.
Sennheiser annonce un produit conçu pour des utilisateurs professionnels (c’est dans le nom du casque) et pensé, entre autres, pour le monitoring live (il est écrit sur la boîte : « cuts through the loudest environments »). De ce point de vue, les chiffres annoncés sont plutôt engageants, avec une bande de fréquences très étendue, de 6 Hz à 25 kHz, et une très bonne isolation sonore une fois le casque sur nos oreilles (en plus de coussinets circumauriculaires très confortables).
L’impédance assez peu élevée – 64 Ohms – et le niveau de pression acoustique de 108 dB SPL en font un casque assez adapté à une écoute nomade, dans la rue ou les transports en commun. Attention, toutefois, le casque est un peu lourd (297 g) et, malgré un arceau bien rembourré avec une mousse retirable, le HD 300 PRO peut générer une certaine fatigue physique à la longue.
Du point de vue de sa construction, Sennheiser s’en tient, comme dans des casques de gamme plus moyenne, à du plastique, mais il convient de noter qu’il est très épais, et a l’air vraiment robuste. En revanche, nous devons signaler que le casque que nous avons reçu pour le test présentait un écouteur bloqué dans l’arceau, impossible à régler. Cela ne laisse pas augurer un excellent contrôle qualité.
Benchmark
Si vous êtes un habitué de ces tests, vous le savez déjà : nous avons mis en place un protocole de mesures objectives, afin de compléter l’écoute comparative subjective. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquences et du taux de distorsion harmonique (THD), réalisées à l’aide d’une tête artificielle et de matériel de mesure de laboratoire.
On est presque sur un profil en V ! Ici, on sent le constructeur qui chercher à suivre la mode « post- Beats » des grosses basses très présentes (très probablement augmentées par la technologie fermée). Au moins, on peut s’attendre à un bon casque pour juger du mixage des basses, kicks et tubas. Après un plateau de 50 Hz à 100 Hz, on amorce une descente progressive qui donne vraiment la part belle au bas-médium. On finit par une chute dans le haut-médium (avec quand même 12 dB de différence entre 50 Hz et 5 kHz), ce qui va donner nécessairement un casque orienté vers le bas, avec des voix très profondes, et ne manquant pas de coffre. À 5 kHz, le spectre fait une remontée pour aboutir à une seconde série de bosses, moins affirmées que celle des basses. Il tient la route jusqu’à 15 kHz, avec une déviation des voies importantes après ce point.
Le constructeur annonce une distorsion inférieure à 0,1% à 1 kHz. Les mesures effectuées par Sonarworks ne sont pas loin des chiffres annoncées, même si le niveau de THD mesuré est un peu plus élevé. On remarquera le peu de distorsion dans l’aigu, malgré la bosse remarquée ci-dessus. On s’attend donc à des aigus très précis. Dans le grave, la distorsion est plus présente comme c’est souvent le cas, mais reste dans des proportions tout à fait normales.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. On entend bien le profil descendant que révélaient les mesures : beaucoup de grave et de bas médium. Résultat, la voix du crooner de Sheffield est très timbrée, avec une belle puissance sonore. En revanche, sur la guitare, les bas médiums noient un peu les coups de médiator et le haut du spectre. De la même façon, sur le chant, l’articulation est un peu étouffée, et la réverbe est moins mise en avant. Une fois que la contrebasse est entrée, une certaine impression de lourdeur trainante se fait sentir dans le bas du spectre.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutés par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Là aussi, à l’écoute le grave est un peu trop présent : les harmoniques aigus sur les notes basses, les attaques… Tous ces détails ne sont pas mis en valeur, même si on remarquera que le casque descend jusque dans l’infrabasse sans fléchir. L’attaque du kick se retrouve un peu noyée dans tout ce grave. En revanche, la voix est bien timbrée, avec une bonne clarté de l’articulation, à peine écourtée dans l’aigu, tout comme le shaker qui ressort bien du mix.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. L’infrabasse du kick est vraiment là, mais encore une fois l’équilibre du casque joue en faveur du grave, et noie un peu la lisibilité du reste. La bosse au dessus de 5 kHz ne suffit pas à apporter la précision nécessaire pour bien entendre les articulations du phrasé vocal. Le résultat très punchy, avec plein de basses ronflantes, est un peu trop flatteur à l’oreille si l’on voulait juger de l’équilibre du mix.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Ici encore, le grave surligné du casque nuit à la lisibilité dans les parties les plus touffues : le trombone contrebasse mange le sax baryton et surtout, la contrebasse elle-même devient difficile à suivre sur les passages les plus foisonnants. C’est typiquement le genre de morceau sur lequel un casque avec un grave un peu plus coupé fait des merveilles, le HD 300 Pro est à l’opposé complet de ce genre d’esthétique.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 mins. La courbe assez spécifique du casque donne de très beaux timbres à toutes les percussions résonnant dans les médiums (tam-tam et gong par exemple). On trouve quand même que la puissance des fréquences basses noie un peu la réverbération de la salle. Bon point : rien à redire sur l’image stéréo des instruments, mais le manque de définition du son de la salle fait perdre certains détails dynamiques.
Conclusion
En conclusion, même si l’on peut se réjouir de voir Sennheiser proposer un casque que les caractéristiques physiques (robustesse, isolation phonique) et électroniques (impédance, sensibilité) prédisposent à l’utilisation dans des environnements divers (prise en studio, monitoring sur plateau), il n’est pas moins décevant de lui découvrir une signature sonore un peu brouillonne, avec une réponse en fréquences qui nous a paru trop déséquilibrée pour une écoute analytique, lors d’un mixage par exemple.