Associé au fameux Dr Dre, le Beats Pro de Monster est un vrai succès populaire : Phénomène de mode ou nouvelle référence ? C’est là la question…
Qu’un fabricant de câbles audio et hi-fi commercialise une gamme de casques n’a rien d’étonnant en soi : c’est ce qu’on appelle diversifier ses activités. Mais que le plus cher des casques de la marque soit endorsé par le célèbre producteur hip-hop Dr Dre et que, malgré ses 400 €, il devienne un vrai phénomène de mode, c’est déjà plus étonnant. En quelques mois, le Beats Pro, tout comme ses petits frères moins onéreux, est en effet devenu une référence populaire, qu’on trouve sur quantités de têtes dans la rue, malgré son prix et son label ‘Pro’. Il faut dire que le Beats a quelque chose que les autres n’ont pas : un look. En vis-à-vis des designs old-school 80’s qu’on voit ici et là chez AKG, Sennheiser ou encore BeyerDynamic, Monster a en effet essayé de faire un casque à l’apparence différente, dispo en blanc comme en noir, avec un petit B rouge design sur chaque écouteur, et des matériau qui, de l’alu brossé de l’arceau au cuir des oreillettes, respire la qualité.
Une belle bête dans un bel écrin
Monster a aussi visiblement tiré des leçons du marketing façon Apple : le Beats arrive dans une belle boîte bien lourde, avec un conditionnement parfaitement étudié et son lot d’accessoires. Outre les petites notices qui vont bien, on trouve ainsi dans la boîte un étui souple de transport, et même un petit chiffon antibactérien pour essuyer le casque. Ce sens du détail dans le packaging comme dans les accessoires se retrouve évidemment aussi sur le casque lui-même. Parmi les bonnes idées, on notera le fait que le cordon rouge puisse se brancher soit sur l’écouteur droit, soit sur l’écouteur gauche, via un minijack avec loquet de sécurité. De l’autre côté du cordon, après une petite partie en spirale, on trouve un minijack coudé et même une petite attache en caoutchouc à laquelle est fixée l’adaptateur vers Jack 6,35. C’est bien vu, car c’est toujours le genre d’accessoire qu’on cherche sans savoir où on l’a mis…
|
Le casque lui-même est relativement lourd, ce qui plaira à certains et déplaira à d’autres, mais confortable de mon point de vue, et surtout, il respire la solidité avec ses épaisses parties en alu brossé. Chaque écouteur peut être replié, ce qui sera pratique pour le transport ou pour une écoute façon DJ, et le réglage de l’arceau comme le jeu des écouteurs permettent de l’ajuster efficacement à n’importe quelle tête.
Bref, c’est beau, bien construit, bien pensé et bien emballé dans un bel emballage, comme un produit Apple. Seul reproche toutefois, Monster n’a pas jugé nécessaire de fournir des oreillettes de rechange, sans doute parce que celles du Beats Pro sont lessivables… À voir sur la longueur donc si ce choix est judicieux.
L’écoute qui coûte
Passé le plumage, voyons le ramage, car si Monster a rendu une très bonne copie sur le plan du design de produit et du conditionnement, il s’agit de voir comment le fabricant de câbles s’en est tiré concernant l’essentiel : la qualité audio. Comme d’habitude sur AudioFanzine, l’écoute se fera à partir de morceaux de référence, en comparaison avec un autre casque, en l’occurrence un Ultrasone Pro 900, fermé lui aussi et vendu au même tarif que le Beats.
Lou Reed – Walk on the wild side
Les basses sont énormes et cela ne concerne pas que la contrebasse qui doit faire 12 mètres de haut : les balais, les guitares, la charley ou les voix de Lou Reed comme de ses choristes gagnent en épaisseur dans le bas, par rapport au rendu du Pro 900, qui n’a pourtant pas la réputation d’être anémique sur cette partie du spectre. Le problème, c’est que dans le même temps, les aigus sont relativement ternes : ça manque d’air et c’est assez préjudiciable pour entendre certaines attaques ou certaines queues de réverbes. L’écoute n’est pas désagréable pour autant, car les aigus, tout comme le haut médium, ne sont pas agressifs pour un sou et que le grave flatte l’oreille. Reste que ce gros bas occupe un peu trop de place pour ne pas être préjudiciable au reste.
The Raconteurs – Consoler of the lonely
À côté du Beats, l’Ultrasone a l’air d’un MDR-7506 qui n’épargne aucun détail douloureux dans le haut de ce morceau mixé dans le rouge. Certes, c’est plus agréable dans le Beats, notamment sur les voix saturées qui sont assurément moins agressives, mais au prix de quelle perte de détail ! Le tambourin présent sur le pont disparait quasiment du mix, ce qui n’est pas admissible pour un casque à 400 € qui se veut pro. Les réverbes trinquent encore, ce qui est manifeste sur le manque de relief des voix qui discutent en intro de la chanson, qui sont aplaties pour le coup. Bref, le Beats, s’il contient le côté agressif de la chanson n’apporte pas grand-chose avec sa grosse voix, et masque même pas mal de choses…
Pink Floyd – Time
Si avec le Pro 900, les sonneries du début sont une vraie souffrance, le passage passe mieux avec le Beats, assurément moins agressif. On retrouve les mêmes choses observées sur les autres morceaux : un bas tellement en avant que les rototoms deviennent des gros totoms et qu’ils masquent des aspects du morceau. Ici, c’est l’orgue de l’intro qui en fait les frais et peine vraiment à se faire entendre alors qu’il est parfaitement distinct sur le Pro 900. Et les aigus ? C’est encore la même chose, en retrait de sorte que le relief du morceau en prend un coup : les instruments sont moins distincts les uns des autres et forment un magma sonore dont il est dur de tirer quelque chose.
Gorillaz – Feel Good Inc.
Ce serait mentir de dire que sur ce type de chanson, la grande gueule du Beats dans le bas n’est pas agréable : c’est comme écouter un bon vieux Cypress Hill sur l’autoradio d’un Hummer, avec les boomers qui sautent sur la plage arrière. Sauf qu’à bien y regarder, on perd là encore du détail sur le reste du spectre : les 'chapata’ de Damon Albarn sur le riff d’ouverture perdent à l’occasion certaines de leurs syllabes, tandis que les guitares acoustiques du break sont moins distinctes elles aussi, notamment au niveau des attaques. Globalement, tout ça manque d’air… Seul avantage de la chose, les sifflantes qui ne pardonnent pas sur l’Ultrasone Pro 900 ne sont en rien gênantes ici. C’est un confort pour l’écoute mais certainement pas pour faire du tracking ou du mixage…
Richard Strauss – Also sprach Zarathustra
Pas de problème pour tenir la note basse de l’orgue en intro du morceau, mais tout se gâte lorsqu’arrive le reste de l’orchestre : entre les aigus ternes et les basses proéminentes, les instruments sont ramassés les uns sur les autres, moins distincts, façon Gloubiboulga planqué derrière les timbales qui prennent plus que jamais le pouvoir. Et qu’est-ce que ça manque d’air !
Conclusion
Le Beats a le look, c’est indéniable et, même si le petit côté Bling Bling de son cuir blanc ne plaira pas à tout le monde (encore qu’il existe un modèle noir), la qualité des matériaux employés, le confort du casque et les accessoires fournis comme le packaging sont là pour justifier qu’il soit vendu 400 €. Après, du côté son, c’est plus embarrassant… Entre un bas hypertrophié et des aigus à la ramasse, ce Beats n’est certes pas une torture pour les oreilles mais n’est pas loin d’être une aberration au niveau du porte-monnaie, du moins pour un travail en studio. De fait, il n’a pas grand-chose à faire valoir face aux produits concurrents qu’on trouve chez AKG, Beyerdynamic ou encore Ultrasone, si ce n’est d’avoir bénéficié d’un marketing innovant réussissant à faire passer le casque audio dans le domaine des accessoires de mode tout en soutenant, grâce à un endorsement malin, que c’est bien parce que c’est cher…
À ce sujet, Dr Dre est sans l’ombre d’un doute l’un des plus grands producteurs hip-hop que la terre ait jamais porté mais j’ai beau avoir un immense respect pour l’homme comme pour son oeuvre, je serais curieux de savoir dans quel contexte il utilise ce casque ‘professionnel’ qui gomme tant de nuances, de détails, juste pour faire boom boom en bas de façon déraisonnable. Toutefois – et c’est toute la beauté du Marketing – on imagine bien que Bon Jovi n’a jamais conduit la Volkswagen Golf qui porte son nom…