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Test de la Cort Arona 5 - Un pavé et un simple dans la mare

Award Qualité / Prix 2012
2012
Qualité / Prix
Award

Sortie discrètement cet été, la Cort Arona nous laisse l’occasion de passer pour la première fois la marque en banc d’essai.

Fruit de la colla­bo­ra­tion de la maison alle­mande Sand­berg et du fabri­cant Coréen, l’Arona se propose en boutique en dessous des huit cents euros : un design Euro­péen pour un rapport qualité-prix Coréen. L’op­por­tu­nité était trop belle pour être manquée et je suis certain que vous êtes quelques-uns à avoir déjà remarqué la belle en rayon. Je suis donc content de la tester pour ceux qui n’au­raient même pas encore eu le temps de la poser sur leurs genoux.

Un million de guitares par an

Cort Jack Westheimer

Derrière la compa­gnie Coréenne, fondée en 1973 sous le nom Yoo-Ah (“You and I”) se cache une des éminences grises à l’ori­gine du Boom de la guitare élec­trique ou du moins, de sa démo­cra­ti­sa­tion : Jack Westhei­mer. En 1956, ce dernier est employé chez un grand fabri­cant de maté­riel spor­tif (la World­wide Spor­ting Goods Company) qui, en pleine débâcle avec les syndi­cats natio­naux, décide de faire fabriquer une partie de son cata­logue de gants de base­ball au Japon. Après un chan­ge­ment de direc­tion au sein de la société, son ancien direc­teur Bill Barnett et Jack Westhei­mer se retrouvent sans emploi. Bill décide de creu­ser l’offre nippone pour y trou­ver des produits à impor­ter aux USA, dans des domaines pluri­dis­ci­pli­naires. De là où le soleil se lève, il envoie régu­liè­re­ment à Jack des échan­tillons, afin que ce dernier les teste sur le marché : du maté­riel de pêche aux produits élec­tro­niques en vogue, tout est bon pour tenter la demande améri­caine. Et c’est une paire de Bongos qui va lancer les deux asso­ciés dans le commerce des instru­ments de musique: sans trop y croire, Jack Westhei­mer prend la route avec cet échan­tillon et arrive à en vendre deux mille unités, entre Chicago et New York. Cette commande sera le ticket d’en­trée des deux asso­ciés dans l’im­por­ta­tion de percus­sions fabriquées au Japon (chez Pearl), commer­cia­li­sées sous la marque King­ston.

Ce cata­logue de bongos puis de batte­ries se vendant bien, ils ne tardent pas à diver­si­fier les impor­ta­tions en commençant par une ligne de ukulé­lés fabriqués à Nagoya puis un cata­logue de guitares sous la marque Cortez, dès 1960.

Durant les sixties, Cortez profite de l’énorme demande en guitares. Le phéno­mène commer­cial est telle­ment consé­quent que même des géants tels que Fender ou Gibson ne peuvent combler le marché. Cette fenêtre profi­tant au low-cost japo­nais, cette période est faste pour Jack Westhei­mer et Bill Barnett. Mais ce dernier, atteint de troubles cardiaques, laisse son compère aux commandes de l’en­tre­prise pour affron­ter une période sombre.

En 1969, le marché de la guitare se trouve saturé par une chute des ventes et en 1972 le président Nixon aban­donne l’éta­lon or. Le taux de conver­sion du Yen se libère pour augmen­ter immé­dia­te­ment, faisant monter en berne le prix des impor­ta­tions. Alors que la concur­rence ferme rideau, les marques de l’écu­rie Westhei­mer tiennent le cap pour prendre de nouvelles direc­tions. En 1970, une série limi­tée de guitares King­ston sont fabriquées en Corée du Sud par la Sodoo Piano Company. Quand cette société est disloquée en 1973, le fils de son patron, un certain Yung H. Park se rapproche à nouveau de Jack Westhei­mer pour fonder la Yoo-ah Company qui engen­drera la marque CORT. D’une petite fabrique, la marque passera au statut de géant de la guitare en sous-trai­tant pour de nombreuses marques et en mettant sur le marché des instru­ments au rapport qualité-prix attrac­tif. Profi­tant d’une hausse des tarifs japo­nais et d’une délo­ca­li­sa­tion de sa produc­tion qui s’étend en Chine et en Indo­né­sie, la marque CORT s’em­pare du marché en produi­sant plus d’un million d’uni­tés par an. Une perfor­mance commer­ciale certaine d’un point de vue finan­cier. Sur le plan humain, la note est plus salée : de nombreux ouvriers coréens se trouvent lésés par cette suite logique et impla­cable du marché inter­na­tio­nal.

Créa­ture des Marais

Cort Arona 5

Notre Indo­né­sienne (native de la région de Surabaya, si je ne m’abuse) s’ins­pire libre­ment de la Sand­berg Bullet. Elle est consti­tuée d’un corps en frêne des marais et dispose pour cet essai de cinq cordes. S’of­frant à moi dans une fini­tion mate “open pore” d’une couleur allant du marron au rouge sombre, tirant presque vers le pourpre, ce modèle se propose aussi en noir High Gloss et avec une corde en moins. En fait on m’a proposé de la tester en version quatre cordes, mais comme j’avais le choix, je n’ai pas pu résis­ter à l’ap­pel obscur du Si grave.

À ceux qui la préfé­re­raient en noir, je préfère vous préve­nir de toute décon­ve­nue : une fois vêtue de sa robe sombre, la belle verra son cœur chan­ger en aulne. Ce qui pour des raisons de fini­tion est tout à fait compré­hen­sible : Pourquoi cacher les veines d’un frêne sous une couche de pein­ture unie ? Comme les Indo­né­siens sont préve­nants ! Ou peut-être est-ce là un coup des Alle­mands… Avec ce genre de métis­sage, il est parfois diffi­cile d’at­tri­buer les lauriers à qui de droit. Par contre, comme je connais bien les produc­tions de la marque teutonne (cf. test de la Sand­berg Cali­for­nia) et celles de chez CORT (que j’ai vendues par rayons entiers à l’époque où j’oeu­vrais en boutique), je n’au­rai aucun mal à révé­ler la pater­nité de l’Arona.

Même s’il est ques­tion d’une basse coréenne qui ne porte pas de coupe mulet, qui ne conduit pas de grosse berline à plus de cent soixante kilo­mètres/heure sur auto­route et qui ne voue aucun culte à David Hasse­loff, il faut avouer que cette basse à presque tout d’une Alle­mande.

Cort Arona 5

Je m’ex­plique de haut en bas en commençant par le manche : aucun autre ne s’en approche chez CORT. ça n’est pas la matière qui fait sa singu­la­rité, puisqu’il se consti­tue d’érable et de palis­sandre, ce qui n’a en soi vrai­sem­bla­ble­ment rien d’ex­cep­tion­nel. Mais c’est avant tout ses mensu­ra­tions excep­tion­nelles qui font de lui le fruit d’une concep­tion d’outre-Rhin.

Un radius excep­tion­nel­le­ment plat de quinze pouces et trois quarts, une largeur de manche dite « broad­neck » (4,5 mm au sillet et 6,4mm à la douzième) qui permet de retrou­ver un espa­ce­ment de quatre cordes sur un manche de cinq, une frette zéro (conso­lide l’as­sise des notes jouées en corde à vide), un profil en C avec un dos parti­cu­liè­re­ment plat pour asseoir le pouce. Il n’y a pas à pinailler, c’est vrai­ment un manche de Sand­berg, auquel on a ajouté une tête de CORT Arti­san. Les méca­niques à bain d’huile sont d’ailleurs estam­pillées du logo de la marque alle­mande.

Cort Arona 5

Au sujet du corps à la carrure massive, mais à l’épais­seur raison­nable, on notera une parfaite tenue de l’in­cli­nai­son de l’ins­tru­ment assis comme debout. Les chan­freins de table sont vrai­ment les bien­ve­nus, que ce soit pour l’avant-bras droit ou même la main gauche qui accè­dera parfai­te­ment aux aigus grâce à un ingé­nieux prolon­ge­ment du pan coupé infé­rieur. Les micros reprennent une confi­gu­ra­tion chère à Sand­berg, employant un pavé Music Man renforcé par un micro Jazz Bass. Tous deux sont bardés de plots de 9,5 mm pour atomi­ser le son. La marque incon­nue de ces derniers (Deso­nic by Delano), laisse devi­ner une licence paral­lèle des plots magné­tiques, à l’image des MK2 by Barto­lini qui équipe la gamme Arti­san chez CORT. Enfin, l’élec­tro­nique affiche un système actif-passif, équipé d’un volume géné­ral, d’une balance et de deux bandes passantes.

Se faire mordre les tympans

Une fois le jack connecté et les mains échau­dées, on se rend vite compte du carac­tère trempé de l’Arona. Son grain est réso­lu­ment moderne, entre le son de la MTD de Juan Nelson, le rugis­se­ment d’un fauve et la dyna­mique de la Thumb Bass de Ryan Marti­nie.

Cort Arona 5

Utili­sés de manière isolée ou en colla­bo­ra­tion, chaque micro remplit sa fonc­tion géogra­phique tout en impri­mant au profil sonore de l’ins­tru­ment, une sacrée touche de tueuse aux crêtes acérées. Atten­tion, ne vous mépre­nez pas chers lecteurs de mon cœur, je ne suis pas en train d’écrire que l’Arona sonne comme une basse de death métal, loin de là. Mais elle a assez de mordant pour trans­for­mer la concur­rence en trou­peau de rumi­nants à poil doux, en plus d’avoir un grain réso­lu­ment contem­po­rain. Ce qui ne l’em­pê­chera pas de passer partout et surtout à travers le mix, car l’ins­tru­ment reste une solu­tion poly­va­lente tant que l’on ne cherche pas un grain placide. Pour illus­trer la chose, j’ai enre­gis­tré une petite ligne de Blues toute bête en prenant l’Arona à contre-emploi. Il aurait été plus conven­tion­nel de la jouer Funk ou Rock, mais j’étais curieux de l’en­tendre sur une ligne pépère. Je vous conseille de faire de même lors de l’es­sai d’un instru­ment : pour éprou­ver la poly­va­lence d’une basse, jouez là où on ne l’at­tend pas.

1 Micro Grave
00:0000:23
  • 1 Micro Grave00:23
  • 2 Micro Aigu00:23
  • 3 Deux Micros00:21
  • 4 Media­tor00:19
  • 5 Slap00:20
Cort Arona 5

Le rendu ne mettra pas forcé­ment tout le monde d’ac­cord, mais person­nel­le­ment, j’aime beau­coup. La tenue du Si grave est tout simple­ment excep­tion­nelle pour un instru­ment de ce prix. Je joue sur cinq cordes depuis main­te­nant plus de dix ans et je suis très diffi­cile sur ce point. Selon moi, une basse qui embarque une corde supplé­men­taire, si cette dernière n’est pas perti­nente, donnera immé­dia­te­ment envie d’user d’une pince coupante. Et sur le marché, je trouve qu’il y a trop de décli­nai­sons en cinq cordes super­flues : on essaye à tout prix d’adap­ter un modèle à la demande en Si grave, sans prendre le temps de lui donner une assise opti­male. La plupart du temps, on se retrouve avec une corde molle, un grain qui perce, mais sans volume, ou son contraire (du volume certes, mais un grain brouillon). Là pour moins de 700 €, je pense, sans trop m’avan­cer, que c’est le meilleur Si du marché.

Cort Arona 5

Alors qu’est-ce qui fâche me deman­de­rez-vous ? Je n’ai pas grand-chose à redire : l’Arona est très facile à jouer, son large manche permet de s’ex­pri­mer à l’aise, avec un vrai écar­te­ment entre les cordes (ce qui change de la donne habi­tuelle chez CORT), elle est légère, son grain est fort plai­sant, elle a une bonne petite gueule et ne coûte pas bien cher au regard de ce qu’elle a à propo­ser. J’ai pour­tant une remon­trance prin­ci­pale et tout de même impor­tante : contraint de la régler avant d’en­re­gis­trer et après y avoir passé quelques temps, je n’ai pas pu atté­nuer certaines frises du manche et j’ai trouvé l’ac­tion du trucs rod plutôt moyenne (je ne suis pas très fan non plus de la pose des frettes). Tout ache­teur poten­tiel devra s’af­fran­chir de la chose, en lais­sant son acqui­si­tion quelques temps dans l’ate­lier de son maga­sin préféré pour un bon réglage. Pour­tant, je suis du genre à penser que les meilleures basses frisent toujours un peu. Mais là, il faudra quand même faire quelque chose, à moins de vouloir mettre une touche de cithare dans ses lignes de basse.

Et l’award du rapport qualité-prix revient à…

Je n’ai pas l’ha­bi­tude de remettre des prix, en plus le jury ici se limite à ma petite personne, il va donc me falloir assu­mer. Mais je dois affir­mer que la CORT Arona 5, malgré le défaut cité dans les lignes précé­dentes, se pose comme une cinq-cordes d’ex­cep­tion sur le marché du milieu de gamme. Pour moins de 700 € vous repar­ti­rez avec un bon gros Si grave, qui ne vous lais­sera jamais tomber quand vous en aurez besoin. Équi­pée d’un jeu de cordes stan­dard de marque d’Ad­da­rio, je vous conseille de passer sur un tirant un poil supé­rieur avec un bon 135, voire du 140 en Si. Avec ça et un bon réglage du manche, vous allez pouvoir jouir d’une excel­lente basse pour un prix fort raison­nable. Donc un Award pour bien commen­cer l’an­née et tous mes vœux de bonheur à l’en­semble du lecto­rat d’Au­dio­fan­zine pour les mois à venir.

Award Qualité / Prix 2012
2012
Qualité / Prix
Award
  • Un Si grave qui assure
  • Un grain contemporain de caractère mais polyvalent
  • Facilité de jeu et légèreté
  • Rapport qualité-prix
  • Manche bien large qui met à l’aise pour le jeu au médiator ou le slap
  • Réglage du manche et insert des frettes
  • Le carton, ça pollue
  • Gaucher passe ton chemin
  • Je n’ai pas trouvé de jeu de mots à faire en titre, je suis un poil frustré

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