Le mastering en ligne s'est aussi invité par chez Waves, la célébrissime marque aux 1000 plugins. Au programme, intelligence artificielle, acquisition et paramètres avancés, sur une interface plutôt convaincante.
Depuis le site de Waves, avec son fameux logo dont la forme d’onde dessine un W, on accède rapidement au service de mastering en ligne. Une fois sur la page Online Mastering, on découvre cinq onglets, dont deux qui nous font la promotion du service, en nous expliquant les spécificités de celui-ci et en compilant une myriade d’avis de professionnels et autres utilisateurs. Le constructeur nous explique avec conviction que son algorithme d’intelligence artificielle est en partie basé sur de l’acquisition. Waves, dans le monde du traitement numérique du son et du plugin, c’est un peu le Lee Cooper du Jean ; tout le monde dit que les plugins Universal Audio sont meilleurs, mais tout le monde continue d’utiliser certains outils de la pléthorique collection Waves. En tout cas, nous on continue…
La Nouvelle Vague
Nous allons tout d’abord jeter un œil sur l’onglet Pricing, afin de comprendre comment le développeur a pensé sa grille tarifaire. Waves Online Mastering propose ses masters à l’unité, par cinq, quinze ou soixante. L’unité est ici appelée un « crédit », et coûte 5,99$ HT si on n’en prend qu’un, 4,99$ HT si on en achète cinq, 3,99$ et 2,99$ en augmentant encore les quantités. Ce qui est un peu surprenant, c’est que le service ne semble pas être inclus dans les abonnements comme le Waves Ultimate. On s’attendait à ce que la marque utilise ce service comme appât, pour pêcher de nouveaux abonnés à l’année, mais on n’a pas trouvé trace de cela, et Online Mastering est une offre indépendante du reste. Assez rapidement, on tombe sur une information très intéressante : le type de fichiers pris en charge et généré par Waves est très varié. On peut téléverser du WAV, AIF, AIFF ou mp3, les fréquences d’échantillonnage acceptées sont 44,1, 48, 88,2 ou 96 kHz, les résolutions 16, 24 ou 32 bit. Les fichiers générés pourront être téléchargés en WAV ou mp3, avec les mêmes choix de fréquence d’échantillonnage et résolution. Il est rare de trouver autant de possibilités sur ce plan-là !
Waves à la page
On part en exploration avec la pré-écoute de trente secondes, et on peut déjà appréhender assez clairement les quelques options qui nous sont proposées. Sur cette pré-écoute, on retrouve une fonction qu’on aime particulièrement, le « volume match » qui nous permettra de comparer le master et le mix d’origine à niveau équivalent, et d’apprécier ainsi à quel point les dynamiques, l’équilibre des fréquences ou la largeur sont modifiés. Vraiment pratique ! En passant du master à l’original, on a parfois une mésaventure : on entend un effet de phase très perturbant, qui nous laisse penser que les deux fichiers sont en lecture simultanée. A priori, cela n’arrive que lorsque le volume match est sélectionné, mais globalement le passage du master à l’original rencontre quelques difficultés, quand on répète l’opération à intervalles trop réguliers. Tout de même, cela nous permet de bien entendre les trois propositions de « Style ». Du moins au plus compressé et modifié, on a le choix entre « Organic », « Precise » qui est sélectionné par défaut, et « Elevated ». D’un réglage à l’autre, le niveau moyen est de plus en plus fort, les dynamiques clairement réduites et la balance tonale un peu modifiée. On notera que le niveau LUFS n’est pas spécifié, et qu’il semble assez différent d’un style à l’autre. Quel que soit le style choisi, on a ensuite la possibilité d’ajouter un « Tone », ou même deux. Ici, les deux propositions se nomment « Depth » pour un ajout de basses fréquences, et « Presence » pour augmenter le haut du spectre. On a rapidement le sentiment que la « profondeur » ne descend pas très bas en réalité, mais gonfle une zone assez large des graves, et que la présence se situe plutôt dans les hauts médiums, ce qui a du sens au vu du mot utilisé. Encore une option intéressante, on a la possibilité d’insérer une référence : et là encore, une bonne surprise, les fichiers acceptés sont assez variés et incluent évidemment le WAV, mais aussi le mp3. Dans la section Reference, un bouton permet d’activer ou non la prise en compte de celle-ci dans la pré-écoute. On note également que la référence activée n’empêche pas le choix entre les différents styles ou égalisations. Cela fait peut-être beaucoup d’informations à prendre en compte pour obtenir un traitement cohérent, si on cumule tout cela, mais pourquoi pas…
En haut de la page mastering figure le fichier qu’on a téléversé et sur lequel on travaille, et à côté de son nom apparaissent les réglages choisis : O pour « Organic », P pour « Presence », R pour « Reference ». Au bout de la ligne, on trouve le bouton « Create Master » qu’on activera après avoir précautionneusement choisi les réglages adéquats. Une fois le master créé, on pourra le télécharger en choisissant le type de fichier et la résolution qui nous convient, qui pour nous sera WAV / 24 bit / 48 kHz, et on aura également l’occasion de le télécharger à nouveau plus tard dans un autre format, admettons en mp3, si on le souhaite. Les fichiers originaux et générés sont conservés par Waves pendant 180 jours, et donc téléchargeables à nouveau, à volonté… Vraiment pratique.
Pour tester différentes propositions, n’ayant que cinq masters possibles (budget oblige), voici ce que nous avons choisi. Sur la première chanson B.I.C. (hip-hop plutôt ancienne école, discours frontal et samples) on génère deux masters : le réglage par défaut « Precise » sans égalisation, et le plus compressé « Elevated » avec l’option « Depth ». Pour la deuxième chanson Shirt Off (pop-rock à guitare, que des prises instrumentales et un chant plutôt doux), notre master d’origine avait franchement valorisé les haut-médiums et la présence, on va donc tester la compression par défaut « Precise » avec la « Presence » ajoutée. Toujours sur cette même chanson, on choisit d’écouter aussi le réglage plus doux « Organic », et d’insérer une référence qui sera la chanson Loading Zone de Kurt Vile.
L’onde de choc
Après avoir créé la session pro tools pour pouvoir procéder à l’écoute comparative, nous allons commencer par calculer le niveau LUFS intégré de chaque version. Nous les ramenons ainsi à un niveau commun afin de pouvoir nous projeter dans une écoute de plateforme de streaming, c’est-à-dire qui comprend une normalisation à –14 dB LUFS (norme Spotify).
On se rend compte assez rapidement que les fichiers masterisés que nous a fournis Waves sont beaucoup plus forts que les –14 dB auxquels ils seront ramenés une fois envoyés sur les plateformes d’écoute. Aussi, ils sont étonnamment limités en court terme à –0,1 dB, ce qui ne correspond pas vraiment aux –1 dB préconisés par les plateformes pour éviter un ajout de distorsion harmonique lors de la normalisation. Finalement, les masters s’apparentent plutôt à des fichiers à destination d’un pressage physique de type CD. On signale au passage que la fréquence d’échantillonnage de téléchargement suggérée par défaut est de 44100 Hz, soit le format CD, alors que le service propose des fichiers jusqu’à 96 kHz.
On commence par B.I.C., notre morceau de Rap de Huckleberry Djinn, et le mode Precise proposé par défaut nous parait assez convaincant de prime abord. On sent une légère bosse dans le bas du spectre, plutôt contenue et musicale, ainsi qu’une ouverture vers les extérieurs de la stéréo qui rendent certains éléments d’arrangement et de production plus explosifs et présents. Les guitares et les percussions en sortent plus vives sans pour autant que ce soit agressif. La gestion des dynamiques nous paraît très adaptée au morceau et on ne ressent pas d’écrasement du mix dû à un limiteur qui aurait été excessif. Le style Elevated, auquel on a ajouté le correcteur de tonalité Depth nous semble excessif. Il pourrait certainement être à propos sur des morceaux dont les arrangements sont moins riches, et a tendance à écraser un peu trop certains éléments ou en faire jaillir d’autres. Le rajout dans le grave s’étend assez largement au bas medium et donne une sensation un peu lourde et boueuse au résultat. Ce choix n’était apparemment pas la bonne direction. Dans les deux cas (Precise et Elevated), quand on compare à notre version du master, on reste un peu sur notre faim concernant l’utilisation du M/S et la valorisation de ce qui se passe sur les cotés.
On continue sur notre lancée avec le morceau Shirt Off, de Manolo Redondo. En écoutant le mode Organic, on est très proche de notre mix tant en termes de dynamiques qu’au niveau de la balance tonale et le tout est très naturel. On se rapproche à s’y méprendre de notre pré-master, qui était le fichier de référence envoyé au studio de mastering. La version Precise, à laquelle on a rajouté la correction tonale Presence est simplement stupéfiante. On est vraiment proche de notre master et de ce qu’on attend sur ce morceau. La bosse dans le haut médium est peut-être un petit peu plus large et plus basse dans le spectre sur le résultat de Waves que sur notre master et le résultat est par conséquent légèrement plus doux, mais on n’est réellement pas loin. On juge utile de préciser qu’on avait indiqué à l’ingénieur du son qui a fait le mastering que l’on voulait du mordant et de la présence sur ce morceau. Enfin, on teste la version qui prend en compte notre fichier de référence Loading Zone. Il s’agit d’un master avec un gros niveau et des timbres plutôt fermés bien qu’assez dynamiques. Le service nous propose ainsi une nouvelle vision de notre morceau avec une balance tonale moins ouverte, mais qui reste très équilibrée et intéressante. On garde vraiment de belles transitoires malgré un spectre harmonique plus fermé, et on ne perd que très peu en nervosité, tout en respectant vraiment la référence et ses spécificités. Même s’il est souvent compliqué de trouver une référence en termes de mastering, et notamment avec des services algorithmiques qui s’en servent en acquisition, on a l’impression que cette fois-ci, cela fonctionne plutôt pas mal, et que l’on conserve du caractère et de la cohérence par rapport à la source, et à la référence.
Tous les fichiers en 48 kHz et 24 Bits sont dans le fichier archive suivant.
Conclusion
On a été agréablement surpris par la variété des fichiers pris en charge et générés, et enthousiasmés par l’interface très claire et bien pensée. Les fichiers générés sont, par leurs niveaux, plutôt proches de masters CD et il ne nous est pas proposé de format normalisé pour le streaming, ce qui est un peu regrettable. Le prix est plutôt dans la moyenne des autres services concurrents. Pour ce qui est du résultat sonore obtenu, il nous a semblé franchement satisfaisant ! Les différentes options sont claires et on pourra facilement trouver ce qui convient à chaque titre à l’aide de la pré-écoute.