Grand rival d’HALion et Kontakt, Falcon nous revient dans une version 2 encore plus complète.
C’est peu dire que le premier Falcon nous avait plu. Dans le sillage du MachFive qu’UVI développait pour MOTU autrefois, ce synthé/sampler avait tout sur le papier pour envoyer Kontakt et HALion dans les cordes, et même Omnisphere dans un autre registre, en combinant un langage de script très puissant et des outils de synthèse de premier ordre, le tout étant assaisonné d’une ribambelle d’effets d’excellente qualité. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si certains des meilleurs instruments virtuels de ces dernières années sont sortis sur la plateforme d’UVI (je pense notamment aux Rhodes et B-3 sortis par AcousticSamples).
En dépit toutefois de ses impressionnantes qualités, force est de reconnaître que Falcon n’était pas parfait dans sa première version. Sans lui reprocher de ne pas offrir l’écosystème foisonnant d’un Kontakt vivant grâce à des myriades d’éditeurs (ce qui est sans doute plus une question de puissance marketing et d’ancienneté sur le marché que de qualités techniques réelles), on conviendra que cette gentille usine à gaz était notamment très perfectible sur le plan de la banque de sons fournis (dépourvue totalement de sonorités ou d’instruments autres que synthétiques) et sur le plan de l’ergonomie.
Et ça tombe bien, car c’est d’abord sur ce point qu’ont porté les efforts des développeurs français.
La même ergonomie en un (petit) peu mieux…
On peut ainsi enfin redimensionner l’interface graphique, qu’il s’agisse de la rapetisser de moitié ou de l’agrandir au double de sa taille initiale. L’obligation de passer par un menu rend la chose un peu plus laborieuse que chez IK Multimedia par exemple, mais c’est une évolution à saluer à l’heure où les écrans 4K se généralisent.
Comptant parmi les choses les moins réussies du logiciel dans sa V1, le navigateur intégré a lui aussi été l’objet de quelques améliorations. Vous avez désormais la possibilité de mettre des presets en favoris et surtout un moteur de recherche en plus de la navigation par catégories. Tout cela améliore sensiblement l’ordinaire, même s’il reste bien du chemin à parcourir aux développeurs pour se hisser à la hauteur de ce qui se fait fonctionnellement sur ce plan chez les bons élèves. Pas de tags permettant une recherche multicritère, pas de similarité de patches, pas de préécoute audio d’un patch : on est loin de Komplete Kontrol ou d’Omnisphere sur ce plan et c’est bien dommage. En l’absence d’un véritable système de tags donc, le moteur semble assez rudimentaire par ailleurs : il va chercher dans le nom du dossier ou le nom du preset et c’est marre. « Evolutive » ne donnera ainsi aucun résultat sur la base…
Précisons-le aussi : ce moteur, comme l’intégralité de l’interface d’ailleurs, n’a fait l’objet d’aucune localisation (Si vous tapez « Bass », vous allez trouver des basses, si vous tapez « Basse », vous n’en trouverez aucune) tandis que la recherche se limite aux presets et aux samples. On ne dispose d’aucun moteur pour chercher rapidement dans les effets, multieffets, processeurs d’événement ou modulateurs. Et c’est encore une fois bien regrettable, car Falcon est particulièrement riche de ce point de vue et que la navigation par arborescence est laborieuse. Une dernière petite critique ? Le navigateur ne semble pas en mesure de lister les presets d’une banque additionnelle. Il est ainsi possible de retrouver tous les fichiers sources en WAV ou AIF d’un patch de Beatbox Anthology 2, mais pas le patch lui-même et il faudra ouvrir une instance de l’instrument pour accéder à telle ou telle boîte à rythmes qu’on aurait aimé avoir dès le navigateur de Falcon….
Bref, sur ce plan, Falcon 2 est mieux que Falcon 1.0. Mais très petitement mieux et on sent que ce n’est pas sur cet aspect, ni sur l’interface graphique qui demeure strictement la même, que les développeurs ont porté leurs efforts.
Et pourtant, il y en a eu des efforts et pas des moindres. Et pour cela, il faut aller voir ce qui se passe sous le capot.
L’essentiel est ailleurs
La liste des ajouts est en effet énorme si l’on s’intéresse aux différents nouveaux modules que propose Falcon 2, et cela commence par un tout nouvel oscillateur vous permettant…. de faire de la synthèse additive ! C’était en effet la grande manquante dans le Faucon qui, jusqu’ici, donnait pour l’essentiel dans le sampling évidemment (avec tout ce que cela implique de synthèse granulaire) et dans la synthèse soustractive à modélisation analogique, la synthèse FM, la modélisation d’orgue, la modélisation physique de cordes et la synthèse à table d’onde.
Vous aurez ainsi le moyen désormais de créer des sons, non en partant d’un matériau sonore à filtrer et traiter comme dans la synthèse soustractive, mais par l’addition d’ondes de base, au travers d’un module très bien foutu sur les plans fonctionnels comme ergonomiques : gérant jusqu’à 256 partiels, ce dernier vous permet d’obtenir simplement quantité de sons allant du très sage au plus barré en jouant sur la façon dont le logiciel génère des harmoniques par rapport aux ondes de base, sachant que tout cela est soumis à un filtre en peigne, un filtre analogique et un unison. En quelques potards, un monde de sons s’offre donc à vous, dont voici quelques exemples :
- AddToy00:11
- AddLead(2)00:11
- AddPad00:11
- AddSeq00:11
Si ce module demeure le plus gros ajout au rayon synthèse de cette version, il n’est toutefois pas seul et c’est ainsi que l’oscillateur à table d’ondes se voit augmenté d’une section FM qui permettra de moduler la table d’onde par une onde sinusoïdale, sachant qu’un paquet de nouvelles tables d’ondes ont été ajoutées par l’éditeur qui a travaillé avec les Français d’Expressive E sur ce point. Finissons avec la partie générateurs en mentionnant que les oscillateurs FM et Pluck ont eux aussi été améliorés, tandis que les excellents algos de l’IRCAM Stretch ont eux aussi été mis à jour.
Voici encore, pour le plaisir, quelques exemples audio et mises en situations :
Ça module et ça effecte !
Mais c’est également du côté des modulations qu’il se passe des choses intéressantes avec l’arrivée d’abord d’un LFO paramétrique qui permet d’obtenir des formes d’ondes autrement plus sophistiquées que le LFO traditionnel par le biais des réglages Shape, Pulse Width, Simmetry et Swing. Une très bonne chose sachant que, comme d’habitude, un simple clic droit sur la plupart des paramètres des modules permettra d’affecter ce dernier à ce nouveau modulateur et d’obtenir des choses très intéressantes.
Dans le sillage de cet ajout, le module Multi Envelope se dote par ailleurs d’une nouvelle fonctionnalité ô combien intéressante puisqu’en plus des nombreuses courbes prêtes à l’emploi, on peut désormais en générer une à partir d’un fichier MIDI… ou même audio ! La chose se fait par simple cliquer-déposer et ouvre là encore des perspectives réjouissantes puisque vous pourrez définir sur quel aspect du son se base l’enveloppe ainsi générée (niveau RMS, transitoires, etc.). Vraiment excellent même si l’opération a vite fait de générer des enveloppes très complexes, et parfois trop complexes, de sorte qu’on apprécierait de disposer d’un réglage de simplification qui fusionnerait les points les plus proches, ou pour le moins d’un système permettant la sélection multiple de points. Enfin, comme on sait que l’IRCAM dispose de ce genre de technologie, on ne cracherait pas non plus sur la possibilité de pouvoir générer une enveloppe à partir de la hauteur des notes contenues dans le fichier audio…
Gageons toutefois qu’entre les nouvelles possibilités du Multi Envelope et le LFO paramétrique, Falcon est passé dans une autre dimension sur son versant Modulation et on en est ravi. Et on peut en dire tout autant de la section d’effets qui au fil des dernières mises à jour a accueilli pas moins de 12 nouveaux venus. Ils sont en effet venus, ils sont tous là ! Tout ce qui pouvait manquer à la première version de Falcon a été ajouté, complété ou amélioré, ce qui passe par des choses classiques mais ô combien utiles (Digital EQ, Digital Filter, Track Delay, rack MaxMS, Phasor, Phasor Filter, Tape Echo, Fuzz4, Diode Clipper, Frequency Shifter), par des petites tueries issues des plug-ins maison (le simulateur de Leslie Rotary ou le chorus Thorus, figurant tous deux parmi les meilleures réalisations du marché dans leurs catégories respectives) mais aussi des choses un peu plus exotiques comme le Sallen Key Filter, un filtre dont le cutoff suit les notes et enfin Formant Crusher, un bitcrusher couplé à un filtre résonnant pour agir sur les formants (idéal pour faire une talk box cradingue). Additionnés à tout ce dont on disposait déjà en V1, on se retrouve ainsi à la tête de plus de 90 effets, de sorte que rien ne semble manquer. Et plus important la qualité est là.
C’est enfin du côté des générateurs MIDI qu’UVI nous ravit avec son Faucon puisque les modules d’événements ont peu à peu accueilli tout ce qui manquait au logiciel en V1 : cela de va de choses convenues mais bienvenues comme un séquenceur à pas, un Chord Bank, un délai MIDI Delay ou un Velocity Remapper, mais aussi deux séquenceurs euclidiens pour les sons percussifs ou tonaux. Et il suffit d’y gouter pour se dire qu’on voudrait avoir ça dans tous les synthés, voire toutes les STANs, car c’est là un moyen simple et intuitif de générer des motifs très sophistiqués.
Bref, une source inépuisable d’inspiration qui vous fera rentrer de plain-pied dans les joies de la polyrythmie…
- euclidtonal00:08
- euclidrums00:30
Finissons ce tour du propriétaire en soulignant que le soft gère désormais le format Anamark pour le micro accordage, s’avère compatible avec le protocole MPE cher à Roli et se voit livré avec quantité de nouveaux presets exploitant touts les nouveautés apparues au fil des mises à jour. Finissons surtout en soulignant l’argument massue d’UVI :
FALCON 2 EST GRATUIT !
Enfin, pour les possesseurs de la V1 s’entend ! Mais à l’heure où certains concurrents n’hésitent pas à faire repasser l’utilisateur à la caisse pour trois pauvres nouveautés (suivez mon regard), cette générosité est à montrer en exemple, ce qui n’empêche pas quelques critiques.
Lettre au père Noël pour Falcon 3
En plus des remarques faites plus haut sur la navigation dans les modules et presets du logiciel, on déplorera que le soft tourne toujours le dos au format NKS. On comprend bien évidemment que Native et UVI sont concurrents, tout particulièrement sur le marché des synthés/samplers, mais il n’empêche qu’en l’absence d’outils permettant de gérer facilement la richesse de Falcon, cela manque.
Quitte d’ailleurs à parler de concurrence, on soulignera la fait qu’en dépit des Teraoctets de samples qu’UVI a à son catalogue, les presets livrés avec Falcon donnent une vision bien réductrice de ce dernier, non qu’ils soient de mauvaise qualité, mais qu’ils soient orientés vers des sonorités synthétiques uniquement. Sampler à script extrêmement puissant, Falcon est capable de bien plus que ce qu’on nous montre ici et il serait judicieux de la part d’UVI de piocher dans ses banques d’instruments acoustiques pour le doter d’une banque un peu plus généraliste, à l’image de ce qu’on trouvait autrefois dans la banque Plugsound…
Enfin, parce que l’éditeur est français et que la documentation de ses produits est en général remarquable (et c’est particulièrement le cas pour celle de Falcon), on apprécierait que tout cela soit traduit en Français en plus de l’interface…
Conclusion
Gageons toutefois que ces quelques lacunes facilement corrigibles ne nuisent en rien à l’attractivité de Falcon qui s’avère si complet, puissant et bien réalisé (cela vaut pour sa stabilité comme pour sa consommation CPU) qu’il pourrait être le seul et unique instrument virtuel de beaucoup de musiciens, qu’on considère dans la catégorie sampler ou synthétiseur. À bien des égards en effet, et notamment sur le plan fonctionnel, il tient la dragée haute aux principaux samplers du marché que sont Kontakt et HALion, qui sont moins aboutis mais proposent en revanche plus de contenu et, pour le cas de Kontakt, un écosystème largement plus développé. Côté synthé pur, on tiendra le même discours, car avec l’ajout de la synthèse additive, Falcon compte parmi les plus complets du marché et n’a pas à rougir face à un Omnisphere par exemple, si ce n’est encore une fois du côté de la banque fournie et de quelques aspects ergonomiques.
La balle est donc dans le camp d’UVI pour asseoir définitivement son logiciel sur le trône des instruments virtuels, sachant qu’il le mérite vraiment !
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