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Interview / Podcast
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Interview de Skalp (Rohff, Booba, Corneille) - Interview : Skalp

Skalp, un homme dont beaucoup ignorent le nom, mais dont tout le monde connaît le travail. Un artiste aux sonorités diverses et variées allant du rap américain ultra produit à la musique africaine traditionnelle, ses influences vont de Rod Temperton à Timbaland en passant par, Giorgio Moroder, Eric Serra, Quincy Jones, Cerrone, Jean Michel Jarre, Police ,Yann Tiersen, DJ Premier, Teddy Riley, Dr Dre, Michael Jackson et Stevie Wonder. Le réalisateur de disques nous a accordé une interview et nous parle de son parcours, de son matériel, de sa vision de la musique, du rap et du RnB français en 2009 ainsi que du piratage musical.

Interview de Skalp (Rohff, Booba, Corneille) : Interview : Skalp

Skalp, un homme dont beau­coup ignorent le nom, mais dont tout le monde connaît le travail. Un artiste aux sono­ri­tés diverses et variées allant du rap améri­cain ultra produit à la musique afri­caine tradi­tion­nelle, ses influences vont de Rod Temper­ton à Timba­land en passant par, Gior­gio Moro­der, Eric Serra, Quincy Jones, Cerrone, Jean Michel Jarre, Police, Yann Tier­sen, DJ Premier, Teddy Riley, Dr Dre, Michael Jack­son et Stevie Wonder. Le réali­sa­teur de disques nous a accordé une inter­view et nous parle de son parcours, de son maté­riel, de sa vision de la musique, du rap et du RnB français en 2009 ainsi que du pira­tage musi­cal.

 

Audio­Fan­zine : Pour les lecteurs qui ne te connaissent pas, pour­rais-tu te présen­ter en quelques mots et citer quelques-uns des projets les plus connus auxquels tu as parti­cipé ?

Skalp : Pour me situer en quelques projets : le premier album de Rohff « La vie avant la mort » avec « TDSI » et « 5.9.1 », la bande origi­nale et l’ha­billage sonore de Taxi 3 avec 2 gros singles « Qu’est ce que tu fous cette nuit » et « Humphrey » avec Busta Flex, le titre « Match Nul » avec Eloquence Kayliah, des prods sur l’al­bum Panthéon de Booba, « Raï'n’B Fever volume 1 » avec « Sobri », « Un gaou à Oran » avec Magik System et 113, « L’Or­phe­lin »(Willy Denzey), « Just married » avec Relic, le premier album d’Amine, « Ronde de nuit » sur Gomez et Dubois, « Vivons pour demain » de Leslie, « Show­biz », « Elle me contrôle » et « Pas sans toi » sur le 1er album de Matt Pokora, « Lais­sez nous vivre » avec Corneille… Attends… Je sais que j’en oublie plein (rires). Ah oui, il y avait une opéra­tion qu’on avait faite avec NRJ et le minis­tère de la santé, ça s’ap­pe­lait « Protec­tion rappro­chée », pour sensi­bi­li­ser les jeunes au port du préser­va­tif, l’al­bum de Tony Parker que j’ai réalisé entiè­re­ment, « Ferme les yeux et imagine-toi  » sur l’al­bum de Soprano, le morceau « Les cités d’or » sur le dernier album des Psy4 de la rime, « Clan­des­tino » l’an­née dernière avec Rim’k et Moha­med Lamine, l’al­bum de Don Choa… Enfin voilà, là tu as le prin­ci­pal, après il y a eu aussi des auto­prods à l’époque de mes débuts avec notam­ment Scred Connexion sur les titres « Money money » et « Trop saoulé ».

Le rassem­ble­ment

AF : Tu fais quelques titres sur plusieurs disques plutôt que des albums complets. Est-ce un choix ?

 

S : Je fais les deux en fait. Avant, quand j’étais asso­cié à Kore on travaillait pour divers artistes avec unique­ment quelques morceaux par album puis à côté on avait nos projets pour lesquels on réali­sait l’in­té­gra­lité de l’al­bum. Ensuite, lorsque l’on s’est séparé je n’ai pas pu travailler sur les albums comme je voulais, voilà pourquoi. Mais par exemple sur l’al­bum de Tony Parker j’ai fait presque tous les sons et là je lance deux artistes, Rick­wel et Awa Imani, et je ferai toutes les instrus sur leurs albums, plus mon album concept qui devrait sortir en 2009.

AF : Quel est ce concept ?

S : L’idée c’est le rassem­ble­ment. Pouvoir réunir des artistes inat­ten­dus, ça ne sera pas la play­list de Skyrock. Ce sera avec des gens que je connais, avec lesquels je suis en connexion, d’autres que j’ai connu parce qu’ils m’ont envoyé des maquettes sur ma page MySpace et aussi avec des artistes que j’ai rencon­trés à des concerts comme Keziah Jones. Je souhai­te­rai mélan­ger un Salif Keita avec un Soprano par exemple. Le projet s’ap­pelle « Afri­can Tonik » et le nom parle de lui même. Ca mêlera de l’Elec­tro/Dance et du Hip-Hop avec toutes les musiques issues du conti­nent afri­cain.

D’ailleurs, cet été j’ai balancé sur le net un morceau test « Chipeur arrête de chiper » avec Mory Kanté, Amine, Mokobe du 113 et DJ Raffa et sur YouTube on a eu plus de 2 millions de clics, ça passe sur Fun Radio alors qu’on a pas fait de promo, rien, c’était juste pour voir si le buzz prenait et c’est très encou­ra­geant. Faut pas hési­ter à mettre du son sur inter­net pour savoir comment on se situe, tous les artistes qui cartonnent travaillent beau­coup avec le net.

AF : Donc tu comptes être de plus en plus présent sur le net

S : Oui ! Là il y a la Skalp TV en prépa­ra­tion avec une ou deux vidéos par mois sur comment ça se passe en studio avec les artistes, comment on construit un beat, comment on travaille, tout ça. Y’a un gros aspect tuto­riel. Tu sais quand je mixais et que j’ai décou­vert les vidéos de Qbert ça m’a mis une claque, ça m’a remis en place, c’est le genre de trucs qui font que tu sais si tu dois conti­nuer ou t’ar­rê­ter et si tu choi­sis de conti­nuer, tu sais qu’il va falloir beau­coup travailler.

AF : Tu es plutôt un homme de l’ombre à la base, était-ce voulu ?

S : En fait, je n’ai jamais eu le temps de me montrer, j’ai toujours passé mon temps en studio et à travailler. Je n’ai jamais pris le temps d’al­ler en soirée, de faire autre chose que d’être à fond sur mes projets.

Mixtapes et banques d’ins­trus

AF : Quel est ton parcours ? Comment en es-tu arrivé là où tu es aujour­d’hui ?

 

S : Je mixais et faisais mes instrus dans ma chambre, à l’époque il n’y avait pas inter­net, tu ne pouvais pas entrer en contact avec les artistes. À part à la rigueur aux concerts, mais même, on ne t’ac­cor­dait aucune crédi­bi­lité si tu n’étais pas connu. C’était une époque où j’ache­tais beau­coup de vinyles, je me suis cultivé comme ça, avec du Pete Rock, Dj Premier, du Hi-Tek, etc., j’ai élargi ma culture Hip-Hop et RnB et je me suis retrouvé avec plein de disques. À ce moment-là, tout le monde dans mon entou­rage me deman­dait des mixtapes person­na­li­sées, ça me faisait plai­sir, ça me faisait la main, mais au bout d’un moment c’était trop. Donc un jour j’ai décidé d’en faire une vrai­ment bien, je l’ai passée à un mec et elle a été dupliquée à plus de 100 exem­plaires de la main à la main dans tout mon quar­tier. Ça m’a alors motivé à en faire une « offi­cielle » en 1998, qui s’est très bien vendue puis comme ça a marché j’en ai fait une seconde sur laquelle j’ai invité des rappeurs et que j’ai réali­sée de manière plus profes­sion­nelle. Parce que la première c’était une pochette impri­mée dans ma chambre, j’avais acheté des auto­col­lants, des cassettes en promo au super­mar­ché et je faisais la dupli­ca­tion moi même, cassette par cassette sur ma vieille chaine hifi !

Le volume 2 était donc plus pro et des personnes comme Busta Flex et Mokless de la Scred Connexion ainsi que d’autres du 93 étaient venus poser dessus. Ça m’a permis de rencon­trer plein de monde comme Diam’s et Sinik. Par la suite, j’ai voulu me déve­lop­per et j’ai réalisé que je ne pouvais pas tout faire seul donc j’ai cher­ché à monter un collec­tif comme « Double H » ou « Face B » et c’est là que je me suis asso­cié à DJ Kore qui était quelqu’un que je croi­sais souvent dans les maga­sins de disques. Nous étions les 2 plus gros vendeurs de mixtapes du moment, donc ça s’est fait natu­rel­le­ment.

Comme j’avais déjà une grosse banque d’ins­trus (plus de 200), on est allé démar­cher tout le monde, toute la scène Hip-Hop/RnB. Pendant un an et demi on allait à toutes les sorties de concerts, de soirées et de studios avec un lecteur mini­disc, une boite de MD, un casque et on faisait écou­ter nos sons aux artistes. Vers 2000 on a commencé à s’in­té­res­ser à nous, on a réussi à placer 2 instrus sur l’al­bum de Rohff (TDSI et 5.9.1.) et grâce à ça on a signé en édition chez Sony ATV Publi­shing par le biais de Nizard Bacard.

De là tout s’est accé­léré, on avait des studios à dispo­si­tion dans le bâti­ment de Sony et en 2001 et 2002 on y était 24/24. Tous les artistes qui passaient dans les bureaux venaient nous voir et enre­gis­traient : Disiz la peste, la Fonky Family, Passi, Jimmy Sissoko, Big Soul, Souad Massi, Amine, Sefyu, Luna­tik, Diam’s, Faudel, Nâdiya Leslie … C’est là que tu évolues en tant que beat­ma­ker et que tu deviens un réali­sa­teur, tu maîtrises ta session, tu homo­gé­néises le travail, comme le font des gens comme les Neptunes, Timba­land, JR Rottem ou Dr Dre, mes modèles.

À cette époque on a envoyé une démo à Europa Corp, la boite de produc­tion de Luc Besson, quand on a entendu dire que Taxi 3 se prépa­rait. On n’a eu aucune réponse. Un an et demi après, ils nous rappellent, nous fixent un rendez-vous et là ils avaient déjà synchro­nisé dix morceaux sur les images, on a hallu­ciné. Ils nous ont proposé de colla­bo­rer, on a bien entendu accepté et là ça a été l’ex­plo­sion, on avait alors vrai­ment le vent en poupe. Ensuite, plutôt que dépen­ser notre argent en futi­li­tés, on a investi dans un gros studio d’en­re­gis­tre­ment et monté un label « Artop Records », depuis je n’ai jamais cessé de travailler. Ce n’est pas pour me vanter mais depuis 2001, j’ai toujours au moins un titre en rota­tion sur les ondes.

Ce fut le moment où on a lancé le style Raï'n’B, qu’on peut compa­rer d’une certaine manière au Reggae­ton. Les popu­la­tions latino-améri­caines et magh­ré­bines ayant beau­coup de simi­li­tudes cultu­relles, avec le Raï'n’B il y a eu le même mélange entre les genres musi­caux et les cultures qu’avec le Reggae­ton. À la base personne n’y croyait, mais ce sont des gens comme Faudel et Corneille qui nous ont soute­nus et permis de mener à bien le projet. C’était en 2003 et ça a vrai­ment cartonné en France, en Europe et Magh­reb, c’était très fédé­ra­teur. Les gens aiment les mélanges de genre. C’est mon expé­rience en tant que DJ qui m’a donné cet état d’es­prit, mettre ensemble des choses anciennes et des modernes. Quand je vois que sur un de mes sons ma mère danse et qu’un jeune danse aussi, mais façon tekto­nik, ça me fait plai­sir et ça m’éclate. C’est ce même état d’es­prit fédé­ra­teur que je souhaite insuf­fler dans mon projet « Afri­can Tonik ».

Une armée de plug-ins

AF : Avec quel maté­riel travailles-tu ? Quel est ton setup ?

 

S : En fait, j’ai plusieurs setups. Dans celui de base, je séquence avec une MPC 2000 ou 4000 qui contrôle plusieurs racks et expan­ders. Selon le style musi­cal, je vais utili­ser diffé­rents outils. S’il s’agit de Rap ou de RnB, je vais par exemple utili­ser le Motif ou le Triton. Sinon je possède un Korg TR en rack, un Fantom et un XV-5080 de chez Roland, un Virus C, un Waldorf Micro Q qui est extra et un Andro­meda d’Ale­sis qui est une machine rela­ti­ve­ment rare et qui apporte son origi­na­lité dans les morceaux. Tu as vrai­ment l’im­pres­sion de toucher de l’in­édit, je m’en sers pour agré­men­ter les morceaux, pour donner de la largeur, une petite touche, mais je ne le maîtrise pas énor­mé­ment, j’ai­me­rai m’en servir plus dans mes prods. Sinon j’ai un MiKo et un Apple G5 bipro­ces­seur avec Logic 8 et une armée de plug-ins. Je travaille de plus en plus avec Logic car ça me permet un contrôle plus aisé des machines ainsi qu’une palette sonore plus large même si j’uti­lise toujours la MPC pour les beats ne serait ce que pour le grain. Bien sur tu peux obte­nir ce même grain en travaillant unique­ment avec des logi­ciels, aujour­d’hui il n’est plus force­ment néces­saire d’avoir un ASR-10 pour avoir du bas.

AF : Quels sont tes plug-ins favo­ris ?

S : Je suis un grand fan du Vanguard de ReFX, c’est un truc de fou, la qualité, la patate, la largeur, tu peux tritu­rer, t’as vrai­ment l’im­pres­sion de bosser avec de l’ana­lo­gique. J’adore tout ce qui sort de chez ReFX, Slayer, Nexus, Quadra­SID… J’aime bien Real Guitar 2, Gladia­tor de chez Tone2, Gene­sis qui est un VST injus­te­ment méconnu et le Sylenth. Là ça va faire 6 mois que je suis bluffé par Addic­tive Drums, je l’uti­lise pour certains sons et c’est vrai­ment lourd. Je cher­chais des sons typés Motown et avec la version Retro j’étais esto­maqué.

AF : Tu utilises aussi les grooves inté­grés ?

S : Non, par fierté je tiens à faire mes rythmes moi même. Mais c’est toujours pratique de pouvoir écou­ter les sons de la banque mis en place, ça permet de se rendre compte de comment ils sonnent. Mais bon, si un jour je n’ai plus d’idées, peut être que j’irai m’ins­pi­rer des grooves qu’ils proposent, mais bon je n’aime pas aller à la faci­lité. Je respecte des gens comme DJ Mehdi, que j’ai vu travailler sur Taxi 3, qui bosse à fond et qui peut passer 4 heures sur une boucle puis appe­ler des musi­ciens pour complé­ter le son. Même si pour ma part, je préfère faire les choses seul et me monter des défis en me disant que tel instru­ment je vais le repro­duire avec des plug-ins.

Sinon j’uti­lise aussi Kontakt avec des banques d’échan­tillons telles que les cordes de chez VSL, c’est très réaliste, les arti­cu­la­tions sont vrai­ment dange­reuses. Mais je n’en suis encore qu’à l’ap­pren­tis­sage, car il faut vrai­ment avoir un certain niveau de maîtrise de l’or­ches­tra­tion pour plei­ne­ment les utili­ser. Il y a aussi le Miro­slav Philar­mo­nik d’IK Multi­me­dia que j’ap­pré­cie.

Pour les lignes de basse, j’uti­lise Trilogy de Spec­tra­so­nics qui sonne très live, la basse du Proteus 2000 d’E-MU, celles du Virus C et la « Fret­less » du Motif qui, comme tous les sons de cette machine, se marie aisé­ment avec tout. C’est la force du Motif, le son seul sonne très synthé­tique, mais il se combine faci­le­ment, le carac­tère est très mains­tream. Mais j’uti­lise de nombreux plug-ins pour les basses comme le Sylenth, un de chez Nova­tion ou many­bass… Ca dépend, c’est du tritu­rage.

Les gens veulent que ça cogne

AF : Et comme effets ?

 

S : J’uti­lise la réverbe de Logic, la Space Desi­gner, j’aime beau­coup mettre de la réverbe sur les instru­ments acous­tiques virtuels, j’ai aussi l’Al­ti­verb 5, j’ap­pré­cie parti­cu­liè­re­ment les réverbes à convo­lu­tion. J’uti­lise aussi des flan­gers, des phasers, des distos, j’ex­pé­ri­mente toujours en chaî­nant jusqu’à 5/6 plug-ins pour créer un son. J’aime beau­coup le Pitch Blen­der d’Even­tide et les TL Audio que j’uti­lise dans Pro Tools. Je mets aussi souvent des plugs comme le L1 et le L2 de chez Waves ou les Flux sur la tranche Master pour faire mon maste­ring.

AF : Ah ? Tu mets un L2 sur le master d’un son qui va sortir dans le commerce ?

S : Ah oui ! Carré­ment ! Si ça sonne comme ça, que la maison de disque l’a validé comme ça, parfois il ne faut pas cher­cher à remas­té­ri­ser à tout prix. Mais je pense que le maste­ring est une étape qui peut être appe­lée à dispa­raître pour certains styles musi­caux. Les beat­ma­kers et compo­si­teurs actuels qui utilisent des logi­ciels poussent le son au-delà du mix, ils se font des maste­rings pour se donner une idée et ils progressent.

Pour en reve­nir aux logi­ciels, j’uti­lise aussi le C4 de Waves pour faire ressor­tir certains éléments. Sinon le plug que j’adore mettre sur le Master c’est le Master X3 de chez TC Elec­tro­nic, c’est vrai­ment un de mes favo­ris pour boos­ter et homo­gé­néi­ser le son, c’est assez magique. Il y a aussi les émula­tions UAD qui sont excel­lentes. Les autres émula­tions n’imitent pas vrai­ment bien, ça sonne, mais je les consi­dère comme des modules à part entière. Avec les plugs UAD, tu retrouves vrai­ment la couleur et le grain des machines origi­nales, tu as l’im­pres­sion que tu as le maté­riel avec toi.

Sinon pour la disto, j’aime le Slayer de ReFX, Guitar Rig 3, auquel je reproche de ne pas aller assez à l’es­sen­tiel, Ampli­tube 2 et Trash de chez Izotope. J’aime aussi beau­coup Ozone du même éditeur.

J’uti­lise beau­coup de plug-ins diffé­rents, je n’hé­site pas à tout essayer pour trou­ver le son que je cherche.

AF : Quel est ton avis sur l’hé­gé­mo­nie du son surcom­pressé ?

S : C’est une évolu­tion du son, c’est une étape. Les gens veulent que ça cogne. Avant tout était conven­tion­nel, les ingés étaient dans des concepts très défi­nis. Désor­mais, on va plus loin, on pousse les limites. On entend une produc­tion sonner d’une certaine manière, on va immé­dia­te­ment essayer de faire mieux, les choses bougent très rapi­de­ment. On tient aussi énor­mé­ment compte du support sur lequel les gens vont écou­ter, il s’agit prin­ci­pa­le­ment d’au­to­ra­dios, de chaînes assez basiques et de bala­deurs.

Mais après la guerre du volume, ça va être la guerre des basses, c’est ce que tout le monde est amené à travailler. Ça ne va pas forcé­ment être à outrance, mais c’est un point qui revient en avant. C’est encore une ques­tion de maté­riel d’écoute, la tendance est à la popu­la­ri­sa­tion du cais­son de basse, on en trouve, à l’ins­tar des États-Unis, de plus en plus dans les voitures et désor­mais beau­coup de petites enceintes multi­mé­dias sont vendues équi­pées d’un cais­son.

On est passé de la culture « Poum Tchak » à la DJ Premier, Pete Rock et autres où il fallait que ça claque, à celle du « Boom » où il faut que ça « bounce », notam­ment parce que les gens s’équipent diffé­rem­ment.

En tout cas dans mes mixs, je prends toujours en compte comment les gens écoutent la musique, que ce soit sur leurs enceintes d’or­di­na­teur, dans leur voiture ou en boite de nuit.

Mais au niveau du son, tout va très vite, il n’y a plus de limites quel que soit le style. Avant c’était des gens comme Prince ou Björk qui se permet­taient des choses, main­te­nant c’est beau­coup plus ouvert, on expé­ri­mente plus volon­tiers. Écoute « Sexy Back » de Justin Timber­lake, la voix a été satu­rée, il y a divers effets. Il y a moins de barrières des genres.

Bouge ton body baby sur le dance­floor

AF : Que penses-tu de la santé du Rap français actuel­le­ment ?

 

S : Il s’est passé beau­coup de choses. La musique en géné­ral entre dans une nouvelle ère, rien qu’au niveau de l’ap­proche du public. Les gens doivent chan­ger leur manière de penser les albums et la promo et dans le rap français il y a beau­coup de gens qui ne savent pas travailler. Leur démarche est trop bour­rin, il faut reve­nir à certains fonda­men­taux. Le Hip-Hop est une musique conçue pour réunir, pour faire passer des messages et pour cela il n’y a pas que les radios et inter­net, il y a aussi les concerts, il faut aller à la rencontre des gens. Et d’ailleurs, ceux qui ne bâclent pas cet aspect sont ceux qui s’en sortent le plus. Des rappeurs comme Rohff, Soprano ou Sefyu, c’est par leurs concerts et leur proxi­mité avec le public qu’ils se sont construits, ce n’est pas grâce à la maison de disque.

Il faut aussi savoir se démarquer, tout le monde ne peut pas avoir le même texte. Au niveau des plumes, je dois avouer que je ne suis pas fan de rap français, je suis très rare­ment aux anges, il y a des sujets, pour moi ce sont des faits divers qui ont été trop rabâ­chés. Aujour­d’hui les jeunes sortent, ils veulent s’amu­ser, c’est l’époque de l’en­ter­tain­ment. Il y a toujours les frac­tures sociales, bien sur, mais en cette époque de crise écono­mique les gens ont besoin de baume au coeur. Et puis il faut arrê­ter de se plaindre, il y a bien pire, le délire cité/street/ghetto, faut arrê­ter. Ils font des inter­views avec des chaînes, des Nike Air, ils montrent qu’ils ont un mini­mum. Mais quand ça sort de ces clichés, je suis client. J’aime bien, par exemple, Keny Arkana, Soprano, Medine, Blacko de Sniper, Kery James, La Fouine, Sefyu… J’aime aussi Grand Corps Malade, c’est poétique et c’est du rap même si musi­ca­le­ment je n’ac­croche pas.

AF : Et qu’en est-il du RnB français ?

S : La scène RnB en France arrive tout juste. En fait, jusqu’à présent on n’a eu que du RnB variet’. Aujour­d’hui beau­coup se calent sur le modèle améri­cain et arrivent à atteindre un certain niveau en termes de chant et de musique, mais le point faible reste les textes. On sait faire la musique, on compose une mélo­die voix en faisant du yaourt et dès qu’on commence l’écri­ture des textes ça devient moins évident. Jusqu’à présent on a toujours fait appel à des gens issus de la variété et du coup on n’a pas le même RnB qu’aux US.

Quand tu écoutes Vitaa ou Sheryfa Luna, c’est de la variété française pour les jeunes, ce n’est pas du RnB, regarde l’éty­mo­lo­gie du terme, ça n’a rien à voir. Mais ce n’est pas péjo­ra­tif de dire que c’est de la variété pour les jeunes, c’est une musique popu­laire, mais pour moi ce n’est pas du RnB.

De toute façon, ici tu ne peux pas faire des paroles à l’amé­ri­caine à base de « bouge ton body baby sur le dance­floor », ça saoule les gens, on accorde de l’im­por­tance au texte. Les gens ont besoin d’être touchés par le texte, aux États-Unis tu peux dire n’im­porte quoi, les gens s’en fichent, c’est le pays du catch (rires). Ici, on veut de l’en­ter­tain­ment ET du texte. Tu peux bien sur faire sans mais tu ne tien­dras pas et ne vendras pas beau­coup. Regarde Corneille, il a des textes de qualité et il a vendu 1 million d’exem­plaires de son premier album.

Mais la société évolue, le métis­sage avance et cela apporte à la musique, au cinéma, à la culture. Petit à petit on accepte de plus en plus de choses, les gens vont commen­cer à sortir plus aisé­ment de leur contexte, même si ça reste encore très diffi­cile. Par exemple, prends le dernier album de Nata­sha St Pier. Elle a fait un disque moderne et inté­res­sant, avec des sons un peu à la Timbo mais ça ne marche pas comme ça devrait. Les gens attendent d’elle de la grosse variété, son single ne cadre pas avec ce que les médias souhaitent diffu­ser, donc ils ne jouent pas le jeu. Les menta­li­tés sont très cloi­son­nées. Aux États Unis, tu vois des mères de famille danser sur du 50cent, des mamies avec des t-shirts G-Unit ou Rocca­wear. En France, si tu vois une maman avec un t-shirt Unküt, tu vas penser qu’elle l’a emprunté à son fils!

Le robi­net a été ouvert en grand, c’est trop tard

AF : Que penses-tu du pira­tage musi­cal sur inter­net et de la crise du disque ? Ainsi que des réponses propo­sées comme la riposte graduée et la taxe sur la copie privée.

 

S : En tant qu’ac­teur du monde de la musique en France, je prends en compte ces para­mètres et même si c’était un phéno­mène annoncé depuis long­temps, personne ne s’at­ten­dait à une crise aussi violente. Ca a mis un coup sévère à l’in­dus­trie, mais il faut savoir s’adap­ter à tous les chan­ge­ments et faire avec. Il ne faut pas se plaindre et cher­cher à arrê­ter le pira­tage. Le robi­net a été ouvert en grand, les gens sont habi­tués, c’est trop tard. D’ailleurs, je pense que c’est un motif d’achat d’or­di­na­teur aujour­d’hui, je suis sûr que s’il n’y avait pas le pira­tage on en vendrait moins et il y aurait moins d’abon­nés à inter­net. Il y a des gens, tout ce qu’ils savent faire avec c’est télé­char­ger et graver, ils se fichent des forums, de msn et du reste.

Ce qui est vrai­ment regret­table c’est que les plate­formes de contenu comme YouTube, Daily­mo­tion et autres s’en mettent plein les poches sans être bridées ni inquié­tées alors qu’elles ne respectent pas les droits des artistes. On veut couper les accès inter­net des gens, leur coller des amendes alors que de l’autre côté on ne fait que leur tendre du contenu. Si YouTube et autres me payaient au prorata de toutes mes oeuvres qu’ils diffusent, ça compen­se­rait large­ment la perte liée au pira­tage. D’ailleurs, ils devraient rému­né­rer tous les artistes, même le type qui fait une vidéo marrante, car c’est aussi une créa­tion, une perfor­mance, des centaines de milliers de personnes vont la voir, pour­tant il ne touche rien, à long terme ce n’est pas normal. Bien entendu, le point posi­tif est que n’im­porte qui peut faire sa pub. Mais l’idéal serait un juste milieu, que ce soit ces plate­formes qui nous permettent de mieux diffu­ser du contenu exclu­sif et que ce soit elles qui payent, pas les gens.

L’autre problème c’est le prix des disques. L’État taxe avec les TVA, mais nous taxe-nous aussi sur les reve­nus géné­rés par le disque, c’est trop, ce n’est pas possible, il faut réduire les taxes.

Ceci dit, quand tu es bon, que tu travailles, les gens achètent. Regarde Alain Souchon et Seal qui sont en ce moment en tête des ventes ou Johnny Hally­day, ils ont des carrières. Une carrière ce n’est pas un ou deux albums. Ceux qui sont là depuis long­temps, ils vendent quand ils sortent un disque. Regarde Rohff, il a vendu 55000 albums dès la première semaine, sans passer à la télé ni sur toutes les radios, c’est très fort!

Le plus impor­tant c’est de travailler sans se brider, de faire de bons albums et de rester proche des gens.

  • AfkaT 122 posts au compteur
    AfkaT
    Posteur·euse AFfiné·e
    Posté le 17/12/2010 à 09:31:09

    Skalp un des hommes qui a le plus contribué a pourrir une culture par le commerce et qui vient en plus se justifier. Sacré époque...

  • Rock-Tare =*) 19 posts au compteur
    Rock-Tare =*)
    Nouvel·le AFfilié·e
    Posté le 18/07/2011 à 11:15:30
    En tout cas, son avis sur le business de la musique est réaliste! Les majors se foutent pas mal de la carrière d'un artiste, c'est le profit et les chiffres qu'il génère qui les intéresse! On dirait qu'ils font des études marketing constemment sur le rapport investissement/bénéfice. Les vrais artistes en France sont ceux qui ne misent pas que sur les médias de masse comme la télé et la radio. Ya que les vendus qui font ça et font un tube et on en entends plus parler l'année suivante, René la Taupe ne pourra pas me contredire. Soyons plus curieux et allons chercher la musique ailleurs qu'au supermarché!
    Inch' Allah!

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