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Interview / Podcast
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Interview de l'ingé son Hubert Salou (Voulzy, Kravitz) - Made In France : Hubert Salou

Bienvenue dans ce premier volet d’une série que nous espérons longue, intitulée injustement «Made In France» ! Dans cette série de rencontres et d’entretiens, nous reviendrons sur un certain nombre d’acteurs de la chaîne de production musicale française et vous ferons découvrir leur équipement, leurs méthodes de travail, et vous ferons partager leurs réflexions, leur position et leur regard sur un secteur en pleine mutation. Le premier à inaugurer cette série d’interviews est Hubert Salou.

Hubert Salou est avant tout un ingé­nieur du son et un réali­sa­teur aux multiples compé­tences, offi­ciant dans les studios d’en­re­gis­tre­ment depuis le début des années 90 et dans tous les styles : de groupes indés comme Wins­ton MacA­nuff, Camille Bazbaz ou encore Berline à la chan­son française (Alain Souchon, Nolwenn Leroy, Laurent Voulzy, Ycare), d’ar­tistes inter­na­tio­naux comme Lenny Kravitz à la musique afri­caine comme Mande­ka­lou, Thione Seck ou encore Alpha Blondy, en passant par la musique de film ou le jazz (Sixun, Stéphane Grap­pelli), Hubert Salou est à l’aise dans bien des registres.

Néan­moins, si l’en­re­gis­tre­ment et le mixage font partie de ses acti­vi­tés prin­ci­pales, Hubert Salou s’est décou­vert un véri­table penchant pour le maste­ring, qu’il peut désor­mais exer­cer au sein de son propre studio, le Studio Kash­mir. Et comme si cela ne suffi­sait pas, Hubert part égale­ment en tour­née assu­rer la façade des artistes avec lesquels il travaille en studio. Autant dire que notre inter­lo­cu­teur a une certaine expé­rience.

Entre­tien avec un ingé­nieur du son en perpé­tuelle évolu­tion.

LE STUDIO KASH­MIR

Bootz : Hubert, avant de commen­cer, parle-nous un peu de ton actua­li­té…

Hubert Salou

HB : Je viens de termi­ner le mixage et le maste­ring du prochain album d’Aman­dine Bour­geois, Sans Amour mon Amour (Sony), dont la sortie est prévue pour avril 2012. Avant cela, je me suis égale­ment occupé du mix et du maste­ring de l’al­bum d’Inna Modja, Love Revo­lu­tion (Warner), dont le single French Cancan a connu un beau succès l’an­née dernière. Et puis, il y a eu aussi le mix de la chan­son de 14 minutes « La Neuvième Croi­sade » et le maste­ring du dernier album de Laurent Voulzy, Lys et Love (Sony), ainsi que le maste­ring de l’al­bum live de Zaz (Play on) et de Amel Bent (Sony), entre autres. Sinon, entre de nombreux maste­rings, je suis en train de mixer le prochain album d’Alain Cham­fort (Mercury/Univer­sal). Tout ceci a été réalisé dans mon studio, le Studio Kash­mir.

Juste­ment, je voudrais que l’on parle un peu de ton studio, son origi­ne… À première vue, dans son ergo­no­mie et sa dispo­si­tion, ce studio fait vrai­ment penser à un studio de maste­ring. Comment l’as-tu pensé ?

J’ai toujours plus ou moins eu envie de faire mon propre studio. J’ai commencé à y penser sérieu­se­ment à un moment où je travaillais beau­coup, où j’al­ter­nais séances de studio et tour­nées et je voulais de toute façon avoir un endroit dans lequel je puisse faire des prods, enre­gis­trer des over­dubs, éditer, bref, faire des trucs que je pour­rais faire tranquille­ment chez moi, plutôt que de louer un plus gros studio pour ce genre de choses.

Studio Kashmir -Hubert Salou

Quand j’ai commencé à bosser avec Voulzy en 98, j’avais déjà mon propre Pro Tools. Tout se passait dans son studio et nous avons tout enre­gis­tré sur ordi­na­teur. En plus, à l’époque je m’oc­cu­pais aussi des program­ma­tions. À la fin de cet album (« Une fille d’avril », terminé en 2001 NDR), je suis retourné en studio commer­cial pour bosser avec Alpha Blondy, sur un album enre­gis­tré avec un Sony 3348… album qui a été nominé aux Grammy Awards. Déjà, au niveau de l’am­biance en studio, ça m’a fait « Whaouh » (mimant de se prendre une gifle, NDR) et musi­ca­le­ment comme d’un point de vue fréquen­tiel, ça m’a amené ailleurs. Mais en plus, bosser avec les 3348 en synchro avec le Pro Tools, faire les trans­ferts… Tech­nique­ment, ça n’était pas aussi simple pour moi que de bosser direc­te­ment sur Pro Tools ! Je me suis rendu compte que j’avais bien « swit­ché » sur l’or­di­na­teur et que, pour moi, bosser avec les bandes, c’était terminé. En dehors bien sûr des sessions où l’on va enre­gis­trer sur bande analo­gique des ryth­miques ou autres, ce qui est plutôt rare ces temps-ci en raison des budgets…

Malheu­reu­se­ment dans les studios commer­ciaux, le truc n’était pas encore vrai­ment devenu « stan­dard ». Et ce qui m’éner­vait le plus, c’était d’avoir l’écran de l’or­di­na­teur en dehors du champ des enceintes, à côté de la console, de passer d’une posi­tion à une autre, de travailler en étant mal assis, bref… Quand j’ai pensé le studio, il n’y avait que les murs, et je me suis dit : « OK, je bosse sur ordi­na­teur, je n’ai pas envie d’être mal installé, il faut que j’aie l’écran et le clavier au milieu, en face de moi, dans le champ des enceintes ». Après seule­ment s’est posé le problème de la console, parce que j’avais tout de même envie de bosser avec une console.

Néan­moins, je ne voulais pas forcé­ment partir sur une vieille console, pour laquelle tu as énor­mé­ment de main­te­nance à gérer, pour laquelle tu dois avoir une salle des machines, une clima­ti­sa­tion, parce que tu es obligé de la lais­ser allu­mée tout le temps… En gros, tu n’es pas encore rentré dans le studio que ça te coûte déjà 1000 € d’élec­tri­cité ! Et person­nel­le­ment, je ne voulais pas de ça non plus. Je voulais quelque chose d’hy­per fonc­tion­nel, avec l’écran au centre et une bonne écoute. La console sur le côté, c’est voulu aussi… Je ne passe pas 3 h à faire une EQ, ça doit me prendre, allez, je ne sais pas, 20 s et je suis même encore un peu devant les encein­tes… Pareil avec mes racks : je voulais qu’ils soient « flot­tants » car le plus impor­tant pour moi était d’être au centre de l’écoute.

À la base de toute façon, je voulais faire un studio dans lequel je n’al­lais pas forcé­ment travailler tout le temps, j’étais parti pour faire un petit studio, fonc­tion­nel, enfin un « petit studio »… Un truc hybride qui ne serait pas mon outil de travail prin­ci­pal. Et qui fina­le­ment l’est devenu !

Ce sont des outils, mais pas une fina­lité.

Et qu’est ce qui t’a amené à choi­sir l’API ?

Je ne voulais pas trop d’une SSL. Neve c’est pareil, certai­ne­ment plus pour des problèmes de main­te­nance parce que je ne voulais pas m’en­ga­ger dans quelque chose de lourd à gérer…

… Donc tu as acheté ta console neuve !

Oui, je ne voulais pas partir dans un truc trop « vintage » non plus, où tu trouves de moins en moins de pièces… Je ne suis pas fan du « vintage » à 100 %, parce que juste­ment j’ai quelques péri­phé­riques « vintage » et tu passes ton temps à les répa­rer… Fina­le­ment tu ne t’en sers pas parce que c’est toujours en rade ! (rires) Non j’exa­gère un peu, mais j’aime bien le mélange des deux mondes où tu te dis « OK, il y a la couleur vintage, mais au moins ça marche ! » L’API a une belle couleur sono­re… et une alimen­ta­tion stable. Alors après tu peux discu­ter et épilo­guer pendant des semaines sur « ah ouais, mais ça ne sonne pas comme l’ori­gi­na­le… » Honnê­te­ment, j’en ai rien à cirer, la console me donne un truc qui me plaît. L’ori­gi­nal fait peut-être un truc « bleu foncé » au lieu de faire « bleu clair » mais déjà le bleu je l’aime bien donc après… je m’en fiche un peu ! Et personne, fran­che­ment, ne saurait recon­naître la diffé­ren­ce… Qui peut entendre un disque et dire « ah ouais, là il y a un vrai Fair­child 670 ou une réédi­tion… » Parfois, ça sonne et tu ne peux pas savoir par quoi c’est passé, ce qui a été fait… Ce sont des outils, mais pas une fina­lité.

Studio Kashmir -Hubert Salou

Je voulais quand même me faire plai­sir, j’avais déjà du maté­riel quand j’ai fait le studio. Je suis asso­cié avec Franck Eulry (arran­geur et réali­sa­teur qui a long­temps travaillé avec, entre autres, Laurent Voulzy, NDR) et l’idée était d’avoir une console analo­gique. Je ne voulais pas d’une télé­com­mande Pro Tools parce que ça ne m’in­té­res­sait abso­lu­ment pas de payer une surface de contrôle pour avoir des boutons qui tournent et qui font un truc que tu peux faire dans un ordi­na­teur, ça coûte cher… enfin bref, ce n’était pas mon truc. Et puis ça voulait dire une console au milieu de la pièce donc, non, ça ne m’in­té­res­sait pas. Et puis l’idée d’avoir des modules qui font des choses diffé­rentes, mais de qualité, où chaque module est opti­mi­sé… plutôt que d’avoir une console où tu te dis « tiens, le moni­to­ring il est naze », tu vois ce que je veux dire ? Par exemple, sur les SSL, si tu prends la 4000, eh bien, le moni­to­ring, ce n’est pas de la bombe atomique…

Alors juste­ment, en parlant de moni­to­ring, il y a une section moni­to­ring sur l’API, mais je crois que  tu te sers du Grace Design, qui te permet du coup de gérer le 5.1…

Oui, le moni­to­ring de l’API est bypassé et j’uti­lise le Grace Design (m906 NDR) qui gère le 5.1 et toutes les sources (analo­giques et numé­riques) que je peux avoir dans le studio… En plus tu peux offset­ter toutes les sources numé­riques les unes par rapport aux autres, ça gère diffé­rentes écoutes stéréo et 5.1 avec possi­bi­lité de cali­brage d’écoutes et d’en­cein­tes…

… Donc tu peux écou­ter ton mix en 96 kHz et une source externe en 44,1?

Oui, je peux avoir le retour de mon système Pyra­mix en 96k et le Pro Tools qui lui revient en 44,1, tout ça en passant à travers les mêmes conver­tis­seurs du m906. J’écoute donc toujours les « mêmes sons ». J’ai toute ma biblio­thèque iTunes qui est connec­tée en numé­rique aussi donc quand j’écoute un CD de réfé­rence, j’écoute toujours le même conver­tis­seur. C’est un truc de maste­ring et, juste­ment, je voulais en faire donc je vois ça comme un « nodal de moni­to­ring » en quelque sorte. Quand je tourne mes mixes, le Mix Bus de l’API rentre dans le conver­tis­seur Lavry et j’écoute le retour numé­rique de mon Lavry, tout simple­ment, à travers le conver­tis­seur de moni­to­ring du Grace Design.

Mais d’après ce que je vois, dans ta somma­tion, tu n’as pas que l’API, tu as aussi un somma­teur Manley et un Chand­ler… Comment gères-tu ton l’as­si­gna­tion de tes pistes ?

Studio Kashmir -Hubert Salou

Effec­ti­ve­ment, j’ai deux autres somma­teurs qui arrivent dans l’API. Sur l’API j’ai déjà pre-câblé 16 compres­seurs sur chacune des 16 voies de la console donc en fait dans l’ordre j’ai les Daking, les LTD-2, en 5–6 c’est le Neve 33609, en 7–8 c’est le Alan Smart C2, le Chand­ler TG1 sur 9–10, en 11–12 c’est le Ther­mio­nic Culture Phoe­nix, 13–14 c’est pour les LA3A, en 15 c’est le Retro 176 là-haut et en16 le Retro STA Level. En ce qui concerne l’API donc, ça veut dire que j’ai un compres­seur et une EQ par tranche sur 16 voies. C’est comme si j’avais 16 voies de console SSL sauf que j’ai des compres­seurs diffé­rents et une EQ API sur chaque tranche.

Ensuite il y le Manley où j’ai bran­ché des EQ API avant l’in­put du mixer; je peux insé­rer par la suite les compres­seurs qui restent : les UA 1176, le LA2A, le (Inward Connec­tion) Vac-Rac, les Manley, les Millen­nia. Tout revient au patch donc je peux assi­gner mes péri­phé­riques où je veux, mais voilà un peu mes 2 configs de base. Tout ça est noté dans l’I/O setup du Pro Tools. Quand je veux envoyer une source dans le Neve 33609 par ex, j’as­signe sur « Neve » et je sais que la source va atter­rir en 5 sur la console par exemple. Si je veux l’en­voyer dans le TG1, ça va sortir en 9, etc. Après, rien ne m’em­pêche de tout chan­ger au patch mais l’in­té­rêt, c’est qu’avec une config comme ça, je peux travailler vite en sachant où j’en­voie mes sources.

Mais du coup tu ne te sers pas du tout des Hard­ware Insert de Protools ?

Si, je m’en sers sur la voix ou quand je veux faire des suivis post-compres­seur, parce qu’ef­fec­ti­ve­ment, j’ai besoin de suivre des mots. Après, je ne suis pas un gros fan de suivis donc, sur la majo­rité des instru­ments, j’en fais très peu. Sur l’API par exemple je n’ai pas pris l’au­to­ma­tion, elle coûte une fortune et je ne suis pas sûr qu’elle soit très fonc­tion­nelle. Je fais toutes les auto­ma­tions dans Pro Tools et quand ça néces­site une auto­ma­tion post-trai­te­ment, c’est là que j’uti­lise le Hard­ware Insert. Cepen­dant je suis en train de « Beta Tester » une inter­face avec des VCA pilo­tables via Pro Tools, dési­gnée par Scott Grei­ner Enter­prises. Je n’ai donc juste qu’à faire mes suivis dans Pro Tools et je peux patcher le VCA où je veux par rapport à mon trai­te­ment dyna­mique.

Voilà un procédé qui devrait trou­ver son public ! Parce qu’alors, quand tu fais une auto­ma­tion dans Pro Tools avant d’at­taquer une voie de l’API sur laquelle un compres­seur est bran­ché en insert, c’est fina­le­ment le signal d’en­trée dans le compres­seur qui varie, donc ça change le compor­te­ment du compres­seur…?

Studio Kashmir - Hubert Kalou

Oui c’est sûr, mais après il y a diffé­rentes écoles. Certains sont très friands d’au­to­ma­tions et font beau­coup d’au­to­ma­tions post-trai­te­ment; ils sont habi­tués à travailler comme ça. Pour ma part, je passe beau­coup de temps sur la balance et je ne suis pas un gros fan des auto­ma­tions qui n’en finissent plus, je me suis habi­tué à faire mes auto­ma­tions dans Pro Tools et du coup, à régler mes machines en consé­quence aussi. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu de plaintes donc… (Rires) Ça va avec ma façon de travailler. Sur une piste de basse tu vois, je ne vais pas faire 10 milliards de suivis non plus ! Si à un moment le bassiste a joué trop fort, je n’ai pas spécia­le­ment envie que le compres­seur compresse plus, j’ai juste envie d’avoir la « couleur » que te donne le compres­seur, pas qu’il compresse plus parce que c’est plus fort en entrée. Du coup je fais un suivi sur la piste et il compresse de façon homo­gène du début jusqu’à la fin. Donc tu vois, les 2 se font. Cepen­dant, l’uti­li­sa­tion des VCA pilo­tables par Pro Tools me semble être le meilleur compro­mis. Et ce que je teste ces jours-ci fonc­tionne très bien. J’es­père pouvoir bien­tôt ache­ter 2 machines à Scott Grei­ner soit 36 VCA de très haute qualité.

Pendant que l’on est sur le volet tech­nique, est-ce qu’il y a des choses que tu fais quasi­ment systé­ma­tique­ment au niveau des trai­te­ments ? Puisque tes inserts sont toujours câblés sur les mêmes tranches, tu dois avoir des compres­seurs, des péri­phé­riques et des chaînes de trai­te­ment « préfé­rées »? Ou t’ar­rive-t-il de tout chan­ger ?

Non, je ne change pas beau­coup parce que tu as toujours des trucs un peu favo­ris sur tel ou tel instru­ment. Après, c’est toujours pareil : pour faire des essais, il faut avoir le temps ! En fait tu t’aperçois que quand tu mixes, tu as toujours quelque chose à faire et il faut vrai­ment avoir le temps pour tester une machine. Donc en fait, il y a des trucs que j’uti­lise régu­liè­re­ment sur la batte­rie ou sur la voix, j’uti­lise pratique­ment toujours la même chaîne, parce que je sais que ça marche. Je pour­rais essayer 10 milliards de choses, mais en même temps… Tu imagines le nombre de combi­nai­sons que tu pour­rais faire avec tous ces péri­phé­riques?… À un moment, tu ne t’en sors plus ! (Rires)

Juste­ment, sur la voix, qu’est-ce que tu utilises ?

Pour les compres­seurs, ça change un peu en fonc­tion des voix, mais géné­ra­le­ment concer­nant l’EQ, j’uti­lise toujours le Manley Massive Passive. Et pour les compres­seurs, j’ai des périodes (Rires) : à certains moments je vais utili­ser le Retro 176, parfois ça va être le Univer­sal Audio 1176, sinon le LA2A… Ça dépend des voix. Là je suis plus dans ma phase Retro 176 parce que c’est un des derniers trucs que j’ai acheté, c’est aussi simple que ça ! (Rires) Non, il est vrai­ment bien, mais parfois je ne m’en sers pas parce que ça ne colle pas avec la voix, tout simple­ment. Parfois, j’ai envie d’un truc compressé diffé­rem­ment, plus violem­ment pas exemple, avec une couleur diffé­rente donc je chan­ge… Le Vac-Rac aussi, je l’in­sère sur la voix de temps en temps, c’est un compres­seur que j’aime bien. Et voilà, ça, c’est ma chaîne.

Le Vac-Rac, tu t’en sers sur quoi habi­tuel­le­ment ?

Studio Kashmir -Hubert Salou

Vu que c’est un limi­teur, ça marche bien sur les instru­ments que tu veux limi­ter un peu tout en restant « discret »… Sur les basses ça marche bien. Sur les basses qui font « tong-tong-tong-tong » (mimant une basse jouant des doubles-croches), tu le vois bosser, tu te dis « Waoh, qu’est-ce qu’il fait ? ». Tu vois l’ai­guille bouger et tu te dis « c’est bizarre, pourquoi elle bouge là ? » et en fait, tu ne l’en­tends pas. Enfin, tu ne l’en­tends pas… Je veux dire, quand tu l’en­lèves, tu te dis « ah ouais, d’ac­cord ! » Et là tu te rends compte qu’il te manque!  Mais tout le monde n’aime pas ! Moi j’aime bien. Après, dans le même registre, sur la basse, j’aime bien le Retro Sta Level.

La réédi­tion du fameux Gates Sta Level ?

Oui et appa­rem­ment, la réédi­tion vaut bien l’ori­gi­nal. Tu compresses à fond, ça tient le truc et tu ne l’en­tends pas « pomper ». Sinon, après, sur les batte­ries, ça dépend comment c’est enre­gis­tré. Mais j’aime bien les LTD-2 sur les kicks/snares, ça dépend. Parfois je mets le Neve 33609. Le Chand­ler TG-1 j’adore aussi ; il donne tout de suite un son « typé ». Après les Daking (FETII), c’est vrai­ment bien; il y a des trans­fos Jensen à l’in­té­rieur je crois, c’est assez trans­pa­rent et pas très cher en plus. Sur le mix que je viens de faire, j’ai mis ça sur la batte­rie par exemple. L’Alan Smart C2 aussi, j’aime bien sur la batte­rie. Après le LA3A… j’aime bien sur la basse aussi.

Et sur les guitares acous­tiques ?

Pas forcé­ment. Non, géné­ra­le­ment, sur les acous­tiques je mets plutôt les Daking. Tu peux compres­ser pas mal sans que ça s’en­tende, c’est plutôt assez impres­sion­nant. Et puis voilà, après ça dépend des couleurs ! Quand je fais un truc basse/batte­rie/guitare, c’est un peu le setup. Mais parfois je vais chan­ger et je vais mettre les ambiances ou les overheads dans le C2, les toms dans le Neve par exemple ou l’in­verse; ça ce sont des choses que je peux chan­ger.

Et au niveau de la sortie console ?

Je viens de craquer pour le Shadow Hills Maste­ring Compres­sor, une machine 5 U avec 2 compres­seurs à l’in­té­rieur. C’est mon dernier inves­tis­se­ment, je commence à domp­ter la bête et j’adore voire bouger ses énormes VU mètres et tour­ner ses gros boutons… (Rires)

On parle de tes péri­phé­riques analo­giques, mais quid des plug-ins, toi qui mélange le « meilleur des deux mondes »…?

C’est vrai qu’en termes de compres­sion par exemple, ce n’est pas ce que je vais utili­ser en premier. Après, ça dépend, on peut compres­ser pour compres­ser ou pour donner une certaine couleur au son. Et il y a des plugs qui peuvent créer de la dyna­mique sur un signal que tu ne peux pas avoir avec un péri­phé­rique analo­gique… Par exemple j’aime bien le Softube FET compres­sor. Ce que j’aime sur ce plug, c’est que tu peux doser le signal wet par rapport au signal dry, ce qui reprend un peu le prin­cipe de la compres­sion paral­lè­le… Ça existe sur certains compres­seurs analo­giques, mais c’est plutôt rare. Au niveau des EQ, les plugs sont bien quand tu veux couper une fréquence de manière chirur­gi­cale ou quand tu veux créer une auto­ma­tion d’EQ… Ça, c’est cool. Il y a des choses que les plugs te permettent de faire plus faci­le­ment et plus rapi­de­ment qu’avec de l’ana­lo­gique.

Studio Kashmir -Hubert Salou

Et puis, il y a des plug-ins qui font des choses qui n’existent pas en outboard, ou qui sont plutôt rares. Je pense à certains plug-ins d’ef­fets, des bit crushers, des distor­sions numé­riques. Je n’en ai pas des wagons, mais j’ai les Sound­Toys, un pack Waves, l’Al­ti­verb et Spea­ker­phone. Spea­ker­phone, c’est typique­ment le genre d’ef­fet que tu peux diffi­ci­le­ment trou­ver en outboard… L’Al­ti­verb, égale­ment, qui est une super réverbe. De toute façon, je ne suis pas un fou des effets, je reste dans des trucs « simples ». J’uti­lise beau­coup mon Echo­plex ou ma Chorus Echo à bandes par exemple.

Mais voilà, il y a des choses que le Pro Tools et les plug-ins te permettent de faire que tu peux diffi­ci­le­ment faire en analo­gique. Ou alors, tu peux les faire, mais ça va te prendre plus de temps. Et c’est pour ça que mon Pro Tools est au centre de mon setup. Je peux régler mes effets et faire mes auto­ma­tions à la souris, ça ne me dérange pas, j’ai été habi­tué comme ça ! Chaque personne a ses méthodes et, pour moi, la souris, un Fader­port et tout va bien ! Cela ne m’em­pêche pas de rester très atta­ché à l’ana­lo­gique !

« Tu ne peux pas avoir les mêmes recettes qu’Andy Wallace mixant des groupes de rock quand tu fais un groupe de musique mandingue du Mali. »

Juste­ment, ton setup analo­gique est vrai­ment opti­misé pour tes méthodes de travail. Mais cela ne t’em­pêche pas de chan­ger de setup, contrai­re­ment à certains ingé­nieurs notam­ment, qui ont une chaîne de trai­te­ment pour un type d’ins­tru­ments et qui se collent à ça tout le temps, avec le fader toujours à la même posi­tion…?

Oui, mais c’est quelque chose que je peux comprendre; ça m’ar­rive aussi de fonc­tion­ner comme ça. Après la diffé­rence c’est le style. Les améri­cains sont souvent dans un « style », c’est-à-dire tu vas avoir Chris Lord-Alge ou Andy Wallace, ils font du rock et par consé­quent ils ont des « recettes » comme moi je peux avoir quand je fais du rock, recettes que je n’uti­li­se­rai pas quand je fais un piano/voix ou de la chan­son… tu vois ?

C’est vrai que tu as une disco­gra­phie très variée. On parlait de Laurent Voulzy ou Alain Souchon tout à l’heure, mais effec­ti­ve­ment, juste derrière tu te retrouves à faire Alpha Blondy ou faire du rock, comme avec Lenny Kravitz…

Oui, c’est vrai, ça m’ar­rive, mais ce qu’il y a en France, c’est que tu ne peux pas te spécia­li­ser ou très peu… Et j’en ai pas spécia­le­ment envie. Tu peux avoir des goûts person­nels, tu peux aimer le jazz par exemple, mais si tu ne fais que du jazz, ça peut être diffi­cile. Certains y arrivent, mais c’est diffi­ci­le… Après, en ce qui me concerne, j’aime bien faire plein de choses, j’aime bien apprendre de diffé­rents styles, je suis curieux. Je fais de la musique afri­caine aussi, j’en ai fait pas mal et j’aime ça : tu ne fais pas les mêmes choses. Ca n’est pas la même façon d’écou­ter, pas la même façon de mixer, tu n’es pas dans les mêmes « critères », ce ne sont pas les mêmes gens qui écoutent donc tu ne peux pas avoir les (mêmes) recettes qu’Andy Wallace va avoir en mixant des groupes de rock alors que tu fais un groupe de musique mandingue du Mali… Je ne vais pas faire la même chose. Je ne vais pas compres­ser les voix de la même façon, je ne vais pas égali­ser les voix de la même façon non plus, ça n’a rien à voir. J’es­time qu’il y a des trucs qui marchent bien pour faire du rock, je suis capable de « thra­sher » les sons si ça me plaît et puis quand je vais faire du jazz, et bien je vais moins le faire et puis quand je fais de la musique mandingue, je fais de la musique mandingue, je vais pas faire du métal adapté à la musique mandingue !

Bien que, parfois, dans les ryth­miques… (Rires)!

Studio Kashmir - Hubert Salou

(Rires) Oui, c’est vrai que parfois, certains styles peuvent s’in­fluen­cer ! Mais de là à partir sur le truc : « ouais, je ne touche pas à mon compres­seur parce que c’est comme ça… » Par exemple, un chan­teur mandingue, si tu vois les griots qui gueulent comme ça « Oaaaah », tu ne vas pas les compres­ser de la même façon que, je ne sais pas, Alain Souchon ou j’en sais rien… On n’est pas sur les mêmes critères de dyna­mique donc à un moment, il y a des trucs qui marchent et d’autres qui ne marchent pas. L’in­ter­pré­ta­tion n’est pas la même.Tu as le problème de la langue française aussi qui, au niveau des accents toniques, est diffé­rente et qui change pas mal de choses au niveau de la compres­sion. Pour les Anglo-saxons, c’est un peu diffé­rent. Après, je comprends ces ingé­nieurs qui, une fois leur setup mis en place, ne touchent plus à rien. Si je mixais des groupes de rock basse/batte­rie/guitares avec un truc, c’est sûr que je ne touche­rais pas trop mes compres­seurs et je pour­rais envoyer 2 titres dans la jour­née ouais, c’est sûr !

RedLed : Oui et puis il y aussi les artistes qui viennent te voir pour une raison, parce qu’ils veulent sonner « comme ci » ou « comme ça » et si tu ne leur offres pas ça, si tu ne leur donnes pas ce qu’ils veulent, ils ne vont pas être contents…

C’est vrai, et puis certains ingé­nieurs améri­cains font des trucs qui passent toujours à la radio; tout ce que les mecs touchent devient de l’or, c’est un cercle vicieux, ils sont toujours sur les gros projets. Mais bon, c’est une autre façon de faire. C’est comme en maste­ring. Je peux très bien faire un truc de hard rock demain, ça ne me gêne pas, et enchaî­ner sur un truc de musique de film avec un orchestre sympho­nique derrière. A priori, j’ai cette culture-là donc ça ne me gêne pas de le faire. Mais aux États-Unis, certains peuvent se spécia­li­ser et ne faire qu’un seul style toute la jour­née, car le marché est beau­coup plus grand. Donc c’est sûr qu’à un moment, tu peux te dire : « ah ouais, je vais aller bosser dans tel studio ». On a tous des fantasmes ! Je peux comprendre qu’un musi­cien se dise : « je vais aller bosser avec l’in­gé­nieur qui a fait untel et voilà ! » Le mec fait ça tout le temps, depuis 20 ans, alors évidem­ment il est compé­tent… En revanche, tu lui deman­de­rais demain de mixer un album de musique mandingue, il appel­le­rait au secours, je pense…! (Rires) Proba­ble­ment !

J’ai passé une jour­née avec Greg Calbi. Là, j’ai compris ce que c’était le maste­ring.

Bootz : Pour reve­nir sur le maste­ring, tu as évoqué le fait d’avoir ça en tête quand tu as pensé le studio. Qu’est-ce qui t’a amené en fait, toi qui étais plus ingé­nieur de prises et de mix à la base, à te lancer dans le maste­ring et à déve­lop­per une certaine exper­tise là-dedans ?

Studio Kashmir - Hubert Salou

C’est un peu bizar­re… Au début, quand je mixais en studio, mes mixes allaient au maste­ring et je ne compre­nais pas ce qu’il se passait. Quand j’y allais, je ne compre­nais rien parce que je n’en­ten­dais pas du tout ce qu’ils y faisaient, je ne connais­sais pas les écoutes et quand à la fin tu avais le résul­tat, que tu compa­rais – si tant est que tu puisses compa­rer – souvent j’avais cette frus­tra­tion du genre : « m*** j’ai perdu un truc » ou « c’est moins bien »… Ca me trot­tait dans la tête et en 2002 je crois, après l’al­bum d’Al­pha Blondy, j’avais fait l’al­bum pop-rock d’une chan­teuse appe­lée Vero­nica Anticco et j’étais allé au maste­ring avec Greg Calbi à New York. J’ai réussi à leur (la produc­tion, NDR) vendre l’idée de le faire. Donc je suis allé à New York et j’ai passé une jour­née avec Greg Calbi. Là, j’ai compris ce que c’était le maste­ring.

D’abord c’est une paire d’écoutes qui sonne. C’est-à-dire que, lorsque tu écoutes ton mix dessus – même si ce ne sont pas les enceintes avec lesquelles tu as mixé, tu comprends ton mix, tu l’en­tends, avec la couleur de l’en­cein­te… Voilà, la première chose qui m’a frappé, c’était l’écoute. Après le maté­riel, il n’a pas 10 milliards de choses ; en revanche, c’est l’in­té­grité de sa chaîne qui fait « le truc ». J’ai égale­ment pu avoir un discours avec Greg Calbi que je n’avais jamais eu aupa­ra­vant avec d’autres ingé­nieurs. Non pas que les mecs soient incom­pé­tents, pas du tout ; juste je n’en­ten­dais pas ce qu’ils faisaient et que je ne pouvais pas discu­ter avec eux de façon précise.

Tech­nique­ment, qu’as-tu décou­vert là-bas avec lui ? Est-ce que tu as décou­vert des choses nouvelles au niveau de la compres­sion, de l’éga­li­sa­tion ?

J’ai d’abord décou­vert que déjà, quand tu entends bien, ça part bien ! Et si en plus tu peux discu­ter avec lui… ! Après je n’ai pas trouvé qu’il faisait 10 milliards de trucs. Il avait une EQ stéréo, il m’avait expliqué à l’époque le système de M/S aussi pour « élar­gir » le signal, procédé que je n’avais pas trop vu en France jusqu’alors… C’était en 2002.

Du coup je me suis très vite dit que je voulais moi aussi faire du maste­ring. Malheu­reu­se­ment, je n’avais pas toutes les compé­tences tech­nique­ment ni l’écoute, le studio… Quand j’ai fait le studio, je me suis dit que ce que je voulais, c’était pouvoir faire des produc­tions de A à Z et pouvoir gérer l’en­re­gis­tre­ment, le mixage et le maste­ring en disant : « voilà, ça c’est ma prod, vous la prenez ou vous ne l’ai­mez pas ! ». Et c’est comme ça que ça c’est fait, petit à petit…

Au moment où j’ai commencé le studio, Dyam (célèbre studio de maste­ring français, NDR) fermait donc j’ai racheté leurs enceintes. Je n’avais pas prévu de le faire si vite que ça, mais parfois, tu as des occa­sions, des oppor­tu­ni­tés qui font que. Ils vendaient un système Pyra­mix que j’ai racheté, ainsi qu’un Studer A827 1/2’’ et un TC Elec­tro­nic M6000, que j’ai égale­ment rache­tés. Je me suis équipé comme ça ! Après j’ai acheté mes conver­tis­seurs Lavry DA924 et AD122–96, j’avais déjà du maté­riel et du coup je me suis lancé ! Pour­tant, je n’en avais jamais fait aupa­ra­vant…

Sans le live, je n’au­rais jamais fait de maste­ring

Donc tu t’es lancé dans l’aven­ture du maste­ring simple­ment par envie?

Studio Kashmir - Hubert Kalou

Il y a autre chose qui m’a fait venir au maste­ring. La façon dont tu analyses le son quand tu fais du mixage n’est pas du tout la même quand tu fais du maste­ring. Et entre temps, j’avais fait du live.

J’ai commencé à faire du live en 2003, pour la tour­née de Voulzy et, aupa­ra­vant, je n’avais jamais imaginé en faire. En studio, je ne parlais jamais en fréquence.  À l’époque, je mixais tout sur SSL et je savais que, quand je tour­nais tel bouton, ça me donnait tel résul­tat. J’avais mes repères. Mais je ne parlais pas en fréquences. Je ne me disais pas : « Tiens c’est du 1k8, c’est du 6 kHz, etc. »… Sincè­re­ment, c’était du chinois pour moi. Autour de moi, rares étaient les personnes qui parlaient en fréquence. Main­te­nant, avec l’ar­ri­vée  des plug-ins, c’est un peu diffé­rent.

Quand tu fais du live, tu as un rapport analy­tique aux fréquences et tu ne peux pas t’amu­ser à essayer des trucs pour voir où il y a une bosse ou un creux. Le mec me disait : « il y a un peu trop de 160 ! » Et je le regar­dais : (il mime une moue d’in­com­pré­hen­sion totale !) : « …ouais ! ». Et j’en ai eu marre donc j’ai appris. J’avais un assis­tant qui alignait le système et la discus­sion était hyper inté­res­sante. Ça m’a aidé à compar­ti­men­ter les fréquences et à parler en fréquences là où je parlais en « musique ». Ça m’a complè­te­ment servi quand j’ai monté le studio car, en plus de mon point de vue de mixeur, j’avais égale­ment un point de vue d’écoute plus « analy­tique ». Le live m’a vrai­ment servi à faire du maste­ring. Sans le live, je n’au­rais jamais fait de maste­ring. Je n’au­rais jamais eu cette oreille analy­tique en fréquence que le live m’a apporté.

Ce que tu fais en sono, c’est que tu adaptes ton système de diffu­sion à la salle et à ta musique. Tu bouges la courbe de réponse de ton système en fonc­tion de ta musique et de la salle dans laquelle tu diffuses. En maste­ring, tu fais « l’in­verse » : tu modi­fies la courbe de réponse de ta musique pour l’adap­ter à un maxi­mum d’écoutes. Mais au final, c’est pour arri­ver au même résul­tat. C’est analy­tique­ment diffé­rent, mais le but est le même. C’est vrai­ment le live qui m’a amené à faire du maste­ring.

Au début, j’ai essayé sur mes propres mixes et après j’ai demandé à des copains, notam­ment Stéphane Prin (Jean-Louis Murat, Debout sur le Zinc, NDR) de me passer des mixes et je me suis fait la main comme ça. Ce qui est marrant c’est qu’il était allé voir Greg Calbi pour maste­ri­ser un projet qu’il avait mixé ici. De mon côté, je m’étais amusé à faire un maste­ring, comme ça, pour moi, sur 4 ou 5 titres. Quand il a reçu son maste­ring de Greg Calbi, il a écouté il est venu me voir et il m’a dit : « T’avais pas fait un essai de maste­ring sur ce projet ? » J’avais effec­ti­ve­ment fait un maste­ring mais, à l’ar­rache, comme ça. Je lui ai renvoyé, il a réécouté et il m’a rappelé : « Tu n’au­rais pas du temps de libre là ?! » Ils aimaient des trucs dans ce qu’avait fait Greg Calbi mais, globa­le­ment, le groupe et lui préfé­raient ce que j’avais fait car l’es­prit collait plus à leurs attentes.

Studio Kashmir - Hubert Kalou

Mais je fais ça de façon empi­rique. Je ne travaille pas du tout comme les ingé­nieurs de maste­ring que j’ai pu voir travailler. Je pars toujours du prin­cipe que c’est le résul­tat final qui compte. Si je dois faire 20 points d’éga­li­sa­tion avec 10 dB de gain sur un mixe, j’en n’ai rien à cirer si, à la fin, le résul­tat me plaît.

Après, si l’in­gé­nieur adore son mix, qu’il souhaite le garder tel quel ou que je trouve le mix bien, je ne vais pas y toucher et refaire le monde ! Mais si je pense pouvoir amélio­rer le truc en y allant franco, je vais le faire. Tout dépend à qui tu t’adresses. Mais souvent, de plus en plus, il y a des trucs qui sont mixés à la maison et parfois, ce qu’on me demande au maste­ring, c’est presque du mixa­ge… C’est vrai que tu peux aller super loin sur les mixes parfois, c’est hallu­ci­nant ce que tu peux faire au maste­ring… En bien, si possible ! Même moi j’en suis le premier étonné !

Juste­ment, qu’uti­lises-tu comme équi­pe­ment au maste­ring ? Tu parlais de ton Studer 1/2’’ que je vois là-bas…

Studio Kashmir - Hubert Kalou

Je m’en sers plus quand je tourne mes mixes sur bande. Au maste­ring, c’est toujours pareil, tout dépend du budget. La bande a un certain coût, mais si on me donne le budget pour le faire, oui j’uti­lise mon Studer au maste­ring. Ça ne veut pas dire que je vais l’uti­li­ser systé­ma­tique­ment, mais je peux l’uti­li­ser. Après, utili­ser l’ana­lo­gique demande un peu plus de temps. Et puis, il faut que les mixes « en vaillent la peine », qu’ils soient déjà bien équi­li­brés, etc.

Sinon, le coeur de mon système de maste­ring, c’est le Pyra­mix. Pourquoi Pyra­mix ? Parce que pour pouvoir faire un « vrai » maste­ring, il faut pouvoir réali­ser une image DDP (Disc Descrip­tion Proto­col, NDR), que tu donnes à l’usine de pres­sage, si tu veux faire ça bien. Et Pyra­mix le fait. C’est un logi­ciel réputé pour l’in­té­grité de son horloge, etc. Après, c’est un choix parmi d’autres logi­ciels, mais c’est un logi­ciel qui fonc­tionne, je le sais donc bon… Par contre, je suis toujours aussi nul en editing dans le Pyra­mix ! Je suis telle­ment habi­tué à Pro Tools ! Je sais ce qu’il faut faire pour un maste­ring mais je ne suis pas le Speedy Gonzales de l’edi­ting dans Pyra­mix !

Je pars toujours du prin­cipe que c’est le résul­tat final qui compte

Et on n’a pas du tout parlé de prises, de micros !

Fran­che­ment, je ne suis pas un maniaque des micros ! Aussi curieux que cela puisse paraître, il y a des micros que je connais bien, qui fonc­tionnent bien et je me colle à ça ! Ça fait 20 ans par exemple que j’uti­lise les mêmes micros sur la batte­rie et je ne me prends pas la tête. Après, je dois passer à côté de certains bons micros. Aujour­d’hui, il y en a plein de diffé­rents, des mieux, je ne sais pas… La prise de tête sur les micros de caisse claire, toms, etc. Ça n’est pas mon truc ! Quand tu sais ce que tu leur envoies comme pres­sion acous­tique et quand tu sais les trai­te­ments que tu fais derriè­re… À partir du moment où j’ai trouvé un setup qui me plai­sait, je me suis tenu à ça. Si, j’ai changé mon setup d’ove­rheads, car j’ai trouvé une paire de micros qui fonc­tion­naient bien ici. D’ailleurs, ce sont des micros à ruban Cascade Fat Head, ils coûtent une misère – je crois les avoir payés 600 euros – ils ont un transfo Lundahl et ils fonc­tionnent très bien !! Oui, il y a une petite bosse vers 600 Hz que j’en­lève systé­ma­tique­ment, mais bon… je le sais et ça me va ! J’ai un set de micros basique, c’en est presque pathé­tique…! Des Senn­hei­ser 421 sur les toms, Shure SM 57 sur la caisse claire, j’ai une paire de KM 184 pour les overheads quand je ne mets pas les Fat Head, Beta 52 sur le Kick… Après, toujours chez Cascade, j’ai un micro à ruban stéréo XY dont je me sers aussi, et qui n’est vrai­ment pas cher. Il me donne très vite une belle ambiance stéréo dans ma pièce. Dans une pièce, petite comme la mienne, ça marche bien. Pour les voix, j’ai un Neumann M149 et un U87. Mais, tu vois, rien d’éso­té­rique ! Tu ne peux pas inves­tir dans tout et, étant donné que je fais plus de mix que de prises… J’ai préféré porter mon inves­tis­se­ment sur les péri­phé­riques.

Tu restes malgré tout très diver­si­fié dans tes acti­vi­tés !

Oui, ce que j’aime c’est la diver­sité. Un jour, je fais du maste­ring, le lende­main je fais un mix, il y a quelque temps j’étais avec Laurent Voulzy pour un concert sur un bateau qui partait de Naples… Une autre fois je suis rentré d’une semaine d’en­re­gis­tre­ment à Bamako et à la sortie de l’avion j’al­lais faire un live avec Laurent et Rickie Lee Jones. C’est ça que j’aime bien : tu passes d’un truc à un autre, « du coq à l’âne »… (Rires) Chaque chose me ressource pour la prochaine. En revanche, quand je mixe un album, j’aime ne faire que ça pendant la période du mix, parce que cela néces­site beau­coup de concen­tra­tion, « d’im­mer­sion ». Passer d’une semaine de mix à un maste­ring d’al­bum puis à des concerts… Ça corres­pond à ce que j’aime faire.

Pour conclure, que penses-tu de la situa­tion actuelle concer­nant l’in­dus­trie de la musique par rapport à ce qui se passait avant ?

Studio Kashmir - Hubert Kalou

Je trouve que l’ex­pé­rience est injus­te­ment déva­lo­ri­sée aujour­d’hui. La person­na­lité passe un peu au second plan, le seul souci est : « Combien ça va coûter ? » Et il faut que ça ne coûte pas cher. Mais c’est malheu­reu­se­ment pour tous les milieux profes­sion­nels pareil. On a un peu l’im­pres­sion de reve­nir en arrière. Ça n’est pas spéci­fique à la musique. La seule chose spéci­fique à l’in­dus­trie de la musique, c’est qu’elle a subi 2 crises, la crise écono­mique globale et la crise du disque. Du coup, on est double­ment touché.

D’un autre côté, les méthodes de travail ont changé. Aujour­d’hui, je bosse tout seul dans mon studio ; géné­ra­le­ment, quand je mixe, les clients arrivent en fin de jour­née pour me donner leur commen­taire, ou alors je leur envoie un MP3 et ils me donnent leur retour pour les 2–3 modi­fi­ca­tions qu’il y a à faire… J’ai un meilleur rythme de vie, je ne fais plus les mêmes horaires non plus et, quand je regarde en arrière, je me dis : « Mais pourquoi on travaillait comme ça, à mixer pendant des heures, jusqu’à 3 h du matin…? » Ça n’est pas fran­che­ment humain, et pas plus produc­tif ! Donc du coup, on s’adapte aussi. Et c’est vrai que, le fait d’avoir mon studio aujour­d’hui, de pouvoir gérer mes séances comme je le veux – malgré la situa­tion actuelle – je me sens vrai­ment mieux dans mes baskets aujour­d’hui !

Sans prétendre à riva­li­ser avec notre maître à tous, Bernard Pivot, nous avons voulu poser quelques ques­tions « directes » à Hubert Salou – le Hi – 5.

Ton meilleur souve­nir de studio/ta meilleure séance ?

Il y a 5 ou 6 ans, j’ai enre­gis­tré et mixé une chan­son au profit des victimes du Tsunami en Asie dans laquelle la plus grande partie des chan­teurs français inter­ve­naient. On faisait des horaires de fou, les chan­teurs défi­laient les uns après les autres, ils chan­taient une seule ligne, tu sais comment ça fonc­tion­ne… (Rires) C’était au Studio Mega et, contrai­re­ment à ce que tu peux faire pour certaines séances de ce style où il y a 40 micros instal­lés, j’avais pour ma part installé mon M149, ma chaîne de trai­te­ment avec mon EQ, mon compres­seur, dont j’adap­tais les réglages en fonc­tion des chan­teurs, tout simple­ment. Tout le monde est passé par la même chaîne et à la fin, ça marchait très bien !

Ah oui et un souve­nir qui m’a marqué aussi, c’est quand j’ai bossé avec Lenny Kravitz. J’ai enre­gis­tré une session guitare/voix qui était filmée et des séances de cordes et cuivres entre autres… Il chante et joue telle­ment bien, il te calme direct… J’en avais les poils dres­sés ! Tu sais pourquoi il en est là ! (Rires)

Ton pire souve­nir de studio (tech­nique­ment parlant)

Studio Kashmir - Hubert Kalou

Le pire ? Je suis vrai­ment obligé d’en parler ?! (Rires) Vous allez le publier non ?! (Rires) Bon, ok, c’était lors d’une séance dans un grand studio d’en­re­gis­tre­ment pari­sien, tout devait se passer à merveille, avec du très bon maté­riel et tout est parti en vrille… Les casques ne marchaient pas, sur les micros il y avait une ronflette, le compres­seur – je m’en souviens c’était un LA2A – l’ai­guille ne marchait pas, tu ne savais pas ce qu’il affi­chait, s’il compres­sait ou pas…! Et c’est arrivé avec un artiste qui ne fait pas partie des moins connus… La maison de disques était là en plus, bref, tout était réuni pour que ça se passe bien et ça s’est passé « armoire » !! (Rires) Le cauche­mar !! Je crois que j’ai même demandé à ne pas être payé telle­ment j’étais écoeuré ! Je leur ai dit : « Ne me payez pas, c’est pas la peine ! ». Quand j’y repense, c’était catas­tro­phique ! (Rires)

L’ar­tiste avec lequel tu voudrais travailler ? Et pourquoi ?

Si Freddy Mercury était encore en vie, Queen sans hési­ter. Je viens de mixer Bohe­mian Rhap­sody en 5.1 pour m’amu­ser, et ça me « met les poils »… !!! Non, non, je ne baisse pas les bras pour l’ave­nir ! (Rires) Après, il y en a plein, certains pour le style de musique, d’autres pour leur person­na­lité artis­tique… Il y a 10 milliards d’ar­tistes avec qui je voudrais bosser ! Après, ça peut être des réali­sa­teurs, comme Jon Brion (Crys­tal Method, Aimee Mann, Elliott Smith), qui n’est pas super connu, mais qui est très fort, par exem­ple… En France, oui, j’ai­me­rais bien bosser avec Jean-Louis Aubert par exemple.

Dans tous tes équi­pe­ments, si tu ne devais empor­ter qu’une seule machine et pourquoi ?

Ça, c’est pareil, je ne sais pas !! UNE seule machine??! Ah non, je ne peux pas…!! (Rires)

Bon, OK, il y a une inon­da­tion dans ton studio et tu dois ne garder qu’une seule machine ! (Rires)

Je les prends toutes !! (Rires) Non fran­che­ment, c’est diffi­cile à déter­mi­ner, mais, à la limite, un truc un peu « person­nel » que j’aime vrai­ment, c’est le Manley Massive Passive. C’est une EQ un peu « atypique » qui t’amène quelque chose d’un peu diffé­rent de ce que tu peux trou­ver dans tous les studios…

Une cita­tion favo­rite concer­nant la musique ?

Je ne suis pas très « grandes phrases », même si j’ai des bouquins sur la musique ! (Rires) Après, l’autre jour j’avais une discus­sion avec Voulzy qui me disait se souve­nir d’une phrase que je disais tout le temps, mais sur un volet tech­nique : « Le résul­tat final dépend du plus mauvais élément ». En élec­tro­nique, c’est ce que tu apprends. Ce qui est abso­lu­ment faux, si on l’ap­plique à la musique par exemple !


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