Nouveau membre de la famille PC3, le PC361 est un puissant synthétiseur numérique modulaire, sonnant le retour de Kurzweil sur le devant de la scène avec la synthèse VAST. Bienvenue dans un test de l’extrême…
Nouveau membre de la famille PC3, le PC361 est un puissant synthétiseur numérique modulaire, sonnant le retour de Kurzweil sur le devant de la scène avec la synthèse VAST. Bienvenue dans un test de l’extrême…
Au début des années 80, Raymond Kurzweil, connu pour ses travaux sur la reconnaissance vocale pour les non-voyants, est sollicité par un célèbre artiste : « je veux un clavier qui soit capable de reproduire le son des instruments réels, facile d’emploi et agréable à jouer ». Sous l’impulsion de Stevie Wonder, le K250 sort en 1982. Il vient après le K150, un expander à part, basé sur la resynthèse et la transformation de Fourier. En 10 ans, il s’ensuit une série prolifique de synthés (claviers et expanders) à lecture d’échantillons : la série K1000. Au début des années 90, Kurzweil est racheté par Young Chang, Ray quitte le navire. La société présente alors une workstation révolutionnaire : le K2000. Véritable synthé modulaire numérique, précurseur de la modélisation analogique, la machine repose sur des circuits VLSI maison. Elle sera produite pendant 8 ans, ne cessant d’évoluer, devenant au passage un puissant échantillonneur. La série s’étoffe avec les K2500/2600/2661, apportant plus de puissance, de nouveaux DSP (processeur d’effets KDFX), davantage de Rom et une modularité triplée. L’OS ne cessera d’évoluer, apportant de nouvelles fonctionnalités, dont une modélisation d’orgues à roues phoniques, évitant toute obsolescence. En parallèle, Kurzweil développe des pianos électroniques haut de gamme, des effets et des claviers de scène.
Après plusieurs années dans le flou, baladé par les choix stratégiques et technologiques de Young Chang, racheté par Hyundai, et une tentative de rush boursier dévastateur de Samick, l’horizon de Kurzweil semble aujourd’hui s’éclaircir. Le R&D s’est reformé autour de certains piliers maison que nous avons interviewé (voir à la fin du test), Ray Kurzweil est associé à la stratégie de la maison mère et de nouveaux produits sont mis sur le marché : la série PC3. Une bonne nouvelle n’allant jamais seule, la distribution en France vient de recommencer, après des années d’absence totale dues à la disparition du précédent importateur français et aux combats épiques entre les importateurs allemands et danois. Enfin disponible, le PC361 est la toute nouvelle mouture des claviers de scène signés Kurzweil. Mais ne nous y trompons pas : sous l’appellation clavier de scène se cache en fait un véritable synthétiseur, plus VAST que jamais.
Emballage solide
Sous des allures de K2661, le PC361 est embarqué dans une solide carcasse métallique classieuse de couleur indigo couverte de boutons. La sérigraphie colorée jaune, blanc et bleu est du plus bel effet et facile à lire. Sur la gauche, après le fader de volume, on trouve 9 longs faders et 9 poussoirs dédiés aux commandes en temps réel des paramètres internes ou de modules externes, selon des réglages mémorisés avec chaque programme. Le choix du chiffre 9 se justifie par la modélisation d’orgues à roues phoniques avec tirettes harmoniques, dont nous reparlerons plus tard. Toujours à gauche, les commandes de mode de jeu et de transport du séquenceur. Vient ensuite un LCD monochrome rétro éclairé bleu fluo 240 × 64 points à contraste et luminosité réglables. À droite de l’écran, 2 pavés totalisant 40 boutons placés autour d’un gros encodeur permettent de naviguer facilement dans les différentes banques sonores par catégorie et numéro de programme, ou encore d’éditer les paramètres numériques en détail. Côté contrôleurs, on trouve 2 molettes surplombées de 2 boutons (un dédié à l’arpégiateur et un assignable).
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Le clavier 61 touches plastiques est lesté, sensible à la vitesse de frappe et à la pression. Il offre une réponse assez light mais franche, en tout cas pas de quoi s’user prématurément les doigts. Seuls manquent à notre goût une série de potentiomètres rotatifs et pourquoi pas quelques pads, qui auraient fait du PC361 un clavier de commande exemplaire… À l’arrière, c’est un véritable gruyère : borne pour prise secteur (alimentation interne commutable manuellement en 120 ou 240 V, merci !), prise casque, 2 paires de sorties stéréo symétriques jack TRS (conversion N/A 24 bits), 2 prises pour contrôleurs (Breath et ruban), 5 prises pour pédales (2 continues et 3 à interrupteur), une sortie numérique coaxiale (AES ou S/P-Dif) avec entrée jumelée pour synchro numérique, 2 potards de réglage de l’écran (luminosité et contraste), un trio Midi (avec Out/Thru commutable), une prise USB1 hôte (elle fonctionne indifféremment en Midi ou disque virtuel pour le transfert de données) et une interface pour cartes XD (32–256 Mo) permettant de stocker programmes, séquences et OS. Enfin, l’intérieur de la machine offre 2 slots permettant d’accueillir des Rom d’extension PCM de 64 et 128 Mo, afin d’étendre la panoplie sonore d’échantillons. Le R&D de Kurzweil nous a confié travailler sur une extension 64 Mo. 30 à 50% devraient être consacrés à des nouveaux sons de batterie et de percussions. Il y aurait aussi beaucoup de formes d’ondes de la série K et peut-être de nouveaux sons de guitare et de basse. Arrivée prévue vers la fin 2009.
Prise en main
Nous avons testé un PC361 en OS V1.31. Les utilisateurs des précédentes machines Kurzweil ne seront pas déroutés par la prise en main de la machine. L’écran, de la taille de la série K2000, représente un progrès par rapport aux précédents claviers de scène Kurzweil type PC2, mais s’avère un peu juste de nos jours, d’autant que le PC361 est actuellement le synthétiseur le plus profond du marché… heureusement, l’ergonomie est bonne en regard de la complexité, grâce notamment aux 6 touches de fonctions associées à une navigation aisée entre les pages menu, de type défilement avec Edit/Exit et avertissement lorsqu’il faut sauvegarder les données. De même, des touches spécifiques permettent de changer de couche sonore ou de canal Midi selon le mode. Bien vu !
Comme toujours, les paramètres sont exprimés dans leur véritable unité. Le mode Quick Access permet d’organiser ses programmes / Setups par 10 pour une visualisation et un rappel instantané. Conjuguées aux touches de sélection par catégorie, banque et numéro de programme, on s’y retrouve aisément parmi les 2048 programmes en mémoire. Lorsqu’on choisit un programme, l’écran affiche les couches sonores utilisées ainsi qu’une indication approximative de leur tessiture. Certes, les récentes workstations concurrentes proposent un affichage graphique précis du clavier et des couches utilisées, une représentation des profils de filtrage et des courbes d’enveloppe, ou encore des diagrammes des matrices de modulation… reconnaissons que l’interface graphique du Kurzweil commence un peu à dater, c’est un peu le MS-DOS à l’époque de Windows ! À ces remarques, le constructeur propose un éditeur PC/Mac développé avec la société SoundTower (voir photos).
Héritage sonore
Ce qui nous a toujours frappés chez Kurzweil, c’est la capacité à faire rentrer au chausse-pied des instruments très consommateurs dans des mémoires ridicules. C’est aussi la qualité des algorithmes de calcul du vol des voix (quand la polyphonie maximale est atteinte), qui donne toujours l’impression qu’il y a beaucoup plus de voix qui jouent en réalité que sur le papier. Le PC361 n’échappe pas à la règle. Les sons proviennent d’une Rom compressée de 64 Mo. Pour les connaisseurs de la série PC, il s’agit de la Rom du PC2 étendue avec de nouveaux échantillons de cordes stéréo. Pour les familiers de la série K, c’est aussi une compilation des Rom initiales de K2000/K2500/PC2, Rom Orchestral et Contemporary des K2500/K2600, Rom Triple Strike Piano et Vintage Electric Piano du K2600, voix jazzy multisamplées du CD-Rom Take-6… sans oublier la fameuse section de cordes stéréo. La musicalité de ces Rom, dont une partie est devenue légendaire à travers les années, est unanimement reconnue.
Le PC361 embarque environ 850 programmes d’usine pour bien commencer dans la vie. L’excellent piano est décliné en différentes versions, dont ce piano classique et ces pianos modern jazz. Notre coup de cœur va incontestablement aux programmes de claviers électriques mythiques : Rhodes, CP80, Wurlitzer, Clavinet. Les orgues à roues phoniques modélisés ont été améliorés par rapport aux K2500/2600/PC2, mais toutefois en retrait comparé à certains softs actuels ; leur édition en temps réel est en revanche un régal. Déclinées en différentes versions, les basses sont très musicales, rondes et faciles à mixer, avec mention spéciale aux techniques Pull/Slap. Les sons orchestraux ont fait la réputation des machines Kurzweil, comme le justifient entièrement les exemples suivant : ensembles de cordes, cordes solo, ensembles orchestraux, solo orchestraux, percussions orchestrales. Sans oublier les chœurs, l’orgue d’église et ce Koto capturé par hasard. Les drums sont au rendez-vous, avec la patate et la variété : kits acoustiques, kits électroniques, percussions ethniques, percussions harmoniques. On trouve toutefois quelques domaines moins réussis, comme les guitares acoustiques (qui datent un peu) et certains cuivres. Enfin, les sons de synthèse démontrent la puissance des DSP et la qualité sonore du PC361, comme en témoignent ces compilations de nappes, leads, basses et polysynths. Au global, une musicalité incroyable, grâce à une base remarquable d’échantillons cuisinés de main de maître par les Sound Designers Kurzweil, parmi lesquels le talentueux Dave Weiser, au moyen des outils surpuissants du PC361, dont nous allons maintenant parler.
Synthèse VAST
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Le PC361 est une workstation ultra puissante polyphonique 128 voix sur 16 canaux multitimbraux, dont la partie synthèse repose sur une lecture d’échantillons très avancée et 2 types de modélisation : analogique (voir encadré ci-contre) et orgues à roues phoniques (voir encadré en bas de page). La synthèse VAST a vu le jour il y a presque 20 ans sur le K2000. Il s’agit d’une synthèse modulaire, permettant de combiner différents traitements en algorithmes : oscillateurs, filtres, Shapers, distorsions, synchro… et de moduler le tout avec un paquet d’outils : enveloppes, LFO, générateurs de signal. Elle s’est complexifiée sur le K2600, multipliant les possibilités de traitement en utilisant jusqu’à 3 couches de modules. Aujourd’hui, nous passons à la Dynamic VAST, capable d’utiliser une cascade de 32 couches de modules de traitement, chacune disposant d’algorithmes indépendants. Une couche consomme 1 ou 2 voix de polyphonie (multiéchantillon mono ou stéréo), donc les traitements les plus radicaux peuvent grappiller les voix avec gourmandise. Chaque couche fait appel à un multisample qui passe dans un algorithme, c’est-à-dire un arrangement de modules de traitement. Par exemple, un ensemble Pitch / forme d’onde / filtre / Shaper / ampli. Il y a 28 algorithmes initiaux et 29 algorithmes pour les cascades. Pitch et ampli sont toujours présents au début et à la fin des algorithmes. Le Pitch gère la hauteur (accordage grossier et fin), le tracking clavier et le tracking par la vélocité. L’ampli gère les mêmes variables appliquées au volume.
Mais la synthèse Dynamic VAST, c’est aussi la possibilité de créer ses propres algorithmes de modules, jusqu’à 4 par couche suivant la complexité des modules que l’on souhaite utiliser, en plus des modules Pitch et ampli. Un module de forme d’onde classique occupe 1 unité, une onde VA-1 prend 2 unités, alors qu’un filtre 4 pôles résonnant avec séparation en consomme 4. Chaque module dispose de 1 ou 2 entrées et 1 ou 2 sorties. On peut donc connecter un module vers (ou depuis) 1 ou 2 autres modules. Cette connexion peut se faire avec n’importe quel module dans la chaîne, pas forcément avec les modules adjacents, permettant ainsi des combinaisons en série et en parallèle. C’est énorme ! Et n’oublions pas que tout cela est pour une seule couche et qu’un programme peut en comprendre 32, monstrueux ! Chaque couche dispose d’un mode de jeu (mono / poly avec portamento / legato), une fenêtre de tessiture et de vélocité, un sens de lecture des échantillons, un délai, des paramètres de réponse aux contrôleurs physiques, des départs effets, un niveau de sortie, un panoramique, un crossfade… et un riff Midi (séquence assignable, voir ci-après). Mais ce n’est pas tout…
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Modulations matricielles
Quels que soient les modules utilisés dans les algorithmes, on peut en moduler les paramètres en temps réel (contrôleurs physiques ou modules de synthèse). Ceci se fait habituellement avec 2 sources distinctes, dont l’une est elle-même contrôlable par une autre source entre 2 valeurs extrêmes. Les destinations sont multiples et absolument exhaustives : 2 LFO, 2 ASR, 4 FUN, 3 enveloppes (dont une attribuée au volume), tous les contrôleurs physiques, les CC Midi… Les LFO peuvent se synchroniser à l’horloge Midi ou osciller entre 2 valeurs extrêmes contrôlables (jusqu’à 24 Hz, on aurait aimé plus !). Ils offrent 45 formes d’onde complexes et un réglage de phase. Les ASR sont des enveloppes à 3 temps (0 à 30 secondes) qui peuvent se boucler, histoire de moduler des paramètres sans consommer les grosses enveloppes.
Poursuivons avec les FUN, qui permettent de mélanger 2 signaux pour en fabriquer un troisième, suivant plus de 50 différentes fonctions mathématiques : addition, soustraction, moyennes, comparaison, valeurs absolues, quantisation, fonctions trigonométriques, fonctions booléennes… de quoi réjouir tous les boutonneux des classes prépa scientifiques. Enfin, les 3 enveloppes offrent 7 segments (temps et niveaux) modulables, avec tracking clavier et de nombreuses possibilités de bouclage entre les différents segments. Un paramètre d’impact permet de booster les 20 premières millisecondes de l’enveloppe de volume afin d’ajouter du punch au son, idéal pour les attaques rapides. Tout le monde suit ? Oui, non, parce que ça continue…
KDFX au carré
Apparu il y a 10 ans sur le K2500, l’extension KDFX permettait d’empiler 5 multieffets stéréo avec un système très souple de 8 bus et des modulations temps réel incroyables, le tout doté d’une qualité sonore top niveau, ce qui plaçait la marque bien au-dessus de la concurrence. Mais cette dernière s’était empressée de combler son retard et il n’est pas rare aujourd’hui de voir certaines machine proposer un effet par partie multitimbrale, en plus d’effets globaux. Il n’en fallait pas moins à Kurzweil pour réagir et le PC361 entend bien reprendre la course en tête sur le plan des effets. Pour ce faire, la machine offre un véritable studio de traitements intégré. Chaque programme offre 1 chaîne d’effets d’insertion et 2 chaînes d’effets auxiliaires avec envois réglables. Les effets d’insertion s’appliquent soit à tout le programme, soit à certaines couches au choix, utilisant jusqu’à 11 bus. Chaque chaîne d’effets auxiliaire peut être appliquée avant ou après effets d’insertion, ce qui offre une souplesse incroyable de routage. Une chaîne peut contenir jusqu’à 16 boîtes d’effets distinctes et 15 points de modulation à choisir parmi tous les paramètres d’effets. Parmi les sources de modulation, on trouve 2 LFO, 2 ASR et 4 générateurs de fonctions mathématiques, tout cela spécifique aux effets, impressionnant ! L’éditeur permet d’ajouter / supprimer des blocs d’effets à n’importe quel endroit de la chaîne, la seule limite étant la puissance totale du DSP (16 unités), donc la complexité de chaque effet (1 à 8 unités, les plus fréquents consommant 1 à 3 unités).
Au programme : réverbes, délais (simples, multiples), EQ (graphiques / paramétriques), processeurs de dynamique (compresseurs, expandeurs, portes simples ou multibandes), ensembles (chorus, flanger), filtres, distorsions, Leslie / tremolo / autopan, modulateurs en anneau, le tout en mono ou stéréo. Les assemblages d’effets internes se comptent par milliers, les algorithmes par centaines, chacun disposant de plusieurs dizaines de paramètres. Côté son, on est au niveau des meilleurs processeurs dédiés, genre Lexicon PCM ou Eventide, du très grand art ! Là où le PC361 enfonce le clou, c’est en mode multitimbral (Setup ou Song). Dans ce mode, chaque piste offre une chaîne indépendante de multieffets d’insertion. A noter que chaque effet consomme une certaine quantité de ressources DSP et qu’il est nécessaire d’arbitrer entre les gros effets et les autres. Les 2 bus auxiliaires sont, eux, communs au programme spécifié. A noter qu’il est possible d’écraser les valeurs de départ et les réglages pré/post stockés dans les programmes, afin d’affiner les réglages. Enfin, le PC361 propose une dernière chaîne en sortie principale, composée d’un EQ et d’un compresseur dont l’ordre est paramétrable. Ah si seulement le PC361 avait eu des entrées audio !
Mode multitimbral
Le PC361 est multitimbral 16 canaux. Pour le jeu, c’est le mode Setup qu’il convient d’utiliser pour gérer 16 zones Midi indépendantes en émission / réception. Les faders permettent de mélanger rapidement les volumes et autres paramètres programmés dans la matrice de modulations, tandis que la couleur des diodes de la rangée de 9 boutons indique le statut des canaux (joués / mutés, le neuvième bouton permettant d’alterner entre les canaux 1–8 et 9–16). Pour chaque canal, on mémorise le programme, le canal Midi, la destination de l’émission (Midi, USB, locale), la tessiture, la fenêtre de vélocité, le panoramique, le niveau, les routages vers les effets (avec écrasement possible des paramètres réglés en mode Program). On trouve aussi tout ce qui concerne la réponse aux contrôleurs physiques : Pitchbend, molette de modulation, faders linéaires, pédales, pression, contrôleur de souffle, Switch assignable, contrôleur à ruban… Côté éditeur, il manque une véritable représentation graphique du clavier et des différentes couches pour être heureux.
C’est dans le mode Setup que se règlent les arpégiateurs. Chaque canal a le sien, qui peut commander les programmes internes ou des modules externes via Midi. On trouve différents modes de jeu : haut, bas, alterné, ordre joué, aléatoire, Shuffle, Walking, avec ou sans glissando… la vélocité et la pression peuvent moduler le son. Après chaque cycle, la hauteur des notes peut être décalée. Lorsqu’on relâche les notes, on peut produire différentes actions : stopper, continuer, ajouter des notes… de quoi se perdre, sans toutefois jamais s’ennuyer. Bien évidemment, différentes signatures temporelles sont prévues et tout ce beau monde se synchronise en Midi. Au-delà des arpégiateurs, il est aujourd’hui fréquent de trouver des patterns rythmiques sur les workstations et le PC361 n’échappe pas à la règle. Chaque canal offre un motif rythmique indépendant, baptisé riff. Un riff est importé à partir des pistes du séquenceur. On peut ainsi choisir quelles pistes doivent jouer, les synchroniser au tempo, les déclencher, les transposer (ou non), voire les décaler dans le temps, avec ou sans vélocité. Tout cela se fait dans une zone de tessiture à définir. Au global, le mode Setup offre 2048 emplacements utilisateur dont 128 programmés d’usine, permettant de jouer 16 canaux, de piloter 16 canaux Midi externes, tout en lançant 16 arpèges et 16 motifs. C’est du lourd !
Séquenceur classique
Le Mode Song place le PC361 au centre d’un arsenal Midi et informatique, grâce à sa prise USB. La résolution du séquenceur a été portée à 960 bpqn, ce que nous nous sommes empressés de ne pas vérifier ! La mémoire est sauvegardée à l’extinction de la machine, Kurzweil étant la seule marque à notre connaissance à permettre cela, depuis le K2000. Nous applaudissons des 2 mains ! La machine travaille sur 16 pistes et 16 canaux Midi. Chaque piste offre les réglages classiques de volume, panoramique, tessiture, avec filtrage des contrôleurs physiques.
La capacité maximale d’événements est de 220.000, soit 110.000 notes. Côté enregistrement et édition, on trouve les classiques du genre : punch in et out, mode boucle et overdub, quantisation à l’entrée et à la sortie, enregistrement multicanal, édition d’évènements, copie / suppression de parties, comparaison de la séquence initiale / éditée… Rien que du classique. L’éditeur a toutefois pas mal vieilli, comparé aux grands écrans graphiques que l’on trouve à la concurrence. A l’usage, on aura même du mal à oublier son séquenceur logiciel préféré, fusse-t-il en noir et blanc sur Atari (je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître). Le Mode Song offre 2048 emplacements utilisateur, de quoi voir venir…
Conclusion
Au final, le PC361 est une excellente surprise. Cette version 61 touches légères a de quoi ravir les amateurs de machines compactes, transportables et solides. Ce qui frappe d’emblée, c’est la qualité sonore encore améliorée et la puissance à tous les niveaux. La qualité des programmes d’usine est impressionnante et on salue le travail des Sound designers maison. L’édition est relativement aisée compte tenu de la profondeur abyssale de la machine, totalement modulaire, même si un grand écran et davantage de graphismes auraient été appréciables. L’éditeur logiciel permettra de satisfaire ceux que cette complexité rebute. Le seul véritable grief est l’impossibilité de travailler avec des sources externes, soit par import, soit par sampling, soit par traitements audio. C’est ce qui différencie la série PC3 de la série K. Mais vu l’impressionnante panoplie de traitements disponibles, le PC361 est une workstation tout à fait polyvalente, aussi à l’aise en studio que sur scène, aussi appréciable pour le Sound design, l’enregistrement que le jeu live. Un must !
Interview du R&D Kurzweil
Notre relation de longue date avec les développeurs Kurzweil nous a permis d’interviewer les principaux membres du R&D. Certains sont les fondateurs de la marque et ont contribué à nous offrir des produits géniaux depuis 25 ans. Qu’ils soient remerciés pour leur passion, leur talent et leur disponibilité.
Howard « Hal » Chamberlin – directeur du R&D, directeur du hardware
AF : quel est votre parcours professionnel ?
Hal : je suis chez Kurzweil depuis plus de 22 ans. Avant, j’étais dans l’industrie du PC, ça date de l’Altair. Je suis aujourd’hui patron du R&D Kurzweil à Boston. C’est un métier à temps plus que complet, mais je fais toujours une bonne partie de développement hardware et le dépistage des pannes.
AF : quel a été votre rôle sur les produits Kurzweil?
Hal : j’ai rejoint Kurzweil à la sortie du K150 et j’ai participé intensément au développement de la série K1000. Puis les K2000 et PC, en passant par les pianos numériques. J’ai beaucoup contribué à l’architecture matérielle, à l’audio analogique, à la partie puissance et aux différentes interfaces. De 1998 à 2004, j’ai vécu en Corée pour veiller à ce que ce qui était conçu à Boston était correctement produit à Incheon.
AF : quelle a été votre implication sur le PC3 ?
Hal : j’ai passé ces 3 dernières années comme ingénieur, puis manager du projet PC3 jusqu’à sa sortie. J’avoue que c’est la deuxième partie qui a été la plus dure. J’ai d’abord travaillé sur l’architecture matérielle, puis sur la conception de la plupart des cartes. La carte la plus importante, la « voix » de l’instrument, a toutefois été conçue par Tim Thompson puis lancée en production par Richard Folk. Ensuite, en tant que directeur, j’ai supervisé la mise au point de tous les aspects software, hardware, le mode d’emploi…
AF : de quoi êtes-vous le plus fier ?
Hal : jouer un rôle clé dans le développement du PC3 est clairement une réalisation dont je suis fier. Juste après, il y a la série SP76/88 que j’ai créée à 100%, même si elle n’est pas aussi sexy que les K et PC. Ce fut un beau succès commercial qui a fait découvrir à plein de gens la magie Kurzweil à prix abordable et nous a permis de nous maintenir à flot financièrement lors des années difficiles du début de cette décennie.
NDLR : ce qu’Hal Chamberlin ne dit pas, c’est qu’il est l’auteur d’un livre écrit vers la fin des années 70, qui s’est révélé être une source d’inspiration pour tous les fabricants de synthés, d’ARP à Roland, de Sequential à Oberheim. Pour les passionnés, plus d’infos ici.
Tim Thompson – directeur associé, responsable du département
AF : quel est votre parcours professionnel ?
Tim : je suis rentré chez Kurzweil en avril 1985 pour effectuer des tests sur le K150 et le Midiboard. A 12 ans j’avais acheté Switch On Bach et j’étais fan de Bob Moog. Lors d’un NAMM show, j’ai eu la chance de partager une chambre d’hôtel avec lui et j’ai appris à bien le connaître. C’était une personne hyper créative, drôle et il me manque beaucoup… J’ai passé la plupart de mon temps comme ingénieur hardware chez Kurzweil, sur le design numérique puis sur la partie audio analogique pour les K2600, KSP8, Rumour/Mangler et PC2. J’ai également managé différents services et quand Samick a pris le dessus, on m’a demandé d’aller à Los Angeles. Alors je suis parti pour fonder Bricasti Design avec Brian Zolner et Casey Dowdell. Quand Hyundai a repris Kurzweil, j’ai décidé de revenir et j’en suis très heureux. Maintenant je seconde Hal Chamberlin au R&D, comme responsable du service hardware et VLSI.
AF : quel a été votre rôle sur les produits Kurzweil?
Tim : je suis impliqué de près ou de loin sur tous les produits depuis le K250. Depuis quelques années, le plus dur a été de faire fonctionner tous les ingénieurs comme un seul homme. Chacun a bien grandi et je suis très satisfait de notre équipe. Ils font du super boulot, bien au-delà de mes espérances. Ce sont des types brillants qui me font aimer mon travail.
AF : quelle a été votre implication sur le PC3?
Tim : j’ai tracé les grandes lignes du hardware, Richard Folk l’a amélioré et terminé. Richard Bryan a fabriqué les prototypes et les a fait fonctionner. Mark Miller and Chip Natarajan ont conçu l’Asic MARA qui est au cœur du PC3. C’est vraiment un circuit extraordinaire, beaucoup plus puissant que tous les DSP que j’ai vus jusqu’à présent. Toute l’équipe a vraiment fait un super job sur le PC3.
AF : de quoi êtes-vous le plus fier?
John Teele – directeur du software
AF : quel est votre parcours professionnel ?John Teele : je pilote notre équipe software, qui inclut nos ingénieurs basés à Waltham, une petite poignée de consultants software et depuis peu nos développeurs basés en Corée et en Chine. Je contribue également directement au développement logiciel quand le temps me le permet ! J’ai travaillé sur les produits et la technologie Kurzweil une grande partie de ma carrière – ça fait plus de 16 ans au total. Récemment, j’ai développé des produits d’électronique grand public pour Bose, Lexicon, Mark Levinson, parmi d’autres. Effet induit de ce travail que j’aime tellement, j’ai appris beaucoup sur l’audio et la musique. Pendant mon temps libre, je rends des services audio aux groupes locaux, tels que la sonorisation live et l’enregistrement de maquettes.
AF : quel a été votre rôle sur les produits Kurzweil?
John : j’ai commencé à travailler chez Kurzweil en 1987 et je suis resté au R&D Kurzweil / Young Chang jusqu’à la restructuration de 2002. J’ai été de nouveau engagé en 2008 pour manager l’équipe software… Quand j’ai débuté, j’étais complètement étranger à la synthèse et à la musique. Je jouais de la basse dans un petit groupe local, les “Bridge Street” et mon seul synthé était un Casio CZ-1000. J’ai commencé à travailler sur des mises à jour logicielles pour le K250, qui était vraiment extraordinaire pour moi à cette époque. Bosser avec Ray Kurzweil était bien, mais c’était encore mieux de collaborer avec Bob Childaw qui est le véritable génie derrière la technologie Kurzweil et toujours un ami. Ceci dit, c’était bien évidemment une œuvre collective dans laquelle nous jouions tous un rôle. J’ai donné un coup de main sur la série K1000, mais ma première contribution importante a été de développer l’interface utilisateur et la couche d’application du logiciel pour la série K2000. Après j’ai continué aux différentes déclinaisons, K2500, K2600 et KSP8. Récemment, j’ai reparcouru avec intérêt le mode d’emploi du K2600 ; comme j’ai été surpris de me remémorer toutes les possibilités que nous avions intégrées !
AF : quelle a été votre implication sur le PC3?
John : j’ai aidé mon équipe à améliorer de manière significative l’OS du PC3. Mais je n’ai pas beaucoup contribué au PC3 de manière directe ; il a été commencé après que je suis parti et a été mis sur le marché avant que je ne revienne. Dans la mesure où les caractéristiques du PC3 sont fortement basées sur le K2600, on pourrait dire que mon travail passé a eu un impact sur le PC3. Mais ma plus large contribution sur ce point est d’aider mon équipe à travailler ensemble en harmonie, dans la nouvelle organisation étendue.
AF : de quoi êtes-vous le plus fier?
John Richmond – ingénieur en chef et directeur du soundware
AF : quel est votre parcours professionnel ?John : j’ai rejoint Kurzweil en 1994 pour travailler sur la V3 du K2000. J’ai travaillé sur une douzaine de produits dans les années 90 jusqu’à ce qu’on tombe sous le couperet de Samick en 2004. C’est là que j’ai commencé à travailler avec mes potes de Synthology, créateurs du piano virtuel Ivory, avant de retourner chez Kurzweil en 2006 pour commencer le développement du PC3. J’ai alors fait partie du groupe de 3 chefs de produit (avec Dave Weiser et Mike Papa, alors directeur commercial) qui ont déterminé les caractéristiques du PC3. Je travaille en ce moment sur le développement de Rom pour notre prochaine génération de synthés et sur l’amélioration de la modélisation musicale.
AF : quel a été votre rôle sur les produits Kurzweil?
John : le fait d’avoir été là depuis le début des séries K signifie travailler avec un tas de gens talentueux, ingénieurs et musiciens. Il y a eu plusieurs mentors, parmi lesquels Joe Ierardi et Geoff Gee pour le département son, Bob Childaw (le précédent scientifique en chef), John Teele et Hal Chamberlin. Ce qui est dur à expliquer, c’est comment tout ces gens ont su partager avec d’autres la passion de construire des instruments de musique qui sonnent aussi bien. Après le coup de Samick il y a 3 ans, ça a été un véritable défi de remonter la société pour créer le PC3. C’était une équipe totalement nouvelle, en particulier pour le software, et c’est techniquement très complexe. Pourtant j’étais très confiant dans le fait que le PC3 sonnerait bien, sachant comment il était fait. J’avais travaillé sur les K2500, K2600, PC2 et tous nos processeurs d’effets, donc je savais que faire passer toute la bibliothèque sonore par notre nouvel Asic MARA, avec tous les effets au top, ferait sonner cet instrument comme jamais. Heureusement, tout le monde a partagé cette vision et a travaillé dur pour la concrétiser. Je suis très heureux maintenant parce que nous pouvons nous concentrer sur une nouvelle génération d’instruments qui surpasseront tout ce qui existe.
AF : quelle a été votre implication sur le PC3?
John : essentiellement manager un groupe d’ingé-son pour créer la bibliothèque du PC3. Nous sommes une petite équipe avec beaucoup de talent. La gestion de produit a aussi été cruciale compte tenu des échéances tendues. Dès mon retour chez Kurzweil en 2006, j’avais une vision très claire de ce que le PC3 devait être. Tout a commencé par la conception du panneau avant, la production des premiers sons avec notre nouvelle puce, puis le travail sur le software pour tirer le meilleur parti de cette nouvelle puce tout en recréant les bonnes caractéristiques du passé. A partir de ce point, toute l’équipe a commencé à créer quelque chose de nouveau et unique. En extrayant le DSP du synthé virtuel analogique mort-né et en le combinant avec une nouvelle version de la synthèse VAST, cela a vraiment ouvert la porte à la créativité sonore. Je suis très heureux du résultat final et je pense que nous voyons tout juste les prémices de ce que nous allons pouvoir faire avec cette technologie.
AF : de quoi êtes-vous le plus fier?
John : du fait que Kurzweil fabrique toujours des instruments de musique. Il y a eu des jours sombres en 2004 et la plupart des gens ont pensé que Kurzweil allait marcher sur les traces des fossiles de l’ère analogique. Grâce à la persévérance d’un petit groupe de personnes qui n’ont rien lâché tant que ça ne marchait pas, nous avons ramené Kurzweil à la vie. Je suis très fier de la variété de sons et en particulier le détail de programmation qui rend le PC3 capable de recréer des grands classiques, jusqu’à la panoplie complète d’instruments orchestraux. Lorsque j’entends les gens dire qu’un son leur donne envie de jouer ou les inspire, je pense que nous avons atteint notre but. J’ai très envie d’entendre ce que les autres peuvent faire avec le PC3 !
David Weiser – chef de produit et designer soundware senior
AF : quel est votre parcours professionnel ?Dave : je suis le chef de produit, claviste maison et chargé du design sonore pour le R&D Kurzweil. C’est le travail le plus sympa du monde ! Je suis aussi le démonstrateur pour les salons, représentant Kurzweil sur les forums internet ; j’ai aussi de nombreux contacts avec le réseau de vente et les clients. J’aime connaître nos clients, ils sont fantastiques, colorés, agréables et très pointus. J’ai grandi dans une famille de musiciens – mes parents étaient profs de musique et jouent dans un orchestre symphonique. J’ai commencé le piano à l’âge de 4 ans et j’ai étudié l’harmonie au Berklee College. Avant Berklee, j’étudiais le Russe.
AF : quel a été votre rôle sur les produits Kurzweil?
Dave : j’ai été engagé au département son de Kurzweil en 2000. Au début mon boulot était de couper des échantillons pour les ingénieurs seniors. Mes premiers projets d’envergure ont été la programmation sonore pour le K2600 (Rom 4 « Vintage EPs ») et le PC2 (Rom 2 « Classic Keys »). En 2004, Kurzweil / Young Chang a été acheté par un concurrent de Young Chang. En quelques mois ils ont décidé de virer la plupart des ingénieurs. J’ai été l’un des 7 à survivre à l’hécatombe. Cela a été dur pour moi – tous mes amis étaient partis, le projet VA1 avait été stoppé et notre futur semblait incertain. Kurzweil a déposé le bilan et a été racheté en 2006 par Hyundai Development Corp (une société indépendante formée par les fondateurs de la marque automobile). A partir de là les choses ont été beaucoup mieux, nous avons pu rengager de vieux amis, comme John Richmond et Tim Thompson. Et plus récemment John Teele pour superviser le département software. Vous n’imaginez pas comme je suis heureux d’avoir ces personnes ici au R&D, aux côtés de nouveaux talents. Je remercie chaque jour d’avoir le privilège de travailler ici avec un groupe aussi exceptionnel. Ces personnes sont les plus brillantes qui soient… je suis honoré de les avoir comme amis. Kurzweil m’a ouvert beaucoup de portes, en particulier la possibilité de travailler avec des artistes extraordinaires. Les temps forts pour moi ont été de travailler sur la dernière tournée de David Bowie et de concevoir le son de piano de l’album « Smile » de Brian Wilson (c’est désormais le programme n°15 du PC3).
AF : quelle a été votre implication sur le PC3?
Dave : j’ai créé une grande partie des sons, parmi lesquels les pianos, claviers vintage, synthés, des basses et des sons de batterie. Mes programmes préférés sont Ray Charles Wurly, Steel Drums (en synthèse pure) et la basse fretless Jaco. J’ai également donné un coup de main au développement, en contribuant à la conception du panneau avant et aux spécifications techniques.
AF : de quoi êtes-vous le plus fier?
Dave : je suis fier à chaque fois que je vois le PC3 sur scène, à la télé… en particulier lorsqu’il est utilise par l’un de mes artistes préférés. Le meilleur a été de voir mon musicien préféré, Bernie Worrell (Paliament/Funkadelic, Talking Heads) prenant son pied avec un PC3. Cela a été impressionnant de voir le PC3 passer du concept à la réalité, de le retrouver dans les magazines, puis joué par des musiciens du monde entier.
AF : sur quels nouveaux produits travaillez-vous?
Dave : évidemment je ne peux pas en dire beaucoup… nous allons présenter le PC3LE cet été, le petit frère du PC3. Il aura le même moteur sonore que le PC3 – KB3, synthèse VA – mais l’édition sera très limitée. La polyphonie sera réduite de moitié, tout comme les ressources d’effets. L’objectif est de proposer un PC3 plus abordable, qui s’adresse à un nouveau segment de marché pour Kurzweil.
AF : quels sont les projets de Kurzweil ?