Qu’il est dur aujourd’hui de trouver un distributeur quand on est auto-producteur et que l’on n’a pas encore fait ses preuves ! Mais au fait, un distributeur, ça sert à quoi ?
À bénéficier d’une structure reconnue, expérimentée et organisée qui diffuse un nombre de disques à travers un réseau de points de vente et diverses enseignes. Si le contrat de distribution est la voie normale pour écouler son stock de disques, il présente certains inconvénients non négligeables comme des frais de reconditionnement ou bien des frais sur les retours (6% sur le prix de gros hors taxe) ou encore lors d’une vente directe en concert, par exemple, le prix public unitaire TTC d’un exemplaire vendu par le producteur ne peut être inférieur à 125% du PGHT du distributeur. C’est, en effet, considéré comme une sorte de concurrence déloyale. En clair, le producteur n’a pas le droit de casser le prix de son disque pour favoriser ses propres ventes. Enfin, signer avec un distributeur c’est surtout lui confier son stock durant 2 années, si celui-ci ne le travaille pas, c’est le voir dormir et donc perdre de l’argent définitivement. Il s’agit d’un cas qui n’est pas rare surtout chez les artistes méconnus.
Au final, le distributeur prélève sur le prix de gros hors taxes des frais de fonctionnement qui avoisinent les 45%, c’est énorme, car un autoproducteur méconnu n’a aucune chance de générer du volume à la vente et donc de compenser ces frais.
Il existe un autre chemin : l’auto-distribution. Nous allons comprendre que gérer soi-même la mise en place de son stock en magasin est une option facile et rentable à condition de respecter certains principes.
Boîtier cristal ou Digipack ?
L’auto-distribution commence déjà par bien préparer le support sur lequel vont figurer les titres de l’album. 8 autoproduits sur 10 se tournent vers le support boîtier cristal contre 2 seulement pour le Digipack, c’est en dessous de la moyenne générale constatée dans l’industrie du disque qui table plutôt sur un rapport 50/50. Pourtant, le Digipack reproduit l’aspect créatif du vinyle, plus chaleureux, unique et modulable. Le public l’identifie comme un produit + ou comme un objet collector. Il permet surtout au producteur de le vendre à un prix plus élevé. Le coût moyen constaté pour la fabrication d’un Digipack/Digisleeve standard ne dépasse pas 2€TTC pour 1000 exemplaires ce qui le rend dorénavant accessible aux auto-producteurs. Si le Digipack n’est pas un produit miracle, c’est sans nul doute une force de persuasion parmi d’autres comme la pochette.
Le boîtier cristal coûte moins cher que le Digipack à la fabrication. Son avantage : il ne s’abîme pas à travers le temps. En revanche, il ne dégage ni plus-value artistique, ni originalité et ne procure aucune identité particulière à l’artiste représenté. Une fois dans les bacs, on se retrouve face à un produit de masse qui n’aidera d’aucune façon l’autoproducteur à sortir du lot, or, sa mission principale est justement de sortir du lot.
Selon le fabricant qu’il soit broker (Imatec Duplication, etc.), majeur (MPO France, etc.), indépendant ou dès lors que l’on s’adresse à l’étranger pour des tarifs plus attractifs, le coût standard à la fabrication pour un boîtier cristal ne doit pas dépasser 1€TTC la pièce pour 1000 exemplaires ou 1,50€TTC avec livret 8 pages. Certains fabricants comprennent dans ce prix l’ajout d’un carton wrap pour un aspect Digipack.
L’habit fait bien le moine !
La pochette est le tout premier élément de l’album visible par le public. C’est d’ailleurs sur elle que celui-ci risque de se forger un avis quasi définitif sur l’intérêt qu’il porte à l’album. On peut affirmer que la pochette représente 70% de chances de vendre ou pas. Si elle ratée, la situation est impossible à remonter ! Que trouvons-nous sur la pochette ? 3 informations : le nom de l’artiste, le nom de l’album et l’illustration qui reflète impérativement l’ambiance du contenu musical. Veillez à bien synchroniser ces 3 vecteurs qui ne feront plus qu’une seule identité à l’arrivée : la vôtre.
La jaquette ou la face arrière est moins déterminante. Toutefois, un mauvais agencement ou des éléments mal élaborés peuvent quand même écarter l’acte d’achat. On y trouve la liste des titres, visible et accompagnée du temps de minutage, en option le rappel du nom de l’artiste et/ou de l’album. On y ajoutera le logo du label, le tout sur une illustration là encore proche de l’ambiance musicale de l’album.
L’intérieur du livret contient les textes que l’on peut habiller avec des illustrations qui sont là pour apporter un plus. Peu importe le nombre de pages et le nombre d’erreurs (tout de même à éviter) car le public n’y a pas accès au moment de l’achat et pour cause, le boîtier cristal ou Digipack est mis sous cellophane. Enfin, l’endroit réservé aux crédits doit afficher un nombre de lignes très mesuré, car les médias n’apprécient guère les remerciements fleuves qui d’ailleurs ne servent à rien.
Le Sticker vendeur : la vie ou la mort !
Son rôle vient en appui de celui de la pochette. Il est là pour procurer une image officielle de l’album avec des termes racoleurs. Il est la passerelle indispensable qui doit mener le futur acheteur à la dernière étape : l’écoute ou s’il est déjà convaincu, le conduire à passer à la caisse.
Que trouve-t-on ? Un extrait d’une chronique de presse voire plusieurs ou un résumé de l’ambiance de l’album ou bien citer des grosses références du style musical qui est le vôtre.
Le sticker sert donc à identifier la couleur de l’artiste et à rassurer via les chroniques de presse. Il retranscrit aussi l’avis du vendeur et parle en quelque sorte à sa place. Ce dernier peut tout à fait y ajouter son sticker coup de cœur, demandez le lui !
On n’oubliera pas 2 choses : le coller de préférence sur la face avant du boîtier ou Digipack et jouer sur des couleurs flashy : rouge, blanc, jaune fluo, etc. Le but ici ne sera pas de faire une oeuvre artistique, mais bien d’attirer le regard.
Votre fabricant vient de vous livrer votre premier stock, que faire ?
Après la famille, les amis et votre public fidèle, le temps est venu de faire comme les grands, être dans les bacs ! Démarchez chaque magasin ou chaîne de magasins, approcher les vendeurs ou responsables des rayons disques locaux puis nationaux, les convaincre, l’un après l’autre. On peut tout à fait mener une large opération à distance et au téléphone. Les mots sont importants, ne négligez pas les 20 premières secondes !
Vendre son album, c’est savoir le communiquer d’abord sur le plan artistique. Nombre de disquaires sont des passionnés ou des musiciens encore en activité. Ils ont une très bonne oreille et souvent une grande expérience à l’écoute. Ne les prenez pas pour des imbéciles ! Évitez de faire des promesses inutiles sur une quelconque projection de vente, évitez aussi de faire passer votre album pour le disque du siècle. Enfin, il s’agira de rassurer le disquaire et de le rallier autour d’une démarche bien réfléchie notamment sur des actions de promotion comme les concerts ou showcases. Vous l’aurez compris il s’agit d’un ensemble dont la moindre faille peut faire basculer la décision du disquaire.
Dans le cas où elle est favorable, un contrat de dépôt de vente uniquement délimité au magasin local vous sera proposé pour une durée de 2 mois. L’opération se répètera autant de fois qu’il y aura de magasins concernés. Bien sûr, un point sera fait au terme du contrat et déterminera la reconduction simple, l’éventualité d’un réassort ou bien la reprise du stock restant par l’auto-producteur sachant qu’il est en général exonéré des frais de retour.
Surtout, pensez à donner de vos nouvelles régulièrement, c’est un réflexe qui relancera la motivation du vendeur vous assurant ainsi une plus grande longévité dans les bacs et ça permettra aussi le maintien de l’album sur borne d’écoute, par exemple.
Combien d’exemplaires faut-il déposer ? Si, il y a 5 ans, il était facile de déposer 25 pièces par magasin, aujourd’hui on table plutôt sur 5 pièces, la crise du disque est passée par là… Néanmoins, la règle reste la même : sur un nombre x de disques exposés, la moitié seulement s’écoulera, ni plus ni moins.
Savoir fixer le bon prix de vente
|
Ça y est, vous venez de décrocher votre premier contrat, reste une dernière chose, à combien faut-il vendre votre album ? Le prix de vente tout comme la pochette indique au public la valeur que vous donnez à votre travail. En clair, vendre un album à 6€ veut tout simplement dire que la qualité de la production ne vaut pas plus que cette maigre somme. Ce bas prix projette une mauvaise image au public. À l’inverse, vendre un disque à 30€ dépasse largement le budget dont les gens disposent pour ce type de produit. Alors, comment évaluer le juste prix ?
On estime qu’un disque sur support boîtier cristal se vend entre 9,99 et 14,99€ TTC. Idéalement on table sur une fourchette entre 9,99 et 12,99€ TTC pour un auto-produit. Un Digipack s’apprécie entre 15€ et 20€ TTC, à ce prix, il intègre un produit +.
En marge, il n’est pas indispensable d’imprimer ou de coller un code EAN dans le cadre d’une auto-distribution. Lors des concerts, vous n’en aurez pas besoin. Quant aux grandes enseignes et disquaires indépendants, ceux-là établissent un référencement spécifique avec un code EAN générique pour les auto-produits.
Alors, quelle est la marge du disquaire ? Cela dépend, certaines enseignes n’en prennent aucune, d’autres pratiqueront un pourcentage raisonnable (entre 10% et 20%). Dans tous les cas, vous serez gagnants si l’on se rappelle les frais de fonctionnement pratiqués par les distributeurs.
Magasin où es-tu ?
|
La liste des magasins encore ouverts à l’auto-distribution s’est franchement réduite, c’est principalement dû à un mauvais comportement des autoproducteurs notamment sur leur incapacité de récupérer les invendus lorsque les disquaires le leur demandent ou bien de facturer les ventes effectuées. C’est aussi à cause d’une restructuration sur le plan national, comme c’est le cas pour la Fnac, qui a centralisé le service comptable de tous ses magasins locaux.
Globalement, on se dirigera vers les petits disquaires indépendants, les magasins Cultura ou encore les Espaces Culturels Leclerc qui maintiennent une politique favorable à la distribution indépendante. Virgin et Fnac travaillent dorénavant avec Musicast pour les auto-productions.
Supports d’exposition : ce qu’il faut savoir
Les supports d’exposition du pire à l’idéal sont les suivants :
– Tout d’abord, le bac à fouille. Aucune chance pour un autoproduit de se vendre. Ici, pas d’exposition donc pas de visibilité. Parfois, il peut s’agir d’une configuration de soldes avec un prix fixé à 1€ surtout quand l’auto-producteur ne répond plus à l’appel du disquaire pour qu’il vienne récupérer les invendus.
– Le bac avec classement alphabétique offre une meilleure visibilité, mais il n’est favorable qu’aux autopro-ducteurs locaux, sinon les chances de vendre sont là encore égales à 0%
– Le Facing est une arme bien plus redoutable, car nous passons de 0% à 50% soit 1 chance sur 2 ! Le Facing procure une accroche à hauteur des yeux. Ici, la pochette du disque est cruciale, bien réussie et surtout pertinente, elle peut réunir suffisamment d’arguments pour déclencher l’acte d’achat.
– La Borne d’écoute regroupe une double exposition : visuelle à l’instar du Facing et auditive. Les chances de vendre sont ici évaluées à 70% ! C’est aussi à vous de faire en sorte que la qualité musicale surclasse celle de l’artiste national ou international qui expose son nouvel album sur la borne d’à côté ! En général, elles sont réservées aux majors et autres labels via des accords commerciaux.
Un auto-distributeur peut-il y accéder ? Oui, en période creuse comme les vacances d’été ou à partir de la mi-janvier jusqu’au Printemps. Évitez Noël et la rentrée de septembre ! Comment peut-on y accéder ? C’est simple, en demandant humblement au disquaire s’il peut faire un geste en fonction de l’actualité riche ou pas. N’hésitez pas, c’est dans son intérêt de jouer le jeu !
La colonne de disques appelée aussi totem. Elle est disposée, de préférence, en plein milieu du chemin où passent les clients. Elle est le résultat d’une haute appréciation de l’album accordée par les disquaires de l’enseigne.
On joue ici sur un volume exposé important, les ventes sont elles aussi importantes. Le totem est un trésor de guerre qu’il est difficile à décrocher pour un auto-producteur mais loin d’être impossible !
Le passage audio en magasin : moins spectaculaire que le totem, il déclenche tout de même de nombreuses ventes, car on dépasse l’audience d’une borne d’écoute locale, ici, tous les clients présents dans le magasin sont concernés.
Enfin, le showcase, support de vente sans équivalent, il offre 90% de chances de vendre le stock exposé.
Le Showcase
À condition qu’il s’adapte au lieu de vente et à la clientèle (souvent en formule lite sans batterie acoustique) peut s’organiser chez n’importe quel disquaire du simple détaillant à l’espace culturel d’un supermarché et bien sûr en passant par les réseaux historiquement ouverts à ce type d’événement comme Cultura puisque l’enseigne dispose d’une scène avec sono pour tous ses magasins.
Le showcase se programme en concertation avec le vendeur, responsable disques ou responsable de communication pour les Fnac. Une date est fixée suivant la fréquentation et le type de clientèle attendus ce jour-là, exclusivement le samedi pour les Cultura et plutôt la semaine pour les Fnac. La durée moyenne du showcase est difficile à évaluer, mais plus longtemps vous jouerez plus les chances de vendre sont importantes grâce au renouvellement constant des clients.
La mise sur borne d’écoute d’un auto-produit dans le cadre d’un showcase est effective au moins 15 jours avant et jusqu’à 15 jours après l’événement. Rien n’empêche de coller des affiches à l‘entrée du magasin et même de distribuer des flyers aux clients entre les sets. Enfin, si vous effectuez une tournée dans les magasins, vérifiez les possibilités de remboursement de frais de route.
La distribution sans distributeur : un secteur d’avenir ?
Cette méthode détournée que l’on peut qualifier de retranchement ou de secours a fait ses preuves. Elle exige un travail méthodique qui s’étale sur au moins 2 années pour la sortie d’un album. À l’image d’une guerre de tranchées, on y avance pas à pas. Le temps est long et les énergies doivent demeurer intactes.
Rentabiliser l’auto production réalisée est, ici, le but du jeu, la distribution sans distributeur est une des routes qui le permet et qui le permettra encore demain surtout avec la disparition progressive des acteurs de l’industrie musicale traditionnelle.
Merci à Nicolas Barbier (responsable DVM Cultura Cholet)