Après avoir renouvelé l’année dernière ses interfaces d’entrée de gamme avec la série AudioBox iOne/iTwo compatible iOS, le constructeur louisianais rafraichit cette année le haut de son catalogue avec les Studio 192 et Studio 192 Mobile qui intègrent notamment une connexion USB 3. C’est le vaisseau amiral, la Studio 192, qui nous intéresse aujourd’hui.
Avec l’arrivée du Thunderbolt et de l’USB 3 dans le monde de l’informatique, les constructeurs d’interface audio ont plus ou moins rapidement pris le train en marche en proposant de nouveaux modèles promettant monts (la latence) et merveilles (nombre de canaux) aux utilisateurs. Si le passage à ces nouveaux standards est inéluctable, nous avons pu constater que certaines interfaces USB 2 avaient encore de la réserve, notamment au niveau des temps de latence chez les constructeurs maitrisant parfaitement leur contrôleur.
C’est donc au tour de Presonus, avec un peu de retard sur la concurrence, de proposer une interface intégrant un contrôleur « nouvelle génération ». L’avantage de l’USB 3 par rapport au Thunderbolt, c’est notamment la potentielle rétrocompatibilité avec l’USB 2 disponible sur tous les ordinateurs pas trop vieux. C’est d’ailleurs le cas de la Studio 192 qui reste compatible avec les ordinateurs disposant de connecteurs USB 2 seulement. Et si le constructeur nous conseille d’utiliser un port USB 3, la Studio 192 dispose a priori du même nombre de canaux en USB 2. Quoi qu’il en soit, le test a été effectué sur un MacBook Pro disposant d’un port USB 3.
I’m blue badabi badaba
La face avant adopte les couleurs classiques de la marque, et propose à l’utilisateur de brancher directement deux micros ou deux instruments grâce aux entrées combo XLR/Jack TRS. On accèdera aux réglages de gain et d’alimentation fantôme via un encodeur et trois boutons situés juste à droite des entrées. On retrouve aussi un bouton talk permettant d’activer le micro intégré à la façade afin de parler à son ou ses musicien(s). C’est une fonctionnalité que l’on retrouve désormais assez fréquemment sur les interfaces un peu haut de gamme et c’est plutôt une bonne nouvelle, car très pratique à l’utilisation. Si jamais le micro intégré ne vous convenait pas, sachez qu’il est possible d’assigner n’importe quelle entrée micro au circuit de Talkback. Utile si vous êtes loin de votre interface audio lors des sessions d’enregistrement. Deux boutons Dim/Mute et Mono viennent compléter le tableau de manière agréable.
Les indicateurs de niveau pour les huit entrées analogiques disposent de huit LED permettant ainsi de vérifier rapidement le niveau de modulation. On retrouve aussi le gros potard de volume pour la paire de sorties principales, ainsi qu’une paire de 8 LED pour le niveau de sortie. Enfin, les deux sorties casque sont entièrement indépendantes, tant du point de vue de la source que du volume, une très bonne chose !
À l’arrière, la Studio 192 intègre une palanquée de connecteurs, avec les 6 entrées micro/ligne restantes en XLR/Jack TRS, les huit sorties analogiques en Jack TRS, les sorties enceintes en Jack TRS, l’entrée/sortie d’horloge en BNC, l’entrée/sortie S/PDIF en RCA et enfin les entrées/sorties ADAT au format TOSLINK (16 canaux en 44,1/48 kHz et 8 en 88,2/96 kHz). En 176,4/192 kHz, ces entrées/sorties numériques ne fonctionnent pas. Enfin, on retrouve le connecteur USB 3 (compatible USB 2, donc), et la connexion pour l’alimentation externe. Encore un truc qui va trainer dans les pieds !
Il n’y a donc pas grand-chose à redire d’un point de vue ergonomique au niveau hardware. On dispose de deux sorties casques indépendantes avec un contrôleur de volume, deux entrées mic/instrument en face avant, un gros potard de volume pour les enceintes, des boutons mono/mute/dim, un bouton talkback avec micro associé, le bouton d’alimentation et enfin un encodeur pour régler les gains des différentes entrées. La seule chose que l’on pourrait regretter est l’absence de bouton pour passer d’une paire d’enceintes à une autre (spoiler : on pourra le faire via la partie logicielle). Ça commence donc plutôt bien !
Passons maintenant à la partie logicielle.
Entre gris clair et gris foncé
Afin de faire le tour de l’interface utilisateur logicielle, nous vous avons concocté une petite vidéo pour bien vous rendre compte de l’ergonomie générale. Nous y découvrons la table de mixage virtuelle, les traitements avec le Fat Channel, la réverbe et le délai intégrés, les présets, le circuit talkback et les paramètres concernant les différentes sorties physiques.
Si nous n’atteignons pas la flexibilité de RME ou Antelope au niveau du routing, la partie logicielle reste assez complète et surtout simple à prendre en main. On regrettera juste le fait de ne pas pouvoir enregistrer d’une manière ou d’une autre les traitements intégrés comme la réverbe ou le délai, en pouvant envoyer par exemple les sorties des mixes virtuels dans sa STAN, par exemple.
Nous avons aussi apprécié l’intégration de la Studio 192 dans la STAN de Presonus Studio One. Le Fat Channel peut-être pris en compte lors de l’enregistrement ou encore mieux, les réglages faits dans la partie logicielle de la Studio 192 sur le Fat Channel peuvent être transférés directement dans le Fat Channel de la STAN afin d’être potentiellement modifiés par la suite. Les traitements seront alors traités par le processeur de votre ordinateur au lieu du DSP de la Studio 192.
Dans le même genre, il est possible d’utiliser la fonction Z-Mix permettant de configurer les mixages de retour sans latence directement dans la STAN Studio One. La partie logicielle de la Studio 192 est alors désactivée et tout se fait directement dans l’interface de Studio One. C’est l’avantage d’avoir une véritable symbiose entre la partie logicielle et matérielle, tout se passe dans la même fenêtre et tout votre routing de retour est alors sauvegardé dans la session de Studio One. Un vrai plus pour les utilisateurs de la STAN de Presonus.
Benchmark
Branchée en USB 3 sur notre MacBook Pro, avec la mémoire tampon réglée au minimum (32 échantillons), nous avons obtenu une latence de 2,93 en entrée et 2,59 ms en sortie (en 96 kHz). Ces temps de latence sont assez moyens, surtout quand on les compare à la très bonne Babyface Pro (1,43 ms / 1,07 ms en USB 2) ou aux interfaces Thunderbolt (1,63 ms en entrée et 0,54 ms en sortie pour l’Apollo 8, 0,79 ms en entrée et 0,46 ms en sortie pour la MOTU 1248 et 0,83 ms en entrée et 0,81 ms en sortie pour l’Ensemble de Apogee). En fait, ces temps correspondent aux temps de latence classiques des interfaces USB 2, comme l’iD14 de Audient. La Zoom UAC-8 USB 3 fait mieux dans ce domaine avec une latence d’entrée de 1,56 ms et une latence de sortie de 1,23 ms. Rien de scandaleux donc, mais il est possible de faire beaucoup mieux.
Afin de tester l’interface, nous avons fait des benchmarks avec notre APx515 d’Audio Precision, et nous allons pouvoir comparer les résultats à ceux obtenus avec les interfaces précédemment testées.
Voici les résultats avec les niveaux lignes, en 96 kHz :
Avec une déviation de ±0,160 dB et une légère atténuation dans le haut du spectre, la Studio 192 se place plus au niveau des interfaces d’entrée de gamme, notamment l’Audiobox iOne de Presonus (±0,197 dB) ou la Scarlett Solo (±0,095 dB) passées ici même, que des meilleures interfaces, beaucoup plus onéreuses, que nous ayons testées (autour des ±0,020 dB). Vu le prix de l’interface (environ 900 €) et vu ce qu’elle offre (8 préamplis, de l’ADAT…), ces résultats nous semblent assez normaux. À noter qu’elle fait beaucoup mieux que la Zoom UAC-8 (±0,574 dB) ou la Steinberg UR-22 (±0,496 dB).
Niveau de la distorsion, c’est à peu près la même chose, avec des résultats restant en dessous de 0,02 %, quelle que soit la fréquence. On est loin des meilleurs résultats obtenus ici (en dessous de 0,002 %) et plus proches des interfaces d’entrée de gamme. Rien de scandaleux en vue du prix, et c’est encore mieux que la Zoom UAC-8.
Avec le gain réglé sur 34 dB, la déviation grimpe jusqu’à ±0,310 dB avec au passage une légère atténuation dans le bas du spectre, en plus de celle déjà présente en haut. On reste donc dans des performances d’entrée de gamme. La distorsion reste aussi dans les clous, c’est à dire sous la barre des 0,02 %.
Les préamplis contrôlés numériquement possèdent 60 dB de gain, ce qui est assez confortable et supérieur aux interfaces d’entrée de gamme tournant généralement autour des 50 dB, et le rapport signal/bruit est de 93 dB, ce qui est meilleur que la Focusrite Scarlett Solo (87 dB), la PreSonus AudioBox iOne (83 dB) ou encore la Zoom UAC-8 (90 dB), mais loin des meilleures interfaces dépassant largement les 100 dB.
Pour résumer ces résultats, la Studio 192 a des convertisseurs qui n’ont rien d’extraordinaire avec notamment une légère atténuation dans le haut du spectre et une distorsion « sans plus », mais ses préamplis restent meilleurs que ce que l’on retrouve généralement en entrée de gamme, avec 60 dB de gain, un contrôle numérique et un rapport signal/bruit encore loin des ténors, mais honnête. On regrettera juste l’atténuation dans le bas du spectre en niveau micro qui vient s’ajouter à celle déjà présente en haut en niveau ligne.
Conclusion
Si l’argument de l’USB 3 nous parait caduc, la latence étant relativement haute et le nombre de canaux disponibles insuffisant pour que cette connexion soit justifiée, il faut avouer que la Studio 192 possède des qualités. La première est sa rétrocompatibilité totale avec l’USB 2, qui confirme aussi l’inutilité de l’USB 3, mais aussi le nombre d’entrées et sorties disponibles (8 préamplis micro et 16 E/S ADAT). Si nous regrettons les quelques limites de la partie logicielle, notamment le fait de ne pouvoir rediriger les mixes virtuels vers sa STAN et par la même occasion enregistrer la réverbe et le délai, nous avons apprécié ses traitements internes (FAT Channel, réverbe et délai), le micro talkback intégré et la symbiose avec Studio One (Z-Mix). Côté son, rien d’extraordinaire avec une déviation moyenne, mais des préamplis suffisants pour la plupart. Sans crever le plafond, Presonus propose donc une interface audio honnête qui comblera les home-studistes ayant besoin de ses entrées/sorties, d’autant plus s’ils utilisent Studio One.