Nouveau produit Native signé Scarbee, cette bibliothèque pour Kontakt présente un échantillonnage complet d’une Rickenbacker 4003. Voyons ce qui se cache sous le capot.
De tous ceux que l’on pourrait appeler les « petits » éditeurs de banques d’échantillons, Scarbee s’est particulièrement fait remarquer par la qualité de son travail, et des banques comme J-Slap & J-Fingered ou RSP ’73 ont marqué leur époque et sont loin d’être ridicules plus de 10 ans après leur sortie. Ce qui a fait cette renommée tient autant au niveau de la réalisation même (enregistrement, nombre de layers et de samples, programmation, etc.) que de celui de la mise en œuvre, et plus particulièrement à partir du moment où l’éditeur a adopté la plateforme Kontakt. Son travail avec Nils Liberg a ainsi donné quelques-uns des scripts les mieux conçus et les plus transparents pour l’utilisateur sur le semi-échantillonneur virtuel de Native. Même son unique incursion dans le domaine du plug-in, VKFX, a été couronnée de succès, puisque ce plug reste, à mon avis, le parangon du multi-effet virtuel pour claviers électromécaniques (il a été repris et continué par Overloud).
Même sa « récupération » par Native n’a pas conduit à une production plus orientée « masse », qui résulte la plupart du temps en une perte de qualité. L’enthousiasme de ces premières lignes peut sembler étonnant, mais les produits Scarbee sont les premiers auxquels je fais appel dès qu’il s’agit de reproduire des Rhodes, Wurlitzer, Clavinet ou basses (la série des M-Bass, Pre-Bass et Jay-Bass est certainement la plus jouable actuellement, de plus dotée d’un son irréprochable). Ce qui n’empêche pas de moins apprécier d’autres réalisations, telles que le Alicia’s Keys par exemple.
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L’annonce d’une nouvelle basse ne peut donc qu’attiser la curiosité, d’autant que le modèle proposé est plutôt rare dans nos contrées virtuelles. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir marqué de sa touche sonore particulière de très nombreux disques, d’un extrême à l’autre (de Motörhead à Duran Duran, en passant par les Wings, pour faire large). Voici donc la Rickenbacker 4003, dernière version de la 4000, toujours en production, vue par Native et Scarbee.
Introducing Native Instruments Scarbee Rickenbacker Bass
La bibliothèque se télécharge chez Native Instruments et occupera un peu plus de 7,2 Go d’espace disque une fois installée. Comme nombre d’autres éditeurs, Native a recours à un gestionnaire de téléchargement, pratique car permettant de reprendre un téléchargement, de l’effectuer en plusieurs fois, de différents endroits, etc. (il n’y a qu’un seul fichier de 6,7 Go à télécharger).
L’instrument est vendu 99 euros, et peut être utilisé avec le Kontakt 5 Player gratuit, ou avec la version complète du semi-échantillonneur de Native Instruments. Les spécifications et compatibilités Mac/PC sont donc celles de Kontakt 5. Une fois l’instrument installé via l’onglet Library (et la routine habituelle du Service Center), on dispose de deux programmes, l’un de la basse sonnant normalement, l’autre en palm mutes, dans les deux cas avec un jeu au médiator. La basse est donc une Rickenbacker 4003, dotée de cordes Rotosound Swing Bass, tout pour obtenir le son recherché. Les échantillons sont fournis sous la forme de monolithes verrouillés, l’utilisateur ne pourra donc y accéder.
Multiples possibilités
De prime abord, l’interface semble trop grande, comme l’était celle d’Action Strings, un bon tiers étant d’ordre purement graphique. Mais Scarbee innove, en proposant un mode jusque-là inédit chez Native de sélection de fonctions et réglages. Le tiers inférieur affichera l’ensemble des réglages ou le manche de la basse, et le passage de l’un à l’autre se fera non plus par système d’onglet ou de sous-menu, mais simplement en cliquant sur le matériel représenté dans l’interface : guitare basse, ampli, cabinet, magnéto à bandes, compresseur et EQ. Bien vu, très ergonomique.
Reste quand même un menu pour l’accès aux présets (avec l’ensemble habituel Save/Delete, in/décrémentation), ainsi qu’un menu Help affichant les fonctions de quelques-uns des KeySwitches disponibles (on y reviendra), et un menu de Préférences concernant Sound (avec réglages de vibrato, bruits et échantillons de relâchement) et Performance (profil du joueur, mode Chord, divers réglages de jeu et de slide).
Commençons par les réglages de la basse elle-même. En cliquant sur l’instrument, on affiche les réglages de volume et tonalité des deux micros (Neck et Bridge), la sélection de l’un, l’autre ou des deux micros et l’activation du Rick-o-Sound. Un rappel rapide (sans rentrer dans les détails) : la Rickenbacker dispose de deux jacks de sortie, un mono habituel et un autre labellé Rick-o-Sound, qui permet (avec un câble idoine ou le boîtier de la marque) d’envoyer le signal des deux micros vers deux destinations différentes, par exemple deux amplis avec deux boucles d’effets différentes. Voici un exemple sur une même phrase du son des deux micros (Neck, Bridge, Both) et du son stéréo (pas d’effets, sons utilisant une D.I.). On entendra aussi deux des possibilités de reconnaissance de jeu de l’instrument, ici le fait de forcer la première phrase dans une position donnée sur le manche, puis de faire jouer la seconde phrase sur une corde en particulier.
Le son est là (peut-être un peu trop de choses en dessous de 40 Hz), avec la clarté et l’attaque qui rendent l’instrument simple à mixer, la réponse au jeu est idéale, au sens où l’instrument fait exactement ce que les doigts « demandent », et le sustain est sinon remarquable, du moins très suffisant dans la majorité des contextes (n’oublions pas que le manche est traversant sur l’originale). Les nombreux Round Robins (impossible de savoir exactement combien il y en a, le mapping employé étant très particulier, et donc difficile à lire dans les Mapping et Group Editors) empêchent toute sensation de répétition, sans pour autant donner l’impression qu’il ne s’agit plus du même instrument…
Voici le même exemple avec la version Palm Muted.
L’éditeur a bien entendu implémenté les différents glissés (commande via la pédale de sustain, trois vitesses) et le bruit de tapes sur les cordes/micros déjà présents dans ses précédents instruments, la prise en charge des legato, Pull-Off, Hammer-On étant immédiate via reconnaissance de jeu, et la possibilité de jouer en trille (demi-ton ou ton) ou en mute est offerte via KeySwitch. Le souci de réalisme est tel qu’un glissé entre deux notes placées sur des cordes différentes ne sera pas possible. L’exemple suivant fait entendre plusieurs de ces effets de jeu.
On trouvera aussi une octave et une quarte (en rose sur le clavier virtuel de Kontakt) de glissés de main qui, associés au bruit de micro et aux dead notes (mutes), rendront le jeu plus réaliste. Un conseil, toujours être plus acoustique que l’acoustique, c’est-à-dire ne pas hésiter à mettre (un peu) plus d’accidents dans le son que l’on en trouve naturellement. Toutes proportions gardées, bien entendu…
Autres effets cette fois, ceux sur le son. On dispose donc d’un ampli (un seul, hélas, alors que l’on peut avoir un son stéréo), un cabinet, qui peut être double (un pour chaque voie en mode Rick-o-Sound, par exemple) et les Solid EQ, Solid Compressor et saturation de bande déjà évoqués dans de précédents bancs d’essai sur Audiofanzine. Chacun d’eux dispose d’un Bypass et des réglages nécessaires.
L’ampli fait appel au récent Jump et le cabinet à des réponses impulsionnelles d’ampli plutôt qu’à une modélisation ou une simulation, y compris pour les configurations à deux cabinets. On peut ainsi choisir entre deux configurations 4×10, une configuration 4×12, deux 8×10, et deux 8×10 associées à un 4×12 ou à un 1×12. Dommage que l’on n’ait pas la main sur un double circuit, ce qui aurait permis de reproduire une technique souvent employée. Reste un truc : copier la partie enregistrée, lui assigner un autre canal, et charger une autre Rickenbacker avec un autre réglage d’effet. Les réponses impulsionnelles sont incluses dans les monolithes, on ne peut donc récupérer les fichiers Wave pour un usage dans d’autres réverbes à convolution. En revanche, rien n’interdit de sauvegarder ces réponses sous forme de présets afin de pouvoir les réutiliser dans Kontakt et sa réverbe à convolution pour d’autres programmes.
L’éditeur fournit 25 présets, l’occasion d’écouter sur cet exemple quelques réglages d’effets (ligne de basse choisie au hasard…). On pourra aussi écouter les démos sur le site de l’éditeur, fidèles aux possibilités de l’instrument.
Bilan
Les deux éditeurs ont encore une fois réussi leur produit. Les qualités sont très nombreuses, du son si typique à l’excellent script d’analyse de jeu/sélection de notes correspondantes, les effets sont plutôt bien choisis (on peut en rajouter très facilement), et l’ergonomie effectue un nouveau progrès avec la sélection via l’interface de l’affichage des effets, amplis, etc. La réalisation de la version Palm Muted est aussi maîtrisée et concluante que celle de l’instrument joué normalement, chapeau (cliquez d’ailleurs sur celui de l’interface). Le seul réel reproche est l’absence de véritable double circuit afin de traiter différemment les deux micros simultanément mais indépendamment. Un autre plus bénin est la pente finale de la durée des notes, un peu rapide (mais après 12 secondes de tenue !). On pourrait aussi souhaiter d’autres types d’ampli, mais il est très simple d’ouvrir son simulateur préféré, voire de faire du re-amping réel.
Il reste encore quelques basses mythiques (et pourquoi pas un Chapman Stick, aussi…) qui n’ont pas de versions virtuelles, ou de moins bonne qualité que celles présentées par Scarbee et Native, messieurs les éditeurs, sans vouloir vous commander…
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)