C’est devenu une habitude désormais : chaque année, une nouvelle version de Pigments, le synthétiseur virtuel Go-to d’Arturia, voit le jour. Découvrons ensemble ce que nous propose cette sixième incarnation.
Est-il encore nécessaire de présenter Arturia ? Depuis plus de 25 ans, cette entreprise française s’est imposée comme un acteur incontournable du secteur. Après un premier studio virtuel, Storm, la tempête grenobloise allait tout emporter sur son passage. Forte du succès de ses reproductions virtuelles de synthétiseurs légendaires, tels que les Moog Modular, Minimoog ou Prophet 5, Arturia réalise en 2009 une première incursion dans le domaine des synthétiseurs matériels avec l’innovant Origin. Mais, ce sont surtout les gammes Brute et Freak qui assoiront définitivement sa renommée dans ce domaine. À cela s’ajoute une gamme complète de contrôleurs, des boîtes à rythmes et des interfaces audio.
En plus des sorties régulières de nouveaux plug-ins reproduisant les gloires passées, Arturia réalise en 2019 la première version de Pigments. Ce synthétiseur multisynthèse, doté d’un design original, se distingue par une profusion de modulations et une ergonomie exemplaire. Depuis son lancement, Pigments n’a cessé de se perfectionner au gré des mises à jour, toutes gratuites, un point qu’il est important de souligner.
Dans ce test, nous allons nous concentrer sur les nouveautés de cette sixième version. Pour ceux qui souhaitent une vue d’ensemble de Pigments, il peut être utile de lire ou relire les tests de la première et de la quatrième version, ainsi que de regarder le Facteur X consacré à la troisième version, qui met en avant le moteur de synthèse additive, Harmonic. La deuxième version, quant à elle, introduisait un moteur de samples permettant la synthèse granulaire, tandis que la cinquième se distinguait principalement par une meilleure optimisation, réduisant la consommation CPU, une interface légèrement rafraîchie, ainsi qu’un mode génératif inédit dans le séquenceur. De plus, une entrée audio faisait également son apparition, une fonctionnalité qui trouve de nouvelles utilités dans cette sixième version.
Synthèse modale : le nouveau moteur sonore de Pigments 6
Pigments 6 introduit le tout nouveau Modal engine, qui vient s’ajouter aux autres générateurs déjà disponibles. Basé sur la synthèse physique, ce moteur fonctionne en envoyant un signal, ici String ou Beam, pour exciter un résonateur. Le timbre du résonateur peut être sélectionné parmi six modèles disponibles (Pure, Pinch, Hollow, Nylon, Full et Bass). Comme toujours, Arturia n’a pas fait les choses à moitié : Pigments offre de nombreuses options pour paramétrer ce nouveau moteur. Sans entrer dans les détails, mentionnons la possibilité de régler le nombre de partiels (les harmoniques générées par le résonateur) et de randomiser leurs phases.
Le module Collision, quant à lui, agit sur les transitoires pour ajouter un « impact » au signal. Plusieurs modèles sont fournis pour cela, mais là où cela devient particulièrement intéressant, c’est qu’avec le mode Audio Input, il est possible d’utiliser un signal externe via l’entrée audio sidechain, par exemple, votre voix, des percussions, le miaulement de votre chat ;), en gros, tout ce qui vous passe par la tête. Cette fonctionnalité ouvre la porte à une multitude d’expérimentations.
Citons également le module Friction qui permet d’agir sur le résonateur en simulant, par exemple, des frottements ou des cordes que l’on gratte. Pour cela, il exploite différents types de bruit ainsi qu’un mode granulaire, et là aussi, il est également possible d’utiliser l’entrée audio sidechain.
Si cette synthèse excelle dans la conception de sonorités acoustiques, métalliques ou résonantes, comme des sons de cordes pincées, des cloches ou des percussions diverses, les nombreuses options proposées, combinées avec les modulations de Pigments, permettent d’aller bien au-delà. Il devient alors possible de programmer des timbres évolutifs, tels que des sons atmosphériques, des drones ou encore des effets en tout genre.
Voici quelques exemples pour se faire une idée :
- 01 – Modal 101:45
- 02 – Modal 200:35
- 03 – Modal 301:11
- 04 – Modal 401:57
- 05 – Modal 501:13
Nouveaux filtres sur Pigments 6 : plus de possibilités sonores
La section Filter s’enrichit, avec pour commencer une nouvelle version du filtre multimode. Celui-ci ajoute les modes Allpass, le choix entre un mode Digital et Analog, ainsi qu’un paramètre Drive particulièrement utile pour donner un peu de caractère à ce filtre que certains jugeaient jusqu’alors un peu froid. Cela dit, cette critique était déjà à relativiser depuis l’arrivée des filtres du MS-20, qui, eux, ne manquent pas de personnalité.
Ensuite, le nouveau filtre Cluster permet, par exemple, de cumuler jusqu’à cinq filtres parallèles, avec la possibilité d’en ajuster l’écartement. Un outil parfait pour créer des timbres aux tonalités vocales riches et complexes. Il constitue une alternative intéressante au filtre Formant et ne fait pas doublon avec lui, car il offre des résultats différents et, surtout, il brasse bien plus large.
Enfin, le filtre Lofi sous-échantillonne le signal entrant, introduisant une distorsion numérique tout en ajoutant du bruit. Selon les réglages, il peut produire des textures lofi subtiles ou, en poussant les réglages, offrir des résultats beaucoup plus extrêmes et expérimentaux. Bienvenue aux textures industrielles et noises.
Le Vocoder : l’ajout tant attendu de Pigments 6
Réclamé depuis un certain temps par les utilisateurs, Pigments 6 ajoute enfin un vocoder à sa longue liste de possibilités. Accessible depuis les effets, il est donc possible d’en cumuler plusieurs à la suite ou en parallèle, gros délire garanti. Il propose trois modes : Vintage, Modern et Dirty, inutile d’en dire plus à ce sujet. Le modulateur peut être au choix l’un des deux Engines, l’un des deux filtres, l’un des trois générateurs de Utility (donc, 2 « noises » et un oscillateur), l’entrée FX, ou ici encore, l’Audio Input en sidechain. Autant dire que la souplesse est au rendez-vous.
On peut imaginer utiliser un vocodeur dont le modulateur serait l’Engine 1, et un autre dont ce serait l’entrée audio. Les portes de l’imagination sont grandes ouvertes.
Le nombre de bandes est configurable de 4 à 40 pour plus ou moins de finesse, et l’intelligibilité peut être affinée grâce aux réglages Formant et Sibilance. Un filtre Tilt est également de la partie pour ajuster le contenu fréquentiel.
Bien entendu, le vocoder pourra servir à créer des voix robotiques ou des effets bien vintage, mais il pourra également être mis à contribution sur des loops, des drones et enrichir des pads si on l’utilise avec parcimonie (il possède un réglage de dry/wet).
- 06 – Vocoder seq 101:17
- 07 – Vocoder Seq 201:12
- 08– Red Led Tweak Game02:37
- 09 – Bassline01:00
- 10 – Chamber Pad01:21
- 11 – It’s winter01:28
- 12 – Tear Us02:58
- 13 – Ambiant Snow – by Wolfen01:27
- 14 – Welcome Granular – by Wolfen02:26
- 15 – Pigments Trance – by Wolfen02:14
Autres nouveautés de Pigments 6 : modulations, ergonomie et performances
Comme pour nous prouver que Pigments 6 est une mise à jour essentielle, la liste des nouveautés ne s’arrête pas là. Les possibilités de modulation, déjà très riches, s’enrichissent encore avec l’arrivée de trois nouveaux éléments. Tout d’abord, la catégorie Random accueille le module Random (ben ouais), dont l’imprévisibilité peut être finement réglée grâce aux paramètres Smooth, Distance et Jitter pour un effet plus ou moins prononcé. Toujours dans la catégorie Random, on découvre avec plaisir le Voice Modulator, qui permet d’attribuer une valeur fixe à chaque note lors du jeu en polyphonie. Il peut être utilisé pour recréer les légères dérives des voix des synthétiseurs vintages, mais également pour des effets dynamiques. Et pour finir, un suiveur d’enveloppe a été ajouté dans la catégorie Combinate, avec toujours les mêmes sources disponibles, y compris l’entrée audio.
Mentionnons également les possibilités granulaires améliorées, une interface graphique légèrement revue incluant une vue Play plus efficace, ainsi qu’un thème light plus lisible.
Lors du test, la consommation s’est révélée assez mesurée, en dépit de quelques pics survenus lors de l’utilisation du moteur granulaire quand certains paramètres sont modulés. Cependant, tout cela reste parfaitement exploitable et, selon la configuration, il est possible de cumuler plusieurs instances en jeu polyphonique sans problème. À titre d’exemple, voici une capture d’écran réalisée sur Studio One 7 en cours de lecture avec un Mac Mini M1 doté de 16 Go de RAM et configuré avec une latence de 128 échantillons.
Caractéristiques techniques
- Synthétiseur virtuel multisynthèse avec moteur modale.
- Nouveaux filtres : Multimode (Allpass, Digital, Analog, Drive), Cluster et Lofi.
- Vocoder intégré avec 3 modes (Vintage, Modern, Dirty), configurable jusqu’à 40 bandes.
- Modules de modulation : Random, Voice Modulator, et suiveur d’enveloppe.
- Compatibilité MPE pour un jeu expressif.
- Interface optimisée avec vue « Play » et thème clair.
- Échantillonnage granulaire amélioré.
- Faible consommation CPU pour des performances stables.
- Mises à jour gratuites et intégration de tutoriels dans l’interface.
FAQ
1. Quelles sont les principales nouveautés de Pigments 6 ?
Pigments 6 introduit un moteur de synthèse modale, un vocoder avec trois modes, de nouveaux filtres et des modules de modulation étendus.
2. Pigments 6 est-il adapté aux débutants ?
Oui, malgré sa puissance et sa complexité, l’interface ergonomique et les tutoriels intégrés rendent Pigments 6 accessible aux novices.
3. Le logiciel est-il gourmand en ressources ?
Pigments 6 est bien optimisé, mais certaines configurations avancées peuvent entraîner une consommation CPU légèrement plus élevée.
4. Puis-je importer mes propres wavetables ?
Oui, mais Pigments 6 ne permet pas encore de créer directement dans l’interface des wavetables personnalisées.
5. Quelle est la politique de mise à jour d’Arturia pour Pigments ?
Arturia offre des mises à jour gratuites pour Pigments, garantissant un logiciel toujours à jour avec de nouvelles fonctionnalités.