Coup de maître lors de sa sortie il y a 5 ans, Modo Bass nous revient dans une seconde version largement améliorée, du moins sur le papier. Reste à voir ce qu’il se cache entre ses quatre nouvelles cordes… et plus si affinités…
Si les premiers mots qui viennent à l’évocation d’IK Multimedia sont Amplitube et T-Racks, il conviendrait de ne pas oublier toute la partie instruments virtuels du catalogue de l’éditeur. Alors que l’éditeur transalpin semblait bloqué sur la technologie de Sampletank qui a plus ou moins bien vieilli (en avance sur son temps à l’époque de Sampletank 2, le moteur de sampling est clairement moins pertinent depuis sa version 3 face aux références que sont Kontakt et Falcon), quelle ne fut pas notre surprise de voir débarquer en 2017 un instrument basé sur la modélisation physique : Modo Bass.
Véritable Pianoteq de la basse, ce dernier nous avait frappés par son réalisme comme par la multitude de paramètres sur lesquels il était possible de jouer pour produire simplement des parties de basse crédibles. S’il s’en est suivi un excellent Hammond B-3X combinant samples et modélisation, la sortie de Modo Drums nous avait un tantinet déçus : même si elle sonnait correctement, cette batterie virtuelle dépourvue de mailloches, de ballets ou de hot-rod était non seulement très en deçà fonctionnellement de ses concurrents directs chez Toontrack et Addictive Drums (pas de Tap2find notamment), mais elle trahissait un peu le concept Modo puisque les cymbales y étaient samplées et non modélisées…
C’est du coup avec un enthousiasme mêlé d’un peu d’appréhension qu’on installe ce Modo Bass qui se décline désormais en trois versions : une gratuite, la version CS, ne proposant qu’une unique basse, la Precision 60's, et des patterns limités (mais l’instrument est complet en dehors de ça !), une à 180 euros, la version SE, proposant quatre modèles de basse sans limitation, et enfin la version complète qui propose 22 modèles de basse et bien entendu toutes les fonctionnalités pour 360 euros… Vous connaissez IK Multimedia : les versions CS et SE sont évidemment « complétables » via l’achat des modèles de basse à l’unité : il faudra compter 83 euros pour chaque nouveau modèle, ce qui rend la version complète évidemment très attractive sur le plan pécuniaire, même si les opérations de promos, Group Buying et autres réducs via les JAMpoints (des points que vous accumulez à chaque achat vous permettant ensuite d’être utilisés comme monnaie virtuelle) sont fréquentes. Les prix publics annoncés sont donc à relativiser…
Ceci étant dit, passons au plus important : le soft même !
Victime de la Modo
L’ouverture de l’interface ne déroutera pas les anciens utilisateurs : même si elle est plus large et propose quelques évolutions cosmétiques, cette dernière n’en reprend pas moins les grandes lignes de l’interface du premier Modo Bass, que ce soit en termes d’organisation ou de couleurs (très influencées d’ailleurs par la gamme EZ de Toontrack).
Nous attend en tout cas la déjà traditionnelle Precision 60’s au centre de l’écran, avec son sunburst et son Pickgard Tortoise, tandis qu’au-dessus, les miniatures des différents modèles de basse laissent déjà voir des nouveautés de taille…
Huit nouveaux modèles de basses sont ainsi fournis avec cette V2, en plus des 14 de la V1. Quatre sont des basses électriques frettées (Aluminum, une Noah Paraffina, Bass Horn, une Danelectro Longhorn, Punk Bass, une Jazz Bass Mark Hoppus Signature et Fusion J-Bass, une Jazz Bass Marcus Miller Signature) agrandissant un peu plus le terrain de jeu du premier Modo Bass, mais la vraie surprise vient des quatre suivantes : deux fretless (Fretless Bass Man, une Music Man StingRay fretless Pino Palladino Signature, et une Fretless Jazz, LA Jazz Bass de Jaco Pastorius) et deux contrebasses (Rockabilly et Studio Upright, pensée plus jazz, toutes deux basées sur des modèles non documentés). Youpi ? Youpi ! Et même : grave Youpi !
Sur le papier en effet, Modo Bass 2 se rapproche en effet de l’exhaustivité d’un Trilian, les sons synthétiques en moins. Reste à voir ça sur le terrain. Commençons par les fretless :
- Fretless Jazz Low00:28
- Jaco00:28
Plutôt convaincant même si certains bends sonnent un peu synthétiques et qu’il faudra les utiliser avec parcimonie…
Des fretless, on passe fort logiquement aux contrebasses :
- Bakery00:28
- Compressed Low00:28
- Rockab00:28
- walkingupright00:08
- walkingrockab00:08
Reconnaissons-le pour le modèle jazz comme pour le modèle rockabilly qui tend vers la contrebasse électrique : c’est assez bluffant pour de la modélisation, même si on regrettera que si forte soit l’attaque, même en mode slap, rien ne permette de faire vraiment friser la corde, donnant toujours un jeu limite trop propre par rapport à ce que l’on peut obtenir avec l’ABU d’Ample Sound par exemple. Un défaut souvent reproché à la modélisation : on voudrait plus de « humph » dans le bas, plus de « dzoing » dans le haut, et sentir un peu plus le bois et le volume de la caisse…
Finissons par les basses électriques frettées :
- slap00:16
- pickdanelectro00:12
- pickdblink00:12
- pickdalu00:12
- pickedsimpler00:12
- fingeralu00:12
- greenhorn00:08
- angelalm00:08
- fingerfusion00:08
- fingerpunk00:08
Comme vous pouvez l’entendre, la variété est au rendez-vous, sachant que les exemples ne proviennent que des nouveaux instruments et non des 14 du précédent Modo Bass. Comme on l’entend sur les exemples joués au médiator, le grand avantage de la modélisation tient dans le fait que les répétitions de notes sont bien plus naturelles qu’avec un système de Round Robin tandis qu’on n’a pas non plus à se soucier des couches de vélocités…
Et l’avantage de la modélisation, c’est qu’on peut encore faire des expériences impossibles avec le sampling comme transformer n’importe quelle basse frettée pour en faire une fretless. Voyez cette Viola Bass d’un nouveau genre :
Dommage que l’inverse ne soit pas possible, sachant qu’on ne peut pas transformer les modèles de contrebasse en modèles frettés… Et on le regrette d’autant plus qu’IK n’a pas songé à ajouter une basse acoustique, frettée ou non…
Cette réserve mise à part, force est d’avouer toutefois qu’on se régale avec toutes les possibilités déjà présentes depuis Modo Bass 1 : la possibilité de rajouter une ou deux cordes, tellement pratique lors de la programmation pour aller chercher du grave sous la barre du Mi, de changer les micros comme leurs placements, et surtout de définir le point d’attaque des cordes comme leur étouffement en pourcentage. C’est non seulement plus précis que sur les basses samplées mais ça offre à la fin un jeu plus réaliste puisqu’on peut sans problème automatiser ces paramètres pour qu’ils varient d’une note à l’autre… Et on aura d’autant plus le loisir de faire tout cela qu’IK a entrepris de nous faire gagner du temps en programmation en intégrant des grooves prêts à l’emploi…
Patterns pas ternes
Comme chez Toontrack, on dispose ainsi d’une collection de grooves et de licks prêts à l’emploi, accessible depuis un navigateur à filtre multicritère qui, là encore, fait penser à EZbass… C’est une excellente idée que de proposer cela car même si Modo Bass 2 n’est pas un enfer à programmer, on n’est pas fâché de pouvoir partir d’une base à tweaker pour faire ses séquences. Et avouons-le, la qualité est dans l’ensemble au rendez-vous : les exemples de ce test proviennent d’ailleurs tous de la bibliothèque de patterns…
L’autre bonne surprise, c’est qu’une fois glissés dans votre séquenceur, ces patterns révèlent une programmation relativement simple : il y a bien ça et là quelques keyswitches et contrôleurs continus, mais dans la plupart des cas, il s’agit juste de dessiner ses notes et d’effectuer des recouvrements pour déclencher des hammers ou des glissandi selon l’écart entre les note… Et c’est une simplicité agréable face aux limites ressenties sur des produits concurrents comme PrimeBass par exemple…
La basse… et rien que la basse ?
Modo Bass a donc bien progressé, et on peut faire confiance à IK pour dérouler la machine à contenus additionnels, que ce soit au niveau des modèles d’instruments ou des patterns. On sera en revanche un peu plus déçu par la partie Amplification, non qu’elle soit particulièrement mauvaise, mais qu’elle n’ait pas progressé depuis la première version… Deux modèles d’ampli seulement sans choix du cab, pas de choix non plus des micros pour reprendre ces derniers et pas de possibilité de jouer sur leur placement, pas grand choix non plus en termes de pédales d’effets : on attendait mieux du papa d’Amplitube et de T-Racks…
Gageons qu’IK ne voulait peut-être pas faire d’ombre à ses propres suites d’effets, sachant qu’il est tout à fait possible de sortir en DI pour attaquer n’importe quelle simulation d’ampli, chez l’éditeur même ou ailleurs évidemment : personnellement, j’avoue être assez fan du travail réalisé par Brainworx avec ses modélisations Ampeg…
C’est enfin un peu décevant aussi du côté des contrebasses où il n’est pas question de choisir la pièce, de bouger les micros, et où seule nous est laissée la possibilité de choisir le micro de proximité parmi trois références : Royer R121, U87 et 414, mais pas de dynamique (un petit RE20 ou un bon vieux 57 pour son côté agressif auraient pu être intéressants), ni de condensateur à tube… C’est dommage !
Ne faisons pas la trop fine bouche toutefois : ce n’est pas comme si la concurrence proposait beaucoup mieux sur ce registre, d’autant que sur le reste, IK a fait plus que remplir son contrat…
Conclusion
Il faut bien l’admettre : alors que Modo Bass premier du nom était loin d’avoir pris un coup de vieux, cette version 2 est réellement excitante car elle apporte deux ajouts de taille : la gestion du fretless et, dans son sillage, des contrebasses d’une part, et le fait de disposer de grooves prêts à l’emploi qui simplifient grandement la programmation de l’instrument… Évidemment, tout n’est pas encore parfait et outre quelques petits manques du côté des modèles (des basses acoustiques notamment) ou de la modélisation (on peut sans doute mieux faire dans la gestion des artefacts comme de « l’air » sur les contrebasses), on regrettera surtout le côté un peu spartiate de la section d’ampli/micros/effets… C’est là toutefois un détail qui ne gênera pas la plupart des gens, sachant que chez IK, Brainwork ou NeuralDSP, on trouve plus d’un bon ampli à se mettre sous le mulot…
En dépit de petites réserves, il y a en tout cas de quoi faire de cette Modo Bass 2 votre « GoTo » Bass parce qu’elle offre un rapport légèreté/simplicité/exhaustivité imbattable, surtout en face de veaux comme Trilian, certes complets en termes de palette sonore mais d’une grande lourdeur tant au niveau de la programmation que des ressources nécessaires pour le faire tourner, notamment à cause d’un moteur de sampling qui date méchamment (pas de script et un sampling bourrin qui réclame beaucoup de RAM)… S’il fallait trouver un concurrent à ce Modo Bass sur le plan des fonctionnalités, ce serait plus probablement du côté de Toontrack qu’il faudrait aller le chercher, en sachant que ce dernier jouit d’outils plus avancés (tap2find, grid dédiés, possibilité de générer une partie basse à partir d’une source MIDI ou audio) mais qu’il aura vite fait de devenir beaucoup plus cher si on ne s’en tient pas aux deux basses proposées pour les 165 euros que coûte le soft (10 basses supplémentaires à 80 balles chacune, l’addition a vite fait d’être salée…) et n’est pas aussi à l’aise – on le comprend vue sa technologie – du côté « Bass design ».
Bref, IK a bien travaillé, si bien qu’on rêve de voir l’éditeur transalpin pousser plus loin ses recherches dans le domaine de la modélisation, que ce soit avec des basses ou d’autres instruments… Et comme accessoirement, on nous propose avec la version CS la meilleure basse virtuelle du monde freeware, inutile de dire qu’on a le sourire : quand bien même vous n’auriez pas les moyens de vous payer la SE ou la version complète, le simple fait de télécharger cette dernière pour voir pourrait bien en faire votre choix principal en matière de basse virtuelle, devant vos instruments payants..