Pour une marque qui fait du haut de gamme, sortir des enceintes à prix relativement accessible est déjà un pari. Le faire sans sacrifier à la qualité et en les fabriquant en France relève carrément du chalenge. C'est pourtant ce qu'a tenté Focal avec les CMS 50 et les CMS 65 que nous avons testés. Alors, pari gagné ?
Premier contact
Au déballage, on remarque d’abord la forme et la texture de ces enceintes. Des enceintes en métal, ce n’est pas très courant ! En effet, la carcasse n’est pas réalisée en bois comme classiquement, mais en fonderie d’aluminium et le look arrondi devrait bien supporter le poids des années. De plus, la finition poudrée noire (rendant visuellement un gris foncé) contribue à donner aux CMS65 un caractère original, sortant de l’habitude caisse cubique noire à angles droits des enceintes de monitoring. La finition frise l’irréprochable. Frise seulement parce que sur une des deux enceintes, l’accostage entre les parties de la coque laisse voir un très léger décalage sous certains éclairages. Vraiment rien de rédhibitoire et la perfection n’était vraiment pas loin.
Pour poser les enceintes, Focal a prévu un système plutôt bien vu : sur le dessous, on dispose de 4 inserts filetés (3/8") pouvant recevoir soit des pieds en caoutchouc, soit des plots à vis permettant de jouer un peu sur l’inclinaison de l’enceinte. Ces pieds viennent ensuite se placer dans des petits creux d’ un tapis en caoutchouc (appelé par Focal « semelle de découplage »). Ainsi, les enceintes sont à la fois isolées du support par un contact minimisé avec celui-ci et bien stabilisées par ce tapis qui empêche tout glissement.
Par ailleurs, grâce à des inserts filetés à l’arrière, ces enceintes peuvent être montées sur différents supports permettant notamment de les accrocher au mur ou au plafond.
Au déballage, le boomer (un 6,5 pouces Focal en Polyglass) et le tweeter (un Focal à dôme inversé aluminium/magnésium) sont protégés par des grilles métalliques. La documentation (en Français et en anglais, claire et complète) recommande de les enlever après installation. Une griffe est d’ailleurs fournie à cet effet. À la place, il est recommandé d’installer sur les tweeters une petite pièce en plastique (fournie). Celle-ci barre le tweeter d’un trait vertical et augmente la précision de l’image stéréo.
J’ai interrogé Focal sur les raisons pour lesquelles ils n’ont pas choisi de livrer les enceintes « prêtes à l’emploi » et sur le pourquoi de ces grilles. La réponse est le transport : il arriverait notamment que certains passages de douane soient fatals à des haut-parleurs. On se dit alors que ceci est intéressant pour ceux qui doivent transporter leurs enceintes (ceux qui réalisent souvent des enregistrements sur site, par exemple). En effet, tant la carcasse en fonderie d’aluminium que la présence de ces grilles métalliques (qui, laissées en place, ne sont pas si nuisibles à la qualité sonore) font que ces enceintes semblent aptes à encaisser les risques de nombreux déplacements. D’autant que leur forme permet une prise en mains facile et que leur poids est assez raisonnable (10,5 kg l’unité). Précisons tout de même que nous n’avons réalisé aucun crash-test et que ces enceintes ne sont pas annoncées comme prévues pour servir « on the road ».
Données constructeur
einte avec ses inserts pour accrochage et le panneau de réglage.
Connectique et réglages
Côté connectique, les CMS65 offrent une entrée asymétrique en RCA et une entrée symétrique en XLR. Ce choix est parfaitement logique et de nombreuses personnes, notamment les DJs, apprécieront cette prise RCA. On regrette un peu l’absence d’une prise jack (on aurait pu avoir une prise combo à la place de la XLR), beaucoup de cartes son « home-studio » sortant à ce format. Mais les câbles ou adaptateurs jack/XLR se trouvent facilement. L’entrée d’alimentation et le commutateur ON/OFF se trouvent à l’arrière.
Côté réglages, le tableau est très complet ! À l’arrière de l’enceinte, on trouve :
- un gain d’entrée –10 dB, 0 dB et +4 dBU (de quoi s’adapter aux standards grand public et professionnels)
- un passe-haut (ou coupe-bas) à 12 dB / octave permettant notamment de couper à 40, 60 ou 90 Hz, soit si la pièce résonne trop dans le bas, soit en cas d’utilisation avec un caisson de basses.
- Un filtre low shelving sous 450 Hz avec réglages à –6, –4, –2, 0 et +2 dB
- un desktop notch à 160 Hz avec un Q de 2 réglable de –6, –4, –2 ou 0 dB
- un HF shelving intervenant à partir de 4,5 kHz avec réglages de –4, –2, 0 ou +2 dB
- un réglage de volume accompagné d’une diode de clipping
- un bouton de stand-by et une diode d’indication d’état.
D’un point de vue conception comme fabrication, ces CMS65 frisent donc le sans-faute. Nous allons voir que le ramage se rapporte au plumage.
Tests d’écoute
Après rodage, j’ai soumis les CMS65 à plusieurs tests dans différents environnements, face à différentes enceintes et avec la participation de diverses personnes.
Les tests :
Mon home studio
La pièce fait 30 m² avec un plafond haut. L’acoustique est assez amortie, un peu mate et mériterait un peu plus d’air dans les aigus. On a cependant une acoustique équilibrée et exempte de réflexions parasites. Les enceintes présentes étaient des Fostex PM1 et les Opaz MS1 sur lesquelles j’avais craqué lors de mon test pour AudioFanzine et qui sont devenues mes moniteurs principaux. La carte son est une RME Audio Multiface. Une autre séance a été réalisée en compagnie de Jan qui est venu accompagné de ses Dynaudio BM15A. Jan est un ancien ingénieur du son de Radio France. Il enseigne le son à l’université de Brest et a réalisé les deux derniers albums de Gilles Servat et celui des frères Guichen « Dreams of Britany ».
Chez Divad
Divad (David Er Porh) est membre du groupe de musique breton Arvest (que je vous recommande). Guitariste, il accompagne aussi Gilles Thoraval, un chanteur pour enfants dont il a réalisé le dernier album. Son studio est une dépendance de sa maison. La pièce fait environ 15 m² avec un plafond en pente. Si le bâti est terminé, l’aménagement est temporaire et le traitement acoustique n’a pas encore été réalisé. Son acoustique est donc un peu limite, elle sonne un peu « salle de bain ». Cependant, au « sweet spot » d’écoute, les choses sont tout de même relativement satisfaisantes. Dans son état actuel, la pièce est assez typique de beaucoup de home-studios. Côté enceintes, Divad travaille avec des Fostex PM2 et des Yamaha NS10. Sa carte son est une Edirol DA2496.
Aux studios MAPL
Les Studio MAPL (Musiques d’Aujourd’hui au Pays de Lorient) est une structure associative paramunicipale qui fournit aux musiciens de l’agglomération lorientaise des studios de répétition et d’enregistrement, mais aussi du coaching et de l’accompagnement dans divers domaines et de la formation. C’est aussi un centre de ressources documentaires et l’association gère une salle de spectacle (Le Manège). David Le Cloarec, responsable du studio d’enregistrement, avait déjà participé au test de l’IBP de Little Labs.
La control-room du studio fait autour de 20m². Si on n’est pas dans un studio de haut niveau (ce studio associatif sert à réaliser des démos), la control room offre une acoustique très convenable. Les écoutes sont des Mackie HR824 et des Yamaha NS10 alimentées par un Mackie Big Knob.
Résultats
À l’unanimité, ces enceintes ont séduit les auditeurs. Elles procurent un son précis et défini, avec un grand respect des timbres et une image stéréo assez claire. On remarque particulièrement la qualité qu’elles procurent compte tenu de leur prix.
À part pour la présence de graves, les Fostex sont enfoncées dans tous les domaines. Mais on sait que les Fostex sont plutôt généreuses en grave, au détriment de la précision tant dans le grave que le bas médium. Il faut rappeler aussi que PM1 comme PM2 coûtent deux fois moins cher que les CMS 65.
Les CMS 65 se montrent aussi bien meilleures que les Mackies HR824 (pourtant plus chères de 300 € la paire), et ce, sans presque tous les domaines. Le seul sur lequel les Mackie sont devant est la présence dans les basses, mais c’est au prix d’une grosse perte de précision par rapport aux Focal. David a aussi relevé un manque de puissance face aux Mackies, mais nous avons pensé à un problème de connectique ou de réglage du niveau d’entrée. Car une erreur de réglage au cours d’un des autres tests nous a permis de constater qu’il était difficile de rester devant ces enceintes à volume maximum !
Dans le face à face avec les Opaz MS-1 (dont le prix public est de 2000 €), les Opaz montrent encore les qualités et défauts relevés lors du test : elles offrent bien plus de détail, de précision et des aigus plus cristallins sans agressivité. Par contre, sans caisson de basse, elles sont vraiment légères dans le bas du spectre. Les Focal se montrent bien plus cohérentes sur l’ensemble du spectre. Elles sont aussi plus puissantes, même si la puissance des Opaz est déjà suffisante.
Les Dynaudio BM 15 coûtent deux fois plus cher (1300 € l’unité) que les CMS 65. Le test était cependant très instructif. En effet, la plupart du temps, lorsqu’on compare des enceintes qui ont de tels écarts, la moins chère se montre (logiquement) ridicule. De plus, le switch d’écoute entre la plus haut de gamme et la moins chère est souvent ravageur : le passage d’un son à l’autre fait mal et il faut quelques secondes pour s’habituer au son forcément moins bon des moins coûteuses qui semblent souvent criardes en comparaison. Là, ça n’a pas été du tout le cas. Certes, les Focal CMS 65 ne rivalisent pas avec les BM15, mais elles sont loin d’être ridicules. Même si le son des BM15 est plus plein, plus détaillé, plus riche en basses tout en étant plus précis, les Focal s’en sortent plus qu’honorablement et surtout le passage d’écoute de l’une à l’autre se fait vraiment sans douleur. Et ce n’est qu’en cherchant les détails qu’on sent le véritable écart qu’il existe (indéniablement) entre les deux modèles. Une sacrée réussite !
Le test face aux Fostex PM-2 chez Divad a été instructif sur un tout autre point. Au début, étrangement, le son des Focal n’était pas du tout satisfaisant. Certes, il était bien plus détaillé les Fostex PM2, surtout dans le médium où celles-ci sont creuses. Mais le son était souvent criard, désagréable. Très en dessous de la qualité que m’avaient déjà montrées les CMS 65.
Au bout d’un moment, je me suis soudain souvenu que les CMS65 disposaient de réglages à l’arrière ! Quel couillon pouvez-vous penser (et même dire, si si !). C’est que je ne suis habituellement pas fan du tout de ce genre de réglages. Estimant qu’ils sont souvent peu pertinents et que si les enceintes sont bonnes et que l’acoustique de la pièce est correcte, on risque de faire plus de dégâts que de bien, surtout sur des enceintes neuves donc peu rodées. Sauf que là…
Nous avons diminué les deux réglages de médiums (160 et 450 Hz) de 2 à 4 dB et ça a été le jour et la nuit ! Les Focal montraient enfin leur qualité. Les Fostex étaient non pas surpassées, mais enfoncées sur toutes les sources écoutées. Logique.
Ceci a montré plusieurs choses importantes. D’abord que les réglages des CMS 65 sont très efficaces et portent sur des fréquences judicieusement choisies. Ensuite, si elles ne sont pas réglées pour l’acoustique de la pièce et l’endroit où elles sont placées, ces enceintes peuvent produire un son assez précis, mais désagréable. Ceci peut expliquer une expérience signalée par un membre du forum qui a eu « l’impression d’entendre du mauvais MP3 » en écoutant ces enceintes dans un magasin. Faites donc attention à ce point si vous devez écouter ces enceintes en magasin et demandez si la boutique a fait l’effort de roder le modèle d’expo et surtout de le régler correctement. N’hésitez pas à demander à toucher aux réglages : la différence peut être énorme.
L’autre point qu’a montré ce test, c’est que ces enceintes sont capables de produire un son de très bonne qualité dans un environnement acoustique médiocre. Point intéressant pour tous ceux qui, pour quelque raison que ce soit, ne peuvent réaliser de traitement acoustique de leur local.
Conclusion
Si les Focal CMS 65 n’atteignent pas la précision et l’équilibre d’enceintes haut de gamme, elles sont loin d’être ridicules face à des modèles bien plus chers. Elles offrent de très nombreux avantages : outre un look un peu original, on note leur relative portabilité, les possibilités de fixations et la profusion de réglages judicieux dont certains en face avant. Des aspects pratiques rarement présents sur des enceintes de monitoring, encore moins dans cette gamme de prix. D’un point de vue sonore, elles bénéficient d’une grande cohérence pour des enceintes de cette taille, sans défaut majeur. On note tout de même une légère agressivité dans le haut médium. Sinon, les aigus sont bien présents, sans excès ni agressivité. Pour le grave, plutôt que d’en délivrer beaucoup (ce qui est difficile avec des enceintes de cette taille), Focal a fait le choix de la précision. Un choix à mes yeux très judicieux pour des enceintes dédiées au travail sur le mixage plutôt qu’à sonoriser son salon. Là où ces enceintes épatent véritablement, c’est quand on ramène leur qualité sonore et leurs nombreux avantages à leur tarif. Ce qui en fait probablement un des meilleurs si ce n’est le meilleur choix actuel du marché dans cette gamme de prix et une très bonne affaire. Une bien belle réussite et probablement un futur best-seller.