Impact Soundworks fait le pari de proposer une nouvelle banque de cordes sur un marché très concurrentiel et dans lequel il est primordial de proposer une valeur ajoutée pour espérer intéresser les compositeurs. La « Tokyo Scoring Strings » saura-t-elle se démarquer ?
Impacts Soundworks est une société spécialisée dans les banques de sons et fondée par Andrew Aversa et Will Roget en 2008. Depuis toutes ces années, l’éditeur a proposé une très large collection d’instruments virtuels aux styles et usages très variés. On retrouve par exemple les très bonnes banques de guitares et basses électriques dans la collection « Shreddage », des percussions, des voix, des synthés ou encore des instruments traditionnels venus de divers coins du monde.
La « Tokyo Scoring Strings » que nous testons aujourd’hui est une banque de cordes orientée comme son nom l’indique, musique à l’image. Un pari risqué quand on voit l’offre conséquente déjà existante et qui couvre probablement tous les besoins imaginables. Toutefois, avec cette nouvelle banque de cordes, Impacts Soundworks mise sur un grain de son bien différent de ce que peuvent offrir certains éditeurs anglo-saxons et sur quelques propositions techniques pouvant plaire à de nombreux compositeurs.
La « Tokyo Scoring Strings » propose un ensemble au format réduit avec 8 premiers violons, 6 seconds violons, 4 altos, 4 violoncelles et 3 contrebasses. Elle a été enregistrée par l’ensemble « Koichiro Muroya Strings » au Sound City Studio sous la direction de l’ingénieur son Mitsunori Aizawa. Un format loin des gros ensembles symphoniques, mais ne vous fiez cependant pas aux apparences car des ensembles de cette taille peuvent tout à fait avoir leur place sur des œuvres « massives ». Chaque pupitre a été enregistré en respectant le panoramique réel, ce qui est dans la grande majorité des cas une qualité apportant à la fois réalisme et confort au moment du mixage.
La banque de son fonctionne sous Kontakt et est compatible avec la version Player, très bon point. Une fois installée, comptez un peu plus de 80 Go sur votre disque dur/SSD, ce qui est tout à fait raisonnable en 2022.
Une interface complete et (un peu) complexe
L’éditeur propose deux types de patchs avec une première version déjà pré-mixée par Mitsunori Aizawa et une seconde plus flexible qui donne accès à quatre positions de micros (close, room, decca et surround). La première version reste la plus pratique à utiliser et la plus économe au niveau des ressources mémoire/processeur car attention, un seul patch avec plusieurs micros d’activés, peut vite faire peser plusieurs Giga-octets à votre mémoire vive.
Une fois un pupitre chargé, on se retrouve face à une interface aux couleurs nationales du Japon avec trois principaux onglets servant à naviguer entre les différentes options : Perform, Longs, Shorts. Sur le premier onglet qui est aussi la page principale, on retrouve un visuel en temps réel de l’articulation jouée, du niveau de dynamique (CC1) et de l’intensité du vibrato (CC2). Un peu plus bas, l’option « Legato Mode » permet de basculer entre un mode monophonique ou polyphonique, ce qui est une option très utile. Toutefois, l’éditeur ne semble pas proposer de vrai divisi et c’est dommage. Ainsi, vos premiers violons, s’ils sont joués en mode polyphonique, verront leurs effectifs doubler « virtuellement ».
Une option bienvenue est celle de pouvoir choisir la plage dynamique accessible par le contrôleur de modulation CC1, ce qui peut être pertinent si par exemple on souhaite créer des nappes de cordes en limitant au maximum la dynamique ou au contraire aller chercher de longs crescendos en augmentant cette dernière. Diminuer la plage dynamique est aussi très pratique pour intégrer ces cordes dans des productions un peu énervées du type rock ou metal.
Enfin, on a la main sur la « vitesse » du legato. Autrement dit, la vitesse de transition d’une note à l’autre. Par exemple, sur une montée de gamme rapide, on pourra envisager d’utiliser une vitesse élevée là où sur un passage lent et lyrique, des transitions plus douces seront plus appropriées.
Il est possible d’activer l’option « Con Sordino », mais j’ai trouvé le résultat moyen. Un ressenti sans doute lié au fait que celui-ci est simplement simulé avec un travail sur l’égalisation. Ce n’est cependant pas le premier éditeur à appliquer cette technique avec plus ou moins de succès.
Si jusque-là, nous sommes sur des paramètres plutôt communs, que l’on retrouve souvent sur des banques de ce genre, c’est sur la dernière partie de cet onglet que les choses se compliquent un peu. En effet, Impact Soundworks propose plusieurs manières de gérer la latence des samples joués. Pour les moins connaisseurs, il faut comprendre qu’une note samplée comporte quelques millisecondes de latence sur son départ. Ceci participe, entre autres, au réalisme mais pose le problème de la mise en place rythmique. Ainsi par exemple, et ce n’est pas propre à cette banque de cordes en particulier, en écrivant un passage en spiccato, on se retrouvera avec des notes qui sont jouées en retard et qu’il faudra soit décaler directement dans l’éditeur MIDI (la méthode la moins pratique et qui posera des problèmes lors de l’export en notation solfégique), soit appliquer une compensation directement sur la piste de votre DAW (la méthode la plus courante et qui permet de garder une programmation bien alignée sur la grille de votre DAW). A noter aussi que cette latence est inévitablement pénible lorsque l’on enregistre.
Avec la « Tokyo Scoring Strings », l’éditeur propose plusieurs approches. Par exemple, le mode « Zero Latency » est le plus approprié en phase d’enregistrement car le départ des samples est le plus court possible. On y perd bien entendu énormément en réalisme et une fois la prise effectuée, il faudra basculer au choix sur le mode « Standard » qui préserve les différents retards selon les articulations utilisées, ou alors sur le mode maison de l’éditeur appelé « Lookahead ».
Ce dernier, qui se veut novateur, permet entre-autres, à l’algorithme interne de gérer les problèmes de latence en prenant en compte automatiquement les articulations jouées. Ceci est une bonne idée et permet en effet de simplifier la programmation, notamment lorsque l’on change de technique de jeu dans une même phrase. Toutefois, pour que celui-ci soit opérationnel, il est nécessaire d’utiliser un VST maison fourni par l’éditeur à placer en Insert sur la piste instrument.
On pourra également citer diverses options intéressantes comme un mode « Niente » permettant d’obtenir un volume nul, la gestion de l’after touch pour la dynamique et le vibrato ou encore le « Split Point Legato » permettant de ne pas se préoccuper des notes dépassant les unes sur les autres pour jouer en legato car celles-ci sont souvent mal interprétées lors de la mise en partition. En bref, plein de petites choses qui peuvent dans certaines situations devenir indispensables.
Une banque qui a du TACT
Les deux autres onglets regroupent respectivement les articulations longues et courtes. La liste est suffisamment complète pour combler pratiquement tous les besoins courants. La famille des articulations longues est composée de la manière suivante :
- Arco (Sustain)
- Tremolo
- Trills HT
- Trills WT
- Harmonics
Cette liste est à compléter avec les divers modes disponibles pour jouer en legato que l’on pourra activer au choix pour les articulations citées précédemment exceptée pour les harmoniques.
- Legato Bow (On parle ici de passer d’une note à l’autre sans glisser et en remettant un coup d’archet)
- Legato Slur (On change de note toujours sans glisser et en gardant le même coup d’archet)
- Portamento Bow (Portamento avec un nouveau coup d’archet pour la nouvelle note)
- Portamento Slur (Portamento sans nouveau coup d’archet pour la nouvelle note)
Les articulations dites « courtes » comprennent :
- Staccato
- Staccatissimo
- Spiccato
- Spiccato Secco
- Pizzicato
- Sforzando Long
- Sforzando Short
- Decrescendo Long
- Decrescendo Short
Enfin, on retrouve quatre modes permettant de contrôler la durée de relâchement des différentes articulations (Natural, Excited, Staccato, Decrescendo).
La très grande force de cette banque de cordes réside dans la flexibilité avec laquelle il est possible de contrôler et de personnaliser toutes ces articulations grâce à la technologique « TACT » (pour Total Articulation Control Technology). Il est ainsi possible de définir jusqu’à trois règles permettant d’actionner telle ou telle technique de jeu. De cette manière on peut à titre d’exemple grouper plusieurs articulations sur un même Key Switch et passer de l’une à l’autre à l’aide d’un contrôleur CC en définissant différentes plages entre 0 et 127. C’est un exemple parmi bon nombre de combinaisons possibles.
On pourra là encore noter quelques options intéressantes :
- Pouvoir gérer indépendamment le volume de chaque technique de jeu (ceux qui utilisent les « expression maps » savent à quel point c’est utile)
- Pouvoir réduire le nombre de nuances sur les articulations courtes. Ainsi par exemple, sur les spiccato, plutôt que d’avoir quatre niveaux d’intensité selon la vélocité avec laquelle est jouée la note, on peut demander que même avec une forte vélocité, on reste bloqué sur une nuance faible.
- Pouvoir gérer en profondeur les temps des transitions en legato. On peut littéralement personnaliser à la milliseconde près chaque fade.
- L’option « Easy Artic » du mode « Lookahead » qui permet de passer d’une articulation à l’autre en prenant en compte uniquement la vélocité de la note et sa durée en millisecondes.
On retrouve également une console intégrée à la banque permettant de gérer les niveaux mais aussi d’appliquer des effets (réverbes, égaliseurs, compresseurs et bien d’autres).
Du grain !
Voici quelques exemples sonores mélangeant différentes techniques de jeu. La programmation comporte des mouvements au niveau des contrôleurs CC1, CC11 et CC2 (dynamique, expression et vibrato). Cette banque de cordes propose un rendu très sec et dépourvu de réverbe. Ceci permet d’utiliser la réverbe de son choix au moment du mixage. Sur ces différents exemples, une légère réverbe de type « hall » a été appliquée. Aucune égalisation et aucun plugin supplémentaire n’ont été ajoutés afin que vous poussiez vous rendre compte du rendu sonore le plus « out of the box » possible.
- 1 – Spiccato + Staccato + Legato00:50
- 2 – Ensemble Legato00:23
- 3 – Spiccato + Sforzando Short +Pizzicato00:34
- 4 – Violons 1 – Legato00:35
- 5 – Violons 1 – Legato Con Sordino00:35
- 6 – Spiccato + Runs + Legato00:51
- 7 – Altos – Tremolo avec Legato – Polyphonique00:19
Le rendu est très convaincant. Les articulations courtes sont organiques et le format réduit de l’ensemble participe à donner du grain et de « l’imperfection » au son. Le jeu en legato est lui aussi très efficace avec une grande amplitude dans la gestion du vibrato.
On retrouve en effet un grain japonais qui se trouve être plutôt éloigné des sonorités anglo-saxonnes. On ne peut ainsi que féliciter l’éditeur pour avoir réussi à donner de la singularité à son produit.
Enfin, la plage dynamique est très large et on pourra sans problème aller chercher des choses très intimes ou au contraire très puissantes et agressives.
Voici enfin quelques extraits mettant en avant les quatre positions des micros. La réverbe est désactivée sur ces extraits.
- 8 – Micros CLOSE00:35
- 9 – Micros DECCA00:35
- 10 – Micros ROOM00:35
- 11 – Micros SURROUND00:35
Conclusion
Impact Soundworks arrive à nous proposer une banque de cordes novatrice sur plusieurs plans. Premièrement, le son se démarque en effet de la concurrence, il y a une vraie personnalité dans cette « Tokyo Scoring Strings », ne vous attendez pas à retrouver le même grain que chez le leader britannique par exemple, loin de là. Deuxièmement, l’éditeur a effectué un travail remarquable sur la flexibilité d’utilisation de sa banque. La prise en charge des « problèmes » de latence ainsi que la personnalisation poussée des articulations et leur usage, méritent à eux seuls quelques points supplémentaires sur la note finale de ce test. Troisièmement, le choix d’un ensemble de cette taille offre beaucoup de polyvalence et cette banque trouvera sans peine sa place dans des productions aux styles très variés. On pourra toutefois regretter une prise en main parfois complexe, justifiée par le nombre de possibilités, mais c’est le prix à payer pour bénéficier d’une telle polyvalence. A ce propos, le prix : à environ 450 euros, la « Tokyo Scoring Strings » est dans la moyenne du marché pour ce genre de produit et les mérite bien.