Moins d’un an après une version 10 qui nous avait convaincus, Spectralayers revient pour rappeler à tous les acteurs du marché qu’il est bien LE patron du démixage… et peut-être même plus…
Profitant d’algos Open Source, de plus en plus d’éditeurs intègrent aujourd’hui une fonction de démixage par STEM dans leur logiciel. Après Izotope RX et Acoustica, c’est en effet au tour de FL Studio et de Logic Pro de proposer cette possibilité qui fait par ailleurs l’objet de plusieurs services web. Et bien que la version 10 du logiciel de Steinberg garde encore une bonne longueur d’avance sur ses petits camarades en termes de fonctionnalités, tandis qu’Izotope RX peine depuis quelques versions à se réinventer, Robin Lobel semble vouloir battre le fer pendant qu’il est chaud en proposant une version 11 qu’on n’attendait pas si tôt, mais qui n’a rien pourtant d’une demie mise à jour, comme on s’en rend compte dès le lancement du logiciel…
Ces petites choses qui changent tout
Outre une nouvel écran d’accueil sur la version autonome du logiciel, lequel vous invite à ouvrir un projet existant ou à importer un ou plusieurs nouveaux fichiers (n’y manquent qu’un raccourci vers des tutos, les espaces communautaires et la doc pour qu’on se retrouve face au hub déployé par Steinberg sur ses autres logiciels), on note d’abord la possibilité intéressante de compacter les panneaux de droite sous forme d’icône pour disposer de la plus grande taille possible au niveau de la visualisation principale : une délicate attention quand il s’agit de travailler sur le petit écran d’un ordinateur portable ou sur l’espace encore plus restreint de la version ARA qui s’affiche dans une application hôte.
Dans le genre petite fonction qui change la vie en termes de productivité, la gestion du bouclage d’une partie du fichier est aussi grandement appréciée pour ne pas avoir à jongler avec les fonctions de lecture à l’heure du paramétrage d’un module…
Dans la partie droite de l’interface, les choses ont aussi pas mal évolué. On notera d’abord quelques améliorations du Display Panel qui permet désormais d’afficher toute ou partie des infos qui vous semblent intéressantes, ainsi que du Channel Panel ou de petites lettres en amont des commandes Solo / Mute vous aident à retrouver vos petits plus facilement entre les différents canaux. L’History Panel propose quant à lui de pouvoir renommer une étape de la production : une très bonne idée qui permet de clarifier sa session en cas de multiples traitements : quand vous faites à la suite une dizaine de Denoise, il est ainsi possible de préciser ce sur quoi ils portent. Seul bémol à ce sujet : comme nombre de logiciels et contrairement à ce qu’on voit dans Reaper ou le monde de la 3D par exemple, l’historique n’est pas sauvegardé avec le projet…
Le Layers Pannel a lui aussi beaucoup plus à offrir que par le passé, avec la possibilité de passer d’une vue compacte à une vue détaillée d’un simple clic, mais surtout avec la gestion des sélections multiples via Command/Control + Clic ou Shift + Clic. Voilà qui promet un fameux gain de temps, qu’il s’agisse d’exporter les layers dans votre STAN par cliquer/glisser, ou encore de fusionner, dupliquer, effacer, grouper ou déplacer plusieurs calques en une opération… Mais la grosse nouveauté de la colonne vient surtout de l’ajout d’un nouveau panneau Modules.
S’inspirant de l’ergonomie de RX, Spectralayers propose désormais dans ce dernier la liste des modules disponibles pour le traitement, évidemment filtrable par type. De la sorte, on se retrouve avec une interface cohérente qui évite d’aller se perdre inutilement dans les menus, avec à gauche la barre d’outils génériques utilisés pour la sélection, la navigation, le zoom et l’interaction directe avec le spectrogramme, et à droite, en plus des différents Layers, Channel et History, tous les modules dédiés aux traitements particuliers : le démixage évidemment, mais aussi tout ce qui concerne la restauration. Et c’est d’ailleurs dans cette liste de traitements qu’on repère une foule de nouveautés dont une en particulier, en queue de liste, s’avère particulièrement intéressante…
Le gros lot
Dernier module de la liste, Chaîne de module est un conteneur qui permet lui-même d’intégrer plusieurs modules pour enchainer les tâches. Dans la mesure où tous les modules du logiciel sont accessibles alors, y compris les plug-ins VST3 de tierce partie, vous comprendrez qu’il s’agit là d’un moyen de gagner un temps précieux au quotidien : on peut ainsi enchaîner un démixage par exemple, plus un denoising avant d’appliquer une égalisation puis une compression, sachant que chaque chaîne de traitement est évidemment sauvegardable comme un preset…
Là où ça devient plus intéressant encore, c’est qu’on dispose dans le menu Fichier d’une nouvelle entrée Traitement par lot. Un clic dessus et vous voici face à une fenêtre permettant d’ajouter quantité de fichiers que vous pourrez ensuite soumettre à une chaîne de modules. Dans le domaine de la restauration comme de l’édition où les tâches ultra-répétitives ne manquent pas, disposer d’une telle pelleteuse est sans conteste un moyen de gagner des heures de travail… Inutile de dire donc qu’on est face là à un ajout majeur qui pourrait, à lui seul, motiver la mise à jour pour certains… Sauf que Spectralayers 11 a beaucoup plus à offrir encore, comme on le constate du côté de la grande spécialité du logiciel : le démixage…
Je STEM (comme un fou, comme un soldat)
Alors que la plupart des concurrents de Spectralayers se limitent encore à un démixage de base isolant la voix, la basse et les percussions du reste du morceau, alors que Spectralayers 10 allait déjà bien plus loin que tout ça en pouvant démixer la batterie, reconnaître les pianos ou guitares, cette version 11 confirme encore un peu plus l’avance du logiciel sur ce terrain avec la possibilité de reconnaître les cuivres et les saxophones (le plus cuivré des bois). Et ça marche plutôt bien si l’on en juge par cet exemple sur lequel je n’ai fait aucune correction :
- Why Did You Do It – SOURCE01:36
- Why Did You Do It_voix01:36
- Why Did You Do It_percussions01:36
- Why Did You Do It_guitares01:36
- Why Did You Do It_Basse01:36
- Why Did You Do It_Saxetcuivres01:36
Ou cet autre :
- Bécane – original00:47
- Bécane – voix00:47
- Bécane – percussions00:47
- Bécane – piano00:47
- Bécane – guitare00:47
- Bécane – bass00:47
- Bécane – Autre00:47
Ce n’est pas parfait évidemment, d’autant qu’il est souvent dur de faire la part dans les timbres médiums entre la guitare, le piano, ou tous les sons halo un peu ventre-mou qui peuvent tapisser un arrangement (nappes de cordes ou de synthés) mais ça demeure le plus souvent une très bonne bas qu’on peut affiner à la main…
Le démixage de la batterie se développe aussi, Spectralayers étant désormais capable de distinguer le hi-hat des cymbales en plus de la grosse caisse et de la caisse claire… Mais l’avancée la plus sympathique demeure la possibilité de démixer un ensemble vocal composé d’une voix lead et d’un choeur. Voyez ce que ça donne :
- Bécane – voix00:47
- Bécane – Voix principale00:47
- Bécane – Voix d’Accompagnement00:47
Comme pendant de ce module, on dispose aussi enfin de la possibilité de démixer un bruit de foule, intéressante dans une perspective de restauration pour, par exemple, nettoyer une captation live où le public serait un peu trop présent.
Alors bien sûr, toutes ces possibilités seront plus ou moins efficaces en fonction de la complexité du mix de base. Sur un arrangement extrêmement touffu comme celui du Seeds of Love de Tears for Fears par exemple, on sent que l’IA peine souvent à retrouver ses petits : les guitares se confondent avec les pianos, les cordes avec les cuivres, etc. En regard de cela, deux choses sont toutefois à souligner : la première, c’est que l’enjeu du démixage ne sera pas forcément toujours d’isoler une STEM qu’on voudrait hyper propre, mais plutôt de rééquilibrer la balance du mix…Ensuite, il faut bien comprendre que le démixage proposé en première intention par l’IA mérite qu’on l’affine ensuite à la main, en passant d’un calque à l’autre pour voir ce qui n’a pas à y être et le réaffecter au bon calque. Or, sur ce point, cette nouvelle version nous propose via l’outil Transfer Brush de gagner sacrément du temps en permettant de déplacer du matériau audio d’un calque à l’autre d’un simple clic…
Clean your M/S
« Ah, une dernière chose… » comme aurait dit Stéphane Travail lors des fameuses Clénotes… Tout comme Izotope RX, Spectralayers s’avère désormais capable de démixer le signal en Mid/Side, ce qui ouvre encore plus de possibilités pour travailler… De la sorte, les onze STEMS qu’est susceptible de générer le logiciel (voix lead, choeur, grosse caisse, caisse claire, charley, cymbale, basse, guitare, piano, cuivres et le reste) sont encore démixables en M/S… comme en composants (transitoires, contenu tonal et bruit) !
Bref, les possibilités donnent le vertige, permettant d’adresser des problèmes de manière ultra précise, comme de bosser extrêmement finement sur certains aspects d’un mix : via le M/S par exemple, on peut ainsi faire reculer un instrument dans le mix comme prononcer sa largeur… Et évidemment, cela s’avère aussi intéressant pour la restauration de contenus non musicaux sur lequel le logiciel progresse également.
Mais aussi…
Outre des améliorations des algos de séparation des voix dans les dialogues (et de la possibilité de sauvegarder des profils de voix) comme du suppresseur de bruit (disposant désormais d’un mode Strong), on accueille avec plaisir le nouveau module Voice DeClip qui, comme son nom l’indique, entend redonner un gain normal à une voix qui aurait saturé le micro ou le préamp au moment de l’enregistrement. Le module permet indubitablement d’obtenir de meilleurs résultat que le déclippeur de base qui bouffait trop les aigus sur les voix. Apportant une amélioration sensible, le résultat demeure toutefois perfectible, sachant que RX ne s’en sort pas beaucoup mieux…
- Clipping Example – unprocessed00:08
- Clipping Example – processed00:08
- Clipping Example – RX processed00:08
Mais la restauration progresse aussi du côté des évolutions fonctionnelles du logiciel puisque Spectralayers 11 a grandement amélioré sa gestion des fondus mais s’ouvre désormais aussi à l’automation avec des enveloppes de volume applicables aux calques comme aux canaux…
Du côté des utilitaires plus créatifs, on notera l’apparition du nouveau module Signal Generator qui rassemble les anciens générateurs de silence, de son et de bruit et leur adjoint un générateur de transitoires. De la sorte on dispose de quoi réaliser une base pour le sound design, sachant que cette version 11 nous gratifie également d’un nouveau module Reverse. Pendant de ce générateur, un nouvel outil Transient Pencil permet de tracer des transitoires à même le spectrogramme, de quoi redonner de l’attaque à un signal qui en aurait perdu au gré d’un démixage par exemple.