Philosophie sur le zinc !
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Anonyme
Philosophie sur le zinc !
Patron, vous m’en remettez-une, siouplaît…
Tu kiffes cogiter sur des questions dont la plupart des gens se foutent, sache que tu n’es pas seul au monde…
Tu mates sur ARTE les émissions de Raphaël Enthoven… tu es abonné à Sciences humaines, Philosophie magazine, ou Esprit, voire les trois,
T’aimes les sciences humaines : la sociologie, la psychologie - voire la psychologie sociale,la philosophie des sciences, l’art, la comparaison des systèmes culturels, la spiritualité,
Ma philosophie d'Amel Bent est le morceau qui arrive en premier sur ta playlist,
Tu passes ton bac,
Que tu sois camusien ou sartien,
Prends une chaise et un verre ….
[ Dernière édition du message le 16/11/2013 à 12:54:42 ]
oryjen
Mais il n'y a rien d'innocent à cela. Il ne s'agit pas (seulement) d'une erreur: De même qu'ils agissent au sein (ou aux marges) de la science, les idéologues polluent la philosophie.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
quantat
Citation de : oryjen
Ce qui m'a paru intéressant, ce n'est pas que la neurologie prenne du plomb dans l'aile, parce que premièrement ce n'est pas le cas, et deuxièmement la neurologie a des choses intéressantes à nous apprendre sur nos comportements. C'est le coup de frein à l'instrumentalisation idéologique de la neurologie auquel nous assistions depuis les années 90.
Voilà quelque chose d'excellent. Tout le monde y gagnerait, à commencer par les chercheurs eux-mêmes, dont les efforts sont en permanence pollués par des enjeux qui n'ont rien à voir avec la science, si ce scénario pouvait s'étendre à l'ensemble du domaine scientifique.
Kuhn explique très bien pourquoi le risque de dérive existera toujours : l'appartenance à un paradigme conditionne l'intrusion de facteurs extra scientifiques dans la recherche.
Cela dit, les neurologues (en tous cas ceux que je fréquente) sont généralement des gens très sensés et ne sont pas dupes des illusions des idéologues...
En particulier quand Bitbol dit :
Citation :
Maintenant, vous pourriez aussi avoir le cas de causalité bidirectionnelle, c'est à dire que le cerveau cause la conscience et la conscience cause le cerveau : l
Cette idée est admise par les neurologues en général (grace aux analyses comparées des données obtenues par IRM). Ils évoquent la rétroaction des activités cognitives et affectives sur le cerveau.
Jean Pierre Changeux, qui adopte une position reductionniste (le cerveau est la "seule"cause de la conscience) est de moins en moins entendu de ses pères (ce qui, au demeurant, n'enlève rien à ses qualités de neurobiologiste, mais laisse un doute sur ses compétences philosophiques)
[ Dernière édition du message le 20/03/2014 à 12:26:36 ]
oryjen
Passionnant.
Outre des infos scientifiques de première main (ce type a découvert des tas de choses!), voici enfin une pensée philosophique qui, pour utiliser l'appui de la science, ne s'abreuve pas à la plus inepte vulgarisation comme le font la plupart des "penseurs professionnels", mais use de la même rigueur expérimentale et déductive que lorsqu'il conduit ses recherches en éthologie.
Il ose, avec un aplomb et une force de conviction impressionnants, des parallèles, images et raccourcis qui laissent souvent songeur.
Le livre, paru en France en 1985, s'intitule L'Homme en Péril.
En voici un extrait emblématique:
"L'absence de programmation de l'évolution culturelle".
Les civilisations se développent, exactement comme les autres systèmes vivants, à leurs risques et périls et sans programme préexistant. Beaucoup d'entre nous ont quelque difficulté à reconnaître que l'évolution des civilisations humaines "vers un niveau supérieur" n'est en aucune façon déterminée par les jugements de valeur, l'intelligence et la bonne volonté de l'homme.
Nous sommes loin de connaître encore tous les facteurs qui agissent sur notre évolution culturelle. Il faut espérer que les jugements de valeur jouent parmi eux un rôle de plus en plus important. Mais, en l'état actuel des choses sur notre planète, il semble bien que, même dans le domaine de l'évolution culturelle, c'est le jeu de tous les facteurs, sans orientation particulière et exclusivement déterminé par la nature fondamentale du vivant, qui nous pousse dans la direction que nous suivons. C'est la diversité des pressions de sélection, la multiplicité des exigences, qui pousse le grand devenir organique vers les niveaux supérieurs. D'après Hanz Freyer, on observait un brusque épanouissement de hautes civilisations aux points de rencontre de cultures différentes, par exemple d'une culture agraire et d'une culture nomade. Il faut se désillusionner et admettre que ce ne sont pas les idéaux ni les jugements de valeur des meilleurs d'entre nous qui déterminent l'orientation évolutionnelle de notre civilisation. Cette orientation semble bien plutôt commandée par les éternels facteurs qui étaient déjà à l'oeuvre dans la détermination de l'évolution phylogénétique de nos ancêtres pré-humains.
Nous avons montré dans la section précédente qu'un processus créatif n'était manifestement possible qu'à partir du moment où un grand nombre d'éléments intervenaient dans le jeu de tous les facteurs. C'était aussi vrai jadis dans l'évolution des civilisations, ainsi que l'a montré Freyer. Mais aujourd'hui, c'est une seule et unique culture qui donne le ton: Tous les peuples hautement civilisés de la terre luttent avec les mêmes armes, emploient les mêmes technologies et -ce qui est sans doute déterminant- commercent sur le même marché mondial, essayant de se dépasser les uns les autres avec les mêmes moyens.
En un mot: En ce qui concerne les perspectives actuelles de développement de notre culture, les conditions sont à peu près celles qui se présentent pour l'évolution d'une espèce animale lorsque la sélection intraspécifique fait son ouvrage. Ce sont des perspectives extrêmement sombres."
Qu'est devenue cette tendance à l'homogénéisation (= appauvrissement selon l'exposé de Lorenz) depuis la parution de cet essai?
En 1987, à l'issue de mes études supérieures, et ressentant le besoin urgent de sortir de ce milieu étriqué, j'ai fait un voyage à pieds vers l'Ouest, dans le but vague d'aller admirer certaine sculpture en bois du 15e siècle dans une basilique d'Auvergne, dont des photos m'avaient fortement impressionné.
Chemin faisant, je me suis perdu plusieurs fois dans des forêts et deux fois, alors que je frappais à une porte pour demander ma route, il m'a été répondu de l'intérieur dans une langue que je ne comprenais pas.
Si l'une de ces deux personnes, la quarantaine, était parfaitement bilingue, l'autre, plus âgée, ne parlait pas le français.
Je sais que ceci est à présent terminé.
La normalisation culturelle n'a depuis lors cessé de progresser, s'inventant de nouveaux supports et de nouveaux moyens massifs de propagation.
Peu ou prou, nous sommes tous devenus des américains.
La grande et riche période humaine de fertilisation interculturelle est bel et bien terminée.
S'il était encore là, Konrad Lorenz n'aurait aujourd'hui aucun mal à interpréter divers évènements tragiques dont l'actualité est coutumière, comme le signe que la "sélection intraspécifique" dont il parlait a commencé à faire rage.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 25/08/2014 à 15:50:26 ]
Anonyme
Lorenz ne m'avait pas du tout convaincu sur une conclusion très hasardeuse à un de ses bouquins sur la violence chez les animaux (tu dois voir de celui dont je parle). le sujet évoqué ici est intéressant, je ne sais pas si des études sérieuses sot faites dans ce sens. difficile de quantifier un appauvrissement culturel !
oryjen
difficile de quantifier un appauvrissement culturel !
Oui, Disons que Lorenz annonce la couleur: tout son développement repose sur l'idée de "jugement de valeur". Sans ce repère, tout devient assez fumeux... Il définit cette idée dans une autre partie du bouquin.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
Anonyme
Lorenz ferait presque ici du Darwinisme appliqué à la culture.
Au sens de l'évolution des espèces, pour qu'il y ait spéciation (création d'une nouvelle espèce : disparition d'interfécondité), il faut plusieurs facteurs :
1. Une variabilité génétique au sein d'une population suffisamment grande.
2. Un "évènement" aboutissant à l'isolement (mécanique, climatique, éthologique, génétique) d'échantillons d'individus de cette population (climat, tectonique, migration, "essaimage", insularité, etc.).
3. Des conditions du milieu qui différent pour les populations ainsi isolées.
Ces sous-populations issues d'une population "mère", et soumises à des conditions du milieu qui différent, peuvent, via le jeu de la dérive génétique (mutation + brassage génétique) et de la sélection naturelle, ne plus pouvoir se reproduire entre elles et ainsi constituer des espèces distinctes.
Appliqué à la Culture, Lorenz dénoncerait ici l'homogénéisation de la variabilité culturelle du au fait que le monde soit "petit" pour homo sapiens... que l'isolement culturel n'existe plus.
Le brassage est trop important au sein de la population mère pour permettre l'isolement culturel d'un échantillon de la population.
La spéciation culturelle n'est plus possible.
[ Dernière édition du message le 26/08/2014 à 12:14:40 ]
Anonyme
pas mal du tout ! ceci dit le cloisonnement culturel entre générations et classes sociales ne doit pas être sousestimé. ce n'est pas parce que les moyens de communication se développent que les gens savent communiquer entre eux : leurs références restent différentes. par contre, je veux bien croire que les barrières entre Etats ne distinguent plus bcp les populations.
quantat
Citation de sobotonoj :
je veux bien croire que les barrières entre Etats ne distinguent plus bcp les populations.
Non, mais les barrières linguistiques sont encore loin de s'effondrer
oryjen
C'est-à-dire que les langues deviennent de plus en plus perméables à l'anglais vulgaire techno-économique.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
Anonyme
Il suffit de regarder ce qui existait il y a juste un siècle ou deux... les patois régionaux étaient la norme.
Aujourd'hui tous les bretons parlent français, et tous ne parlent pas bretons.
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