Une banque de batterie tenant sur à peine 1 Go, une ergonomie graphique simplissime et élégante, des extensions dédiées à différents styles de drumming, voilà le tour de force que propose le nouveau VSTi lancé par Toontrack : EZDrummer. Enigme ou prouesse technologique ?
Après avoir étourdi la planète plug des batteurs avec son légendaire Drumkit From Hell, Toontrack a lancé l’année dernière un nouveau grooveur virtuel, baptisé EZDrummer, et dédié comme son nom l’indique, à tous les musiciens désireux de ne pas trop se palper le neurone pour réaliser de bons drumtrax.
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Devant le succès de cette première mouture, l’éditeur n’a cessé de proposer des extensions conséquentes, sous forme de modules vendus séparément, et le petit utilitaire léger et passe-partout qui, au départ, n’était censé être qu’une version light de DFH, est en passe de devenir, avec la version 1.1 aujourd’hui disponible, une référence incontournable dans le domaine du déclenchement et de la séquence MIDI.
Really EZ!
Dès l’ouverture du plug (attention, pas de version standalone), et après une installation sans problème (il faut tout de même aller chercher une clé d’autorisation sur le site de Toontrack), on est vraiment en mesure de dire que EZDrummer n’a pas usurpé son nom.
Grâce à une interface graphique magnifiquement réalisée représentant le kit de batterie, on peut écouter les différents instruments proposés en cliquant sur leur dessin. Ainsi, en quelques secondes, on a déjà fait le tour des principales sonorités disponibles.
Bien entendu, on peut aussi déclencher les échantillons à partir de n’importe quel contrôleur MIDI (clavier, pad ou kit électronique), et l’on s’aperçoit alors immédiatement de la très faible latence et de l’excellente réponse aux échelles dynamiques, qui donnent au soft une réelle souplesse de jeu. On pourra ainsi, sans aucun problème, programmer des grooves en temps réel, d’autant que l’on dispose en plus d’astuces pratiques pour ce travail. Ainsi, 2 touches sont assignées à la plupart des fûts, pour la réalisation de roulements avec un clavier, et certaines touches dédiées au mute des cymbales.
Pour ceux qui préfèrent la séquence, pas de problème ! Non seulement EZDrummer est livré avec une tripotée de patterns MIDI programmés avec soin, mais de plus, étant compatible GM pour la plupart des instruments de base, il pourra jouer sans édition pratiquement tous les patterns disponibles à ce format.
Grâce à un browser clairement structuré, tous les grooves installés peuvent être directement entendus à partir de l’interface, au tempo du séquenceur hôte. La nouvelle version 1.1 propose en plus de les entendre à la moitié ou à 2 fois la vitesse du tempo de référence. Une fonction Humanize permet de faire varier de façon aléatoire le déclenchement des samples, ce qui apporte une certaine fluctuation aux débits rapides, évitant le fastidieux effet mitraillette. Cependant, si c’est justement celui-là que l’on recherche, on peut toujours désactiver cette fonction…
Enfin, si un pattern est retenu, il peut en toute simplicité l’intégrer dans n’importe quel séquenceur par simple drag’n’drop du browser vers une piste MIDI : tranquille !
Kit sur mesure
A l’ouverture d’un kit, celui-ci charge une version par défaut. Mais il est possible de modifier plus ou moins en profondeur cette config de base. Sur chaque instrument représenté dans le dessin du kit, on trouve en effet un petit onglet qui permet d’accéder à un menu déroulant proposant soit un changement global de tous les fûts (pour passer par exemple des baguettes aux balais, ou d’un accordage aigu à un accordage détendu…) soit une modification affectant uniquement l’instrument sur l’onglet duquel on a cliqué.
C’est ainsi qu’en cliquant par exemple sur l’onglet de la grosse caisse, on peut choisir parmi les différentes grosses caisses samplées, ou les différents modes de jeu (accordage, type de batte….). Cette fonction permet donc de personnaliser son kit facilement et en détail.
Les kits pèsent entre 250 et 300 Mo en moyenne, et comme le moteur audio de EZDrummer ne fait pas de streaming, il faut à chaque changement de kit un certain temps pour tout mettre en mémoire, et une certaine quantité de mémoire si on veut faire tourner plusieurs instances du plug en même temps. Heureusement, dans le menu déroulant qui permet de changer de son pour chaque instrument, une option « aucun » est prévue. Ainsi, on peut facilement dégraisser la RAM en ne conservant que ce dont on a besoin, et ouvrir ensuite plusieurs kits sans trop de difficulté, même avec seulement 1 Go : pratique !
Dommage cependant que l’on ne puisse pas sauvegarder les kits ainsi réarrangés pour une utilisation ultérieure dans d’autres projets, pour lesquels il faudra à chaque fois non seulement attendre le chargement complet, mais aussi recommencer l’opération instrument par instrument.
In the mix !
Rien n’est plus facile que de faire les niveaux d’un groove grâce à la table de mixage fournie par le soft. Elle aussi d’un graphisme élégant qui représente un mixer classique, elle offre en effet une interface très simple : des faders de niveau pour chaque fût (sauf pour la snare qui, étant reprise avec 2 micros, top et bottom, en possède 2), le charlé, la piste d’ambiance stéréo et la piste d’overhead, également stéréo.
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On trouve également pour chaque piste les contrôles de panoramique, ainsi que le mute et le solo. Le moteur audio permettant de travailler en sortie multiple, un menu déroulant permet d’assigner chaque piste à l’une des 8 sorties audio disponibles, ce qui s’avèrera pratique pour ceux qui veulent appliquer des effets aux instruments individuels, le soft n’en proposant aucun, si ce n’est la piste d’ambiance.
Celle-ci s’avère d’ailleurs très efficace pour diluer plus ou moins les pistes des micros de proximité, grâce à une vraie ambiance de Room, qui donne au mix beaucoup plus de réalisme et moins de froideur qu’une révèrbe classique.
Notons aussi une fonction de groupage des faders permet de lier plusieurs pistes pour pouvoir agir sur simultanément sur leur volume respectif, ce qui autorise un travail d’automation plus pratique. Tous les réglages effectués sur la console peuvent, depuis la version 1.1, être mémorisés sous forme de presets qui viennent s’ajouter à ceux déjà proposés par l’éditeur.
Faites sauter les banques
Comme nous l’avons dit, Toontrack a développé depuis le lancement du soft des extensions capables d’étendre les domaines de productions du plug de base.
Loin d’être de simples sons supplémentaires, celles-ci semblent en fait offrir pratiquement un nouveau plug. Elles disposent en effet d’un design entièrement différent correspondant au kit proposé, de nouvelles séquences MIDI adaptées au style décliné, et d’une table de mixage elle aussi customisée en fonction des instruments à mixer, mais également en fonction de certains paramètres de sound design, comme nous le verrons au cas par cas.
Ces extensions, qui coûtent entre 79 et 89€, sont pour l’instant au nombre de 6 : Vintage rock, Latin Percussions et DFH,Claustrophobic, Twisted Kit, Nashville. On dispose donc de 7 kits au maximum si l’on compte la banque Pop/Rock de base, et même de 8 si l’on ajoute la petite banque Coktail fournie elle-aussi avec le soft de base.
Commençons donc le tour du propriétaire par les plus anciennes extensions pour revenir ensuite sur les dernières banques sorties, nettement plus typées et originales.
Pop Rock
C’est le kit de base qui est livré avec EZDrummer, et donc celui à qui le soft doit en grande partie (la maison offre aussi un petit kit Cocktail Drum de 70 Mo comme exemple d’extension) son succès. Samplé à partir d’un kit de l’excellent fabricant américain GMS, cette banque est effectivement tout ce qu’il y a de plus convaincant. A la fois très breathy et très dynamique, elle permet de réaliser des séquences réalistes avec un minimum d’effort de prog. Le pied sonne mortel, et on apprécie aussi particulièrement une caisse claire Slingerland spéciale gros son bien profond, que tous Popodontes furieux ne manqueront d’apprécier.
Côté cymbale, quelques crashes HHX Sabian et deux rides – une Sabian Vintage 21’’ et une Sabian Dry 22’’, qui ressemble comme 2 gouttes d’eau à la Vault du cymbalier- viennent couronner ce set ultra classique, mais néanmoins très réussi, et vers lequel les habitués du plug, dont je fais partie, ne cesseront de revenir, tant sa polyvalence lui permet de s’inviter avec élégance dans la plupart des projets. Un très bon atout, et une bonne nouvelle pour les budgets soucieux d’éviter les extensions.
Vintage Rock
Honneur à Ludwig pour cette banque samplée à partir d’un authentique kit Keystone des années 60. Avec une grosse caisse de 24, et quelques caisses claires de légende comme la Black Beauty, la Supraphonic, ou une Slingerland RadioKing des années 40, on nage ici en plein bonheur old school, avec les infra basses tranquilles et les toms à la limite de la timbale classique recouverte d’un drap. On note d’ailleurs au passage une version balais très originale, avec une attaque excellente et un sustain moelleux.
Ajoutons à cela une bonne pincée de Zildjian A et K, plus quelques Paiste Signature, et l’on se croirait presque à Abbey Road, 40 ans en arrière. Un bain de sénescence, quoi… Cependant, bien qu’il ne manquera pas de convaincre les amoureux de John Bonham, le kit aura plus de difficulté à s’insérer dans divers projets, tant sa sonorité est spécifique. Un must pour les collectionneurs, donc…
Latin Percussion
Comme son nom l’indique, voici un EZX dédié aux congas, bongos, timbales, cabassa, claves et autres maracas typiques de la musique afro-cubaine et de la samba. Samplée presque exclusivement à partir de percussions Meinl, la banque sonne très bien, avec une dynamique correcte et une piste « Room » qui ajoute au mix une couleur intéressante, et assez originale pour ce type d’instrument.
On regrette toutefois un peu le manque de nuances de jeu, qui fait particulièrement défaut pour les congas et les bongos. Ce sera donc plutôt une extension passe partout, offrant une large palette de couleurs, mais un peu légère toutefois pour des programmations très stylisées.
DFH
Cette extension reprend de manière light la fameuse banque de Drumkit From Hell, vigoureux architecte de la renommée de Toontrack. Enregistrée à partir d’un kit Sonor Designer et d’une collection de caisses claires Ayotte, Ludwig, Pearl, et Thomas Haake, cette banque restitue toute la patate qui avait fait de DFH le module favori des producteur de Heavy Metal.
Avec une ambiance Room très brillante et une projection incroyable pour du sampling (faut voir les tom de folie !), et de plus accompagnée de cymbales Sabian gros cube à foison (ride Sabian 23’’, crash 22’’, China 21’’…), elle conviendra parfaitement pour toutes les drumtrax devant couper dans le vif des Marshalls et des Ampegs. Bref, incontournable pour les énervés…
Et pour quelques dollars de plus…
Sorties plus récemment, 3 nouvelles banques viennent encore grossir la polyvalence d’EZdrummer, deux d’entre elles jouant même la carte de l’originalité.
Nashville
Sortez le Stetson, les Santiags, la sèche et les polis autour et yeeepeee !!! Voici en effet un kit spécial redneck (non, j’plaisenteuu…) dédié à tous les fans de Johnny Cash, Steve Earl, Etta James, Faith Hill, Patty Loveless et consorts. C’est d’ailleurs avec tous ces artistes que s’est bâtie la carrière de Harry Stinson, le batteur avec lequel Toontrack a réalisé cette extension.
A travers plus de 10 000 samples embaumant les foins fraîchement coupés, et des grooves MIDI habilement concoctés par le gars Stinson qui a plus d’un rodéo sous son siège, on est plongé dans les ambiances chaleureuses et feutrées du bluegrass, avec un kit qui est ici joué aussi aux balais et aux doigts, pour encore plus de nuances dans le toucher.
Du 100% acoustique donc, grâce à une production menée de main de maître par l’ingé son Chuck Ainlay (Dire Straits, Sheryl Crow…) sur les lieux mêmes du crime, The Sound Kitchen, le célèbre studio nashvillien. Tout en résonances boisées, pouvant cependant être confortablement boosté grâce à une piste supplémentaire de la console baptisée « compressed room », ce kit s’avère en définitive assez polyvalent, et pratique à programmer. Un bon complément au kit pop-rock de base, sans trop se spécialiser pour autant.
Twisted Kit
Réalisée en collaboration avec le batteur Michael Blair, cette extension est certainement la plus originale de la série. Connu pour ses grooves colorés qui ont propulsé des albums légendaires comme « Rain Dogs » de Tom Waits, « Spike » de Costello ou « Magic and Loss » de Lou Reed, ce batteur travaille essentiellement à partir d’objets ou d’instruments détournés qu’il incorpore à son set selon une logique totalement inédite.
On retrouve ainsi 2 cadres de rototom sans peau en guise de charlé (tiens, d’ailleurs, le petit père Bozzio, il a récupéré la combine !) à côté d’une bassine de cuisine comme tom basse, d’un billot de boucher comme caisse claire, ou d’une vieille plaque de tôle rouillée comme cymbale… En voilà au moins un qui ne se ruine pas en matos : un petit tour de temps en en temps à la décharge publique d’à côté, et ploum-triiik-tchack, un tube international ! Pratique, finalement.
Enfin voilà, faut aussi savoir faire groover toute cette Fellini family percussive, et c’est pas du gâteau, comme on peut le voir en décortiquant un peu les patterns MIDI généreusement fournis avec le EZX. Cela dit, on trouve aussi dans l’affaire quelques lettres de noblesse, avec une magnifique grosse caisse Gretsch, une snare Pearl, des Tack Drums chinois, et toute une collection de percussions. Mais quoiqu’il arrive, tout ce beau monde est soigneusement trituré et mélangé dans tous les sens… Bref, un must pour tous les Frankenstein du tempo.
Claustrophobic
C’est la toute dernière extension proposée par Toontrack. Bien que samplée essentiellement à partir de fûts acoustiques (un kit Premier Gen-X, plusieurs caisses claires Tama, Yamaha et Pearl…), elle est spécialement dédiée aux productions hip-hop et RnB. Les sonorités sont en effet plutôt acides et acérées, grâce notamment à l’utilisation de snares (8’’, 12’’, 13’’) et de charlés (10’’, 12’’, 13’’) de petit diamètre.
Mais on dispose aussi de plusieurs pieds très ronds, d’une cymbale Ride de 20’’ K Zildjian aux tonalités sombres, et de quelques chinoises Paiste et Istanbul très amples, avec un wash élégant. C’est donc un mélange riche que nous fournit ce kit, également accompagné de percus électroniques et acoustiques, parmi lesquelles des cabassas, des claps, des tambourins et autres shakers…
Notons que la table de mixage comporte ici 4 pistes stéréo inédites, que l’on peut assimiler à des effets, puisque grâce à chacune on peut ouvrir une réverbe, un chorus, une distorsion, ou agir sur l’attaque des instruments. On peut ainsi travailler avec précision sur le sound design du mix général en le transformant radicalement sans trop se prendre la tête (NDRC : sans doute aussi une réponse du berger Toontrack à la bergère XLN Audio dont l’Addictive Drums récemment sorti sur le marché propose justement une section d’effets intégrée)
C’est quoi le truc ?
Ce dernier kit DFH ne manque pas de soulever tout de même une petite question embarrassante : comment se fait-il qu’en seulement 300 Mo, on arrive à peu près au même résultat qu’avec des mastodontes comme DFH qui n’hésitent pas à vous débarquer 30 Go sur les babines du HD. Bon évidemment, la comparaison est un peu fallacieuse, puisqu’on a ici qu’un seul kit, etc, etc. Mais tout de même, c’est un peu bizarre, et il faut chatouiller EZ d’un peu plus près pour voir sur quel budget il peut bien faire des économies…
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Eh bien avec un peu de logique, on a tout de suite une piste. Quels sont les instruments qui grignotent le plus de mémoire ? Réponse : les cymbales (Ah ! y en a qui suivent, quand même !), parce que ce sont elles qui ont le plus de sustain. Ainsi, en tapotant un clavier assez sensible, on s’aperçoit rapidement que le multi-échantillonnage, qui est très correct sur les fûts, offrant une grande souplesse de prog, s’avère beaucoup plus lège sur les rides et les crashes, certaines d’entre elles ne répondant d’ailleurs pratiquement pas aux variations de vélocité…
Ce qui est plus étonnant, c’est que l’on retrouve aussi le même phénomène sur certains charlés fermés ! Enfin bon, pas de panique, on peut toujours se débrouiller correctement, d’autant que sur la plupart des kits, on a tout de même au moins une cymbale de chaque type qui offre 4 ou 5 niveaux d’échantillonnage pour une prog satisfaisante.
Conclusion
D’une grande simplicité d’utilisation, EZDrummer mérite bien son nom. Et lorsque l’on découvre en plus que cette ergonomie enfantine s’accompagne d’une qualité de son exceptionnelle et d’une souplesse dynamique permettant de réaliser des grooves réalistes dans la plupart des styles de musique, on commence à se poser des questions.
Eh bien non, il n’y a pas de piège, et Toontrack nous propose bien ici un plug de batterie qui pourrait bientôt devenir un standard, autant par sa légèreté (des banques de moins de 1 Go) que par son rapport qualité/prix, même si l’addition de toutes les extensions finit quand même par chiffrer. Mais on n’est pas obligé de les acheter toutes à la fois, non ?